LBO : réelle reprise ou nouveau coup de frein ?
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  • cours - matière potentielle : du premier semestre
  • exposé
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FINANCE 21 LBO : réel le repr ise ou nouveau coup de frein ? MdA n°65  Octobre 2011 LBO : réelle reprise ou nouveau coup de frein ? Le 12 octobre dernier, le Magazine des Affaires, en partenariat avec Deloitte Finance, Qualium Investissement et Mayer Brown, organisait un petit-déjeuner débat aux salons France-Amériques. Jean-Philippe Lambert, Mayer Brown Guillaume Cornu, Ernst & Young Les stratégies d'investissement en 2011 Les nouvelles règles du jeu en matière juridique Comment valoriser une entreprise dans un contexte de volatilitédes marchés Build up à l'international : un remède à la crise ? Sami Rahal, Deloitte Finance Jean Eichenlaub, Qualium
  • équipes mid-cap dans le monde
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Langue Français
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Sami Rahal, Deloitte Finance
Jean Eichenlaub, Qualium Investissement
Guillaume Kuperfils, Mayer Brown
L B O : r é e l l e r e p r i s e o u n o u v e a u c o u p d e f r e i n ?
FINANCE
Le 12 octobre dernier, le Magazine des Affaires, en partenariat avec Deloitte Finance, Qualium Investissement et Mayer Brown,organisait un petit-déjeuner débat aux salons France-Amériques.
LBO : réelle reprise ou nouveau coup de frein ?
Les stratégies d'investissement en 2011
Les nouvelles règles du jeu en matière juridique
Comment valoriser une entreprise dans un contexte de volatilitédes marchés
Build up à l'international : un remède à la crise ?
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LBO : à la reprise du premier semestre succède un atterrissage aux contours encore incertains
Tarissement des financement seniors, révision à la baisse des budgets et judiarisation des rapports transactionnels, le marché français du LBO devrait connaître un atterissage douchant les espoirs nés d'un premier semestre particulièrement actif. Banques locales et mezzaneurs permettent toutefois au marché du smid-cap de soutenir l'activité.
Xavier Leloup : Sami, on a donc connu un très bon début d’année en Private Equity ?
Sami Rahal : Le marché du Private Equity a en effet connu une forte er activité au 1 semestre 2011, marquée par un changement structurel de la dette LBO en Europe. En effet, on a vu le marché de la dette LBO se rouvrir fin 2009 et il est resté actif jusqu’à la er fin du 1 semestre. Au total, le volume de dette LBO du semestre s’est élevé à 33Mds€, à comparer aux 32Mds€ en 2010, 12Mds€ en 2009, €52Mds en 2008 et €161Mds en 2007. Le levier moyen s’est situé autour de 4-5x l’Ebitda sur 2010 et au premier semestre 2011, contre 7.0x au pic de 2007. De plus, le marché du High Yield a permis de refinancer des LBOs secondaires et aux fonds CLOs de récupérer de la liquidité, réamorçant le marché de la dette LBO. Mais le marché High-Yield a connu un revirement significatif et est aujourd’hui fermé, en tout cas en Europe.
Xavier Leloup : Quelles sont les perspectives du marché du Private Equity aujourd’hui ?
Sami Rahal: On se rend compte qu’il existe un stock d’equity à déployer
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qui reste élevé au niveau mondial : 550 Mds$ en 2011 à comparer aux 656 Mds€ de 2008. Par ailleurs, 60 % des participations détenues par les principaux fonds en France ont été acquis avant 2008. La réouverture du marché du financement LBO entre 2009 et 2011 a permis de repousser une partie du mur de liquidités de 2013 vers 2014 et 2015 mais, il est intéressant de le souligner, les refinancements à l’étude aujourd’hui sont davantage de nature «amend to extend» que liés à une crise de liquidités court ou moyen terme. Pour les opérations secondaires en revanche, le financement bancaire est aujourd’hui très contraint (quantum et multiple x3) et le marché du High Yield gelé. Ces conditions devraient cependant s’améliorer courant 2012. Enfin, le marché Smid, quant à lui, est peu impacté, comme ce fut le cas lors de la crise de 2008.
Guillaume Kuperfils : En tant qu’avocats, nous sommes un peu à la croisée des chemins, de la même manière que Sami. On a connu une période extrêmement active jusqu’à la fin juillet, qui a même débordé sur le début du mois d’août. Le revirement de conjoncture du mois d’août donne l’impression que l’on va revivre un peu ce qu’on a déjà vécu en 2008. On se dit
à nouveau qu’on va travailler jusqu’à la fin de l’année, soit sur des deals pré-syndiqués soit sur des opérations avec des niveaux de dette inférieurs à 100 M€ ou à 2 à 3 fois l’EBITDA de la cible. Je ne pense pas qu’on verra se monter des opérations impliquant des niveaux de dette supérieurs d’ici la fin de l’année. Mon seul horizon, pour l’instant, est limité à décembre 2011. Après, 2012, ce sera encore autre chose.
Xavier Leloup : Les opérations dont le closing a été annoncé depuis la rentrée correspondent à des négociations entamées en juillet ? S’agit-il en quelque sorte de la queue de la comète ?
Jean EichenlaubEffectivement, il : s’agit plutôt de la queue de la comète. Dans les deals mid-cap, on trouve encore relativement facilement de la dette au sein des banques régionales (Crédit Agricole, Crédit Mutuel…) jusqu’à 50 M€ de valeur d’entreprise. Il y a des équipes qui travaillent sur des deals de 300 à 400 M€ en France mais la possibilité de les réaliser est plus faible. Les quantums de dette vont donc continuer à être peu élevés, au moins jusqu’à la fin de cette année, et ce d’autant plus que l’incertitude sur les changements règlementaires des banques est réelle. On a encore
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Sami Rahal, Deloitte Finance
Managing Partner Deloitte Financial Advisory, EMEA M&A Transaction Services Leader et membre du comité exécutifDeloitte France
Dirige une équipe de 225 personnes dédiée aux métiers du Transaction Services, de la Restructuration, de l'Evaluation,du Corporate Financeet du Forensic
20 ans d'expérience dans l'accompagnement des opérations de M&A et Private Equity(dont IBR)
Exemples d'opérations marquantes : acquisition d'Areva T&D et refinancement des groupes Materis et Deutsch (2009), Eliokem et Sebia (2010), Outremer Telecom et Vizada (2011)
vu récemment des grandes banques de la place qui confirment ne regarder actuellement qu’un ou deux deals.
