Quatre contes, brefs et peu corrects
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Quatre petits récits impertinents

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Publié le 13 avril 2012
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Langue Français

Extrait

Quatre contes,brefs et peu corrects.
Comme introductionà l'économie financière.
Lorsque les premiers colons français s'installèrent au Canada à la suite de Jacques Cartier1 ils furent surprispar la rigueur et la durée de l'hiver à laquelle leur Normandie ou leur Poitou d'origine ne les avait ni préparés niaccoutumés. Le premier hiver dès Décembre ils avaient épuisé toute leur réserve de bûches. Ils durent sortir delongues journées éreintantes dans la neige jusqu'aux hanches pour couper des érables, des chênes ou des frênesqui, verts encore, brûlaient mal, chauffaient peu et enfumaient les cabanes comme des terriers.A l'automne suivant ils abattirent donc encore plus d'arbres dont ils rangèrent avec soin les bûchesrefendues en couches alternées contre le mur des cabanes. Mais ce ne fut pas encore suffisant. Sitôt Février, ilseurent à ressortir la cognée à l'épaule, grelottant et les doigts gourds, bûcheronner dans la glaçure les boishumides qui empuantissaient les cahutes.La troisième année, la Saint-Jean d'été passée, le chef de la colonie donna ordre de doubler les tas de bois.Puis il se rendit au campement Algonquin à une lieue de là. Les politesses faites, il demanda au Sachem si ilavait quelques lumières sur l'hiver qui s'annonçait: serait il clément et bref ou encore long et rigoureux? LeSachem appela un tout jeune homme et lui glissa quelques mots. L'adolescent grimpa au sommet du sapin leplus proche, scruta avec soin l'horizon puis redescendit jargonner avec le Sachem qui hocha la tête et déclara:"Hiver très, très froid. - Plus froid que l'an passé?- Plus froid beaucoup!" patoisa le Sachem.Sitôt de retour le chef de village renvoya derechef les hommes abattre, scier et refendre.Passée l'équinoxe, la saison avancée et les piles de bûches hautes maintenant comme des pyramides,prudent, il retourna interroger le Sachem. Celui-ci envoya à nouveau un gamin balayer l'horizon du haut d'unsapin et, sur son rapport, assura:"Hiver très, très, très froid !.- Mais à quoi voyez-vous cela? demanda le chef du village curieux et soucieux de s'instruire.- Plus français couper arbres, dit le Sachem,plus hiver froid".
* * *          
1 La seconde expédition de Jacques Cartier fut placée par François 1°, le 17 Janvier 1541, sous l'autorité de Jean Françoisde La Roque, seigneur de Roberval. Jacques Cartier partit le 23 Mai 1541 avec 5 navires, Roberval ne le suivit que le 26Avril 1542 avec 3 navires où il avait embarqué quelques gentilshommes et des condamnés de droit commun pour colons.Aux yeux de François 1° il fallait en effet occuper pour posséder.
Le chiffre de nosjours.
Dans la salle de travail lambrissée de bois exotique du Ministère des Finances, les Directeursd'Administration Centrale et les membres des cabinets fermaient leur ordinateur et rangeaient leurs dossiers.Maussades, ils soupesaient déjà les mots avec lesquels ils rendraient compte de cet échec à leur ministre. Enintroduction le Délégué du Président avait insisté sur l'urgence d'une solution, sur l'impatience du Président etson attente que ce Groupe Interministériel de Modernisation des Retraites produise des idées neuves. En dépitdes sièges confortables couverts de velours prune et de la Seine qui pétillait dans le soleil couchant au traversdes larges baies le groupe n'avait pas avancé d'un iota de toute l'après-midi: toutes les hypothèses avancées etexplorées avaient conduit à des impasses, des inconséquences ou des absurdités. Le "think tank" était à sec. Letout jeune attaché de cabinet à qui l'on avait confié le secrétariat du groupe lança alors que si les années deretraite ne comptaient plus que 10 mois, les retraités vieilliraient plus rapidement, mourraient plus tôt, ce quiallégerait le service des pensions. Le trait fit à peine sourire l'assemblée morose, sauf le Délégué du Présidentqui plissa les yeux.
