La Rose du Pérou
176 pages
Français

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La Rose du Pérou , livre ebook

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176 pages
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Description

Adopter c'est aussi découvrir l'histoire, souvent déchirée, d'une enfant qui en restera marquée à vie, c'est connaître son pays, sa culture, ses éventuels géniteurs, dont l'adoptant ne peut la détacher et pour lesquels il doit nourrir une réelle empathie. Centrée sur l'itinéraire d'une adoptée, le récit abonde de détails sur le quotidien des gens du peuple dont elle est issue. Les adoptés d'hier et les adoptants d'aujourd'hui seront captivés par l'éclairage de ce récit à plusieurs voix.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2009
Nombre de lectures 86
EAN13 9782296931169
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Rose du Pérou
Récit d’une adoption
Du même auteur
Les enfants pauvres à l’école. La révolution scolaire de J.B. De la Salle. Préface d’Arlette Farge. Ed. Imago. Diffusion PUF.
L’invention de l’école des filles. Des Amazones de Dieu aux 17 e et 18 e siècles. Préface de Michelle Perrot. Ed. Imago. Diffusion PUF.
René Delécluse. Routard de l’Absolu. Préface de Pierre Pierrard. Postface de Jacques Delors. Edition La Toison d’Or. Diffusion La Toison d’Or, 4 rue des Pré aux Merles, 94360.
Maurice Montaclair. L’énergie de l’espérance. Préface de François Assensi. Postface de Mgr Olivier de Berranger. Ed. La Toison d’Or. Diffusion La Toison d’Or, 4 rue des Pré aux Merles, 94360.
André Téqui. Un monde solidaire et sans frontières. Préface de J.P. Bobichon. Ed. La Toison d’Or. Diffusion La Toison d’Or, 4 rue des Pré aux Merles, 94360.
Les gens du voyage expliqués à ma fille. Diffusion Fiévet Michel, 15 rue Eugène Varlin, 77290 Mitry-Mory.
Ké-Anh la Thaïlandaise. La vengeance du crotale. Ed. Publibook. Diffusion Publibook, 14 rue des Volontaires, 75015 Paris.
Le livre blanc des travailleurs immigrés des foyers. Du non-droit au droit. Ed. L’Harmattan. Diffusion L’Harmattan.
En couverture : Le cliché de la jeune péruvienne a été aimablement offert à l’auteur par M. Jean-Claude Gerez, photographe professionnel travaillant surtout en Amérique latine.
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-10628-4
EAN : 9782296106284
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Michel Fiévet
La Rose du Pérou
Récit d’une adoption
Photo de couverture gracieusement offerte par Monsieur Jean-Claude Gerez.
Avec mes remerciements à Mademoiselle Lola Leymarie et à Madame Camille Durette pour l’aide apportée à l’édition de cet ouvrage.
Ce livre est un mixte de journal personnel et de fiction. Personnages et parcours imaginaires rejoignent les méandres complexes de divers arrachements et recompositions familiaux.
Dans ce contexte romancé, à l’exception de lieux publics et de quelques personnages officiels, toute identification à des personnes vivantes ou décédées serait pure coïncidence.
« Ce qui me semble le mieux caractériser cette époque, c’est la s é p a r a t i o n. Tous furent séparés du reste du monde, de ceux qu’ils aimaient ou de leurs habitudes. Et dans cette retraite… (certains) furent forcés à vivre une vie d’animal traqué. »
Albert Camus dans Carnets de guerre .
1 Mon « Che »
Il était beau. Un saint Joseph, au visage tout cuivré, comme celui de l’église ; moi j’étais sa « vierge ». Tu te rends compte, Appelle-moi « Che » m’avait-il dit. Ses cheveux noirs sortaient de toutes parts de son béret ; ils se prolongeaient par un collier et une moustache fournie dégageant un parfum d’eucalyptus ; un authentique « Che » inca ! Sur la main qu’il me tendait je vis une chevalière argentée grosse comme une noix d’arec ; ses souliers (car il avait des chaussures) étaient tachetés comme la peau des grenouilles ensorcelées {1} du lac Titicaca ; ils finissaient bizarrement, en pointe, et je me demandais comment il pouvait y loger ses orteils.
J’avais peut-être 14 ans ; je ne sais pas exactement, ici on ne compte pas en années, il suffit que les seins s’épanouissent soudainement dans des formes incertaines, que le sang salisse la natte sur laquelle on s’est endormie enfant et réveillée « adulte », que la peau devienne aussi lisse qu’une mangue bien mûre, bref, l’âge de passer un linge entre les jambes comme le signalent les mamans à leur entourage. Non pas l’âge du calendrier, celui du corps.
