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Des interprétations locales aux interprétations globales : Combler le hiatus* Par Jules Duchastel et Danielle Laberge La question que nous examinerons ici concerne le processus continu d'interprétation à l'œuvre dans toute production de connaissance scientifique. Notre objectif est de rendre visible la présence de l'interprétation dans toutes les opérations du processus de recherche. Cette réflexion s'inscrit inévitablement dans un cadre plus large qui interroge la nature spécifique des sciences sociales, l'universalité de la fonction herméneutique et les problèmes épistémologiques de validité et d'objectivité qui en découlent.
  • théorie interprétative
  • double herméneutique
  • organisation nouvelle de l'observation historique
  • processus de connaissance
  • relativité historique des plans de vérité
  • connaissance scientifique
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Extrait


Des interprétations locales aux interprétations globales :
*Combler le hiatus

Par Jules Duchastel et Danielle Laberge


La question que nous examinerons ici concerne le processus continu d'interprétation à
l'œuvre dans toute production de connaissance scientifique. Notre objectif est de rendre
visible la présence de l'interprétation dans toutes les opérations du processus de recherche.
Cette réflexion s'inscrit inévitablement dans un cadre plus large qui interroge la nature
spécifique des sciences sociales, l'universalité de la fonction herméneutique et les
problèmes épistémologiques de validité et d'objectivité qui en découlent. Nous évoquerons
brièvement ce contexte pour ensuite nous concentrer sur les aspects interprétatifs des
opérations de connaissance dans le processus méthodologique.
On a de plus en plus l'habitude de qualifier d'interprétatives les sciences sociales,
historiques ou humaines en raison de la place importante qu'elles font à l'interprétation.
Ces sciences sont hantées depuis leur fondation par la question de leur spécificité.
Fortement thématisée par Dilthey (1947) au tournant du vingtième siècle, la différence de
nature entre "sciences de l'esprit" et sciences naturelles est depuis reprise inlassablement,
sous diverses formes, chez un très grand nombre d'auteurs. Cette différence de nature
repose, plus ou moins explicitement, sur la dimension herméneutique qui est attribuée à
toute connaissance sociale ou historique. C'est dire que tout phénomène social est
médiatisé par le langage, lui-même sujet à interprétation. Le problème qui confronte alors

* Ce texte a été publié dans Nicole RAMOGNINO et Gilles HOULE, (1999), Sociologie et normativité
scientifique, Toulouse, Presse Universitaire du Mirail, pages 51-72. Il s’agit ici du fichier qui a été soumis
pour publication. La mise en page peut différer de celle que l’on trouve dans le livre. 2
les sciences de l'esprit est celui de la capacité d'objectivation. Comment, en effet, se donner
des règles ou des principes d'interprétation qui puissent prétendre à l'universel?
Depuis les années soixante, on observe un mouvement vers l'atténuation de la différence
entre les deux types de science. On effectue le double constat de l'universalité de la
dimension herméneutique de toute forme de connaissance et du redoublement de cette
fonction dans les sciences sociales. Autant dans la direction de l'épistémologie (Kuhn,
1983, Popper, 1968, Feyerband, 1979) que de l'herméneutique philosophique (Gadamer,
1976), on reconnaît l'existence d'une dimension herméneutique à toute forme de science, y
compris les sciences dites pures. Toute science est médiatisée par le langage et traduit les
phénomènes dans des codes linguistiques et cognitifs sujets à interprétation. Ce qui
distingue alors les sciences sociales, c'est la présence d'une double herméneutique. Il ne
s'agit plus uniquement d'interpréter, à travers leur présence dans des formes sociales
(langagières), les pensées ou les actions des acteurs sociaux. Mais, il faut interpréter les
interprétations mêmes que ces acteurs font de la réalité. Le problème de l'objectivation de
la lecture s'en trouve en conséquence redoublé.
Cette évolution de la réflexion en sciences sociales risque de conduire à des impasses. Du
côté de la tradition qualitativiste, après de longues années qui vont de 1900 à 1970, durant
lesquelles la problématique de l'analyse qualitative, encore inscrite dans une épistémologie
néo-positiviste, cherche à définir les moyens rigoureux adaptés à l'étude de matériaux par
nature qualitatifs, on assiste à une transformation paradigmatique (indifféremment qualifiée
de tournant linguistique, rhétorique ou interprétatif) qui remet en question aussi bien les
1critères méthodologiques que théoriques de la connaissance scientifique . On passe alors

