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Langue Français

Extrait

Extrait n°2 du livre :
Au fil de l'eau
de
Guy Girard
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1
Au fil de l’eau…
« Ce n’est pas du sang qui coule dans nos veines,
c’est la rivière de notre enfance… »
M. Sardou
E
magny… En arrivant, avec ma famille, dans ce petit village
des rives de l’Ognon, j’avais découvert l’eau, tout simplement.
Hormis dans les seilles d’eau tiède où nous plongeait ma mère
chaque samedi soir, en commençant par les plus jeunes, nous
n’avions pas, à huit cents mètres d’altitude, un contact très prolongé
avec cet élément naturel. Et je me souviens avoir manifesté la plus
grande frayeur à traverser, la main bien serrée dans celle de ma
mère, le large pont de la République dans la capitale comtoise…
Ma curiosité me poussa très vite aux alentours du moulin vers
le canal peu profond, résurgence de la dérivation de la rivière dans
la turbine. Celle-ci actionnait la grande roue destinée à maintenir en
mouvement tous les rouages, broyeurs et tamis du moulin à farine
panifiable. Parfois de gros rats en provenance des locaux
traversaient le courant. Cela nous incitait à une prudence redoublée
et nous inclinait peu à faire trempette dans ce bras de rivière, certes
poissonneux, mais envah par de longues plantes aquatiques aux
fleurs blanches le printemps venu.
Dans cet abreuvoir naturel, en pente douce, vers la berge
sablonneuse, nos vaches se désaltéraient en partant vers leur pâture
à la sortie du village contre Moncley. Tout près résidait encore un
vieil agriculteur célibataire ou veuf, je ne savais pas, qui travaillait
au ralenti, au pas de son unique cheval dont le joli collier orne
aujourd’hui le vestibule de notre maison.
Pierre Maire, c’était son nom, n’avait aucune famille à
assumer. Aussi prenait-il le temps de pêcher devant chez lui, le soir
au retour des champs, ou durant la journée du dimanche. Lorsque la
rivière se gonflait des pluies abondantes de printemps ou
2
d’automne, le canal lui offrait les meilleures prises. J’allais parfois
m’asseoir près de lui sur le parapet qui borde la route. J’observais
minutieusement ses faits et gestes et j’avais, autant que lui, les yeux
rivés sur les trépidations du bouchon ou de la plume à la surface de
l’eau. Le voir retirer, après une courte bataille par ligne interposée,
une perche-soleil multicolore ou une tanche dorée était pour moi,
jeune garçon, un enchantement renouvelé.
Emu par tant d’assiduité il se prit d’amitié pour moi et se mit
en mesure de m’apprendre à pêcher.
Selon ses dires, la première chose à savoir faire était la
confection de la ligne. Un long bambou suffisait en guise de canne à
pêche, pas trop flexible en son sommet pour ne pas amplifier les
mouvements brusques et inexpérimentés du jeune pêcheur… Les
grands saules qui bordent l’Ognon captureraient vite hameçon et
ligne de l’apprenti ! Le fil de nylon devait avoir un diamètre assez
important pour résister aux tractions sur les branches et les troncs
dissimulés au fond de l’eau et se terminer par un bas de ligne plus
fin pour ne pas effrayer le poisson.
J’écrasais entre mes dents, sur le fil de nylon, les grains de
plomb qui m’ont laissé leur goût particulier, acidulé, en bouche.
Pierre m’avait appris à monter moimême les hameçons achetés au
magasin d’articles de pêche du village. Ce commerce faisait aussi
office de salon de coiffure. Là, Thérèse, aimable célibataire
endurcie au menton garni de poils, savait conseiller ses jeunes
clients. Elle leur vendait, pour quelques francs, un permis de pêche
à trois lignes, précieux sésame en carton bleu qui passait parfois
avec nos shorts dans le lave-linge et les rouleaux de l’essoreuse
Hoover. Elle leur montrait toute sa collection de plumes et de
bouchons en les invitant à y choisir les plus rustiques et résistants.
