Revue Défense Nationale N° 847 - Février 2022
140 pages
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Date de parution 01 février 2022
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Extrait

RDN Souveraineté et nouveaux acteurs internationaux
« La démocratie se confond exactement, pour moi, avec la souveraineté nationale. » Charles de Gaulle
Revue Défense NationaleMensuel  Février 2022
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Votre force mutuelle
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Éditorial anvier 2020, des rumeurs commencent à circuler sur un coronavirus agressif dans noJtre pays, nous découvrons avec stupéfaction que nous manquons de masques dont une province de la Chine. Très vite, la rumeur se transforme en une pandémie brutale mettant à l’arrêt la quasi-totalité de la planète. Très vite, rien que dans la quasi-totalité de la production est assurée en Chine, que le paracétamol est fabriqué en Inde et que nous sommes devenus dépendants dans le cadre d’une mondialisation économique poussée à l’extrême. Très vite, les notions d’indépendance et de souverai-neté sont redevenues d’actualité. N’avions-nous pas bradé celles-ci au profit d’un modèle économique d’interdépendance devenue excessive ? Et au-delà des aspects commerciaux ou financiers, un véritable débat s’est engagé. Plus récemment, l’allianceAUKUS– au détriment de la France et de l’Europe – a rappelé que la géopolitique et les rapports entre les Nations étaient des monstres froids, où la brutalité pouvait l’emporter. Paradoxalement, la perception de ces ques-tions n’est pas la même, en particulier en Europe. Certains de nos partenaires se satis-font depuis longtemps de liens de dépendance, voire de subordination, espérant béné-ficier d’une garantie de sécurité. À l’inverse, la France, depuis le général de Gaulle, s’est efforcée de préserver cette autonomie d’appréciation et de choix – bénéficiant des efforts conséquents faits pour la dissuasion nucléaire – en maintenant une défense cré-dible s’appuyant sur une BITD forte, sans pour autant renoncer à construire des coopérations nécessaires et fructueuses à l’échelle européenne. Ainsi, le dossier de ce mois propose quelques approches éclairant cet enjeu majeur et structurant, tant sur le plan politique, qu’économique et militaire. D’autant plus que l’environnement géopolitique actuel s’est durci avec les confrontations entre la Chine et les États-Unis, entre la Russie, l’Otan et l’Union européenne – bien marginali-sée, car loin de comprendre ce que signifie la puissance – ou encore avec l’Iran et l’accès à l’arme atomique. Or, assumer sa souveraineté exige des choix et des efforts inscrits dans la durée, des actions difficiles dans un contexte où les opinions publiques sont versatiles. Il en est de même de l’opérationBarkhaneavec une vision non française qui souligne combien l’engagement de nos forces depuis 2013 a été utile, même si, là aussi, les difficultés sont nombreuses, d’autant plus que la manipulation médiatique est à l’œuvre, en particulier par la Russie, avec le déploiement de groupes paramilitaires dont la priorité n’est pas la reconstruction d’États sûrs et démocratiques. À l’heure où la France entre en campagne pour déterminer son futur politique, il est indispensable de comprendre que nos intérêts et nos choix dépendent également de l’extérieur et que dans un monde de plus en plus incertain, la défense reste une respon-sabilité majeure et non une variable d’ajustement. L’oublier, c’est subir l’histoire, mais aussi accepter la soumission et le renoncement à ce qui constitue la force de notre Nation. C’est le rôle du soldat que d’assumer cette défense, c’est le rôle du politique que de construire cette défense. Jérôme Pellistrandi –Rédacteur en chef e * Nous avons appris la mort du général Claude Le Borgne, dans sa 101 année. Il fut un très brillant contributeur de la RDNet celle-ci lui rendra hommage dans le numéro de mars.
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Sommaire FÉVRIER 2022
Préambule –L’opérationBarkhane: au-delà du contre-terrorisme DENNIS GYLLENSPORRE Dans un contexte politique tendu, l’opérationBarkhanejoue un rôle essentiel et trop méconnu pour la sta-bilisation du Mali. La Minusma coopère de façon étroite et les résultats sont réels pour stabiliser le pays, au prix d’efforts importants de la communauté internationale inscrits dans la durée.
