Retour de procès pour manifestation illégale anticorrida
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Pour ceux qui se souviennent que je devais passer en procès ce mardi pour manifestation anticorrida illégale et que le résultat intéresse, je dirais que ç'aurait pu se passer largement mieux et largement pire (la procureur a requis 1000 euros d'amende ferme + 500 avec sursis, délibéré le 15 novembre). On ne nous a pas trop chargés durant l'audience, mais on ne nous a absolument pas laissé nous exprimer sur les raisons de notre présence ce jour, sur nos motivations profondes, sur le contexte sociétal, politique, législatif, juridique qui explique – et à nos yeux justifie – nos choix. On a voulu s'en tenir aux faits bruts et éviter toute évocation du cadre général concernant la question de la corrida. Ce qui est un scandale. Parce que dans n'importe quel autre délit ou crime, vol, meurtre, détournement de fonds, abus de bien sociaux ou que sais-je, il n'est pas de jugement qui ne prenne en compte les intentions, les motivations, les raisons profondes d'un acte délictueux, le contexte dans lequel il s'inscrit et qui l'explique aussi bien d'un point de vue psychologique, social, financier, professionnel, relationnel chez celui qui le commet. Parce que c'est comme ça que fonctionne le droit, qu'il a pour devoir de s'intéresser à cela, d'essayer de comprendre cela, et de statuer en conséquence. On ne peut pas juger correctement un acte qu'on ne comprends pas profondément. Et personnellement j'en avais écrit une intervention d'une page, pour l'expliquer, le dire.

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Publié le 13 octobre 2016
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Langue Français