Une semaine plus tard l'attaché de cabinet fut muté au Secrétariat de la Présidence. Le mois suivant aucours de ses entretiens avec les syndicats, le Ministre du Travail avança l'idée. Un peu surprenante sans doute,mais le Président s'était fait une réputation de n'avoir pas d'a priori, et à la réflexion, elle était plutôt séduisante.Les taux de prélèvement inchangés satisferaient aussi bien les employeurs que les travailleurs, la durée decotisation resterait identique, les retraites ne seraient pas amputées, et la mise en œuvre aisée: des computsinformatiques à modifier. La paix sociale et l'équilibre de comptes étaient assurés, et on fit valoir, bénéficeannexe, que la réforme multiplierait les centenaires donc les vins d'honneur, ce qui influença favorablement lesAssemblées, les élus locaux et les patrons de bistrot.Après les palinodies d'usage, les réserves de principe et les fermes exigences de conditions superfétatoires,les organisations patronales s'y rallièrent "uniquement parce que les charges sociales qui pèsent sur lacompétitivité des entreprises ne seraient pas encore alourdies".Les syndicats ouvriers "qui regrettaient qu'uneffort de justice sociale ne soit pas demandé aux plus riches" les suivirent les uns après les autres. Les seules à y trouver quelques difficultés furent les confessions. Comment fixer la date de Pâques ou ledébut du Ramadan, sans compter l'Ascension et les Bar Mitzva, si une moitié des fidèles suivait un calendrierdifférent de celui de l'autre moitié? L'attaché de cabinet qui reçu les délégations des cultes à la Présidence fut
très ferme sur le principe, l'Etat laïc n'avait pas à prendre en considération les conséquences, heureuses ounéfastes, de ses décisions sur des religions qu'il avait pour devoir d'ignorer. Exception pouvait être faite,toutefois, en matière d'éducation publique, domaine dans lequel la contribution des écoles confessionnellesétait appréciée et pourrait éventuellement être mieux soutenue... Les Monseigneurs, les Imans, et avec eux lesPrésidents des Consistoires et les Rabbins, ont l'oreille fine, la grogne cessa vite.
La Conférence Œcuménique remarqua que tous les cinq ans les deux calendriers coïncidaient, que cetteconvergence des générations sur les mêmes dates à intervalles réguliers offrirait une opportunité de réveiller lapratique et de réaffirmer les valeurs familiales, et, peut-être, sans vouloir s'immiscer dans ce qui était dudomaine de chacun des cultes, serait-ce l'occasion d'imaginer des festivités ou des commémorationsparticulières, simple suggestion il va sans dire. Tous ses membres se rallièrent avec un enthousiasme mesuré àcette suggestion. Après quelques longues réunions, nocturnes et discrètes, dans les bureaux du Coadjuteur deParis sur le flanc Sud de Notre-Dame, ils décidèrent de créer un "Quinquennat de la foi" commun etœcuménique. Seul Noël, qui se situe dans les deux derniers mois qui ne coïncidaient pas, posait encore problème. LePremier Ministre, informé, proposa de l'avancer. La Réunion des Evêques de France releva que la concordancede Noël avec le solstice d'hiver était une survivance païenne que l'Eglise pouvait et devait même éradiquer.Consulté, le Vatican statua que rien dans les Evangiles n'indiquait que le Seigneur fut né à Noël, qu'il s'agissaitlà d'une assertion sans doute ancienne, et par là même respectable, néanmoins tautologique et qui n'engageaitpas le dogme. Noël fut donc déplacé par décret au 25 Octobre, date qui par ailleurs satisfaisait pleinement leMétropolite Orthodoxe toujours attaché à l'archaïque calendrier Julien.
Sans véritable opposition, à l'exception de Cassandres radotantes, de quelques économistes accrochéscomme des bernacles à des théories passées de mode, ou d'illuminés vaticinant le dérèglement des sphères etl'irruption d'Antéchrists, la réforme fut votée sans qu'il manque une seule voix.Les revues spécialisées, les éditeurs de logiciels, et les sites internet débordèrent de pages rédigées dansces pidgins derrière lesquels les informaticiens dissimulent leurs mécaniques sommaires et détaillant lesdifférentes méthodes et les précautions à prendre pour gérer un double calendrier. On inquiéta même un peu àgloser ainsi sur les difficultés et les risques de la manipulation. Les banques, les entreprises et lesadministrations firent alors savoir qu'elles avaient constitué des équipes consacrées à cette unique tâche, et quipassèrent une Saint Sylvestre laborieuse, surtout celle affectée à l'Etat Civil.Il y eut évidemment quelques ratés, mais peu et rapidement corrigés: des retraités rajeunis de vingt ans etremis au travail, des comptes bancaires richement alimentés passés au rouge dans la nuit, des quadragénairescocaïnomanes suractifs virés à la retraite au petit matin, à l'Institut de Statistique des tables de mortalité quifaisait décéder les nourrissons avant même leur naissance et un avion décollé de Londres qui atterrit à Roissydeux jours plus tard… Les maisons de retraite organisèrent de petites réjouissances charmantes avec cotillonsde papier crépon, crème brûlée au dessert et mousseux à volonté pour fêter les centenaires frais promus dontles photos figurèrent le lendemain dans la presse locale. Et, dans les Conseils d'Administration on multiplia lesdéjeuners de départ de ces chers administrateurs rattrapés d'un coup par la limite d'âge.
De l'avis général la migration de quelques dizaines de millions de citoyens et d'ayant-droit vers uncalendrier moderne et abrégé fut une opération conduite de main de maître qui valut au toujours jeune attachéde cabinet d'être nommé à la Présidence des Caisses Nationales (bientôt renflouées) d'Assurances Vie. Même"The Economist" publia un article presque élogieux conseillant au "Prime" (travailliste) de s'inspirer, pour unefois, de ce qui se faisait de l'autre côté du Channel. Quelques années encore il subsistât des nonagénaires quis'obstinaient à se dire septuagénaires, et de vieux râleurs confus et impénitents s'irritant de ne plus trouver desapins à acheter en Décembre ou d'œufs en chocolat pour leurs petits enfants en Avril. Mais ici encore laréforme fit son œuvre automatique, leur nombre décrut rapidement et le dernier, auquel la télévision régionaleconsacra une brève, s'éteignit enfin à Ussel, en Corrèze.
Cette audacieuse réforme amena comme prévu la prospérité. Sitôt son effet bénéfique sur les comptesconnu et confirmé le pays attira tous les préteurs résolus à gagner sans jamais perdre. Les banques, les sociétésd'assurance et les caisses de retraite enfin florissantes, et d'abondance, déversaient sur la Bourse le flot
généreux de leur trésorerie. Les cours étaient haussiers avec constance. La Banque Centrale, obstinée dans sonétroitesse doctrinale, voyait partout gonfler des bulles, augmentait son taux de base et nourrissait ainsi lesrisques qu'elle espérait écarter. La hausse du taux servait de marchepied aux cours qui repartaient de plus belle.
L'argent, une petite partie de l'argent, ruisselait en cascade depuis les opulents et les fastueux jusqu'auxlaborieux, leur donnant cette illusion d'être riches également et la chimère de le paraître. Ils dépensaient doncpour des camelotes faites à la va-vite dans des ateliers lointains, et pour des pacotilles imitées à peu de frais decelles qu'achetaient les riches et qui se démodaient avant même d'être usées. L'industrie et le commercerutilaient, et dans leur ombre, ceux qui font métier de s'intercaler et d'ajouter des pourcentages à ce qu'ontproduit les autres.
Mais subrepticement les années dorées se ternirent et la prospérité s'évapora insidieusement comme uneflaque d'averse qui sèche au soleil d'Avril. La réussite et le succès appellent la copie, et les unes après lesautres, chacune à sa manière, toutes les nations avaient elles aussi révisé leurs calendriers. A la satisfaction desprêteurs qui avaient désormais un assortiment de débiteurs potentiels. Ils répartissaient leurs avoirs et lespromenaient au travers des frontières au gré des exemptions, des bonifications et autres avantages discretsqu'offrent les troisièmes alinéas obscurs des articles des codes fiscaux autant qu'au gré de leurs foucades. Ilsfaisaient la fine bouche, chipotaient, et posaient leurs conditions avant de picorer quelques centaines demillions ici et de recommencer ailleurs. Il est vrai, qu'aisance aidant, on avait failli à cette indispensablerigueur prônée par nos meilleurs économistes qui démontrent, courbes, équations et jargon à l'appui, qu'un étatdoit être géré encore plus médiocrement qu'un ménage ouvrier. Au fil du temps et des occasions chaquecorporation qui l'avait pu avait grappillé un petit avantage, les unes un départ en retraite plus précoce auprétexte d'un travail salissant ou même pénible, les autres une pension un peu plus généreuse sans autre raisonsuffisante que d'être fonctionnaire ou expert-comptable ou bien avocat, et d'autres encore des cotisationsallégées censées compenser des charges jugées excessives. Et ces mille petits trous d'épingle avaienttransformé les caisses jadis débordantes en passoires desquelles l'argent s'échappait aussi vite qu'il y était entré.
Susurrée par l'entourage du Président, suggérée par quelques articles rédigés par des journalistes de renomqui avaient leurs entrées, reprise et développée par la presse économique à grand renfort de statistiques bienchoisies, l'idée "qu'il fallait réformer notre système social pour le sauver" s'imposa à l'esprit de tous commeune telle vérité d'évidence que même l'opposition y adhéra. Cette étape initiale franchie et l'objectifd'économies sous-entendu mais clairement établi, restait à trouver un chemin. On réunit commissions surcommissions, séminaires et tables rondes, on consulta les spécialistes et les gourous, et tous ne surent conclureen substance qu'à une hausse des cotisations, même le, plus très jeune, Président des Caisses Nationalesd'Assurances Vie. Ce fut un tollé, les syndicats patronaux s'élevèrent avec courtoisie mais une grande fermetécontre "ces charges qui compromettraient gravement la survie déjà difficile des entreprises" et prédirent desfaillites sans nombre et des millions de sans-emploi. Les organisations ouvrières rugirent contre "cetteamputation inique du pouvoir d'achat des classes laborieuses" et menacèrent d'une grève générale, et tous lesgroupes de pression inondèrent Ministères, Députés et journalistes de notes alarmistes sur les conséquencescalamiteuses d'une pareille décision. On était dans l'impasse.
Ce fut le moment que choisit la Nonciature pour avancer ses pions. Vingt siècles de batailles contre leshérésiarques, les schismatiques et les agnostiques vous forgent des tacticiens redoutables et des diplomatesacérés et subtils. Dans ce monde bi-calendaire d'où les repères traditionnels et sensibles, le printemps à Pâques,la neige à Noël, la canicule au 15 Aout, avaient disparus, les Quinquennats de la foi avaient connu un réelsuccès dont l'Eglise, seule institution religieuse structurée et organisée, avait su tirer le meilleur. Reçu auMinistère le Nonce Apostolique fit remarquer que si l'on avait su raccourcir le calendrier d'un côté on sauraittout aussi bien le rallonger d'un autre. A la demande du Ministre intéressé, il fit parvenir une petite note plusexplicite: ajouter un trimestre aux années des actifs retarderait leur mise à la retraite ce qui serait profitable auxintérêts profanes qui occupaient le Ministre comme à l'état moral de la nation car, chose admirable quel'arithmétique, puisque deux fois quinze égalent trois fois dix, les familles seraient ainsi réunies tous les deuxans, et non plus tous les cinq.
Le Président fut immédiatement séduit. Il lança l'idée de cette modernisation lors d'un grand discours qu'ilfit devant des étudiants, raison pour laquelle sans doute, il crut devoir en démontrer le nécessaire et le fondépar le rasoir d'Ockham2.Les étudiants n'y comprirent rien et les électeurs encore moins mais dans les cafés on s'esclaffa à satiétésur "le Président qui nous rase avec le rasoir d'occase". L'affaire était mal engagée. Les syndicats ouvriersclamèrent que les jeunes qui avaient déjà tant de difficultés à trouver un emploi feraient les frais de la chose, etles patrons se montrèrent peu enthousiastes à conserver plus longtemps encore les employés âgés qu'ilslicenciaient sitôt passée la quarantaine.Interrogée par un de ces hebdomadaires qui inventent numéro après numéro les heurs et malheursimaginaires des gens connus, une starlette, qui avait obtenu à l'usure et avec retard un diplôme qu'elle ne savaitpas lire, déclara "absolument géniale" cette réforme qui lui laisserait ses vingt ans pendant au moins dix ansencore (Le journaliste n'osa pas corriger le calcul).Ce fut une allumette sur une meule de foin. Les magazines féminins s'emparèrent de l'idée et titrèrent à quimieux-mieux sur cette nouvelle fontaine de jouvence qui retarderait l'inéluctable vieillissement de leurslectrices plus efficacement que toutes les crèmes et les onguents dont ils vantaient jusqu'ici les mérites. Enfin!Les femmes de quarante ans auraient les trente qu'elles voulaient paraitre, et celles de cinquante pourraientretarder un peu plus la venue de leur premier enfant que leur carrière ne leur avait pas laissé le temps de faire,souvent même de commencer. Les quelques universitaires et les rares normaliens, qui tentèrent, à l'aide dedeux des quatre opérations élémentaires seulement, de rétablir l'exactitude des calculs, furent vilenpidés etvoués aux gémonies. Le Doyen de l'Académie de Biologie fut qualifié de "néandertalien machiste" par laPrésidente de l'ADDF3 pour avoir eut cette impudence d'affirmer que les processus biologiques ont unechronologie qui ne doit rien à l'unité avec laquelle on la mesure. Elle lui démontra, simple règle de trois, qu'àl'aune du calendrier rénové les femmes ne porteraient plus les enfants que six mois et trois semaines. Qui, àpart de pareils "dinosaures rancis", oserait s'opposer à pareil progrès ?Bien conseillé, le Président soumis donc le projet à référendum. Et, comme espéré, le vote fémininemporta la décision.
La modernisation eut les effets escomptés, et bien au-delà. Si le flux de cotisations entrant dans les caissess'enfla dans les proportions prévues, celui qui sortait s'amenuisa à la surprise générale. Les financierss'interrogèrent mais brièvement et prirent la chose comme elle était écrite dans leurs états: ils gagnaient dans lacolonne de droite comme dans celle de gauche de leurs comptes d'exploitation, qui s'en plaindrait? Quelquesjeunes diplômés en économie s'intéressèrent au phénomène, publièrent dans d'obscures revues etabandonnèrent vite un domaine qui ne rapporterait jamais un Nobel. Il n'y eut plus qu'un vieil hurluberlu,disciple de Sorel4 de surcroît, pour prétendre que les deux faits s'expliquaient aisément à condition d'utiliserl'antépénultième calendrier: les gens partant en retraite beaucoup plus âgés décédaient donc peu de tempsaprès, ce qui expliquait à la fois l'augmentation des cotisations et la diminution des pensions servies. On segaussa gentiment de lui5: l'antépénultième calendrier? Il devait s'éclairer à la bougie! 
2 Guillaume d'Ockham (ou d'Occam) vers 1285 - 9 avril 1347. Franciscain, il participe à la critique radicale de la papautémenée par une fraction d'entre eux ("Les spirituels", Michel de Cesena) Convoqué à Avignon, il sera finalementexcommunié. Ockham pose que lorsque les hypothèses initiales suffisent à l'explication d'un phénomène, il est inutile d'enajouter de nouvelles. Ce "rasoir" permet donc d'écarter les causes ou les raisons surnuméraires et inutiles.3 Association de défense des droits des femmes.4 Georges Eugène Sorel (1847 - 1922) Philosophe et sociologue. A publié entre autres "Réflexions sur la violence"et" Lesillusions du progrès".5 Et cependant l'application, pertinente ici, du rasoir d'Ockham eut prouvé la justesse de son hypothèse!
Ainsi fut accompli la fin annoncée de l'Histoire. Le capitalisme avait atteint son acmé. Il occupaitmaintenant tout le champ des possibles: financiers et banquiers récoltaient sans peine et ne rendaient que lestrict nécessaire à ceux qui travaillaient désormais jusqu'au seuil de leur mort.
* * *           
L'année où la Seine gela. 
Cet hiver là, la Seine gela quatre semaines durant, de fin Novembre à mi Janvier. Au long des annéesParis s'était accoutumé et adapté aux hivers rigoureux et aux froids coupant comme des lames que l'hiveramenait désormais. Les parisiens avaient appris à enfiler deux ou trois pull-over, à calfeutrer les appartementset à vivre dans les cuisines où le réchaud à bio-méthane dispensait un peu de chaleur à l'heure des repas.D'habitude la pointe de froid durait une petite semaine, puis le thermomètre remontait vers un moins dix oumoins neuf raisonnables maintenant. Mais cette année là le grand froid se vautra sur Paris, la Sibérie prit sesquartiers entre Montmartre et Passy.
Ce qui fut le plus dévastateur fut moins la violence des températures que la Seine prise si longtemps.Depuis trois quarts de siècle que tous les états d'Europe de l'Ouest s'acharnaient à gagner des degrés contre laplanète on avait fermé toutes les centrales, nucléaires puis thermiques, abattus les barrages pour ramener lesfleuves à leur état sauvage, et enfin relégués tous les moteurs, même à vapeur, à la casse. A Paris donc, desbateaux-moulins, amarrés sous les ponts restant où le courant est plus vif, produisaient un peu d'électricité etsurtout les farines qui fournissaient désormais le gros de la nourriture des parisiens. Pris dans les glaces lesbateaux-moulins s'arrêtèrent. Celui de l'Alma et celui du pont Mirabeau coulèrent, leur coque écrasée commeune noix par les vingt centimètres de glace qui obstruait le fleuve. L'électricité s'interrompit. Les stocks defarine n'étaient que de dix jours de consommation ce qui avait été suffisant jusqu'alors. La pénurie s'installadonc début Décembre lorsque le Ministère Bio-Alimentaire dut interrompre les allocations de farines, lafamine suivit dès avant Noël. La quête de nourriture, de n'importe quelle nourriture, devint l'obsédant etl'unique souci. Certains traquaient des heures durant les rares souris qui avaient échappé au gel et d'autrestentaient de creuser la terre des squares bétonnée par la glace à la recherche de racines ou de vers de terredescendus encore plus profond... On mangea de tout: la colle raclée des papiers peints, les feuillespourrissantes tombées des arbres à l'automne, les vieilles pelotes de laine conservées au fond des placardsbouillies et rebouillies, et les culots de bougie qui faisaient de beaux yeux gras sur les bouillons de sciure. Ledoyen de la Faculté des Sciences réussit à hacher sa vieille serviette de cuir et à la mitonner en terrine en gelée.On lui implora sa recette et, dans les beaux quartiers, les anciens sacs Vuitton, les vieux pilot-cases d'Hermès,et même les mocassins Gucci percés finirent en pâtés.
Mais tous ces expédients ne gagnaient que quelques heures, quelques jours, sur la famine régnant enmaître sans partage qui nouait les ventres et vidait les hommes de substance. Des gens hâves et blêmes,emmitouflés comme des bibendum, oscillaient dans la rue, tanguaient et s'affaissaient sans même que les rarespassants se retournassent. Ou bien ils s'asseyaient contre le mur de la chambre et sombraient en silence, enfamille… La mort était devenue si banale!
La Mairie organisa l'enlèvement des cadavres. Des équipes de 5 ou 6 hommes tirant une voiture à brass'arrêtaient devant les immeubles où les familles avaient accroché un chiffon rouge, et descendaient le corpsqu'ils jetaient sur la charrette. Mais ces tâcherons étaient eux aussi affamés et affaiblis, et il n'est pas si aisé defaire descendre le colimaçon d'un escalier à un corps pesant rigidifié par le gel. Ils prirent vite au plus court: ilsjetaient le corps par la fenêtre d'où il rebondissait sur les trottoirs, entre les platanes, comme un rondin. Lesfamilles renâclaient, mais avaient-elles le choix? Jusqu'au jour où le dernier rebond d'une dépouille faucha netune gamine. De bouche à oreille la chose se sut à travers tout Paris et souleva une indignation qui n'attendaitque l'occasion de se manifester. Les parents trainèrent la commune en justice, étalèrent leur désespoir, puisécrivirent le soir même au Livre des Records afin que tout un chacun sut que leur fille avait réussi ce prodiged'avoir été tuée par un mort.La Mairie décida donc d'attendre le redoux pour reprendre les enlèvements. Après tout le gel écartait toutrisque sanitaire immédiat. Sauf que sitôt dégelés la rigor mortis saisit les cadavres, et qu'il fallut alors leurcasser les membres pour les déménager.
Le vingt Janvier, au milieu de l'après midi, les riverains entendirent des détonations sourdes venant dufleuve: la glace craquait enfin. La débâcle s'installa dans la nuit et, le matin, ceux qui le pouvaient encorevinrent regarder avec espoir les grandes plaques de glace glisser vers l'Ouest en se chevauchant et percuter lapointe de l'Archevêché. Il fallu attendre quatre longs jours encore pour que toute la glace descendue del'amont, et celle venue de l'Yonne et de la Marne, cessât d'encombrer le courant et que l'on put remettre lesgrandes aubes des bateaux-moulins en service. De longues, longues queues de parisiens grelottant s'étiraientsur les quais, et la farine de châtaigne, de fève, de glands et de pois chiches à peine tombée des meules etmême pas sassée était pesée, cinquante grammes par personne, et distribuée. La famine était finie et sa hordede misères et d'horreurs.
Les survivants rassasiés, on put faire les comptes. Le Maire, Nicolas de la Hulotte, déclara que grâce à lagestion habile et avisée de la municipalité on ne comptait que 10 000 morts. Mais lorsque le Ministère Bio-Alimentaire révisa ses listes d'allocataires, 50 000 manquaient. Et la Commissaire aux Energies, Cécile II duFlotte, au cours de l'examen de son budget reconnu avoir planifié les besoins futurs sur 60 000 individus.L'opposition en fit des gorges chaudes, brocarda son pessimisme malthusien et la surnomma "Cécile moinsdeux". Par recoupement on estima que Paris avait perdu autour de 40% de sa population.Mais comme Staline l'avait dit d'expérience: "Un mort c'est un drame, un million de morts c'est unestatistique" et les motifs de réjouissance ne manquaient toutefois pas: la consommation de carbone étaittombée à moins d'un quintal par personne et par an, la température du globe, cette année là, avait baissé decinq degrés, la couche d'ozone engraissait et s'étalait désormais jusqu'à l'Equateur et, pour la première foisdepuis cinq millénaires, des ours blancs s'étaient aventurés jusque dans le Jutland. Ces résultats excellentsconfirmaient la justesse de la politique décidée avec clairvoyance et poursuivie avec obstination par l'Uniondes Etats Européens. Le Délégué du GIEC6, Noël Samére Fils et le Commissaire Européen aux Economies,Bendit Majeur reconnurent les efforts tout à fait méritoires accomplis par la capitale et l'encouragèrent àpersévérer dans cette voie. L'Union des Pays du Sud, qui avaient connu un hiver doux et humideparticulièrement favorable aux cultures de mil et de sorgho de la cuvette saharienne, vota une aideexceptionnelle de 10 000 euros au profit de Paris.
6 GIEC: Groupe d'experts chargé par l'ONU d'informer les Etats sur l'évolution actuelle et prévisible du climat.
La conclusion revint comme à l'accoutumée au Prince-Président lorsqu'il déclara qu'une fois encore lacapitale ne s'était pas sacrifiée pour rien et avait montré au monde qu'elle était, comme toujours, à la pointe descombats libérateurs. Cette fois-ci il cita Goethe: "Par-dessus les tombeaux, en avant!"
