L AÎNE
105 pages
Français

L'AÎNE

-

YouScribe est heureux de vous offrir cette publication
105 pages
Français
YouScribe est heureux de vous offrir cette publication

Informations

Publié par
Publié le 30 mars 2015
Nombre de lectures 66
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Extrait

L’A Î N É par Jef
YVON fête ses 75 ans
ORLEANS SEPTEMBRE 2011
 Yvon Au plus loin que je remonte dans mon enfance je te vois devant moi comme l’aîné conscient de son titre et, plus ou moins, de ses responsabilités. Te souviens-tu des tranchées creusées près de chez nous dans l’attente d’une alerte aérienne ou de l’arrivée des troupes de libération?Te souviens-tu de cet après-midi pluvieux à souhait, toute la famille réfugiée dans la cave où nous observions par intermittence et prudemment par la porte entrouverte qui donnait sur les prés la lamentable retraite des fantassins allemands trempés et crevés quand leurs motards d’estafettes de triste réputation semblaient enfin perdre de leur superbe mais nous faisaient quand même tirer la porte ? Te souviens-tu mon grand frère de notre équipée au bois de Lifer pour essayer de trouver les troupes de la libération ? Te souviens-tu du chocolat que nous allions quémander aux soldats noirs américains perchés dans la cabine de leur GMC, de l’orange qui par chance nousétait lancée, des chwimgums en tablettes jetées à la volée que beaucoup machouillaient et que nous découvrions?
 Te souviens-tu que nous avions traîné tard dans la journée à suivre dans la rue principale de Courtenay le défilé incessant des forces alliées, camions, jeeps, chars, blindés filant vers l’est?Te souviens-tu de notre escapade inadéquate, déplacée, provocatrice sans le vouloir, bien sûr, nous avions à peine l’âge de raison ; les Allemands venaient à peine de déguerpir des lieux et certains ayant sans doute délaissé leur uniforme dans la cabane aux cochons, à moins que ce ne soit une autre raison plus mystérieuse et moins avouable, nous les avions revêtus et, camouflés derrière la haie du mail, nous surgissions au passage d’une charrette ou d’un passant dans cet accoutrement si peu ajusté dans tous les sens du terme pour crier « haut les mains » !  Et nos découvertes de portefeuilles délestés de leur monnaie dans le fossé de la salle des fêtes proche de chez nous ; et les rôles de Pappy sur scène, « le Marquis de Luz » ou la pièce provocatrice face à l’occupantpuisque retraçant les exploits d’une espionne au service de la France en 1914: « Louise de Bettignie ».
Te souviens-tu aussi de cette fameuse longue marche sous la chaleur pour accompagner la vierge dite de Boulogne ; de tes leçons de violons ; des soirées de cinéma fixe en famille, du robinson suisse ?... Dans une ruelle de Courtenay, proche de la salle des fêtes, nous fuyions craintifs, voire effrayés, l’Attila du village, notre ennemi plus imaginaire qu’héréditaire, j’ai nommé: Attek, si mes souvenirs sont justes… Notre bête noire qui ne nous laisserait point libres d’effectuer incursions ou larcins sur notre territoire de chasse. Et ton copain Ali, culottes courtes, jambes maigres et noueuses, visage bronzé et rusé, je le vois comme si c’était hier notre Ali Ben Marni qui a dû participer à nos expéditions.
JeanJacques chevalier servant
J’ai souvenance d’avoir salivé devant les pâtisseries du boulanger, d’avoir guetté le moment propice et par la porte entrouverte d’avoir en un éclair plongé ma main sur une tarte crémeuse et d’avoir décampé à grande vitesse. Etais-tu l’inspirateur, le commanditaire, l’ordonnateur de ce méfait glorieux ou bien seulement le spectateur ? La vie était si rude alors et les restrictions de guerre à peine levées. Quelles en furent les conséquences, tu pourrais sans doute nous en parler, j’étais trop jeune pour m’en rappeler aujourd’hui.Te souviens-tu de l’incendie de l’école publique ou d’un bâtiment proche de celle-ci face à notre demeure; du maréchal ferrant qu’on entendait frapper sur son enclume sur la place; des fleurs de givre sur les vitres à notre réveil, des briques brûlantes enveloppées dans un torchon, des engelures des pieds ou des mains ; des gâteaux de miel des ruches à pappy mis à couler dans une chambre inoccupée et que nous visitions du doigt sans vergogne: qu’il avait bon goût de cire! …
Trois crânes de famille
… de Kiki Premier et Kiki Deux et de leur dépeçage; du raisin pressé aux pieds dans la cuve ; de la mise en bouteille du vin par Sossot et de la première cuite mémorable de ton cadet pour avoir fait la place du bouchon à toutes les bouteilles trop remplies ?C’est toi qui m’as introduit dans l’ordre des enfants de chœur. Je me vois pour la première fois revêtu de la soutane rouge et du surplis blanc dentelé essayant d’imiter au mieux mes nombreux pairs dans le chœur enfumé d’encens de cette église paroissiale située dans le village à l’opposé de notre école et demeure. Ce devait être une fête exceptionnelle pour nécessiter un si grand nombre de servants. Je crois même que ce jour-là nous avions eu l’honneur et la chance de servir un baptême: quelle aubaine, des dragées, un peu d’argent voire même l’occasion de siffler les fonds de burettes… mais cette dernière vision n’est peut-être qu’un phantasme dû à l’encens absorbé à si forte dose si longuement et de si près!
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents