L'INNOVATION A L'INRA
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CAHIER N°15
L'INNOVATION A L'INRA  Vers de nouveaux principes d'intégration du rapport science/innovation    F. AGGERI, D. FIXARI, A. HATCHUEL  
 
 
 
 
 
Février 1998
 
RESUME
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      Cette recherche sur les processus d’innovation à l’INRA a été conduite selon deux orientations. La première a consisté à reconstituer six histoires d’innovation : l’hybride du colza, la fertilisation azotée par la méthode Jubil, la lutte contre la pyrale du maïs, l’alimentation des ruminants, et la filière oenologique (les six monographies sont en annexe de cette note). La seconde orientation est plus théorique : on s’est surtout attaché à analyser le modèle d’innovation observable à l’INRA et ses implications nouvelles sur l’intégration science/ innovation dans un grand organisme de recherche.  Les observations conduites montrent que s’est progressivement mis en place à l’INRA un modèle d’innovation spécifique qui dépend fortement de ce que nous avons appelé les « ordres socio-économiques », multiples, du monde agricole, qui est très tôt structuré, voire piloté, par ses partenariats, et qui nécessite des connaissances provenant aussi bien du laboratoire que de l’exploitation agricole.   Ce modèle recoupe parfois un schéma « colbertien » : de grands objectifs nationaux trouvent alors dans des avancées significatives le support à de nouvelles techniques, de nouvelles organisations et de nouvelles lois. Mais il s’agit là d’un cas limite. Et l’INRA doit rechercher aujourd’hui des principes d’intégration science / innovation plus souples et plus diversifiés.  Il faut alors bien mesurer que processus scientifiques et processus d’innovation peuvent donner lieu à des couplages multiples tout en gardant leurs spécificités. Le processus scientifique est fédératif et communautaire : il rassemble par de grandes thématiques et construit l’identité du chercheur, en même temps qu’il lui fournit ses repères de légitimité et de reconnaissance. Le processus d’innovation est ségrégatif et socialisateur : il commence par construire des droits économiques exclusifs futurs pour un petit nombre d’acteurs et se déploie ensuite en multipliant ses interfaces avec des acteurs de plus en plus hétérogènes : clients, prescripteurs, producteurs...  Cette double logique doit être prise en compte par l’ensemble des appareils gestionnaires de l’INRA : l’une ne saurait être niée au profit de l’autre. Pour avancer sur cette voie nous avons pensé qu’il fallait introduire la notion de « champ d’innovations coordonnées » permettant de prendre en compte la variété des couplages science/innovation. En effet c’est à partir de ce type de champ que l’on peut penser le caractère local et transversal du processus d’innovation, que l’on peut aussi relire des notions qui ne sont pertinentes que dans certains contextes : notion de milieu, de filière, de technologie générique, etc....  Si chaque niveau de l’appareil gestionnaire de l’INRA doit certes identifier et agir sur des thématiques scientifiques, il lui faut aussi faire de même sur des « champs d’innovation coordonnées ». Ces derniers seront selon les cas : un partenariat avec une entreprise multinationale, un nouveau concept de lutte contre les parasites, une instrumentation sectorielle... De telles pistes n’ont pu qu’être esquissées au stade de cette recherche qui s’est voulue exploratoire.
 
 
    SOMMAIRE
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     I- L’INNOVATION A L’INRA : UNE TRADITION A RECONSTRUIRE ? p 4   II- LES MATERIAUX DE LA RECHERCHE : HISTOIRES D’INNOVATION p 7   III- LES SPECIFICITES DE L’INNOVATION A L’INRA p 10   IV- ESQUISSE D’UN MODELE IDEAL-TYPIQUE p 18   V- SCIENCE ET INNOVATION : PROCESSUS FEDERATIFS ET PROCESSUS SEGREGATIFS p21   VI- QUELLE MUTATION DES APPAREILS GESTIONNAIRES ? p 25      ANNEXE : MONOGRAPHIES DE SIX CAS D’INNOVATION   - LA BREBIS LACAUNE ET LE FROMAGE DE ROQUEFORT p 29   - L’HYBRIDE DU COLZA p35   - LA METHODE JUBIL DE CONTRÔLE DE LA FERTILISATION AZOTEE p 43   - LA LUTTE CONTRE LA PYRALE DU MAIS p 52   - L’ALIMENTATION DES RUMINANTS p 61   - LES INNOVATIONS DANS LA FILIERE OENOLOGIQUE p 69       
 