Il m’avait regardée une fois, deux fois, s’était éloigné, avait chantonné - une fleur est née, ses pétales ne s’ouvrent pas, ne s’ouvrent pas - tout en jouant des doigts sur une guitare imaginaire. Je le pris pour un artiste. Sa chanson me donnait des frissons dans le dos, avec l’envie de rire et pleurer ! L’après-midi tombait ; c’était l’heure de mes achats, la dernière heure, celle des « bonnes affaires », quand il ne reste plus du marché que d’aigres odeurs de fruits et légumes défraîchis, vendus à bas prix ; c’était l’heure des « bons restes » comme disait celle qui m’avait fait office de mère durant toute mon enfance. Je passais d’un étal à l’autre, palpais, sentais - des achats à évaluer par le toucher et l’odorat !
Quelques rayons de soleil traversaient encore les crevasses des tôles tandis que d’autres passaient le filtre des canisses ; il n’y avait plus grand monde. Il paya pour moi les concombres et les patates douces {2} . D’un signe de tête à peine perceptible je crus qu’il me demandait l’autorisation de me prendre la main, mais il la saisit avant même d’avoir mon consentement (vrai que mon cœur y consentait et cela devait se voir). Il tamponna mon front d’un mouchoir que je n’avais pas, puis l’arête du nez, la bouche, mes nichons qui pointaient telles des courges délicates. Vous devinez le reste. Sous la percale légère, mes seins s’affermirent, mes yeux grands ouverts brillèrent d’une profondeur inattendue, mon cœur, mes oreilles bourdonnèrent du « chérie, chérie, je t’aime », mes jupes se soulevèrent et tout mon corps s’ouvrit à lui. D’un jet, la sève secrète de ma vie fusa en tous mes sens, m’ensorcela, me projeta dans mille merveilles. Lèvres, poitrine, ventre, reins rayonnèrent d’émotion. Une coulée blanche se mêla à mon sang vermeil. Il m’enserra. Je ne fis rien pour le repousser, je me fis légère, lisse, vulnérable, désireuse que cela dure : une quête, un commencement et une connivence sans fin !
Il m’emmena chez lui, sur la rive droite du Huatanay, dont il me disait avec un souci de provocation évidente que c’était le plus sordide des bidonvilles et que dans ces terres misérables se levait le vent de la révolution. A l’en croire, il avait établi là son point d’attache en raison même de la détresse de ses habitants. J’étais à cent lieues de sa démonstration. Pour moi, la « révolution » c’était lui, son corps râblé, sa démarche de conquistador, sa silhouette mauve la nuit, son corps d’Indien cuivré et moiré, le désordre de sa chevelure, sa tête autour de mon bras, la chaude pression de son sexe auquel succédait le relâchement de tous mes sens. Pour moi, avec cette seule pensée en tête, tout se ramenait à lui. Allez comprendre ! Mon espace, mon ciel, ma terre, c’était lui. Avec lui, même sans toit, quelques étoiles au-dessus de la tête m’auraient suffi.
Saturée d’émotions, je ne voyais pas la paillasse souillée, le linge qui sortait d’un coffre entrouvert, la table basse et le sac ventru qui la recouvrait, la cloison de bambou sur laquelle était collé un poster qui, je l’appris plus tard, était celui de Mao. Le traintrain quotidien de la vie pratique m’amena peu à peu à franchir le tourbillon de mes émotions premières. Je vis petit à petit, dans ses yeux, l’afflux de forces étranges, troublantes. Je fus stupéfaite de voir comment les caresses des premiers mois pouvaient se travestir en brutalités, comment sous les dehors de tendresse se cachaient de soudaines pulsions l’amenant à des méchancetés de tous ordres. Il semblait y prendre de plus en plus goût. Il m’assaillait pour un rien, un épis de maïs trop grillé, une lichette de lard mal embrochée, une gourde d’eau à moitié vide, ma mine qu’il jugeait effrontée, tout était prétexte à me plaquer au sol et à lancer qu’il m’enfilerait son braquemart jusqu’à la garde , expression ancienne de soudards espagnols que je ne compris que lorsqu’il passa à l’acte avec sauvagerie.
Dans ses crises incendiaires, ses yeux écarquillés exprimaient son désir de ne pas me laisser échapper à son feu, et ses mains, ses mains ! L’une d’elles saisissant ma natte me faisait tournoyer avant de me coller au sol, me jeter sous lui sans ménagement tout en éructant des claquements graveleux. Je devenais la proie de ses obsessions, de son vertige, une proie terrassée, ravagée de partout, sens dessus dessous ! Je ne me plaignais pas, je savais que mon univers commençait et s’arrêtait là ; j’étais définitivement prise, offerte, consentante, préférant m’en tenir avec « mon » homme à la jouissance, même brutale, sans retenue, sans conditions, de jour ou de nuit. J’étais fébrilement sa soumise et sous les coups je vibrais d’une satisfaction mystérieuse. Une fois relevé, il gesticulait, pérorait, donnait des coups de pied aux deux seaux en plastique qui servaient tour à tour de toilettes, d’évier et de bassine à laver le

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