Guillaume Kuperfils : La période qu’on vit en ce moment me rappelle beaucoup ce qu’on a vécu fin 2009 dans une opération où, pour lever 150 M€ de dette, on avait 12 banques autour de la table qui prenaient des quote parts de 10 à 12 M€ de dette chacune. C’est peut-être ce qu’on va revivre d’ici la fin de l’année pour des opérations au quantum de dette plus élevé que les montants dont on parlait
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‘‘In fine, une valorisation, c’est surtout une rencontre entre un vendeur et un acheteur et l’on sait que les vendeurs ont toujours des attentes très élevées. Le sujet est de bridger ce gap’’
comme des plafonds tout à l’heure. Alors, quand vous vous retrouvez en face de 12 banques pour négocier une dette c’est à la fois très compliqué, très long et c’est une surenchère naturelle dans les demandes. Ce sont des opérations marginales qui se feront sur des durées relativement longues. C’est à peu près ce contexte là auquel on avait été confronté en 2008/2009.
Xavier Leloup : Avant les événements de cet été, comment avez-vous trouvé le marché du Private Equity ?
Jean EichenlaubTrès actif ! Nous : voyons en moyenne 200 opportunités d’investissement par an et nous en avons vu plus de 150 depuis le début de l’année. Donc beaucoup de deals dans le mid-cap, pas beaucoup de closing mais un marché très actif. Le problème de levée de dette que connaît actuellement le marché pourrait néanmoins avoir un vrai impact sur le nombre de deals réalisés. Guillaume KuperfilsJe dirais très : actif en volume mais un peu moins performant en valeur, c’est ce qu’on a vraiment constaté.
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‘‘Il faut d’abord beaucoup plus vendre la France qu’on ne le faisait avant. Une fois que vous avez rencontré les principaux investisseurs français, il faut partir à l’international et donc être prêt à répondre aux souscripteurs qui peuvent remettre en question le modèle français’’
Sami Rahal: Le volume était effectivement fort. En France, er le 1 semestre a même été proportionnellement plus fort que que dans le reste de l’Europe.
Xavier Leloup: Qualium vient de réussir un closing intermédiaire de 450 M€ en juin dernier. Qu’en est-il de l’environnement de la levée de fonds aujourd’hui ?
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Jean Eichenlaub : La levée de fonds reste possible. Mais hormis pour les « champions nationaux » que constituent Astorg et Chequers, ce n’est pas facile car l’environnement a un fort impact sur la capacité des souscripteurs à investir en Private Equity. Vous savez que nous sommes dans le domaine de la gestion alternative qui représente en moyenne 5 % du total des actifs gérés par nos investisseurs. Ce montant d’actifs ayant globalement baissé il
Jean Eichenlaub, Qualium Investissement
Président de Qualium
Investissement depuis 2009 et
Membre du Comité de Direction de
la Caisse des Dépôts
Ancien directeur du Département des financements structurés et financement d'actifs à la commerzbank à Paris, Directeur Général Adjoint de Fonds Partenaire Gestion et Directeur Général de European Capital
Qualium est la filiale de la CDC et gère 1,5 Md € à travers 14 participations (dont Feu Vert, FoirFouille, Frères Blanc ou Quick) représentant un Chiffre d'Affaires cumulé de 4 Mds et totalisant 40 000 emplois
Intégrant les principaux thèmes de l'ISR, Qualium intervient en majoritaire (ticket moyenentre 20 et 75 M€)
y a donc moins de dollars ou moins d’euros à investir. Les investisseurs sont devenus de plus en plus exigeants : ils veulent tout savoir sur votre expérience, votre histoire, votre stratégie, votre positionnement… Il faut donc prévoir une importante disponibilité de l’équipe durant la période de levée des capitaux. Cinq choses sont ressorties de cette levée de fonds. Qualium est une plateforme en mesure
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Vincent Catherine, Goldman Sachs
d’attirer les grands fonds de pension et les fonds souverains nationaux au bénéfice des ETI françaises. Dans ce contexte, il faut d’abord beaucoup plus vendre la France qu’on ne le faisait avant. Une fois que vous avez rencontré les principaux investisseurs français, il faut partir à l’international et donc être prêt à répondre aux souscripteurs qui peuvent remettre en question le modèle français. Nous avons été interrogés sur les 35h, les syndicats, les grèves en France…. Quand on vend une équipe de Private Equity active en France, on vend d’abord la France. La France est leader mondial dans une douzaine de domaines comme le nucléaire, le luxe, le tourisme, la pharmacie, l’agroalimentaire, etc… Toutes les PME rattachées à ces leaders mondiaux sont des cibles de choix pour le Private Equity. Et il y a des success stories incroyables dans le Private Equity français. Ensuite, il faut vendre un segment de marché. Les transactions dans le large cap sont plus rares en France car les investisseurs potentiels sont très attentifs à la dette. Nous savons tous que dans un pays dont la croissance est en moyenne de 2 ou 3%, le seul moyen pour qu’une société en fasse 8 ou 10, c’est le levier. Et si nous achetons en LBO et qu’il n’y a plus de levier ou
qu’un levier d’un maximum de 3, c’est sûr que c’est compliqué. ème La 3 chose, c’est l’équipe. Il faut en raconter l’histoire. Il y a une vraie explication à donner sur sa dynamique, son fonctionnement, ses résultats. Nous avons eu la chance d’organiser un premier closing et de réaliser deux investissements qui représentaient bien la stratégie du fonds. Actuellement il y a beaucoup d’équipes mid-cap dans le monde en levée de fonds. Combien vont atteindre leur objectif de levée alors qu’il y a moins d’argent à investir ? J’ai par exemple le cas d’un grand fonds de fonds qui nous disait qu’il était en relation avec une soixantaine d’équipes, qu’il allait les réduire de moitié et qu’il n’en prenait plus de nouvelles. Donc, c’est un véritable exercice que de convaincre les investisseurs de nous faire confiance. ème Le 4 point : il faut avoir quelques soutiens chez les LP’s. Si vous avez des ‘‘anchor investors’’, il faut qu’ils soient là vite, très vite, avec vous pour que vous puissiez rapidement faire un premier closing. Nous avons eu cette chance avec 3 investisseurs importants dont un américain. Les investisseurs ne sont pas moutonniers, mais la dynamique que vous arrivez à créer avec les premiers investisseurs vous permettant de démarrer le fonds et de
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faire un premier closing, cela change tout et cela facilite les road shows avec les investisseurs suivants. Le dernier point correspond aux due diligences qui sont devenues de plus en plus rigoureuses. On vous demande de parler de vous, de vos expériences, de ce que vous avez fait dans une autre vie. Pourquoi vous avez acheté cette société 10 ou 15 ans plus tôt, pourquoi vous avez utilisé ce levier, etc.
Xavier Leloup : L’environnement actuel qui règne aux Etats-Unis et qui n’est pas très favorable à l’Europe et à la France affecte-t-il les relations avec les investisseurs ?
Jean EichenlaubIl est vrai que les : yeux posés sur nous sont actuellement moins favorables mais surtout, aujourd’hui, les investisseurs ont le choix entre des pays qui explosent comme les BRIC et ils se posent la question : j’ai un milliard de dollars à attribuer au Private Equity cette année, avant j’en répartissais 500 millions aux Etats-Unis, 400 en Europe et 100 en Inde, Chine ou Brésil. Aujourd’hui je vais en attribuer 400 aux Etats-Unis, 200 en Europe et 400 en Asie ou dans les pays en forte croissance. Donc nous sommes en concurrence avec des pays qui avant n’existaient pas sur la planète
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‘‘On assiste à une judiciarisation des comportements. Les parties n’hésitent plus, sur une clause de complément de prix ou sur une clause de fixation de la dette nette, à faire régler leur différend par un tiers, juge ou arbitre’’
Private Equity. Dans les BRIC, il n’y a pas beaucoup d’équipes qui font du Private Equity et pourtant la demande des souscripteurs pour avoir de l’alternatif dans ces pays-là est très forte.
Guillaume Kuperfils : Quand nous avons préparé ce petit-déjeuner, Sami nous a fait passer un document interne à Deloitte destiné, je crois, à ses associés américains expliquant notamment que la France connaît des grèves très spectaculaires mais qu’en nombre de jours non travaillés, celles-
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ci sont moins importantes qu’ailleurs - 10,06 jours pour mille non travaillés du fait de grèves aux US contre 3,67 en France. Il y avait là un certain nombre de slides très intéressantes faisant la chasse aux idées reçues des Américains sur la France.
Sami Rahal: Absolument Guillaume, nous faisons nous aussi nos road-shows afin de convaincre nos associés et clients américains que la France est une zone d’investissement sécurisée et à retours attractifs. Aujourd’hui, dans la gestion alternative d’actifs, nous
Guillaume Kuperfils,Mayer Brown
Associé spécialisé dans les opérations de M&A et de Private Equity (LBO et Capital Développement), en conseillantà la fois les fonds et les managers
Exemples d'opérations marquantes : Elis (2007), Buffalo Grill (2008), Gras Savoye (2009), Thermocoax (2010), Foncia,AES Laboratoires, Grand Fraiset ECT (2011)
Mayer Brown, cabinet d'origine américaine qui vient de fêter ses 10 années d'existence à Paris et compte 73 avocats dont21 associés
Le cabinet a accompagné 34 opérations en M&A/PE au cours du premier semestre 2011
sommes nous aussi en concurrence avec ces géographies que sont le Brésil, l’Inde ou la Chine. Il y a donc de l’appétit pour ces régions, de la croissance là-bas, mais des multiples élevés et également des incertitudes très fortes, du risque. Il y a donc beaucoup de communication à faire et les équipes comme celles de Jean doivent le démontrer : pourquoi aujourd’hui investir en France et quel retour espérer ? Il y a encore beaucoup de choses à dire et heureusement très positives.
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Xavier Leloup : Aujourd’hui, à quelles conditions peut-on réaliser une opération de LBO ?
Jean Eichenlaub : Sur le segment de l’Upper-mid cap (valeurs d’entreprise comprises entre 100 et 500 M€), le levier ne dépasse plus guère 3,5x en quantum de dette. Il y a encore de la mezzanine : elle est principalement warrantée aujourd’hui. En valeur d’entreprise, nous sommes aujourd’hui à plus de 7,5x l’Ebitda – sachant que certaines sociétés ont été très bien er vendues au 1 semestre 2011 à des multiples plus élevés. Mais, en général, les valeurs d’entreprises doivent actuellement être comprises entre 7x et 8x l’Ebitda. Je ne vois pas ces prix augmenter dans les années à venir. En 2012, nous sommes partis pour être sur les mêmes bases que celles observées aujourd’hui, c’est-à-dire entre 7x et 8x, et entre 3,5xet 4x maximum en levier bancaire. Pour une opération réalisée en fin d’année dernière, nous étions en tranche A à 175 points de base avec des banques locales alors que, quelques mois après, nous étions à
325. Aujourd’hui, on est sur des Term-sheets en mid-cap en France à 375 avant négociation. Et sur la mezzanine, nous sommes à 15%. Ce sont donc des prix qui sont extrêmement élevés.
Sami RahalJe confirme, jusqu’à la : fin de l’année, les quantums de dette resteront très faibles et notre horizon jusqu’au 31 décembre est clair : assez peu de transactions au-delà de 150 M€ de valeur d’entreprise et un espoir néanmoins pour 2012 où l’on doit retrouver de la liquidité et des sorties. Plusieurs drivers nous disent cela : beaucoup de capital à déployer, des management packages qui arrivent à leur terme, des échéances de maturité de dette, la nécessité pour les banques « Leveraged » de refaire du P&L… Tout cela devrait contribuer à rouvrir le marché.
Xavier Leloup : Les banques ont-elles fait leurs années ?