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     I- L’INNOVATION A L’INRA : UNE TRADITION A RECONSTRUIRE ?  Quand tous les intervenants du monde agro-alimentaire soulignent l’importance des mutations en cours dans ce secteur, comment repenser aujourd’hui le rapport entre science et innovation à l’INRA ? (Institut National de la Recherche Agronomique - Voir présentation en encadré ci-après). Comment en déduire les évolutions souhaitables des appareils gestionnaires qui forgent la politique scientifique, humaine, organisationnelle, et contractuelle d’un grand organisme de recherche finalisée? Comment aussi éviter sur cette voie les recommandations structurelles peu susceptibles de coller au réel de la pratique des chercheurs ?  Telles sont les questions principales posées dans cette note, qui se sont dégagées progressivement à la fois de notre recherche et des débats que nous avons eus avec le groupe de travail (groupe « Impact »), composé de responsables et de chercheurs de l’INRA1chargé par le président de réfléchir à une évaluation plus stratégique des recherches de l’Institut. Ce groupe pilotait notre recherche et nous lui avons fait régulièrement part de nos constatations et de nos interrogations.  La question initiale était, elle, simple mais vaste : si l’INRA, organisme de recherche finalisée peut légitimer son action par les progrès scientifiques obtenus dans de nombreux domaines, de quelle nature est son impact économique sur les professions agricoles et les entreprises agro-alimentaires ? Autrement dit, les recherches de l’INRA participent-elles au développement et à la mise en oeuvre d’innovations « réussies » ?  A vrai dire, une telle question n’était nouvelle ni pour l’INRA ni pour la recherche en économie, sociologie ou gestion. Il fallait donc la repréciser et choisir une démarche d’investigation et de « modélisation » adéquate   L’Institut National de la Recherche A ronomi ue (INRA) Créé en 1946, l’INRA, établissement public national à caractère scientifique et technologique es lacé sous la double tutelle des ministères chargés de la Recherche et de l’Agriculture. Ses activités de recherche visent aussi bien la roduction a ricole ue sa transformation, e s’étendent à la gestion de l’espace rural et des ressources naturelles, ainsi qu’à l’alimentation de l’homme. Les disciplines scientifiques mobilisées vont ainsi de la biologie aux sciences économi ues et sociales, et aux sciences de l’in énieur et de l’environnement. Sa vocation es « de roduire et transférer aux rofessionnels des connaissances, des innovations et des savoir-aire répondant à la demande socio-économique ».                                                           1Le groupe était composé de deux chercheurs du département Economie et Sociologie Rurales, du directeur des relations industrielles et de la valorisation, du chef du déparetement Génétique et Amélioration des plantes, du chargé de mission auprès du président, du directeur de la Programmation et du financement, d’un président de Centre de Recherche, du secrétaire Général des Commissions Scientifiques spécialisées, et du directeur des Politiques Régionales.
 
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Tant ar son statut ue ar sa taille et la variété de ses cham s d’intervention c’est un or anisme nique au monde. Doté d’un budget dépassant les 3 milliards, il emploie plus de 8500 agents titulaires, ré artis entre lusieurs centaines d’unités de recherche ou d’unités ex érimentales. Ses liens étroits avec le monde socio-économi ue se traduisent ar rès de 1200 contrats assés chaque année avec des partenaires publics et privés. Il est à l’heure actuelle or anisé en cin directions de secteurs scientifi ues, com létées ar deux délégations, environnement et agriculture, développement, prospective. A ces directions son attachés 21 départements de recherche : cinq d’entre eux ont été plus spécialement concernés ar cette recherche : énéti ue et amélioration des lantes, zoolo ie, éleva e et nutrition des animaux, agronomie, et systèmes agraires et développement. Il y a par ailleurs 22 « centres d echerche », structures territoriales généralistes coiffant les unités de base, qui sont réparties su toute la France, alors ue les dé artements sont thémati ues et im ulsent une oliti ue scientifique. Une direction fonctionnelle est spécialement chargée de la politique en matière de elations industrielles et de valorisation des résultats des recherches, en liaison avec le service uridi ue. Une autre s’occu e des Actions Incitatives Pro rammées AIP destinées à souteni des projets pluridisciplinaires. En ce ui concerne la estion des chercheurs, treize commissions scientifi ues s écialisées son chargées des évaluations annuelles des 1800 chargés de recherche et directeurs de recherche, tandis que les recrutements et les passages entre ces deux grades relèvent de jurys constitués de manière ad-hoc.   I-1 Changer l’échelle de l’analyse.  A l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’INRA a suscité de nombreuses rétrospectives historiques2 permettent d qui à l’évidence les gains en productivité accomplis par ’apprécier l’agriculture française dans tous ses domaines d’activité. Par ailleurs les réformes institutionnelles qui se sont succédé (PAC, Uruguay Round, loi d’orientation...) tout autant que plusieurs affaires récentes contribuent à renforcer l’idée que le monde agro-alimentaire affronte désormais plusieurs défis majeurs et simultanés : celui des technologies du génome ou de la biologie moléculaire, celui de la compétitivité internationale, celui de la protection de l’environnement ou plus généralement de la qualité des produits. Sur tous ces points, les réflexions se sont multipliées ces dernières années et il n’était donc pas question de reprendre directement ces débats bien connus. Il fallait donc changer l’échelle de l’analyse et adopter un détour méthodologique permettant d’approcher plus spécifiquement la question de l’innovation à l’INRA au travers des pratiques et des acteurs qui ont fait et continuent à faire celle-ci. En d’autres termes, il semblait plus utile de quitter pour un temps les grandes problématiques où l’INRA est décrit comme un « sujet agissant et pensant » pour étudier plus précisément les dynamiques internes qui sont mises en jeu dans les processus d’innovation.  Cette orientation conduisit le groupe Impact à un parti d’étude précis et opératoire : celui de faire reconstituer du mieux possible par des spécialistes de la sociologie et de la gestion de                                                            2Craney « 50 ans d’un organisme de recherche » INRA Editions 1996
 
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l’innovation un certain nombre d’histoires d’innovation, en repérant les contextes scientifiques et économiques, les acteurs internes et externes impliqués, et les raisonnements qui ont présidé à la construction des différentes logiques d’action répertoriées. Une telle étude devait permettre de dégager les ingrédients les plus spécifiques de l’innovation à l’INRA, ingrédients construits sur des décennies et sur des questions particulières, ingrédients peut-être aujourd’hui en mutation, chacun à son rythme propre, en ouvrant plusieurs trajectoires possibles d’évolution. Ce travail fut confié au Centre de Gestion Scientifique (CGS) et au Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI)3de l’Ecole des Mines de Paris, qui étudièrent en parallèle respectivement six et sept cas dinnovation.     Nous reviendrons plus loin sur les six cas retenus pour le CGS, pour examiner à la fois les traits communs ou distinctifs de chacune de ces histoires.  On pourrait dire ici que nous avons tenté, au travers de ces cas, d’approcher l’innovation « telle qu’elle s’est faite ». Mais cette formule masquerait, si elle était prise à la lettre, que le regard que nous avons porté sur ces innovations et les investigations que nous avons conduites ont leur spécificité. C’est donc non pas de l’innovation « telle qu’elle s’est faite », mais de l’innovation telle que nous avons pu en modéliser le déroulement qu’il s’agira ici. Quel est donc notre mode de modélisation ?             I-2 Quel regard retenir ? Une approche de l’innovation dans les organisations  La nature protéiforme de l’innovation limite évidemment l’intérêt d’une théorisation trop universelle et d’ailleurs les très nombreux courants de recherche qui ont abordé cette question ont généralement privilégié un régime particulier de l’innovation. Signalons simplement ici quelques grandes orientations pour mieux situer l’approche retenue. On peut grossièrement classer ces courants en trois grandes catégories.  -La sociologie des réseaux technico-économiques   Développée particulièrement au Centre de Sociologie de l’Innovation de l’Ecole des Mines, cette approche a surtout souligné le mode de formation de l’innovation par « enrôlements » successifs d’acteurs (et d’objets) multiples.   L’économie du changement technique  - Elle s’est surtout attachée à examiner les modalités de l’influence du progrès technique sur la croissance économique. Elle a aussi souligné les mécanismes concurrentiels qui peuvent favoriser l’innovation ou lui nuire, et a cherché à mesurer l’impact des dépenses de R et D dans la performance des firmes.  -approches de l’innovation et des processus de conception dans les entreprisesLes .  
                                                           3 Des innovations à l’INRA, entre deux modèles »la synthèse du travail mené par le CSI dans C.Meadel « Voir Avril 1997
 
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Cette approche ancienne a connu récemment un regain d’intérêt avec l’effort de rationalisation important des projets innovants et des techniques de conception dans les entreprises4. L’innovation est prise ici du point de vue de la firme dont le projet est de systématiser et d’instrumenter des logiques d’innovation. Cela impose de mobiliser et de coordonner les capacités « entrepreneuriales » de nombreux acteurs intervenant chacun à des moments différents du cycle d’innovation. Si l’innovation n’échappe pas à l’incertitude qui lui est inhérente, cette incertitude est mise au coeur de l’action collective par l’organisation d’un processus d’apprentissage progressif et par la capitalisation volontariste des expériences précédentes. Piloter l’innovation relève autant de la mise en oeuvre d’une « coordination dynamique » entre les acteurs que d’une rationalisation des instruments de production des connaissances (acquisitions, prototypes, maquettes,...)5. Face à l’innovation, la firme est en quelque sorte tenue à se comporter à la fois comme un intégrateur stratégique fort, et comme l’organisateur d’un processus de recherche. C’est la simultanéité de ces deux composantes de leur action qui fait des entreprises innovantes un terrain très fécond pour la recherche en gestion.         C’est cette approche qui nous a guidée ici, non pas pour poser que l’INRA devrait se comporter comme une entreprise innovante, ce qui serait inapproprié, mais pour disposer d’un référentiel permettant de dégager aussi bien des similitudes que des contrastes.Notre hypothèse était que, tout en étant un organisme de recherche, l’implication de l’INRA dans un processus d’innovation lui imposera au moins partiellement de mettre sur pied des « projets entrepreneuriaux » comme dans les démarches de conception industrielle.  II - LES MATERIAUX DE LA RECHERCHE : HISTOIRES D’INNOVATION  On l’a dit, nous avons tenté de reconstituer six histoires d’innovation. Le choix de ces cas posait un problème de méthode : lesquels retenir, et selon quelle logique ? A cette épineuse question il n’y a pas à vrai dire de réponse facile : la notion de représentativité statistique n’est d’aucun intérêt ici car « la population des innovations » est une notion sans signification, tout comme la dichotomie dans cette population entre celles qui ont été des succès et celles qui ont été des échecs. Et puis n’est-ce pas au « déviant » qu’il peut être bon de s’intéresser aussi ? Le choix raisonné des cas supposait une connaissance préalable de l’INRA que nous n’avions pas : aussi le choix des cas fut-il laissé à nos interlocuteurs de l’INRA. Il exprimait alors certainement leurs préoccupations, autant que certains biais de leurs informations : autrement dit ces cas étaient pour eux à la fois suffisamment variés et significatifs des débats et des tensions associés à l’innovation à l’INRA. C’est cette significativité qui était alors un élément de connaissance précieux : elle nous assurait que les discussions sur ces cas pointeraient aisément vers les représentations les plus courantes des acteurs de l’INRA, représentations qui doivent être prises en compte dès lors qu’il y a des mutations à faire accepter. Certes, on n’évitait pas ainsi le risque d’occulter des questions méconnues de nos interlocuteurs et absentes des cas étudiées tout en                                                            4« The management of innovation » Tavistock 1961 - Hatchuel, Agrell, Van Voir en particulier Burns et Stalker Gigch « Innovation as system intervention » Systems Research 1986 - Clark et Wheelwright « Revolutionizing product development HBP 1992 - Midler « L’auto qui n’existait pas » Inter Editions 1993 - Hatchuel «L’avenir de la grande entreprise industrielle » Entreprise et histoire N°10 1994...).  5« Groupes transversaux et coordination technique dans la conception d’un nouveauVoir Moisdon, Weil véhicule » Cahier de Recherche du CGS N 3 1992 - Hatchuel article « Coordination » in Handbook of ° organizational behavior » IBP 1997 - Aggeri « Environnement et pilotage de l’innovation : un modèle dynamique du développement durable » Thèse de l’EMP, 1997.
 