1 On trouvera dans (Denzin et Lincoln, 1994) l'histoire du développement de la tradition qualitativiste. À
partir des années soixante-dix, se développe une crise de représentation et de légitimation qui se traduira par
le développement des théories post-structuralistes et post-modernistes et la multiplication des approches
qualitatives (interprétativistes, constructionnistes ou "stand-pointivistes" (Schwandt, 1994), questionnant les
fondements épistémologiques de la connaissance scientifique. 3
d'un questionnement sur les méthodes à une remise en question du processus même de la
connaissance scientifique qui se traduit dans l'aporie du relativisme absolu et de
l'impossibilité de toute forme d'objectivation. Du côté du courant herméneutique, on
évolue également d'une herméneutique normative ou scientifique qui a été le mieux
représentée par Dilthey ou Betti à une herméneutique phénoménologique ou existentielle
telle qu'elle émerge chez Heiddeger et se formalise chez Gadamer (Grondin, 1993). On
passe ainsi d'une herméneutique comme technique d'interprétation du sens des énoncés ou
des actions susceptible d'être maîtrisée, à une herméneutique philosophique comme
description des phénomènes donnant lieu à des interprétations plurielles. Ce tournant de
l'herméneutique philosophique pose ainsi les mêmes problèmes du relativisme et de
l'objectivité.
Ces deux courants qualitativistes et herméneutiques proposent certaines solutions à ces
problèmes. Ainsi, la question du relativisme absolu est réfutée parce qu'elle est justement
posée comme le reflet inversé d'une position fondamentaliste (positiviste) à l'égard de la
connaissance objective. Dans la mesure où on reconnaît qu'il n'y a pas une vérité
scientifique donnée une fois pour toutes, personne n'échappe au problème du relativisme. Il
n'est plus question de rechercher les critères de vérité, mais il faut plutôt préciser les
conditions permettant de juger de la valeur respective des diverses interprétations. Qu'il
s'agisse de la distance temporelle (Gadamer, 1976), du dialogue (Grondin, 1993) ou de la
discussion (Habermas, 1987), il apparaît possible de départager parmi les différentes
interprétations et d'identifier les plus valides.
Quant aux procédures d'objectivation, ces courants leur réservent un sort très variable. La
question des méthodologiques est en général renvoyée dans l'ordre de l'évidence
par la nouvelle herméneutique philosophique (Grondin, 1993) — c'est-à-dire dans l'espace
minimal de la rigueur intellectuelle — ou comme une option parmi d'autres (les 4
qualitativistes), — c'est-à-dire susceptible ou non d'intéresser. Mais, dans tous les cas,
l'accent sur les procédures est secondarisé et, dans certains cas, proscrit.
La position que nous adoptons dans ce texte, reconnaît à la fois la présence incontournable
de la dimension herméneutique dans tout processus de connaissance et la relativité
historique des plans de vérité (Foucault, 1971), mais, aussi, la possibilité d'une réflexion sur
2les conditions d'objectivité de la démarche scientifique . Nous nous inspirerons donc de
plusieurs auteurs qui posent le problème herméneutique (Dilthey, 1947, Ricoeur, 1986,
Gadamer, 1976, 1996), sans pour autant nous limiter à une problématique uniquement
philosophique. En ce sens, nous puiserons aussi bien dans la tradition initiale de
l'herméneutique (telle que définie par l'exégèse, la philologie et la jurisprudence) comme
science d'interprétation des signes que dans la philosophie herméneutique qui théorise la
3dimension interprétative de toute connaissance .
C'est ainsi que nous définirons, à partir de Dilthey, l'interprétation comme étant la faculté
de donner sens aux objets du monde. Par opposition à la compréhension qui renvoie à la
saisie globale d'un phénomène et à son appropriation par un sujet de connaissance,
l'interprétation désigne le processus d'attribution du sens aux signes supportant cette

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