O O O
Ce texte ne doit pas tout à la seule imagination de son auteur. L'Europe, et la France, connurent deuxsiècles durant, de 1650 à 1850, un minimum climatique7 appelé "le petit âge glaciaire". Si quelques hiversfurent particulièrement rigoureux et calamiteux (1693/94: 1,2 millions de morts) celui de 1709, que lescontemporains nommèrent le "Grand hyver", fut catastrophique tant par la durée et l'intensité extrême du gel,par le nombre de ses victimes que par ses conséquences dans tous les domaines.On trouvera ci-dessous les principaux événements de 1709.    * *
Le "Grand Hyver"6 janvier : Début de la vague de froid qui touche l'Europe et particulièrement laFrance. C'est ledébut du « Grand Hyver » de 1709. LaSeine gèle. Le gel et les intempéries rendront le ravitaillementdeParis impossible pendant trois mois.13 janvier : Température à Paris de -23°. Le champagne gèle dans les caves et le vin est débité à lahache.20 janvier : Dixième jour consécutif où la température est inférieure à -10° à Paris (Ce phénomènene s'est jamais reproduit à ce jour). Température (estimée) de -30° à Paris.Les oiseaux tombent en pleinvol, les animaux succombent de froid au sein des étables. A Versailles, le vin servi à Louis XIV gèle dans lacarafe le temps de traverser l'antichambre.24 000 morts de froid à Paris durant le seul mois de janvier.15 mars : Début de la spectaculaire débâcle de laSeine générant une importante inondation quirend encore impossible le ravitaillement deParis.finmars : Dégel après le « Grand Hyver » qui laisse plus d'un million de morts en France. Presquetous les cours d'eau français ont gelé et même l'océanAtlantique fut pris par le gel le long des côtesfrançaises! Nombreuses émeutes de la faim. Point culminant de l'impopularité deLouis XIV enFrance.5 avril : Bloqué par les rigueurs de l'hiver,Paris est approvisionné pour la première fois. Le prix dublé est multiplié par huit.23 avril, par arrêté royal, Louis XIV autorise à ressemer chaque parcelle de terrain.12 juin : Appel deLouis XIV au peuple lu dans toutes les églises du royaume. L'appel est entenduet l'effort de guerre (Succession d'Espagne) est maintenu malgré l'urgence de la disette.22 juin :Abraham Mazel soulève lesprotestants duVivarais. 20 août : Emeute de la faim àParis. La troupe fait feu sur la foule et la ville est mise enétat desiège. Révoltes dans leJura.
7 Cf. : Le Roy Ladurie:Histoire du Climat depuis l'An Mil, 1967, 2e éd. 1983.
Le déficit de l’État atteint 1000 tonnes d’équivalent-argent. Faillite du financierSamuel Bernardqui a perdu 30 millions. Banqueroute de la place financière deLyon due à la conjoncture et à l’effortde guerre.(D'après:http://fr.geneawiki.com/index.php/Le_Grand_Hiver)
LaRéserve de Zazaï-Ngoro
La Réserve de Zazaï-Ngoro était au bord de l'étouffement. Protégés, soignés, dorlotés, les éléphantspullulaient. On en avait vendu, puis donné, à tous les zoos, enfin à tous les cirques, et de tous les continents. Ilsn'en voulaient plus, ils en avaient déjà trop. On s'était alors résigné à les "euthanasier", en clair à abattre lesplus vieux, discrètement bien sur. Avec l'aval, implicite évidemment, du Ministre des Espaces d'Avenir de laRépublique Populaire et Africaine du Zimbowa.Ce ne fut hélas pas suffisant. Les hardes se multipliaient, et, en quête de pâtures, elles chassèrent lesgnous, puis les antilopes. Privés de gibier les lions et les guépards disparurent et avec eux les hyènes et lesvautours qui ne trouvaient plus de charognes, sans compter les mouches, les papillons, les puces, les tiques ettoute cette sauvagine minuscule qui vit aux dépens des autres… Les 5 000 kilomètres carrés de la réserve n'ysuffisaient plus, les éléphants avaient tout brouté, jusqu'aux arbres, ils barrissaient de faim au milieu du désertqu'ils avaient pelé jusqu'à l'os.La Commission de Contrôle du Commerce de l'Ivoire, par un hasard tout à fait opportun, décida cetteannée-là, d'un contrôle approfondi des stocks d'ivoire de l'Etat Libre du Batou Fasou, à 2 000 kilomètres de là.Tous ses inspecteurs y furent mobilisés deux semaines durant. Avec l'aval, tacite cela va de soi, du Ministre desEspaces d'Avenir, on vendit les défenses des vieux mâles euthanasiés à de très, très discrets courtiers(japonais?) qui les payèrent en épaisses liasses de dallers, la monnaie locale. Avec ce qui restait, après que leMinistre des Espaces d'Avenir eut rémunéré son silence, on acheta quelques tonnes de foin. Autant dire unegoutte d'eau dans la mer.
La catastrophe survint une semaine plus tard. Les hardes de pachydermes, fous de faim, arrachèrent lesbarrières du parc et se ruèrent sur les terres des Zazaï.
