L'impact de l'informatique sur le développement intellectuel

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European Medi@Culture-Online Auteurs: Lessard, Charles-Eugène. Titre: L'impact de l'informatique sur le développement intellectuel. Source: [08.06.2004] La publication est faite avec l'aimable autorisation de l'auteur. Charles-Eugène Lessard L'impact de l'informatique sur le développement intellectuel Chaque technologie, affirme Neil Postman, contient une ou plusieurs idées ou philosophies puissantes. (…) Par exemple, la nature linéaire de la presse écrite favorise un monde où tout se fait une chose à la fois et une chose après l'autre.

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Auteurs:Lessard, Charles-Eugène. Titre:L'impact de l'informatique sur le développement intellectuel. Source:http://iquebec.ifrance.com/lessard/textelitteraire/credo3.htm [08.06.2004] La publication est faite avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Charles-Eugène Lessard

L'impact de l'informatique sur le développement intellectuel

"Chaque technologie, affirme Neil Postman, contient une ou plusieurs idées ou philosophies puissantes. (…) Par exemple, la nature linéaire de la presse écrite favorise un monde où tout se fait "une chose à la fois et une chose après l'autre". Selon lui, ces traits de linéarité et de séquentialité ont marqué même la façon de quadriller les rues, d'organiser le travail dans les manufactures et, en ce qui concerne particulièrement la classe, son organisation "avec ses pupitres en rangées" .

La technologie aussi, sur le plan culturel, n'est pas neutre; on ne peut la considérer comme un simple outil nouveau à la disposition de l'enseignant. "Ce qui suit la nouvelle technologie, affirme Michael W. Apple, n'est pas simplement un ensemble de machines et de logiciels afférents. Elle exprime uneforme de penséequi amène une personne à aborder le monde de façon particulière." Cette même idée a été soutenue par Seymour Papert: "La présence de l'ordinateur pourrait bien avoir, sur le développement intellectuel, un retentissement plus profond et plus fondamental que n'en ont eu les autres techniques nouvelles, y compris la télévision et même l'imprimerie." Ronald Ragsdale apporte une réponse en décrivant certains traits dominants des ordinateurs comme étant "l'instantanéisme et une formule logique et rationnelle de résolution de problèmes" .

Devant cette nouvelle technologie "qui précipite la transformation de notre mode d'action, mais aussi de notre mode de pensée", il est difficile de concevoir un système scolaire qui se placerait en marge des autres secteurs de la société et d'attendre que ce phénomène l'envahisse malgré lui, avec tous les aspects heureux et pervers qui s'ensuivront.

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L'avènement de l'audiovisuel, comme celui de l'imprimerie, n'a guère changé l'organisation de la classe, à observer la place prépondérante qu'occupe l'enseignement magistral ou, comme on tend à l'appeler en France, "l'enseignement frontal". Peut-on affirmer la même chose avec l'avènement de l'ordinateur? Il semblerait que oui. "Il devient de plus en plus clair, selon certaines recherches américaines, que la technologie, en elle- même et par elle-même, ne modifie pas directement l'enseignement ou l'apprentissage. En l'occurrence, l'élément déterminant, c'est la manière dont la technologie est incorporée dans la démarche pédagogique."

Alors, en quoi l'ordinateur peut-il être efficace en classe dans le développement de la pensée?

La recherche en technologie et l'apprentissage: l'état de la question

Après plus d'une décennie d'expérimentations de l'ordinateur, il nous semble important, avant de lui ouvrir aveuglement les portes toutes grandes, de nous demander dans quelle mesure les résultats de la recherche peuvent nous éclairer sur l'impact de l'ordinateur dans le développement de la pensée. Ils viendront confirmer ou infirmer ce qu'expriment les enseignants qui l'ont déjà introduit dans la classe.

A. Des préalables

La réussite de l'implantation de l'ordinateur est d'abord reliée à la formation de l'enseignant. L'ordinateur n'est pas en soi un outil de changement. Il peut devenir un moyen de renouvellement s'il est utilisé avec des objectifs clairs et dans des situations bien déterminées et planifiées. Sa réussite est liée à certaines connaissances et habiletés que l'enseignant possède, et ce, même dans des projets modestes, orientés vers la recherche appliquée en classe (Margaret Riel, 1990) .

Au niveau des élèves, il est important de bien assurer, dans la démarche d'apprentissage, la phase de préparation. Souvent, l'une des habiletés requises d'eux est la maîtrise minimale du clavier de l'ordinateur, qui a un effet sur la qualité de leurs productions. L'étude effectuée par Joram, Woodruff et Lindsay (1992) et celle de Owsten, Murphy et Wideman (1992) montrent sur une échelle d'évaluation analytique et globale

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qu'il y a une différence dans la qualité des compositions rédigées avec un logiciel de traitement de texte dans la mesure où l'élève maîtrise suffisamment le clavier.

B. Des conditions à assurer

Un logiciel devrait remplir certaines conditions pour qu'il atteigne le véritable but dans une classe, à savoir le développement de la pensée sous toutes ses formes: analytique, synthétique et critique.

1. Un environnement réel

L'environnement "réel" renvoie à l'"authenticité" des activités de l'élève en lien avec des situations en dehors de la classe;

L'utilisation de systèmes de communication informatique en réseau par des élèves des dernières années du primaire dans un cours portant sur la composition, favorisant des activités authentiques de rédaction, augmente considérablement la maîtrise de la syntaxe, de l'expression linguistique et, d'une façon moindre, quoique significative, celle en lecture (Riel, 1990). Dans ses propres mots, Francis Meynard exprime cette même nécessité en affirmant que l'école doit "être le reflet de la vie, de l'avancé du vrai monde".

2. Des situations complexes

Il est important que la compréhension et la résolution de problèmes soient reliées à des situations complexes et proches du réel. Car cela exige de la part de l'élève le maximum de réflexion et planification, comme l'application de règles, de formules et de calculs, si on est en mathématiques (GroupeCognition and Technologyde l'Université Vanderbilt,1991 et 1996).

Dans les situations complexes, les problèmes peuvent être résolus de plusieurs manières, comme dans les situations de la vie courante; ce qui permet aussi de donner un sens aux connaissances et aux habiletés à développer.

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3. Une perspective constructiviste

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Les technologies multimédias qui proposent des environnements en ayant une perspective constructiviste sur l'apprentissage (accès à des documents originaux et à des outils d'exploration de ces documents) aident les élèves à explorer les structures du savoir connu et à en créer de nouvelles, "et ce, aussi bien à travers l'exploration que l'évaluation critique d'un sujet" (Heidmann, Waldman et Moretti (1996).

Une pédagogie qui met l'accent sur la participation des élèves et des enseignants à la construction d'un savoir, qui permet aux élèves d'introduire et d'associer de différentes manières des contenus, favorise "la compréhension de phénomènes et de problèmes où l'on s'interroge sur le pourquoi" et aide aux transferts d'habiletés dans différentes situations (Scardamalia, Bereiter et leurs collègues, CSILE).

L'ordinateur en classe change le rôle de l'élève devant le savoir. Du rôle de spectateur, il passe au rôle d'acteur. Et c'est probablement le changement le plus radical auquel le monde de l'éducation peut s'attendre. Le savoir doit se construire et non se transmettre comme un objet quelconque. L'important, c'est non l'accumulation du savoir, son étendue, mais son interprétation et sa compréhension.

4. Une démarche de résolution de problèmes

Un environnement qui utilise des vidéos avec des textes et des éléments d'information provenant d'autres médias, favorise " l'approfondissement d'un sujet et la résolution de problèmes par les élèves" ainsi que l'organisation de leur "savoir d'une manière qui en facilite la rétention et le transfert" (Barron et Goldman 1994).

Dans un environnement qui utilise la technologie, les élèves adoptent spontanément une attitude de recherche et de collaboration avec les autres et une démarche de résolution de problèmes (Dwyer, 1994).