Souveraineté et nouveaux acteurs internationaux
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Défendre notre souveraineté : innover ou périr EMMANUEL CHIVA – JEAN-BAPTISTE COLAS Défendre notre souveraineté est un impératif stratégique vital pour anticiper les conflits de demain. Cela exige une volonté politique et intellectuelle pour être capable de dépasser les cadres classiques d’engagement. La France s’est impliquée dans cette perspective avec l’Agence de l’innovation de défense. Dette publique et souveraineté FRANÇOIS ECALLE La souveraineté concerne aussi la dette publique. Même si l’euro constitue un atout pour la France, l’accrois-sement des dettes publiques dans les pays du sud de l’Europe pourrait les fragiliser et remettre en cause leur souveraineté. Redresser les comptes sera un impératif pour les années à venir. Aux origines des États : la souverainetéde la limite ALAIN SUPIOT La notion de souveraineté est ancienne et s’est construite sur une approche quasi-religieuse et philosophique avant de devenir politique. De fait, elle évolue à travers les siècles, construisant une complexité juridique dans un environnement réduisant la liberté d’action des États et créant des interdépendances plus ou moins subies. Indépendance et souveraineté : les mots et les choses HENRI GUAINO L’indépendance et la souveraineté sont des concepts et des réalités différentes même si la relation est étroite entre les deux. Cela oblige à avoir à la fois une vision claire de notre indépendance et la volonté politique de consolider une souveraineté parfois malmenée récemment, notamment dans certains programmes européens. Souveraineté et dépendance PHILIPPE CHALMIN L’accentuation des dépendances économiques a démontré, avec la crise sanitaire, l’extrême fragilité de pays trop confiants dans la dérégulation des marchés. La souveraineté des États occidentaux est ainsi mise à mal. Cela exige de revoir cette dépendance dans de nombreux domaines. Le pari (trop ?) exigeant de la souveraineté MICHEL CABIROL La France a su conserver – malgré les difficultés – une BITD performante grâce à la volonté politique. Mais cette souveraineté est exigeante et fragile, notamment dans le numérique où l’Europe a pris beaucoup trop de retard. Un champ à reconquérir comme avec le quantique.
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Le Rafale, un outil de souveraineté et de puissance au service de la France BRUNO CLERMONT Le Rafale est né sur le papier en 1976. En 1986, le démonstrateur Rafale A concrétisait une aventure indus-trielle puis opérationnelle exceptionnelle. Aujourd’hui, l’avion, appuyé par l’A330 MRTT, est un outil majeur contribuant à la souveraineté de la France et participant directement à l’économie du pays.
Repères - Opinions
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La France en 2050 OLIVIER KEMPF La France en 2050 sera encore une puissance qui compte, même si les modalités de son action auront évolué dans un contexte international complexe. Un des défis à relever sera celui de la démographie, atout pour cer-tains pays et fragilité pour d’autres. La France devra ainsi préserver ses intérêts au-delà de l’hexagone. Une défense européenne efficace ne peut naître que d’une ambition partagée JEAN-PAUL PERRUCHE La défense européenne est un long serpent de mer difficile à concrétiser sur le terrain. Pour progresser, il faut une ambition politique partagée par les États-membres et une prise de conscience des enjeux géopoli-tiques auxquels est confrontée l’Europe pour qu’elle puisse conserver la maîtrise de son destin. (1/2) Lepolitical warfareou la guerre par le milieu social (GMS) RAPHAËL CHAUVANCY Les Anglais, puis les Américains, ont très vite compris que la guerre ne se limitait pas à un affrontement mili-taire. L’environnement du conflit peut être un terrain d’action avec des agissements auprès des opinions pour renforcer un modèle et un projet, ce qui est différent de la propagande conduite par les États totalitaires. Géopolitique de l’énergie FRANÇOIS CAMPAGNOLA L’énergie est un des moteurs indispensables pour l’économie mondiale. De fait, l’accès et le contrôle sont devenus des enjeux géopolitiques majeurs au point d’être parfois des facteurs de conflictualité. Il y a donc une dimension stratégique essentielle qui ne cesse de croître, car l’énergie est un outil de puissance. Y a-t-il un pilote dans la donnée? MARION BUSSER – THIERRY KESSLER-RACHEL La donnée devient un enjeu majeur dans le nouvel écosystème numérique. Celui-ci reste fragile, mais éga-lement convoité. Pour les armées, l’utilisation de la donnée est désormais essentielle au cœur de la concep-tion des systèmes de commandement C2 tout en conservant la responsabilité de décider au chef militaire. (1/2) Les sociétés militaires privées russes en Afrique : vers un nouveau modèle d’intervention ? MALCOLM PINEL La Russie est de retour militairement en Afrique, en s’appuyant sur des sociétés militaires privées, proches du Kremlin. Elles permettent à Moscou d’intervenir, souvent au détriment des intérêts de certains États dont la France. Les opérateurs russes disposent de moyens conséquents sans se soucier de règles éthiques. Les Asiatiques dans l’espionnage économique MICHEL KLEN L’espionnage économique est une pratique courante et commune pour certains pays d’Asie. Le Japon, après sa défaite de 1945, la Corée du Sud après l’affrontement contre Pyongyang et la Chine, à partir des années 1980, ont développé des réseaux très efficaces, utilisant de nombreuses ressources techniques et humaines.
Approches régionales (2/2) 111 L’Afghanistan : acte fondateur d’une rupture internationale ? PASCAL DROUHAUD Le retrait précipité des États-Unis d’Afghanistan à l’été 2021 traduit certes une forme de défaite tactique pour un cycle commencé le 11 septembre 2001, mais surtout une rupture de l’ordre international et l’émer-gence d’un monde éclaté, divisé par la rivalité sino-américaine.
Chronique
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Histoire militaire- Le « magistère bleu horizon » bloque l’avancement des généraux au sortir de la Grande Guerre CLAUDE FRANC Les conséquences du rajeunissement du haut commandement militaire pendant la Grande Guerre amenè-rent le blocage de l’avancement vers le généralat dans les années 1920-1930. Cela entraîna une chape de plomb sur l’évolution de l’armée et une sclérose de la pensée qui aboutirent au désastre de 1940.
Recensions
François Heisbourg:Retour de la guerre Vincent Hugeux:Tyrans d’Afrique – Les mystères du despotisme postcolonial Bernard Zeller:Le Procès du commandant de Saint Marc Jean Lopez:Kharkov 1942 – Le dernier désastre de l’Armée rouge Pierre Branda:La Saga des Bonaparte Edward Duyker:Dumont d’Urville – L’homme et la mer
Programme de laRDNen ligne, p. 136
L’opérationBarkhane: au-delà du contre-terrorisme*
Dennis Gyllensporre
Anciennement général de corps d’armée des forces armées suédoises. Docteur en philosophie et profes-seur associé à l’Université suédoise de la défense. ouvent considérée comme une « opération de lutte contre le terrorisme », apSproprié. l’opérationBarkhane souffre d’une image réductrice, qu’il conviendrait de rectifier. À cet égard, la qualifier « d’opération de stabilisation » semble plus Malgré les engagements importants de la communauté internationale, la région du Sahel est confrontée à une instabilité grandissante. Face à l’évolution des menaces régionales et à la complexité de la situation contextuelle, l’opération Barkhaneest constamment amenée à se réformer en s’appuyant sur une compré-(1) hension actualisée des acteurs stratégiques présents . De 2018 à 2021, j’ai été commandant de la Force de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), opération de l’ONU établie en 2013 par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies, initialement complémentaire de l’opérationServal, désormais opérationBarkhane. Mon expérience m’a permis de constater que les divers observateurs en visite au Mali n’avaient pas compris le sens de l’engagement militaire français. Par consé-quent, clarifier les objectifs militaires de la France dans la région s’avère essentiel. L’objectif de cet article n’est donc pas d’évaluer l’effet opérationnel de la mission, mais simplement d’en expliquer la nécessité à la lumière des relations entre partenaires. La Minusma étant un acteur majeur de la résolution de crise au Mali, je souhaite que cet article apporte une meilleure compréhension de l’opération Barkhaneet de laTask Force Takuba, établie depuis l’été 2020 au Mali. Il est éga-lement à noter que mes expériences sont localisées sur le sol malien, lequel consti-tue une partie importante, quoique limitée, de la zone opérationnelle de l’opéra-tionBarkhane.
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne peuvent être attribuées aux autorités suédoises ou à l’ONU. L’auteur tient à remercier M. Axel-Charles Monin Nylund, l’ancien conseiller politique du commandant de la force de la Minusma, pour ses contributions essentielles à l’article.
(1) Moussa Mara, Loïc Tribot La Spière : « Dans le Sahel, “Terroriste” ne veut pas forcément dire “Terroriste” ! »,Revue Défense Nationale, n° 844, novembre 2021, p. 91-94.