Les tribus Zazaï comptaient alors une dizaine de milliers d'individus. Féroces et habiles combattantsvenus du nord du continent cinq ou six cents ans auparavant, ils avaient occupé toutes les terres jusqu'à la côte.Les colons anglais, philanthropes et civilisateurs car dévoués au développement économique (et donc aubonheur des peuples), les avaient chassés à coup de fusil des bonnes terres qui méritaient mieux que la pâturedes chèvres. Il est vrai que les Zazaï croient que les chèvres sont sacrées, et que la virilité d'un homme semesure à la taille de son troupeau de biques. Aujourd'hui les socio anthropologues, les ethnologues et les socioculturalistes nous ont ouverts aux subtilités et aux profondeurs de la culture caprine, mais les solides colonelsanglais et victoriens y soupçonnaient de tout autres pratiques dont le détail égayait les popotes.
Quoiqu'il en fût les Zazaï n'occupaient plus désormais qu'une centaine de milliers d'hectares demauvaises terres et de steppes autour du parc. Ils y laissaient vagabonder leurs chèvres, et cultivaient, àproximité des villages, de petites parcelles de manioc, de sorgho et de légumes dont ils se nourrissaient, car ilsne mangent bien sur jamais de chèvre, ou de chevreau.
Les hordes d'éléphants se déversèrent sur ces terres mal herbeuses comme une nuée de sauterelles. Enune semaine ils eurent tout brouté et même les petits enclos potagers. Les Zazaï tentèrent de résister et dechasser l'envahisseur. A coup de flèches et de sagaies ils blessèrent et même tuèrent quelques éléphants. LeMinistre des Espaces d'Avenir ne pouvait pas laisser passer la chose et abattre sans réagir une espèce protégée.Il envoya la troupe avec d'autant moins de scrupule qu'il était originaire des tribus de la côte. Les associationsde protection de la nature ou des animaux: GRINE8, le VER9, la SPOM10, etc… applaudirent cette mesurevigoureuse, salvatrice et protectrice.
Les Zazaï s'obstinèrent à ne rien comprendre des intérêts supérieurs de la République Populaire etAfricaine du Zimbowa, et, pire encore, de l'avenir de la planète. Ils escarmouchèrent avec succès contre lasoldatesque, résistèrent aux pillages, aux viols et à l'incendie des villages. Les télévisions, avec les précautionsverbales d'usage, étalèrent à plein écran les crimes de ces rebelles qui coupaient les jarrets des éléphants, etaccessoirement égorgeaient les bidasses. Le Président des Etats-Unis laissa entendre qu'il fallait voir là-dessousla main d'Al-Quaida. Le Ministre des Espaces d'Avenir doubla donc la troupe. Razziés par les hordesd'éléphants et toutes les régiments de la République Populaire et Africaine du Zimbowa (sans compter les"conseillers spéciaux" venus du Pentagone) les rares Zazaïs survivants se rendirent, quelques chèvres furent"euthanasiées" dans les règles devant les caméras, les autres rôties et mangées, et eux "regroupés" dans uncamp où la tuberculose et la dysenterie – le désespoir peut-être – eurent très vite raison d'eux.
Il n'y avait plus de Zazaï, mais il restait des éléphants dans une situation grave et périlleuse qui nepouvait qu'émouvoir les âmes sensibles: sous alimentés, traumatisés par les massacres qu'ils avaient subis, leséléphanteaux orphelins et marqués à vie, les troupes désorganisées par la perte des vieilles femelles… Undrame affreux et qui ne pouvait laisser personne indifférent. Alertées par mails les ONG compétentes semobilisèrent et firent jouer leurs réseaux d'influences et de relations. Des chanteurs célèbres donnèrentd'immenses concerts gratuits dans Hyde Park, GRINE USA importa en catimini trois éléphants qu'il lâcha dansCentral Park "où ces pauvres bêtes pouvaient brouter un gazon qui ne servait à rien", José Bovieu et NoëlSompére allèrent de concert faucher les nymphéas de Giverny pour fournir de la pâture aux éléphants.L'émotion fut partout immense. Elle atteignit son point culminant lors du mémorable discours du MinistreFrançais de l'Enveloppement du Rable, Seconq de Tasseaux, devant le Conseil de Sécurité: "Nous sommes unevieille nation qui a connu le mammouth…L'éléphant est un trépied qui ne trompe pas. Il sait conserver unepatte dans le passé, et de l'autre avancer avec confiance sur le sentier de l'avenir…"
8 "Groupe Résolu d'INitiative Ecologique". 4 rue des Nonillettes Paris 75024 France.9 Vers une Ecologie Réaliste. 32 Baker Street London SW1 England. www/ ver/tomorrow.org.10 Société Protectrice des Organismes Maltraités. 3972 Berthier Lane - New York 2732 NY USA
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