Extrait

Pour ceux qui se souviennent que je devais passer en procès ce mardi pour manifestation anticorrida illégale et que le résultat intéresse, je dirais que ç'aurait pu se passer largement mieux et largement pire (la procureur a requis 1000 euros d'amende ferme + 500 avec sursis, délibéré le 15 novembre). On ne nous a pas trop chargés durant l'audience, mais on ne nous a absolument pas laissé nous exprimer sur les raisons de notre présence ce jour, sur nos motivations profondes, sur le contexte sociétal, politique, législatif, juridique qui explique – et à nos yeux justifie – nos choix. On a voulu s'en tenir aux faits bruts et éviter toute évocation du cadre général concernant la question de la corrida.
Ce qui est un scandale. Parce que dans n'importe quel autre délit ou crime, vol, meurtre, détournement de fonds, abus de bien sociaux ou que sais-je, il n'est pas de jugement qui ne prenne en compte les intentions, les motivations, les raisons profondes d'un acte délictueux, le contexte dans lequel il s'inscrit et qui l'explique aussi bien d'un point de vue psychologique, social, financier, professionnel, relationnel chez celui qui le commet. Parce que c'est comme ça que fonctionne le droit, qu'il a pour devoir de s'intéresser à cela, d'essayer de comprendre cela, et de statuer en conséquence. On ne peut pas juger correctement un acte qu'on ne comprends pas profondément. Et personnellement j'en avais écrit une intervention d'une page, pour l'expliquer, le dire. Et on ne m'a pas laissé faire. Alors que de dire ce qu'on a à dire pour se défendre devrait faire partie des droits les plus élémentaires, fondamentaux et incontournables de toute personne qui passe en procès, celui de dire ce pour quoi il a fait ce qu'on lui reproche, ce droit m'a été refusé. Par deux fois j'ai été interrompu et on m'a fait savoir que je n'avais pas à l'expliquer et que je devais m'en tenir aux faits du jour, aux horaires et à la couleur de mes pompes ce jour-là. Ce qui est scandaleux. Ce qui est honteux. Ce qui me met en colère. Mais ce qui est très compréhensible.
Compréhensible, parce que le jour où l'on s'intéresse à ce cadre-là qui est celui de la situation de la corrida au regard du droit et des principes démocratiques dans la France de 2016, le jour où on laisse s'exprimer ces motivations-là, alors on met en lumière l'un des dysfonctionnements démocratiques, l'un des dénigrement et piétinements de démocratie à laquelle on substitue le pouvoir des lobbys au fric puant sur la volonté du plus grand nombre en lui déféquant littéralement dessus avec complicité du système politique et judiciaire les plus évidents, ostentatoires, caractérisés de notre temps. Et ça, forcément, il n'y a pas moyen. Donc on ne m'a pas donné moyen.
En infiniment maigre consolation et pitance, je publie ici ces mots que l'on m'a empêchés de dire. A la question « qu'étiez-vous venu faire à Samadet en ce jour ? », voici ce que j'ai tenté en vain par deux fois de répondre :
« D'un point de vue personnel et dans une conception morale de la Justice, je suis venu tenter de faire exister un monde où l'on combat l'injustice et où l'on porte secours aux innocents qui en sont victimes, ce qui est le cas pour la corrida où un taureau innocent est injustement sacrifié.
Au-delà de cela et dans une perspective plus strictement juridique, je suis venu faire valoir ce que j'estime être un droit citoyen. En effet, la Déclaration des Droits de l'Homme et Du Citoyen de 1789 qui constitue l'acte de naissance de notre République une et indivisible ainsi que le fondement du droit français stipule dans les articles 1 et 6 que « la loi est l'expression de la volonté générale », et qu'elle doit être la même pour tous car nous naissons tous « égaux en droits ».
Or il se trouve que dans le cas de la corrida, c'est l'inverse qui se produit. Non seulement sa pratique n'est autorisée que sur 10% du territoire et condamnée ailleurs, dans une inégalité face au droit caractérisée, mais en plus, tous les sondages d'opinion (dont certains sont joints au dossier) montrent que depuis de nombreuses années, une écrasante majorité de la population française se déclare en faveur de son abolition (73% en 2015, 66% en 2010 donc probablement un peu au-dessus de 70% en 2014). Pourtant, à l'heure actuelle, 7 propositions de loi contre la corrida
attendent depuis des années d'être débattues à l'Assemblée sans résultat. Dans un entretien datant de 2012 donné au journal Le Midi Libre et joint au dossier, Manuel Valls donne une explication des raisons de ce dysfonctionnement démocratique. Alors qu'il était question de la défense de la corrida, le journaliste rapporte ses propos en ces termes, : « Par ailleurs, il a murmuré que plusieurs membres du gouvernement étaient aficionados et ajouté à demi-mot : « On a une capacité à bloquer tout projet éventuel. » »
Bloquer tout projet éventuel : ça n'est donc pas un simple dysfonctionnement démocratique, mais bien une obstruction à la démocratie, un déni de démocratie dont il est question ; blocage et déni qui sont objectifs, ostensibles, caractérisés et verbalement assumés, où une minorité – qui constitue dès lors une petite aristocratie – voit sa volonté prévaloir au détriment et au reniement de celle du plus grand nombre.
On a donc affaire à un piétinement du principe démocratique et aussi du fondement du droit, à un dysfonctionnement juridique, puisque la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 entérine la fin des régimes de privilèges et l'avènement de la volonté de la majorité – ainsi que la légitimité judiciaire de son expression en actes. Et si dans ce cas précis, cette déclaration était respectée et appliquée comme fondement du droit français sans ces obstructions qui sont contraires aux principes de la République, alors ce ne serait pas à nous autres citoyens de protester maladroitement devant des arènes contre la tenue d'une corrida, mais aux forces de l'ordre de l'empêcher – et ça n'est pas nous qui devrions nous retrouver devant un tribunal, puisque la loi qui condamne les actes de cruautés envers les animaux existe mais qu'elle subit une restriction territoriale qui, de fait, représente une restauration de privilèges et d'inégalité des citoyens devant la loi contraire au fondement du droit. Dans l'esprit comme dans le texte de cette Déclaration, l'expression de la volonté de la majorité, elle, n'a pas à être condamnée devant un tribunal mais débattue et validée au Parlement, et nous ne devrions pas être ici. Parce que si comme le dit l'article 6, « la loi est l'expression de la volonté générale », alors l'expression de la volonté générale ne peut être punie par la loi – et nous n'avons rien fait d'autre ni de plus que cela. Et s'il est déjà incohérent qu’elle ne soit pas l'expression de cette volonté, il est doublement incohérent qu'en plus elle la réprime. Voilà ce que, dans une perspective non pas seulement morale, mais aussi législative et juridique, je suis venu faire valoir ce 9 mars 2014 à Samadet et que je tente de faire valoir aujourd'hui auprès de vous, en espérant que ce tribunal saura se montrer en cohérence avec ses principes fondateurs. »
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