Revue Défense Nationale n° 847 - Février 2022
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PRÉAMBULE
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Problèmes de perception
Pour mieux comprendre l’opérationBarkhane, il faut appréhender son (2) impact au-delà des opérations antiterroristes cinétiques . Il faut considérer ses efforts en se référant à la stratégie politique française. Le rôle et le contexte y sont clairement articulés et méritent d’être citésin extenso: « La stratégie sahélienne de la France vise à ce que les États partenaires acquièrent la capacité d’assurer leur sécurité de façon autonome. Elle repose sur une approche globale dont le volet militaire est porté par l’opérationBarkhane, conduite par les armées françaises. Le volet militaire n’est qu’une partie de la réponse qui doit d’abord s’appuyer sur des progrès politiques, sociaux, culturels et économiques. Jusqu’ici, l’effort de Barkhaneportait sur la lutte directe contre la menace terroriste, l’accompagnement des forces partenaires, l’appui des forces internationales et les actions en faveur de la population de façon à permettre un retour progressif à la normale dans les zones (3) où l’autorité des États était remise en cause . »
À l’évidence, l’objectif deBarkhaneofficiellement bien défini. est Néanmoins, après avoir reçu de nombreuses visites au Mali de délégations de per-sonnalités politiques, d’officiers étrangers et de représentants d’organisations inter-nationales, ainsi qu’après plusieurs rencontres avec des multiples acteurs locaux, je constate que le rôle et la contribution de l’opérationBarkhanedevraient être plus expliqués. Cela est en partie attribuable à la couverture médiatique qui tend à limi-ter cette opération à la lutte contre le terrorisme et aux activités s’y afférant. Le résultat est un problème de perception, agrandi par un fossé entre approches inter-nationales globales et perceptions locales qui, selon certains, se traduit par une (4) « divergence stratégique » entre la France et ses alliés régionaux . Comme constaté par l’excellent stratège Michel Goya, le soutien et la compréhension de l’opinion publique sont importants pour la réussite des objectifs de la stratégie politique (5) française de l’opérationBarkhane. Cela est rendu encore plus dif-à long terme ficile dans un environnement sujet à des campagnes accrues de désinformation ciblées par des acteurs malveillants. Par conséquent, il est essentiel d’apporter une perspective qui réunit tous les acteurs qui s’engagent pour la stabilisation au Mali.
On entend souvent dire que la solution militaire à elle seule n’est pas suf-fisante, déclaration réductrice qui risque d’occulter les dimensions politico-stratégiques qui caractérisent les opérations militaires de grande envergure. Celle de la France au Mali en constitue un exemple important. Une solution militaire n’étant jamais dissociée des objectifs politiques, la culture militaire française, en
(2) Pour une excellente analyse des opérations antiterroristes, voir l’ouvrage de Michel Goya :Barkhane – Une analyse de l’engagement militaire français au Sahel; Format Kindle, 2020. (3) Dossier de presse « OpérationBarkhane », ministère des Armées, 15 décembre 2021 (www.defense.gouv.fr/). (4) Ousmane Ndiaye : « Sahel : la France dans une guerre multiforme »,Revue Défense Nationale, n° 841, juin 2021, p. 81-86. (5) Michel Goya,op. cit.
(6) particulier, comme le démontrent plusieurs études sur le sujet , induit la loyauté du corps des officiers envers ceux-ci. Ces objectifs constituent la raison d’être de cet « instrument », inhérent à la stratégie politique. Celui-ci remplit plusieurs rôles, entre autres la neutralisation des cibles terroristes, les travaux de génie au profit des forces armées locales, la formation et l’accompagnement, l’appui et l’expertise pour la réforme du secteur de sécurité.
Dans le cas de la stratégie sahélienne française, l’instrument militaire, par le biais de l’opérationBarkhaneet laTask Force Takuba, emploie un large éventail d’actions pour permettre aux autorités maliennes de maintenir leur sécurité de façon autonome. Cet instrument fait donc partie de la solution politique qui vise « le retour progressif à la normale dans les zones où l’autorité des États était remise en cause ».
La complémentarité des actions sécuritaires
Avant d’aborder la portée de l’opérationBarkhane, il conviendrait de consi-dérer le rapport entre la lutte contre le terrorisme et la Minusma. Tout au long de mon affectation au Mali, j’ai constaté que l’objectif et le mandat de la Minusma étaient mal interprétés. Cela est dû en partie à la tendance à analyser les missions militaires par rapport à leur niveau de participation dans les actions contre-terroristes cinétiques. Ainsi, la Minusma est souvent analysée en termes de ce qu’elle ne fait pas – à savoir le contre-terrorisme. Il n’est donc pas opportun de mesurer le succès de la Minusma de cette façon, ni pour comprendre la complémentarité entre les actions sécuritaires des forces internationales présentes au Mali.