Sami RahalAbsolument, hier soir : des équipes « Leveraged » me disaient qu’à sept mois, ces banques avaient battu leur budget 2011.
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Guillaume Kuperfils : C’était en plus des budgets en nette croissance par rapport à 2010…
Xavier Leloup : Le pic d’activité observé en juillet dernier signifie-t-il que les acteurs du Private Equity avaient anticipé ce qui allait se passer cet été ?
Guillaume Kuperfils: Honnêtement je ne crois pas. Je pense qu’on était dans la frénésie habituelle du mois de juillet qui veut dire : tant qu’on est dans le momentum, on close. Si on a pas closé à la fin juillet/début août, on perd deux ou trois mois. Et la preuve, dans un contexte tel qu’on le connaît, cela peut changer la donne. En réalité les gens on déjà eu un coup très fort en 2008 – à l’époque on était sur Converteam avec Lehman qui finançait, on a donc dû gérer la période de l’été, ce qui constitue une expérience à ne jamais revivre. C’est donc une question de statistique au vu de ce qui s’est passé les années précédentes. Aujourd’hui on sait tous que lorsqu’un deal est prêt à être closé en juillet on n’attend pas en septembre. Maintenant on a deux
Vendre une équipe de gestion française, c'est vendre la France
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fois la preuve qu’il faut vraiment réagir comme ça.
Jean Eichenlaub: Sauf bien sûr à avoir un très bon avocat qui a rédigé une très bonne documentation bancaire….
Guillaume préparé…
Kuperfils
:
C’était
Jean Eichenlaub: Pour nous – et ce n’était pas avec vous, désolé ! – il s’agissait de Socotec qui a été signé en juillet 2008 et finalement closé en novembre. Il y a eu des tensions avec les banques mais finalement nous avons fait le closing. Nous sommes tous dans cette logique-là : une fois qu’il y a le momentum, il faut closer dans les meilleurs délais. Cette année, il y a donc eu le rush du mois de juillet mais personne ne s’attendait au décrochage de cet été, du moins pas à ce point-là. Qu’il s’agisse des liquidités au niveau des banques
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‘‘Se pose pour nous, mezzaneurs, le problème du coût du capital. Nous investissons à travers des véhicules FCPR qui s’adressent aux mêmes investisseurs que les fonds d’equity [...] Il est difficile pour les fonds de mezzanine de venir supplanter des banques qui, elles, se financent à Euribor’’
Marc Benchimol, Mezzanis
ou du prix des actifs… Nous avons juste vu le marché s’arrêter au mois de septembre.
Guillaume KuperfilsEn 2007, on : l’a vécu sur le dossier où une banque de financement s’était engagée ferme surun montant de dette de près de 2 Md€ et où on a eu à gérer la crise des subprimes entre le signing de la LMA et le tirage des fonds au closing. Donc oui, effectivement, bien ficeler sa documentation de financement est indispensable. Mais le meilleur conseil est : dès qu’on peut faire, on fait. Sami Rahal: Sur les 5 dernières années, nous avons eu trois mois d’août qui ont été extrêmement critiques. On peut donc conclure de manière raisonnable qu’il vaut mieux liquider ses positions avant de partir en vacances !
Xavier Leloup : Les banques locales devraient donc en partie prendre le relais. Jean tu parlais tout à l’heure
de l’importance d’avoir des amis, est-ce aussi vrai dans le financement ?
Jean Eichenlaub: Oui absolument, et ce d’autant plus que dans les sociétés mid-cap la plupart des transactions se font en région. Nous avons ainsi découvert des banques que nous avons appris à connaître comme le Crédit Mutuel de Laval ou le Crédit Agricole de Picardie. Elles sont très actives et peuvent parfaitement être arrangeurs sur des quantums de dettes de 50 à 70 M€. Donc les banquiers locaux sont là et sont prêts à faire de l’underwritting à des prix de marché mais sur des montants qui vont rester raisonnables.
Xavier Leloup : L’innovation permet-elle de trouver de nouvelles solutions de financement ? Y-a-t-il une fenêtre de tir pour les mezzaneurs aujourd’hui ?
Jean Eichenlaub: ICG effectivement
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‘‘Certains confrères proposent des tranches « unirate » et on voit des transactions mid-cap en ce moment se monter avec ces tranches et à un coût élevé autour de 12%.... mais il faut avoir une certaine taille de bilan’’
Dominique Fouquoire,IFE Mezzanine
a fait une ou deux fois un financement complet en unirate. Mais il n’y a pas beaucoup d’innovation dans nos métiers du LBO, dans les montages financiers … Il y a bien eu eu du second lien, du PIK, etc... mais aujourd’hui nous sommes revenus à des montages plus basiques, avec une tranche A amortissable, un peu de tranche B et un peu de mezzanine quand les conditions de marché sont favorables. D’ailleurs le High Yield est aujourd’hui fermé.
Sami Rahal: On verra peut-être de l’innovation sur la façon de converger quand on est contraint en termes de multiples. On est aujourd’hui autour de 7 x, alors qu’il y avait une attente en début d’année 2011 autour de 10 pour les beaux actifs. Il y a donc un fossé qu’on va essayer de combler et c’est là que se trouveront les enjeux. On attendait quelques transactions conduites par les mezzaneurs, on
les a vues en sortie de crise mais finalement en nombre assez limité. C’est probablement ce qui risque de se reproduire dans les mois à venir.
Xavier Leloup : Dans ce contexte, faut-il en conclure que les transactions supérieures à 100 M€ sont actuellement à l’arrêt et ne seront réouvertes qu’en janvier 2012 ?
Jean Eichenlaub: J’espère que non et que nous aurons une bonne surprise avant la fin de l’année : Tokheim, par exemple. Nos amis banquiers vont être extrêmement sélectifs et dans les deux mois et demi à venir peu d’opérations devraient se conclure. Mais je reste tout de même optimiste, il y aura du financement en 2012.
Sami RahalJe partage cette vision. : Notre idée est que d’ici décembre il devrait y avoir très peu de choses.
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En 2012, en revanche, un certain nombre de financements se rouvriront probablement, avec un quantum de dette toutefois assez contraint.
Xavier Leloup : Ressent-on déjà les effets de la crise sur la consommation et les Independant Business Reviews ont-elles été relancées ?
Jean Eichenlaub: Globalement le premier semestre a été très bon. Nous avons vécu un an et demi de croissance avec une bonne année 2010 et un début d’année 2011 très bon.
Nous avons beaucoup de B-to-C dans notre portefeuille : septembre a été en repli, même dans le low-cost. C’était le temps, c’était la rentrée, c’était la Grèce, les inquiétudes, l’effondrement des marchés….on a tout eu ! Cela redémarre un petit peu : les premiers jours d’octobre sont plutôt bons. Il
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Lawrence Giesen, Aforge Finance
est certain que pour les portefeuilles fortement exposés au B-to-C, la réaction est immédiate dès qu’il y a une crise de confiance en France. Quick, par exemple, qui vend 18 millions de repas par mois et 200 millions de burgers par an, l’a ressenti. Même dans le low-cost, le mois de septembre a été décevant. En revanche, la première semaine du mois d’octobre a été, je crois, la plus élevée de l’histoire de Quick. Donc cela redémarre et espérons que cette tendance se poursuive.
Sami Rahal : C’est vrai que la volatilité est forte, cela n’a échappé à personne. Mais je trouve l’exemple de Quick extrêmement intéressant pour comprendre l’environnement dans lequel on évolue. Pour autant, voit-on le retour des IBR en grand nombre ? Non pas encore, et ce pour plusieurs raisons. D’abord fondamentalement depuis la crise de 2008/2009, les entreprises ont beaucoup travaillé leur cash, leur base de coûts, le BFR et sont dans une situation différente. En trésorerie, elles ont pu reconstituer une certaine marge
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de manœuvre, elles ont pu bénéficier de plusieurs semestres plutôt positifs avec une activité soutenue et les résultats ont été intrinsèquement bons jusqu’à la fin juin dans la plupart des entreprises. Bien sûr les prévisions de croissance sont revues régulièrement à la baisse depuis quelques mois, donc on sait que l’horizon est différent. Cela conduit et conduira de plus en plus à revisiter des Business Plans qui avaient été faits soit dans des contextes d’amendements, soit dans des contextes de LBO secondaires.
Guillaume Kuperfils : J’ai plusieurs opérations entre signing et closing -malheureusement il y a souvent des contraintes réglementaires à respecter - antitrust, notamment. On ne peut pas faire ce qu’on veut – et on est très angoissé dans les contrats de cession par une éventuelle mise en œuvre des MAC clauses, soit du fait des circonstances de marché, soit du fait de l’évolution défavorable des perspectives ou de la situation financière de la cible. L’aggravation de la situation économique – avec des à-coups et des accélérations inconnues jusqu’à maintenant - et donc les incertitudes très fortes que cela induit sur le current trading - peuvent avoir comme impact une mise en jeu des MAC clauses figurant dans la documentation de cession. Les conditions de l’accord ne sont plus les mêmes trois, quatre voire 9 mois plus tard. Les notifications devant les autorités de la concurrence peuvent prendre ainsi jusqu’à 8 ou 9 mois. Or en 8 ou 9 mois, beaucoup de choses peuvent changer au point que la MAC clause peut trouver toute sa légitimité à s’appliquer. Jean Eichenlaub: Je voudrais partager avec vous une étude intéressante sur les cycles économiques. Avant, nous avions des cycles de 6 ans : 1988, 1994, 2001, 2008. Début 2010, nous sommes repartis sur 18 mois de croissance qui se sont interrompus aujourd’hui. Nous entrons dans une
économie de stop & go parce que tous les cycles sont amplifiés par le prix des commodities. Les prix du pétrole par exemple s’effondrent et s’envolent en quelques mois. Je trouve donc l’idée assez intéressante d’intégrer cette nouvelle donne. Et nous qui sommes des gestionnaires d’actifs, il va nous falloir arbitrer, anticiper et être extrêmement prudent.
Xavier Leloup : Justement, comment la documentation juridique et financière s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne et à cette forte volatilité ?
Guillaume Kuperfils : Ce n’est pas tant le droit que les comportements qui ont changé. On assiste en effet à une judiciarisation des comportements. J’ai vécu depuis 2007 énormément de situations contentieuses que je n’avais jamais vécues auparavant. Et quand je parle de situations contentieuses, cela couvre tout le spectre de l’activité transactionnelle. Maintenant, les parties n’hésitent plus, sur une clause de complément de prix ou sur une clause de fixation de la dette nette, à faire régler leur différend par un tiers, juge ou arbitre. La dette nette, cela a l’air simple mais c’est très complexe en période de crise jusque dans l’accord à trouver sur ce que recouvre tel ou tel de ses multiples composants, sans parler des définitions possibles d’un BFR normatif et des comportements qu’il faut encadrer pour éviter que les parties ne tournent telle ou telle situation à leur avantage. Les points de désaccord sont nombreux et visent des situations pas toujours appréhendées par la documentation d’acquisition. En période de croissance, on passe vite à autre chose. Aujourd’hui, le désaccord se cristallise d’autant plus facilement que les enjeux, pour relatifs qu’ils étaient en période de croissance, prennent un tout autre relief en période de crise. J’ai été témoin de contentieux en matière de clauses d’ajustement de dette nette ou de complément
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de prix qui ont duré 5, 6 ou 7 mois, voire une année entière, c’est-à-dire un siècle dans l’environnement économique actuel. Et cela peut avoir des incidences terribles car, pendant ce temps, il faut garder ses banquiers ou ses investisseurs prêts à financer l’ajustement ou le complément de prix sans que ces derniers ne fassent défaut. C’est le risque du décalage entre le cycle économique et celui des contentieux.