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étant importantes pour l’avenir de l’INRA. La seule limitation de ce risque reposait alors sur l’élargissement progressif de nos interlocuteurs à l’INRA.  Chacune des histoires d’innovation que nous avons reconstituées pourrait nourrir à elle seule plusieurs volumes. Elles ont toutes donné lieu à des publications nombreuses, et fourmillent d’anecdotes et de rebondissements. L’identification de tous les acteurs intervenants est en soi un problème et dépend du degré de finesse de l’étude. Ce sont là des problèmes bien connus. De plus un récit , même simplificateur, est encore un matériau trop lourd à manipuler et l’on ne peut dégager de résultats robustes qu’au prix d’une modélisation et d’une conceptualisation forte de chacun des cas.La seule manière de permettre au lecteur de contrôler nos analyses réside dans un double exposé. Cela consiste à présenter d’une part une synthèse de nos conclusions et d’autre part un récit de chaque cas suffisamment détaillé pour qu’un contrôle de validité soit possible. Nous séparerons alors la question de la « vérité historique» de ces récits de celle de la « modélisation » particulière que nous en donnons dans notre synthèse.        On trouvera donc en annexe les six histoires d’innovation. Toutefois pour donner au lecteur un aperçu très rapide de ces cas nous allons en rappeler les contenus, en esquissant à chaque fois quelques questions qui ont émergé plus particulièrement à l’occasion de cette analyse .  II-1 La brebis lacaune et le fromage de roquefort  Le développement du fromage de roquefort est étroitement lié à l’approvisionnement en quantités suffisantes et régulières de lait de brebis ayant les qualités requises. L’INRA a été associé très tôt à la mise en place d’une politique systématique de sélection et de recherche impliquant l’ensemble des éleveurs concernés ainsi que l’interprofession de Roquefort. Compte tenu des spécificités du marché et de la physiologie des ovins, l’INRA a pu coordonner ici un ensemble d’innovations, tant au plan de la sélection que des procédés de traite et de l’alimentation, qui ont eu des effets évidents puisqu’après la pénurie d’hier on affronte aujourd’hui, avec des rendements laitiers très élevés par animal, des risques de surproduction. Le caractère exemplaire de cette action, poursuivie avec l’inter-profession depuis plus de quarante ans, s’associe ici à un schéma très colbertien de l’intervention de la science dans la construction des règles de l’art d’une profession très fortement organisée grâce à l’appellation contrôlée qui délimite la zone de collecte du lait. Mais ce schéma « productiviste » est contesté : l’INRA devait-elle anticiper la surproduction ? associer d’autres régions productrices ? offrir de nouvelles perspectives de recherche, prenant en compte les facteurs qualitatifs d’équilibre des milieux ?   II-2 L’hybride du colza   Depuis les années 60, l’INRA a joué un rôle majeur dans l’essor pris en France et en Europe par la culture du colza (création de variétés sans risques pour la santé humaine ou animale). Dès les années 70, les chercheurs ont essayé, parallèlement à la sélection variétale, de mettre au point des hybrides, qui, d’un point de vue technique, posent pour le colza des problèmes complexes, mais dont on peut espérer un effet de « vigueur hybride » qui peut s’avérer spectaculaire (il a permis, grâce à l’INRA, un doublement ou un triplement des rendements dans le cas du maïs). La stratégie originale suivie ici par l’INRA a consisté à utiliser un procédé de génie génétique (la fusion de cellules) pour transférer la stérilité mâle, nécessaire à la formation des hybrides, des radis, où elle avait été découverte, vers le colza. Cette technique a fait l’objet d’un brevet, le
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