Pénibilité au travail et santé des seniors en Europe - article ; n°1 ; vol.403, pg 19-38
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Economie et statistique - Année 2007 - Volume 403 - Numéro 1 - Pages 19-38
Les conditions de travail ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies dans les pays développés. Cette évolution s'est accompagnée de l'apparition de nouvelles formes d'organisation du travail pouvant être sources de pénibilité et de risques pour la santé. Dans un contexte de vieillissement des populations, ces problèmes sont particulièrement préoccupants, en matière de santé, d'emploi et de financement des retraites. Cette étude s'intéresse aux liens existant entre l'organisation du travail et la santé des seniors à partir de l'enquête Share 2004. Elle se fonde sur deux modèles, celui de Karasek et Theorell (1991) et celui de Siegrist (1996) qui font intervenir trois principales dimensions : la pression ressentie qui reflète la pénibilité physique perçue et la pression due à une forte charge de travail, la latitude décisionnelle qui renvoie à la liberté d'action et aux possibilités de développer de nouvelles compétences, et la récompense reçue qui correspond au sentiment de recevoir un salaire correct relativement aux efforts fournis, d'avoir des perspectives d'avancement ou de progression personnelle et de recevoir une reconnaissance méritée. Ces modèles tiennent également compte de la notion de soutien dans le travail et du sentiment de sécurité de l'emploi. Nos estimations montrent que l'état de santé des seniors en emploi est lié à ces facteurs. Un niveau de pression ressentie peu élevé mais surtout un niveau de récompense reçue important sont associés à un bon état de santé, pour les hommes comme pour les femmes. La latitude décisionnelle n'aurait d'influence que sur l'état de santé des femmes. Les résultats révèlent enfin l'importance sur la santé du manque de soutien au travail et du sentiment d'insécurité vis-à-vis de l'emploi ; quel que soit le sexe, ces deux facteurs sont notamment corrélés au risque de souffrir de dépression.
Working conditions in developed countries have changed considerably in recent decades. This change has gone hand in hand with the development of new forms of labour organisation which can be sources of stress and health risks. Against a background of ageing populations, these problems are particularly worrying, in terms of health, employment and fi nancing retirement. This study focuses on the existing links between labour organisation and the health of older workers using the Share 2004 survey. It is based on two models, the Karasek and Theorell (1991) model, and the Siegrist (1996) model, which highlight three main areas: the pressure a person feels, which refl ects perceived physical stress and pressure arising from major work changes; the scope for decision-making, which relates to freedom of action and the chances to develop new skills; and the reward a person receives, which equates to the feeling of receiving a salary which is proportionate to the effort they make, having prospects for promotion or personal advancement and receiving the recognition he or she deserves. These models also take into account the notion of in-work support and the feeling of job security. Our estimates show that the state of health of older workers is linked to these factors. A low level of perceived pressure and above all a high level of recognition are associated with a good state of health, for men and women alike. Scope for decision-making would only appear to infl uence women’s state of health. Finally, the results reveal the importance for health of the lack of support at work and the feeling of job insecurity; for both sexes, these factors are particularly linked to the risk of depression. Stress at Work and the Health of Older Workers in Europe
Trabajo penoso y salud de los seniors en Europa. Las condiciones de trabajo han evolucionado mucho en las últimas décadas en los países desarrollados. Esta evolución conlleva nuevas formas de organización del trabajo que pueden ser fuentes de penosidad y riesgos para la salud. En un contexto de envejecimiento de la población, estos problemas son especialmente preocupantes en materia de salud, empleo y fi nanciación de las jubilaciones. Este estudio se interesa por las conexiones existentes entre la organización del trabajo y la salud de los seniors a partir de la encuesta Share 2004, basada en dos modelos -el de Karasek y Theorell (1991) y el de Siegrist (1996)-en el que interactúan tres dimensiones principales: la presión experimentada, que refl eja la penosidad física percibida y la presión debida a una considerable carga de trabajo, la libertad de decisión, que se refi ere a la libertad de acción y a la posibilidad de desarrollar nuevas competencias, y la recompensa recibida, que corresponde al sentimiento de recibir un salario justo respecto a los esfuerzos realizados, perspectivas de avance o progreso personal y recibir el reconocimiento merecido. Estos modelos también integran la noción de apoyo en el trabajo y el sentimiento de seguridad del empleo. Nuestras estimaciones muestran que el estado de salud de los seniors en actividad está vinculado a estos factores. Un buen estado de salud se asocia a un nivel de presión poco elevado, pero sobre todo a un nivel de recompensa importante, tanto para hombres como mujeres. La libertad de decisión solo afectaría al estado de salud de las mujeres. Por último, los resultados revelan la infl uencia que la falta de apoyo en el trabajo y el sentimiento de inseguridad respecto al trabajo tienen sobre la salud; ambos factores, independientemente del género, están especialmente relacionados con el riesgo de sufrir depresiones.