Il y a un deuxième phénomène d’évolution des comportements qui est très frappant. Alors qu’une stipulation du contrat est claire et ne prête le flanc à aucune contestation, il n’est plus rare aujourd’hui qu’une partie refuse purement et simplement de l’exécuter. Auparavant le contentieux des affaires était extrêmement feutré. On réglait ses affaires et ses différends à l’amiable ou, tout au plus, on avait recours à l’arbitrage. Aujourd’hui, dans la plupart des contrats de l’activité corporate, le recours à l’arbitrage a plus ou moins disparu – sauf entre industriels. Essentiellement parce que le coût de cette procédure est assez élevé et qu’elle paraît relativement lourde et peu adaptée à certains contentieux d’actionnaires par exemple. La barrière à l’entrée est conséquente. Alors qu’assigner quelqu’un devant un tribunal de commerce est une décision à exécution rapide dont on assume le risque de la publicité. On connait tous l’exemple de ces promesses de ventes exercées à l’encontre des managers dans des conditions parfois pas très heureuses parce que le manager a été licencié dans des circonstances qui font que l’on peut racheter ses actions à un prix très décoté. Donc, logiquement, le manager conteste les conditions de son départ, ce qui crée un premier volet de contentieux, puis conteste le prix lui-même et sa détermination. Même chose parfois avec les contentieux liés aux transferts de titres dans les pactes d’actionnaires à l’occasion de sorties totales ou partielles, forcées ou conjointes, où le simple risque d’un
contentieux initié sans contrainte forte est un levier fort pour obtenir des avantages que l’on n'aurait pas obtenus dans une situation normale. Je ne crois donc pas que l’on puisse parler de changements de règles mais de changements de comportement en période de crise et c’est aussi une chose qu’on constate désormais dans les rapports juridiques tissés avec les banques.
Patrick Teboul: Depuis l’arrêt Cœur Défense, on a un peu brisé un tabou sur le fait d’aller voir les juges. Pour revenir sur ce que tu disais Guillaume, les règles juridiques de la documentation n’ont pas tellement évolué. J’ai vécu avec Gras-Savoye certaines tentatives d’introduction d’un intérêt PIK en cas de défaut. Finalement avec le deal Foncia on a vu une documentation relativement libérale qui ressemblait à ce que l’on pouvait voir en 2007. Il y a un certain nombre de clauses de style qui, à mon avis, vont occuper le devant de la scène dans les mois prochains. Je pense aux clauses types « circonstances nouvelles » ou « perturbation de marché », qui permettent aux banques d’impacter un nouveau coût du financement qui serait lié au changement prudentiel et permettrait de sortir du taux de base. Une perturbation de marché permet notamment aux banques de sortir de l’Euribor et d’avoir un taux de base plus élevé.
Jean Eichenlaub: Il y a déjà des cas, avec certaines banques européennes, qui ne se refinancent plus sur une base Euribor.
Xavier Leloup : Et cela, c’est depuis quand ?
Patrick Teboul : J’ai vu des acteurs faire cette demande fin 2008. Mais effectivement cela revient.
Sami Rahal: Lorsque les marchés du financement se tendent, on observe régulièrement un durcissement des
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contrats et une complexité croissante des structures avec des doubles ou quadruples Luxco pour ne pas se limiter aux garanties contractuelles. Et tout cela peut in fine conduire à des contentieux ou, en tout état de cause, à une complexité juridique et fiscale trop forte. Et là je me tourne vers Guillaume car la question est de savoir si le temps de la justice est compatible avec le temps de la vie des affaires.
Guillaume Kuperfils : Je dirais que c’est plus la menace du contentieux que son issue qui est efficace. Je faisais récemment un panorama des récents arrêts importants de la jurisprudence commerciale et j’ai pu constater qu’une affaire faisant l’objet d’une décision de cassation en 2011 porte en général sur des faits qui se sont déroulés en 2000/2001… Engager un contentieux en France, c’est assez facile, pas trop onéreux - le risque de dommages et intérêts « punitifs » pour procédure abusive comme aux Etats-Unis est très limité en quantum- et, surtout, c’est long, au point que le facteur temps entre très souvent en considération au moment d’apprécier les risques et les opportunités d’une action judiciaire, alors même que la position en droit serait très forte. La menace du temps qui passe est souvent décisive au moment de faire un choix de stratégie.
Xavier Leloup : Finalement en bilan depuis 3 ans il y a plus de conflits entre les parties prenantes d’un LBO ?
Guillaume Kuperfils: Oui, il y a notamment de plus en plus de conflits avec les managers qui ne sont plus dans la monnaie. Ce sont des situations très compliquées à vivre, d’autant que parfois ils sortent à des conditions extrêmement dégradées. Il y aussi les conflits entre actionnaires qui se multiplient, par exemple sur la mise en œuvre des protections anti-dilution, sur les clauses de sortie forcée, surtout quand les minoritaires sont contraints, eux aussi, à vendre leurs actions à
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‘‘Certaines clauses de style dites de « circonstances nouvelles » ou « perturbation de marché », qui permettent aux banques d’impacter un nouveau coût de financement qui serait lié au changement prudentielet permettrait de sortir du taux de base, vont à mon avis occuperle devant de la scène dans les mois prochains’’
Patrick Teboul, Mayer Brown
François Mirallié, EVP & CFO de Zodiac Marine, et Céline Méchain, Goldman Sachs
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Céline Lagniez, Aforge Finance
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des valeurs de marché inférieures au nominal auquel elles ont été souscrites.
Jean Eichenlaub : Et parfois ce sont des investissements pour lesquels ils ont dû faire un emprunt qu’ils ont des difficultés à rembourser.
Guillaume Kuperfils: Effectivement, parce que derrière, ils vont devoir rembourser leur emprunt. Et comme ils ne peuvent y parvenir, il y a défaut. D’où l’importance d’avoir des clauses qui empêchent les banques qui financent de saisir leurs titres. Mais là, aller dire à un manager que, non seulement il va être contraint de vendre ses actions, mais qu’en plus, il va devoir réaliser une partie de ses actifs pour payer sa dette vis-à-vis de sa banque - dans le cas pas si rare où l’emprunt n’est pas sans recours - il va sortir de la réunion en se disant simplement que, perdu pour perdu, vous n’avez qu’à « aller le chercher ». Et c’est là que les problèmes commencent puisque le temps de la restructuration que vous voulez mettre en œuvre, alors que la situation l’exige avec rapidité, n’est pas compatible avec la menace du contentieux que vous vous apprêtez à affronter. Ce sont des problématiques auxquelles on est confronté très régulièrement, a fortiori quand les package ne sont pas dans la monnaie.
