Premières blessures  partie 2
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Description

Premières blessures ( suite ) PARTIE 2 Collecte par "bouteille à la mer internautique" * dans le cadre du projet " Atlas des corps meurtris ". Témoignages anonymes. Retranscrits tels quels ou adaptés par la plume de l’artisteke. La première blessure dont je me souviens, je me la suis faite moi-même ! J'avais une sorte de tic nerveux: je me mordillais le petit gras de peau de la première phalange de l'index droit ! A force de le "grignoter" à longueur de journée, l'endroit a dû s'infecter: il a gonflé, durci, il était devenu bleu, sanguinolent et sclérosé. Bref, un doigt si vilain que ma mère m'a imposé de mettre un gant jusqu'à ce que je perde cette mauvaise habitude. Je me rappelle que j'étais bien gêné devant mes camarades de classe avec ce gant blanc qui me faisait penser à Monsieur Choc * mais la raison principale qui m'a fait rapidement perdre ce tic ce sont les paroles de ma mère en constatant les dégâts : " mais tu vas attraper un cancer, mon petit ! ". Y a des mots plus efficaces que des traitements. Des blessures physiques, je n’en ai pas eues beaucoup. Prudente, je me suis peu blessé et elles furent à ce point bénignes que je n'en garde pas vraiment de souvenirs marquants. Mes blessures de l’âme sont par contre plus nombreuses mais je préfère ne pas en parler… On ne se sait jamais si en les faisant remonter à la surface, la douleur que l'on a eu tant de mal à calmer ne se réveille et ne ravive une plaie toujours sensible.

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Publié le 28 mars 2014
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Langue Français

Extrait

Premières blessures ( suite ) PARTIE 2
Collecte par "bouteille à la mer internautique" * dans le cadre du projet " Atlas des corps meurtris ". Témoignages anonymes. Retranscrits tels quels ou adaptés par la plume de l’artisteke.
La première blessure dont je me souviens, je me la suis faite moi-même ! J'avais une sorte de tic nerveux: je me mordillais le petit gras de peau de la première phalange de l'index droit ! A force de le "grignoter" à longueur de journée, l'endroit a dû s'infecter: il a gonflé, durci, il était devenu bleu, sanguinolent et sclérosé. Bref, un doigt si vilain que ma mère m'a imposé de mettre un gant jusqu'à ce que je perde cette mauvaise habitude. Je me rappelle que j'étais bien gêné devant mes camarades de classe avec ce gant blanc qui me faisait penser à Monsieur Choc * mais la raison principale qui m'a fait rapidement perdre ce tic ce sont les paroles de ma mère en constatant les dégâts : " mais tu vas attraper un cancer, mon petit ! ". Y a des mots plus efficaces que des traitements.
Des blessures physiques, je n’en ai pas eues beaucoup. Prudente, je me suis peu blessé et elles furent à ce point bénignes que je n'en garde pas vraiment de souvenirs marquants.Mes blessures de l’âme sont par contre plus nombreuses mais je préfère ne pas en parler…On ne se sait jamais si en les faisant remonter à la surface, la douleur que l'on a eu tant de mal à calmer ne se réveille et ne ravive une plaie toujours sensible.
Je devais avoir 8-9 ans et à la maison, tous les samedis matin, c’était le grand nettoyage. Chacun avait sa charge. J’ai toujours aimé ce moment de grande activité où mon père finissait toujours par un numéro de majorette avec un plumeau au son des valses de Strauss. Un jour, en sortant une poubelle dans laquelle il devait rester un tesson de verre, le sac frottant contre ma jambe, le morceau de verre m'a fait une belle entaille, juste en dessous de genou.Une entaille nette. Pas de douleur sur le moment. La "vraie" douleur est plutôt venue de l’attitude de l’urgentiste à la clinique qui voulant bien dégager ma jambe pour faire son travail a enlevé mes sandales et les a jetées par terre sans aucun respect. Mes sandales bleues neuves de quelques jours…
Vu que j'étais assez casse-cou, ce n'est probablement pas ma première blessure mais celle dont je me souviens est une grosse chute à vélo. Je pédalais joyeusement, et même euphoriquement. Ma bicyclette a dû heurter une pierre et je suis passé au-dessus du guidon pour retomber lourdement sur le sol. Heureusement, j'ai eu le réflexe d'amortir le choc avec mes deux mains. Mains ravagées par le béton rugueux, rougies par la douleur. Je me vois encore trembler comme une feuille et me précipiter dans les bras de ma grand-mère qui me suivait à pied.
Je n'avais pas quatre ans et j'en garde encore la cicatrice sur le front.Toutes les semaines, j'accompagnais ma mère à la prison pour rendre visite à mon père. Je n'acceptais jamais que l'on me fouille avant de pouvoir entrer dans le parloir et lorsqu'un gardien s'approchait de moi, je me débattais chaque fois vigoureusement en donnant des coups de pied rageurs dans ses tibias. Un jour, un surveillant, excédé, m'a crié en me désignant du doigt: toi, fous le coup ! Je me suis brusquement retourné pour m'enfuir mais j'ai heurté de plein front un des piliers
métalliques de l'entrée du pénitencier. Une belle entaille, bien sanglante, que ma mère a épongée avec son mouchoir.Sans attendrir le moins du monde, les gardiens.
Noël en 1979 (je suis née en 1975). Un petit sapin vrai ou faux, sûrement faux, des boules rouges avec de la poussière dessus, des guirlandes fanées réutilisées d'année en année, les animaux empaillés sur les étagères (héron, chat sauvage et proie faisan dans la gueule, grue, aigrette, chouette chevêche, loir, ...), l'odeur quasi rance des plumes de l'édredon et une maladie enfantine, n'importe laquelle mais qui donne le droit de rester en pyjama en pilou à côté de la télé. Ma grand-mère, nommée depuis mon adolescence, la Colonelle, intérimaire de ma mère, commerçante en café brasserie et en sentiments humains, me dit joyeux noël en me tendant un paquet lourd et cubique (une boîte de cubes images et lettres): c'est le dernier noël de tes parents mariés, ils divorcent mais nous (grands-parents) allons nous occuper de toi. Quelque chose du genre ou pas, c'est en tout cas la crucifixion et l’épiphanie en un seul court et éternel instant.
La première fois que je me suis trahie.
Un camarade de classe m'a mordu dans le dos. Juste sous l'omoplate.Selon ma femme, on voit toujours la trace de la morsure qui a dû être sévère vu que, vingt ans plus tard, on voit encore la trace des dents, une peau plus rose et plus lisse. Quand ma femme me caresse le dos, elle aime passer son doigt sur la cicatrice et j'avoue que cela m'excite. Comme quoi une blessure peut parfois être source de plaisirs.
Une blessure émotive à laquelle je pense encore souvent. Pour un poisson d'avril, mon père avait déposé sur mon lit une fausse lettre de la Fédération de Basket m'invitant l'après-midi même (on devait être un mercredi donc) à l'entraînement de l'équipe nationale des minimes. Naïvement, je m'y suis rendu et la déception fut grande de constater que c'était une blague. Une mauvaise blague! Je me suis senti ridicule et trompé. Comme si, tout à coup, la confiance aveugle d'un enfant vis-à-vis de son papa s'écroulait.Vraiment, il y a des poissons d'avril qui ressemblent à de redoutables requins...
Ma première blessure est ma dernière. Je suis né avec une maladie dite orpheline que les toubibs eux-mêmes ont de la peine à nommer. Ainsi, je ne me souviens pas de ma"première blessure" puisqu'elle m'a toujours accompagnée comme une méchante compagne qui ne me quitte jamais, me pompe l'air, me colle à la peau et dont je ne me débarrasserai qu'avec moi-même, si vous voyez ce que je veux dire. Depuis toujours donc, je vis avec elle et pour tout dire, nous faisons, elle et moi, bon an mal an, "avec" comme on dit pudiquement.
Une petite blessure persistante à la base de l'ongle: à force de gratter, la peau avait éclaté pour former des tas de petites "aiguilles" flottantes, assez douloureuses. Comme je ne pouvais m'empêcher d'y chipoter, j'aggravais la situation et je me souviens que je ne pensais plus qu'à ça... Je crois bien que c'est la première fois que je me suis fâchée sur moi-même ne sachant que faire pour arrêter ce cercle infernal. Par contre, je ne sais pas comment la blessure s'est guérie.
C’est une blessure qui est encore active dans ma mémoire.Au moment des premiers essais d’écriture, lorsqu’il faut s’appliquer aux rythmes des tracés entre les lignes du cahier d’écolier, c’est la main de l’adulte qui se retire toujours trop tôt alors qu’elle guidait la mienne et qui ne revient plus.Ce départ de la main et de sa maitrise me laisse un peu gauche et béta -
maladroit, rature inévitable, crispation pour longtemps de l’écriture, etc...En y pensant la sensation de froid au dos de la main droite réapparait.
J'avais à peine six ans, je crois. En accompagnant ma mère à la pharmacie, je me suis coincé le doigt dans la lourde porte métallique de l'officine. A mon retour à la maison, bardé d'un beau pansement réalisé sur place, mon père, qui ne ratait jamais une occasion de faire de l'humour, m'a dit, ça je m'en souviens comme si c'était hier : " ben mon gars t'es encore bien tombé en te blessant avec la porte de la pharmacie. Si tu avais coincé ton petit doigt dans la porte de la boucherie, je te laisse imaginer ce qu'il en serait advenu". Enfin, il a dit cela avec ses mots à lui, certainement plus crus et plus secs.J'entends encore son gros rire pendant qu'il m'ébouriffait les cheveux.
J’avais cinq ou six ans. A la plaine de jeux, j'ai pris le toboggan à l'envers, tête la première, parce que c'est plus rigolo. Ma mâchoire a percuté le bord, en bas. Ma bouche a commencé à saigner, beaucoup, beaucoup, sans que je sache ce qui m'arrivait.Je venais de perdre ma première dent de lait.
La première blessure dont mon corps se souvient est une de celles que ma mémoire "consciente" n’a pas conservée.Chaque jour, je vis avec le besoin profond de liberté, avec les angoisses d’étouffement, la nécessité de m’installer au bout des rangées de cinéma par peur d’être coincée, la difficulté à rester dans un endroit clos loin de l’air libre. Ma première blessure resurgit dans mon quotidien alors qu’elle provient de mon premier jour de vie, de cette naissance étouffée par un cordon trop enroulé, de cette peur panique de ne pas pouvoir respirer, de cette lutte pour être là aujourd’hui encore.
Ma première blessure ne fut pas physique. C'est le jour où ma mère m'a annoncé qu'elle avait eu un autre enfant avant moi. Il est mort à cinq mois. J'étais encore très jeune lorsqu'elle a partagé cette triste nouvelle avec moi. Trop jeune ?Je n'ai jamais eu aussi mal pour moi, mais aussi pour ma mère. Je crois que j'ai perdu, ce jour-là, l'innocence de l'enfance. La mort existe donc, elle peut frapper où elle veut, quand elle veut, les bébés autant que les vieux que je pensais les seuls visés par la chose et elle fait souffrir ma mère dont les mots se noyaient dans ses larmes.Il m'arrive encore souvent de m'entendre dire, au fond de mes pensées intimes : " j'aurai pu avoir un frère".
Etrangement, les blessures physiques de l’enfance n’ont laissé aucune trace dans ma mémoire, elles m’ont été racontées, décrites mais je les ai soigneusement effacées.La première dont je me souvienne date de mes 15 ans. Un hématome à la jambe au camp scout de l'été. Lors des jeux, plus on me cognait, plus je criais, plus on riait, plus mes camarades continuaient. Puis, à force, l’hématome s’est infecté, est devenu extrêmement douloureux, chaud et gonflé. Têtue, j’ai voulu poursuivre le camp malgré la douleur qui devenait de plus en plus lancinante. Une fois rentrée à la maison, direction les urgences, « oh, ce n’est qu’un bleu, un peu de pommade fera bien l’affaire ».Le lendemain, départ vers la France. A peine arrivée à Bordeaux, hurlant de mal, j’étais emmenée par mes parents aux urgences, opérée de nuit. On avait évité de justesse la gangrène et l’amputation. Vingt jours d’hôpital ont suivi et des mois de pansement… Une belle cicatrice me rappelle chaque jour le temps désinvolte de l'été de mes 15 ans.
D'entendre blessure, je pense immédiatement blessé. Etre blessé. Etre blessé par les mots. Etre blessé par un mot. Un seul mot prononcé et la peine qu'il suscite peut avoir le tranchant de la lame d'un rasoir. J'imagine que chacun doit avoir l'un ou l'autre mot entendu qui a fait plus de
mal qu'un coup de pied perdu ou qu'une banale chute. Moi, j'ai ainsi un mot que mes camarades d'école n'arrêtaient pas de me dire, de crier à la cantonade ou de chuchoter entre eux comme s'ils ne savaient pas que je les entendais...qui me rendait malheureux et incompris. Et je me demande parfois pourquoi, aujourd'hui, je souffre d'acouphènes !
Aussi étrange que cela puisse paraître, j'avoue ne pas me souvenir d'une blessure. Si ce n'est, il n'y a pas si longtemps de cela, une piqûre d'aiguille. La douleur fut vive, brûlante et je me rappelle avoir sursauté en lâchant un petit cri de surprise. Peut-être, sans le savoir encore, suis-je la belle au bois dormant qui sort d'un long sommeil, engourdie par quelques siècles d'indolence ?
Sincèrement, la première blessure dont je me rappelle vraiment est toujours la dernière ! Comme si celle-ci chassait toutes les autres, les effaçait de ma mémoire pour laisser une place unique à la plus aigue, à la plus douloureuse, à la plus prenante, à la plus vive... Evidemment, je me laisse faire préférant sans doute les braises encore chaudes aux cendres froides du passé.
Je sens encore la piqûre vive et surprenante de la punaise dans ma fesse. C'était une fête de famille. A la fin du repas, tous les convives se retrouvaient dans le jardin : je me revois, seul, dans la salle à manger, m'asseoir sur la chaise de l'oncle François pour vider le fond de vin qu'il avait laissé dans son verre. Ce que mes parents ajoutent chaque fois que l'on évoque l'anecdote, c'est que j'avais moi-même placé quelques punaises sur les chaises pour"faire une blague" aux convives et que, fort distrait, j'avais oublié mon geste espiègle.Qui est pris qui croyait prendre concluait alors toujours mon père.
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