De plus, cette démarche, selon l'enseignant Gaston Lafrance, est un élément de motivation".

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C. Le développement de diverses habiletés intellectuelles

Les expérimentations concrètes d'utilisation de nouvelles technologies, principalement au primaire et au secondaire, portent davantage sur l'apprentissage des langues, des mathématiques, des sciences humaines, des sciences naturelles et des arts. Elles tendent à vérifier le développement d'habiletés intellectuelles, telles la "capacité de se donner une représentation mentale de la réalité, de raisonner, de porter des jugements, de résoudre divers types de problèmes, d'inventer, etc.".

a) Habiletés de recherche

L'ordinateur permet aux élèves de diversifier les ressources didactiques, tout en développant "des habiletés de recherche à partir des technologies mêmes qu'ils auront à employer dans le futur"(U. S. Congress, Office of Technology Assessment, 1995, p. 59).

b) Habiletés d'analyse et de compréhension

Le développement d'habiletés d'analyse et de compréhension de problèmes par les élèves dépend de l'utilisation de documents multimédias qui présentent des problèmes réels d'une certaine complexité. Ils doivent permettre aux élèves d'annoter et de relier l'information à d'autres textes et d'expliquer des phénomènes dynamiques (Scardamalia, Bereiter and Lamon, 1994 projet CSILE).

Si un logiciel de simulation est bien conçu, favorisant la découverte, l'exploration et la formulation d'hypothèses, l'élève augmente sa capacité à raisonner, c'est-à-dire à "formuler et à défendre une explication à partir de données". Archaeotype (voir Wallis, 1995, logiciel Archaeotype).

Les outils "ouverts", tels que les logiciels de traitement de texte, favorisent aussi le développement de ces habiletés, parce que l'élève peut lui-même fournir le contenu.

c) Habileté de résolution de problème

En sciences, les logiciels, comme Kids Network, qui amènent les élèves à "maîtriser la science en l'expérimentant comme un processus" améliorent et enrichissent

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l'enseignement traditionnel des mathématiques et des sciences, voire, de le transformer (Padrón et Waxman (1996).

Ce qui est important, ce n'est pas le produit, mais le processus dans le développement de l'enfant, idée qui revient souvent dans le vocabulaire de Céline Tellier de l'École La Tourelle. Et, dans une certaine mesure, l'ordinateur contribue à "nous renvoyer l'image de la démarche empruntée par les enfants et de celle souhaitée par l'enseignant".

D. Des effets de l'utilisation de l'informatique

1. La motivation

En maternelle et dans les deux premières années du primaire, les élèves qui "sont attirés par la technologie et dont la motivation pour utiliser un ordinateur émane de l'intérieur d'eux-mêmes", devant le choix parmi plusieurs activités en classe, optent pour le travail avec un ordinateur et deviennent plus productifs (Guthrie and Richardson, 1995).

De plus, la qualité des environnements et la présentation de contenus d'une façon stimulante, proposées par la technologie, expliquent en partie la motivation des élèves, tout en ne négligeant pas le "pouvoir interactif" de l'ordinateur (U. S. Congress, Office of Technology Assessment, 1995, p. 65-66).

Enfin, les élèves soumis à un apprentissage avec un système intégré (des contenus et des activités d'apprentissage, un système d'enregistrement et un système de gestion) demeurent intéressés à travailler dans cet environnement parce qu'ils "aiment être en compétition avec eux-mêmes" et "aborder de nouveaux sujets dans un environnement qui ne les menace pas et ne les juge pas". Underwood, Cavendish et Lawson (1996).

Les enfants devraient ainsi mieux aimer une école avec des ordinateurs, bien que l'aspect de nouveauté puisse sembler un élément important.

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2. La concentration

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Les élèves qui travaillent avec un système d'apprentissage intégré, qui permet de suivre leur propre rythme et de recevoir une rétroaction immédiate "demeurent concentrés plus longtemps" (Van Dusen and Worthen, 1995).