Sami RahalC’est un sujet : d’actualité très fort. Comme je le disais en introduction, 60 % des participations sont antérieures à 2008, avec des managements calés sur une maturité 2012/2013, des situations où l’on a parfois un quantum de dette très significatif, des anciens et des nouveaux managers. IPO, Trade Sale, LBO secondaires : toutes ces sorties possibles doivent être envisagées pour arriver à trouver une solution opérante de restructuration du management deal. Tous ces scénarios sont considérés pour recréer de la valeur. Cela a parfois été fait, par exemple TDF, mais c’est extrêmement compliqué.
On voit bien la difficulté et tous ces cas vont se multiplier en 2012, sauf à trouver une sortie positive avant, par exemple trade sale.
Xavier Leloup : Justement Sami, sur les valorisations. Est-ce que c’est plus compliqué depuis septembre ? Comment valoriser une entreprise face à la volatilité des marchés depuis quelques semaines ?
Sami RahalLes incertitudes : économiques, la faible visibilité, la forte volatilité rendent l’exercice plus difficile. A cela s’ajoute la difficulté de trouver des comparables compte-tenu du décrochage des marchés boursiers. On utilise les approches traditionnelles alternatives. Pour le DCF, des analyses multi scénario (éventuellement des simulations Monte Carlo). Pour la partie multiple, on prend des historiques plus longs. Il n’y a pas de réponse satisfaisante à ces problématiques. In fine, une valorisation c’est surtout une rencontre entre un vendeur et un acheteur et l’on sait que les vendeurs ont toujours des attentes très élevées. Le sujet est de bridger ce gap. Pour trouver des transactions, est-ce que l’acheteur prend un risque en augmentant sa part d’equity, en espérant se refinancer plus tard ? On peut demander à Jean pour savoir s’il est prêt à faire ce genre de choses. Ou alors, on trouve d’autres solutions techniques dans le montage même du deal. On a parlé tout à l’heure des clauses d’Earn-Out ou des réinvestissements par le vendeur. Cela a été le cas par exemple dans le deal Foncia où BPCE a réinvesti aux côtés de Bridgepoint et Eurazeo.
Xavier Leloup : Aujourd’hui on vous demande de faire plus de due diligence coté Buy-side ? On a vu des IBR en 2007. A l’automne 2011, est ce que l’on repart dans une séance de Due Diligence plus approfondie ?
Sami Rahal: Dès lors que la situation économique est plus tendue, comme
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on le disait précédemment, le degré d’attention et de stress est monté d’un cran. L’exigence est plus forte tant côté sponsor que côté banque. Tout se complique. On peut passer des semaines sur le BFR normatif.
Guillaume KuperfilsJ’ai le : souvenir d’une opération récente où l’intermédiaire a vu 87 auditeurs entre le moment où on a commencé et celui où on a terminé. Et on ne parle que d’une opération mid-Cap. C’est pour dire que ce mouvement, on le voyait depuis deux ou trois ans, s’accentue. Je pense que la période qui arrive fera que cette accentuation sera d’autant plus forte.
Jean EichenlaubA mon avis, sur : les valorisations, il y a deux sujets. D’abord la valorisation sur les opportunités d’achat dont le prix doit être calculé en tenant compte du niveau de levier bancaire plus faible. La solution qui était : deal en full equity avec, quelques mois plus tard, levier de dette, était une solution de marché début 2011, mais semble maintenant improbable ou risquée compte tenu de l’incertitude qui existe au niveau bancaire. L’autre partie concerne les valorisations des lignes du portefeuille. A la fin de l’année, la question sera : que valent nos lignes ? Aujourd’hui, les valorisations sont regardées de fond en comble. Tous les souscripteurs veulent connaître les comparables, les DCF, etc. C’est donc un exercice intéressant qui nous attend dans quelques semaines.
Sami Rahal: Ce qui devrait en théorie faciliter les transactions, puisqu'on aboutit à une plus grande réalité ou approche de la valorisation des deals. Cela doit permettre de ne plus avoir des attentes un peu folles de multiples de sortie. C’est aussi un sujet pour les banques de financement en cas de restructuration : à quelle valeur sont les lignes de dette senior dans les comptes des établissements bancaires ?
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Xavier Leloup : Et finalement les prix vont baisser ?
Sami Rahal: Je suis assez en ligne avec ce que disait Jean. On doit pouvoir financer des transactions autour de 6 ou 7 fois l’Ebitda. Il va y avoir des sorties industrielles, bien sûr. Les grands groupes ont des trésoreries qui se situent à des niveaux record et sont en position de faire des acquisitions. Certes, en priorité dans les zones géographiques en forte croissance mais également sur des beaux actifs en France.
Jean EichenlaubAu cours des : deux dernières années, Qualium Investissement a réalisé sept sorties dont quatre sorties industrielles. Et les industriels ne se décident pas sur la base des seuls multiples mais plutôt sur celle du chiffre d’affaires et des parts de marché. In fine, nous avons vendu sur des multiples d’Ebitda plutôt élevés. Une autre tendance va apparaître : les fonds mettront sur le marché des actifs dont ils sont sûrs qu’ils vont trouver preneurs. Dans la levée de capitaux, c’est très important de montrer qu’un portefeuille respire.
Sami Rahal: Le début de l’année 2011 a parfaitement illustré ce que tu dis Jean. On a vu beaucoup d’industriels acquérir des participations de fonds.
Xavier Leloup : Finalement les « Corporate » ont fait beaucoup d’acquisitions dans les Brics. Est-ce que les fonds de LBO ont la même logique ?
Jean Eichenlaub : Dans chaque période de crise, nous avons tous eu le même réflexe. Compte tenu que c’est compliqué d’acheter, on va faire du build-up. Faire du build-up à l’international, c’est une option mais la volatilité de ces investissements est très élevée. J’ai eu l’occasion de le faire deux fois. Par exemple, nous avons récemment participé à l’introduction en bourse d’une
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société au Shenzhen Stock Exchange, bourse que, personnellement, je ne connaissais pas quelques semaines plus tôt. Mais cette IPO a été entièrement menée par nos partenaires locaux. Le seul conseil que je peux donner c’est d’être prudent car c’est un autre métier d’investir dans des zones émergentes. C’est un peu tout ou rien. La clef c’est de trouver de bons partenaires et d’être bien conseillé sur place par un cabinet d’avocats et un cabinet d’audit qui ont une présence locale.