La « filoche » en mailles métalliques complétait l’arsenal des jeunes
marins d’eau douce… Le père de Thérèse, qui nous coupait les
cheveux après avoir, entre chaque client, passé à la flamme et
refroidi, dans la paume de sa main gauche, ciseaux et tondeuses, la
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surveillait, du coin de l’oeil, dans la glace fixée au mur devant le
client, comme on surveille un enfant de sept ans…
Très rapidement, je devins un assez bon pêcheur, eu égard en
tout cas aux faibles sommes dépensées pour le matériel et les
amorces et appâts... Les vertes ablettes, les goujons barbus, les
cabots argentés et les frétillants gardons garnissaient très souvent, à
ma grande fierté au retour de la pêche, ma filoche repliée dans la
main droite. Parfois un hotu, gigantesque à mes yeux, venait tenir
compagnie à ces poissons plus modestes par leur taille et j’étais
heureux de montrer à ma mère et à mes frères et soeurs le fruit de
ma patience… vertu encore sollicitée pour écailler et vider mes
prises !
Le soir, ma mère les roulait dans la farine et les grillait à la
poêle. Les enfants mangeaient les plus petits avec tête et queue en
les croquant sous leurs jeunes dents. Les adultes se dépêtraient avec
les multiples arêtes des brèmes ou des hotus arrosés de jus de citron.
Cette friture dorée a pour moi le goût de l’enfance…
La peur de l’eau m’avait quitté et pourtant je ne savais pas
nager, situation qui n’a pas changé avec le temps… Mon
apprentissage terminé, je me hasardai l’été suivant sur le long
barrage en amont du moulin. C’était un plaisir de pêcher sous le
soleil dans les eaux agitées de la chute. L’eau remontait derrière
mes genoux presque à la hauteur du revers de mon short. Une
brume légère sortie de l’écume vaporeuse irisée par le soleil donnait
à la rivière cet aspect flou des tableaux des maîtres florentins. Les
appâts se trouvaient dans la mousse qui recouvrait d’un tapis
verdoyant le plan incliné du barrage. J’extirpais de leurs minuscules
cocons aquatiques les larves d’éphémères, promesses de pêches
miraculeuses…
Un ami bisontin, Philippe, dont les parents horlogers
possédaient une résidence secondaire au village, m’accompagnait
souvent durant les grandes vacances. Il devait devenir plus tard l’un
des meilleurs pêcheurs du lac Léman et l’inventeur de nombreuses
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mouches et cuillers pour la pêche aux poissons carnivores. Il était
déjà très doué et passionné. Très souvent, lorsque les aprèsmidi
étaient orageux, nous rapportions à la maison plus de deux cents
petites prises. Nous posions sur nos lignes deux ou trois hameçons
en série. Quel plaisir de sentir vibrer dans l’avant-bras les
frétillements des poissons pris aux piège des éphémères et de sortir
de l’eau vive des doublés ou des triplés scintillants !
On ne parlait pas encore ou alors très occasionnellement de
pollution dans les années cinquante et seules les poussières et issues
en provenance du moulin couvraient parfois la surface de la rivière
et troublaient notre pêche en offrant à la gent aquatique une manne
tombée du ciel…
Nous avons ainsi passé plusieurs étés de notre enfance les
pieds dans l’eau et la tête au soleil… sans pour autant atteindre la
taille que nous aurions alors peut-être souhaitée !
Peu à peu la pratique assidue du football et l’organisation de
camps à bicyclette prirent, durant les vacances, la place de la pêche
et je me mis, adolescent, à rêver à d’autres prises moins cruelles et
plus romantiques…
Plus de vingt années s’écoulèrent avant de pouvoir renouer un
contact physique autre que visuel avec la rivière de mon enfance.
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