Alors queBarkhaneparmi d’autres, des opérations centrées sur poursuit, l’adversaire en neutralisant les réseaux terroristes, la Minusma se focalise sur la pro-tection des populations, à travers les trois volets de protection civile : protéger par le dialogue et le contact ; assurer la protection physique ; créer un environnement (7) protecteur . Pour ce faire, la force de la Minusma, dotée d’un mandat robuste qui inclut l’obligation de protéger les civils, maintient une présence dans les zones peu-plées exposées aux menaces, au sein desquelles les règles d’engagement sont bien adaptées. Ces règles prévoient l’utilisation d’une très large palette d’outils et de mesures allant jusqu’à l’emploi de la force létale afin de protéger la population menacée de violences physiques quelle qu’en soit l’origine. De toute évidence, le démantèlement des réseaux terroristes, allié à la protection civile, œuvre à la sécu-risation des populations. Du point de vue de la population menacée, les deux actions ont le même objectif, car l’origine des attaques est similaire.
(6) Chiara Ruffa :Military Cultures in Peace and Stability Operations Afghanistan and Lebanon; University of Pennsylvania Press, 2018. (7) Département des opérations de paix des Nations unies, « La protection des civils dans les opérations de maintien de er la paix des Nations unies » (Réf. 2019.17), § 40, publié le 1 novembre 2019.
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PRÉAMBULE
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L’environnement sécuritaire crée en synergie les conditions des efforts de développement visant à améliorer les conditions sociales, ce que l’on appelle commu-nément le lien sécurité-développement. M. Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général des Nations unies, avait déclaré comme suit : « Il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécu-rité, ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Si le combat (8) n’est pas livré sur tous les fronts, aucune victoire ne sera possible . »
Ainsi, dans la poursuite de ces objectifs clés, dont la stabilisation du pays, la Minusma tire avantage de l’environnement sécurisé par l’opérationBarkhane. Bien que les objectifs et actions apportent des bénéfices mutuels, il est à noter que le dispositif juridique entre la France et l’ONU met l’accent sur le fait que ces deux opérations sont distinctes. Cela signifie que la Minusma ne peut pas participer aux opérations de combat menées par l’opérationBarkhane, laquelle lui confère toute-fois un avantage indirect considérable.
S’ajoutant aux contraintes opérationnelles, la Minusma ne dispose pas des capacités suffisantes pour assurer la protection des civils. C’est par la Résolution 2480 du Conseil de sécurité de l’ONU en 2019 que la capacité et le dispositif de (9) la force ont été augmentés, sans modification des effectifs . Cette force est désor-mais caractérisée par une mobilité et une proactivité augmentée, nécessaires à l’accomplissement des missions, dont la protection des civils. Par la suite, le (10) Conseil de sécurité a approuvé la recommandation du Secrétaire général de ren-forcer les capacités de la mission à hauteur de 2 069 personnels en uniforme (1 730 casques bleus et 339 policiers). À l’heure de la rédaction de cet article, cette déci-sion n’a toujours pas été mise en œuvre faute d’un accord du gouvernement tran-sitoire du Mali. C’est en prenant conscience des difficultés capacitaires de l’ONU que l’on peut comprendre la contribution deBarkhane.
Conformément aux dispositions légales établies en 2015, le soutienin extremisque l’opérationBarkhanepeut apporter aux casques bleus dans ce cadre comprend par exemple le déploiement d’avions de combat, les évacuations sanitaires (CASE-VAC) ou bien des survols de reconnaissance – des éléments cruciaux pour la sécu-rité du personnel onusien souvent pris pour cible.
Au-delà du caractère sécuritaire, l’opérationBarkhane, par ses moyens et capacités, renforce tant le moral du personnel que la crédibilité de la Minusma. Mon expérience montre que l’opérationBarkhane, malgré sa mission principale, a permis d’apporter un soutien à la Minusma dans des situations graves, minimisant ainsi les pertes de l’ONU.
(8) Rapport du Secrétaire général Kofi Annan à l’Assemblée générale des Nations unies, « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous » (A/59/2005), § 17, publié le 21 mars 2005. (9) Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (S/RES/2480), § 24, 2019. (10) Rapport du Secrétaire général des Nations unies du 16 juillet 2021 (S/2021/657), en réponse à la Résolution 2584 du CSNU.
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