Ainsi, en composition, les élèves qui ont développé "la concentration sur le contenu" et des habiletés de révision en utilisant un logiciel de traitement de texte, conservent ces mêmes habiletés quand ils ont recours par la suite au support de papier (Jones, 1994).

3. La curiosité

L'école est non seulement un lieu d'apprentissage, mais un lieu de stimulation à apprendre des notions nouvelles. Et l'ordinateur, quand l'enseignant en fait une "utilisation régulière" éveille "la curiosité des élèves qui se manifeste par la production de connaissances" (McKinnon, Molan et Sinclair 1996) .

4. La collaboration

L'utilisation de la technologie, "autour d'une gamme étendue d'activités d'apprentissage, souvent intellectuellement exigeantes et d'une certaine ampleur et durée", favorise la collaboration au lieu de l'isolement. (projet ACOT). Le désir de résoudre les difficultés rencontrées favorise "l'interdépendance et la collaboration" entre les élèves (Lafer et Markert 1994). Cette utilisation peut être un facteur pour changer le climat de compétition qui existe dans la classe traditionnelle en climat de coopération ( Apple Classrooms of Tomorrow).

La crainte, avec l'avènement de l'ordinateur, de voir l'enfant s'isoler s'estompe; l'enseignant assiste plutôt au "partage de l'information".

5. Un nouveau rôle de l'enseignant

Comme de nombreux logiciels permettent aux élèves "d'avancer et d'apprendre à leur propre rythme", les enseignants-informateurs deviennent des enseignants-facilitateurs ;

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ils ont alors davantage tendance à mettre l'accent sur les processus d'apprentissage plutôt que la transmission de l'information (Means and Olson, 1994).

Alors, l'utilisation de l'ordinateur modifie la dynamique de la classe. Le travail en petits groupes d'élèves et auprès de chaque élève individuellement rend moins nécessaire le travail avec toute la classe en même temps; ce qui permet de mieux identifier les élèves qui ne comprennent pas.

Avec l'implantation de l'ordinateur et, particulièrement, des N.T.I.C., l'enfant devient "découvreur et artisan de sa propre connaissance". Il est amené à voir et à contrôler l'information différemment. Et l'enseignant sera là pour le guider et le faire évoluer. Nous retrouvons cette idée quand les enseignants affirment que les enfants "arrivent à se prendre en main pour aller vers ce qu'ils aiment".

À un modèle centré sur l'enseignant, l'ordinateur contribuera à faire en sorte que le cadre d'apprentissage soit centré désormais sur l'élève. L'école sera non seulement un lieu où l'élève apprend des connaissances, mais un lieu où il apprend à apprendre. Ainsi la classe deviendra un centre actif d'apprentissage. L'ordinateur contribuera à placer l'élève dans une démarche de résolution de problème, plutôt que dans une situation de réception passive de l'information. Ce nouveau climat favorisera l'apprentissage et, nécessairement, le développement de l'esprit d'observation de l'élève, son esprit d'analyse et son sens critique.

Toutefois, pour que l'implantation des ordinateurs soit efficace, plusieurs conditions doivent donc intervenir dans le système; l'enseignant doit se donner une formation de base pour exploiter au maximum leurs possibilités et, surtout, modifier son rôle pour redonner à l'élève sa place dans la classe comme acteur principal dans la construction du savoir.

De plus, les programmes devront favoriser l'acquisition d'habiletés de "haut niveau", à savoir la capacité d'analyse, de compréhension, de résolution de problèmes et de jugement critique.

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Enfin, la classe devra mettre l'accent sur des activités "authentiques" qui donnent du sens à la construction du savoir. C'est la qualité des activités que l'enfant vivra qui garantira le succès de l'ère de l'informatique.

C'est à ces conditions qu'un système d'éducation de qualité peut permettre à l'élève de construire ses connaissances selon son développement et sa vitesse d'assimilation, et ce, conformément aux principes pédagogiques qui s'appuient sur la psychologie cognitive. Et l'élève pourra ainsi affirmer dans l'école de demain: "J'ai aimé l'ordinateur. J'ai aimé aider les autres et j'étais content de savoir beaucoup de choses."

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