Xavier Leloup : Et cela vaut le coup d’avoir une équipe sur place pour un fonds, comme certains l’ont fait ?
Jean Eichenlaub: Je pense que oui, que c’est une excellente option. Après il faut l’alimenter car il y a assez peu de sociétés françaises qui vont racheter leur concurrent chinois, ou leur sous-traitant ou un réseau de distribution en Chine. Dans notre métier, nous n’avons pas de différenciation produit. La seule différence, c’est vraiment ce que fait l’équipe pour sourcer des opportunités, les gérer et créer de la valeur pendant la durée de l’investissement.
Xavier Leloup : Il y aussi l’expérience en Russie…
Jean EichenlaubOui, là encore, : avec des fortunes diverses. Il y a quatre ans, Quick avait initié un partenariat avec un partenaire local qui s’est avéré décevant. Et puis il y a quelques mois, le groupe a trouvé un nouveau partenaire. Quick a maintenant ouvert sept restaurants à Moscou.
Xavier Leloup : Justement côté conseil financier, comment peut-on accompagner ses clients ?
Sami Rahal : En période de crise, le build-up est un moyen de créer de la valeur. Si c’est à l’international et a fortiori dans des zones émergentes, il faut recréer un écosystème dans lequel on est confortable. Soit l’actif
a déjà une présence géographique, un management local et veut se renforcer dans cette zone. Dans ce cas là, c’est parfait. S’il n’est pas déjà présent, c’est beaucoup plus compliqué et le rôle des conseils est essentiel. Ces conseils doivent être internationaux et locaux à la fois. Les due diligences à effectuer et l’analyse des concurrents et des partenaires potentiels sont très importants. L’environnement réglementaire ou juridique change parfois dans le temps et le succès passe à mon sens par un management local et des conseils de grande qualité.
Jean Eichenlaub: En Chine, les choses se développent tellement vite que les plans n’ont pas le temps d’être mis à jour et distribués. Il nous est parfois difficile de trouver l’usine de 15 000 m2 dont nous sommes propriétaires… (histoire vécue…). Donc vous êtes dans un environnement où vous avez perdu tous vos repères. C’est très risqué mais quand cela marche, cela peut être extraordinaire. C’est le cas de la Chine.
Xavier Leloup : Guillaume, sur la documentation juridique, il y a des pièges à relever ?
Guillaume Kuperfils: On l’a dit tout à l’heure et Sami l’a suffisamment dit. Ce sont des environnements juridiques compliqués. Pour l’Inde, les concepts sont très inspirés de l’environnement anglo-saxon et paradoxalement presque plus familiers. Le conseil numéro un, c’est de s’équiper juridiquement avec une forte expertise locale et surtout ne pas jouer les apprentis sorciers. Pour la Chine, c’est plus compliqué. On a quelques exemples en tête qui montrent que ça peut très mal se passer même pour des grands groupes internationaux bénéficiant de l’assistance d’excellents conseils. Cela n’empêche pas la survenance de difficultés majeures avec des partenaires locaux très influents. Et là, la dimension politique est souvent plus forte que la dimension juridique.
L B O : r é e l l e r e p r i s e o u n o u v e a u c o u p d e f r e i n ?
Olivier Bénureau : Va-t-on assister à un retour en force des mezzaneurs ?
Lawrence Giesen :Ce que je vois sur les dossiers récents, c’est que les intermédiaires cherchent à attirer des financeurs non-banks qui proposent des financements « unitranche » qui sont un petit peu moins chers que la mezzanine. C’est intéressant car il y a des fonds plutôt basés en Angleterre qui viennent proposer ce type de financements où il n’y a pas de banques. C’est notamment le cas d’ICG ou d’AXA Mezzanine. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, 70% des LBO Mid-cap sont financés par des financeurs non-banks.
Olivier Bénureau : Dominique Fouquoire, est-ce que vous étudiez également des dossiers de ce type ?
Dominique Fouquoire :Nous sommes exclusivement mezzaneurs mais certains confrères proposent des
tranches « unirate » et on voit des transactions mid-cap en ce moment se monter avec ces tranches et à un coût élevé, autour de 12%. Maintenant on voit se monter des leviers à 3 fois/3 fois et demi l’Ebitda unirate. Mais il faut avoir une certaine taille de bilan pour intervenir en unirate même sur des transactions mid-cap. On parle de montant de l’ordre de 100M€ et aujourd’hui déjà 50 M€ c’est beaucoupd’argent même pour des banques, seuls quelques grands fonds pourront le faire.
Jean Eichenlaub :En 2006 avec European Capital, nous avions fait pour Delsey des « unirate » équivalant à 5 fois l’Ebitda.… Mais ce n’était pas la même époque….
Marc Benchimol :Même remarque que Dominique Fouquoire en ajoutant que se pose pour nous, mezzaneurs, le problème du coût du capital. Nous investissons à travers des véhicules
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FCPR qui s’adressent aux mêmes investisseurs que les fonds d’equity, et donc nous avons un coût de capital très élevé avec l’exigence d’un hurdle rate etc …. Il est difficile pour les fonds de mezzanine de venir supplanter des banques qui, elles, se financent à Euribor. Des acteurs comme ICG qui font de l’unirate, je n’ai pas d’autres exemples sur le marché françaisaujourd’hui, sont des fonds anglo-saxons avec une ingénierie financière sophistiquée leur permettant de baisser leur coût du capital. Il nous parait donc difficile de venir dire, on sort les banques et on fait tout le financement. Que l’on étende des tranches de mezzanine pour englober ce qui était pris antérieurement pour une tranche B par exemple et à l’aide d’OC et avec une grosse mezzanine qui va faire à la fois de la dette et du quasi capital, cela c’est possible. Mais on ne pourra pas se passer des banques senior pour au mois 3 fois l’Ebitda.
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