Beschwerlichkeit der Arbeit und Gesundheit der älteren Arbeitnehmer in Europa. In den letzten Jahrzehnten haben sich die Arbeitsbedingungen in den Industrieländern sehr verändert. Einher ging diese Entwicklung mit dem Aufkommen neuer Formen der Arbeitsorganisation, die die Arbeit beschwerlicher machen und Gesundheitsrisiken in sich bergen können. Vor dem Hintergrund der Alterung der Gesellschaft sind diese Probleme im Hinblick auf die Gesundheit, die Beschäftigung und die Rentenfi nanzierung besonders besorgniserregend. Diese Studie befasst sich mit den Beziehungen zwischen Arbeitsorganisation und Gesundheit der Senioren auf der Grundlage der Erhebung Share 2004. Sie stützt sich auf zwei Modelle: das Modell von Karasek und Theorell (1991) und das Modell von Siegrist (1996). Diese berücksichtigen drei Hauptdimensionen: den empfundenen Druck, der die körperliche Beschwerlichkeit und den Druck infolge der hohen Arbeitsbelastung widerspiegelt; den Entscheidungsspielraum, der auf die Handlungsfreiheit und die Möglichkeiten der Entwicklung neuer Kompetenzen verweist; sowie die erhaltene Belohnung, die dem Gefühl entspricht, ein im Vergleich zu den erbrachten Anstrengungen angemessenes Gehalt zu beziehen, Chancen zum Aufstieg oder zum persönlichen Fortkommen zu haben und eine verdiente Anerkennung zu bekommen. Berücksichtigt werden bei diesen Modellen auch die Unterstützung bei der Arbeit und das Gefühl der Beschäftigungssicherheit. Unsere Schätzungen zeigen, dass der Gesundheitszustand der erwerbstätigen Senioren von diesen Faktoren abhängt. Ein nur geringer empfundener Druck und vor allem eine hohe Belohnung bedeuten bei den Männern wie auch bei den Frauen einen guten Gesundheitszustand. Der Entscheidungsspielraum würde sich nur auf die Gesundheit der Frauen auswirken. Die Ergebnisse zeigen schließlich, dass eine unzulängliche Unterstützung bei der Arbeit und das mangelnde Gefühl von Beschäftigungssicherheit erhebliche Auswirkungen auf die Gesundheit haben. Unabhängig vom Geschlecht sind diese beiden Faktoren insbesondere für das Risiko einer Depression ausschlaggebend.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

Pénibilité au travail et santé des seniors en Europe Thierry Debrand* et Pascale Lengagne*
SANTÉ
Les conditions de travail ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies dans les pays développés. Cette évolution s’est accompagnée de l’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail pouvant être sources de pénibilité et de risques pour la santé. Dans un contexte de vieillissement des populations, ces problèmes sont particulièrement préoccupants, en matière de santé, d’emploi et de fi nancement des retraites. Cette étude s’intéresse aux liens existant entre l’organisation du travail et la santé des seniors à partir de l’enquête Share 2004. Elle se fonde sur deux modèles, celui de Karasek et Theorell (1991) et celui de Siegrist (1996) qui font intervenir trois principales dimen-sions : la pression ressentie qui refl ète la pénibilité physique perçue et la pression due à une forte charge de travail, la latitude décisionnelle qui renvoie à la liberté d’action et aux possibilités de développer de nouvelles compétences, et la récompense reçue qui correspond au sentiment de recevoir un salaire correct relativement aux efforts fournis, d’avoir des perspectives d’avancement ou de progression personnelle et de recevoir une reconnaissance méritée. Ces modèles tiennent également compte de la notion de soutien dans le travail et du sentiment de sécurité de l’emploi. Nos estimations montrent que l’état de santé des seniors en emploi est lié à ces facteurs. Un niveau de pression ressentie peu élevé mais surtout un niveau de récompense reçue important sont associés à un bon état de santé, pour les hommes comme pour les fem-mes. La latitude décisionnelle n’aurait d’infl uence que sur l’état de santé des femmes. Les résultats révèlent enfi n l’importance sur la santé du manque de soutien au travail et du sentiment d’insécurité vis-à-vis de l’emploi ; quel que soit le sexe, ces deux facteurs sont notamment corrélés au risque de souffrir de dépression.
* Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé (Irdes) Ce travail a fait l’objet de présentations en séminaire à l’IRDES, au colloque ECHE (European Conference on Health Economics) à Budapest en 2006 et lors des 28 ème Journées des Économistes de la Santé Français en 2006. Nous tenons à remercier Magali Coldefy ainsi que trois relecteurs anonymes dont les remarques ont contribué à améliorer cet article
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 403-404, 2007
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E nlndeistpioacnesddeupnreodturcetnitoanineetldoarngnaéniessa,tiloensco du travail ont fortement évolué dans les pays développés. Les travailleurs sont aujourd’hui soumis à de nouvelles exigences dues aux évolutions du marché du travail (maintien d’un taux de chômage élevé, augmentation de la précarité de l’emploi, etc.), des processus productifs et des relations entre les entrepri-ses (augmentation de la contrainte interna-tionale, du recours à la sous-traitance, etc.). Selon Askenazy (2004), cette nouvelle donne se serait traduite par une intensifi cation du travail, de fortes contraintes de rythme, une plus grande polyvalence, etc. Parallèlement à cette transformation du travail, la pénibilité et les problèmes de santé d’origine profession-nelle se seraient accrus dans tous les secteurs d’activité. La pénibilité physique présente une tendance croissante, bien que les emplois du secteur primaire - souvent assimilés à de fortes contraintes de travail - se soient raréfi és. Les pénibilités psychologiques se sont également développées. Le stress au travail serait ainsi responsable d’une part croissante des problè-mes de santé d’origine professionnelle. Cette recherche se place dans le cadre du débat public sur le recul de l’âge de la retraite pour faire face au « vieillissement » des populations, qui pèse fortement sur les systèmes de retraite par réparti-tion. Dans l’objectif énoncé lors du Conseil euro-péen de Stockholm des 23 et 24 mars 2001 (1), les sociétés européennes souhaitent atteindre d’ici 2010 un taux d’emploi de 50 % pour les personnes âgées de 55 à 64 ans. Mais, en 2003, la moyenne européenne du taux d’emploi pour cette tranche d’âge n’était que de 42,3 %. L’état de santé et les conditions de travail sont considérés comme d’importantes variables expli-catives des départs en retraite précoces. Plus par-ticulièrement, les caractéristiques actuelles de l’organisation du travail et les formes de pénibi-lité qui en résultent sont à prendre en considéra-tion, au même titre que d’autres variables d’ordre institutionnel, financier, contextuel ou familial. Des conditions de travail pénibles et préjudicia-bles à la santé sont de nature à réduire la produc-tivité des seniors, à accroître leur absentéisme (Afsa et Givord, 2006) et leurs risques de perte d’emploi, et à les inciter à quitter le marché du travail au plus vite (Blanchet et Debrand, 2006). Préserver la santé des seniors sur leur lieu de tra-vail pour les maintenir le plus longtemps possi-ble en emploi peut être une des clefs de réussite des politiques actuelles de conservation des sys-tèmes de retraites.
Organisation du travail et santé des seniors C etteétudesintéresseauxcaractéristi-ques de l’organisation du travail en tant que déterminants de l’état de santé des seniors (50 ans et plus). L’influence des conditions de travail sur la santé a fait l’objet de multiples travaux en épidémiologie, médecine du tra-vail, sociologie, psychologie, ergonomie, etc. Usuellement, ces travaux distinguent les effets de deux formes de pénibilité du travail : ceux liés à la pénibilité physique et ceux relevant de la pénibilité psychologique. Notre étude se fonde sur deux modèles : le modèle de désé-quilibre entre pression ressentie et latitude décisionnelle (Karasek et Theorell, 1991) et le modèle de déséquilibre entre pression ressen-tie et récompense reçue (Siegrist, 1996). Ces deux modèles apportent un cadre d’analyse des effets de la pénibilité psychologique sur la santé via l’organisation du travail. Ils font intervenir trois principales dimensions : la pression res-sentie qui reflète la pénibilité physique perçue et la pression due à une forte charge de travail, la latitude décisionnelle qui renvoie à la liberté d’action et aux possibilités de développer de nouvelles compétences, et la récompense reçue qui correspond au sentiment de recevoir un salaire correct relativement aux efforts four-nis, d’avoir des perspectives d’avancement ou de progression personnelle, et de recevoir une reconnaissance méritée. Ces modèles prennent également en compte la notion de soutien dans le travail et le sentiment de sécurité de l’emploi. Toutes ces dimensions ont été intégrées dans le questionnaire de l’enquête Share 2004. 1 En économie, l’hétérogénéité des conditions de travail et leur influence sur le bien-être des individus ont surtout été analysées dans le cadre de la théorie des préférences compensatrices. Celle-ci suppose que les conditions dans les-quelles travaille un individu sont issues d’un arbitrage entre conditions de travail et revenus tirés de celui-ci : un individu choisit la nature de son travail à condition d’être rémunéré à hau-teur de ce qu’il fournit en capital, qu’il s’agisse de capital humain, social ou de santé. L’échange apparaît donc équilibré, mais cela suppose qu’il existe une symétrie de l’information et de la décision, c’est-à-dire que les salariés aient le choix de leur emploi et qu’ils soient parfaite-ment informés sur son contenu. 1. http ://www.consilium.europa.eu
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