Le handicap de son fils : autiste. / Monsieur Rufo, votre mépris, on n’en veut pas!
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Selon vous, savoir qu’une personne que vous n’avez jamais vue souffre d’addictions et est en HDT suffit à établir une diagnostic aussi lourd que celui de psychose. Permettez-moi de vous trouver bien léger quant à l’éthique de votre métier. Je trouve également très étonnant que vous ne sachiez pas qu’on signe des HDT à tour de bras sans même parler aux patients, et qu’une HDT n’a jamais suffit à établir un diagnostic de psychose. Même le DSM n’y avait pas pensé, mais vous l’avez fait!
C'est en rencontrant le Dr Marcel Rufo qu'elle peut enfin mettre un nom sur le handicap de son fils : autiste. « J'ai eu le sentiment d'être infantilisée. Aujourd'hui ça va mieux, mais en 2000 les professionnels de la santé ne donnaient pas le diagnostic. Une fois su, je me suis sentie soulagée car je savais contre quoi me battre et agir en conséquence. »
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Langue Français

Extrait

Monsieur Rufo, votre mépris, on n’en veut pas!
Voici une question posée lors de l’émission « Allo Rufo » du lundi 3 décembre 2012 sur France 5 :
Monique :
« Ma fille de 28 ans va mal. Elle est addict aux médicaments et nous avons dû l’hospitaliser. Depuis, elle nous dit avoir été abusée sexuellement dans sa petite enfance. Est-il possible que ce soit une réalité ? »
Dr Rufo :
« L’immense majorité des enfants « abusés » vont bien ! … à distance après le sévice… ils ont bien sûr des craintes un peu précises, mais elles vont bien dans leur vie amoureuse, sexuelle, personnelle, professionnelle… donc, en quelques sortes, un abus ne peut pas entrainer un tel dégât sauf si la vulnérabilité et la fragilité du sujet vient faire que l’abus renforce cette pathologie d’organisation. Là, dans ce que vous décrivez, c’est complètement fantasmatique, ça fait partie peut-être de son organisation un peu plus de reconstruction délirante du monde où un ennemi, un agresseur existe, fondu comme ça dans son histoire.
La première chose à faire, c’est de vérifier auprès de la personne citée les choses, de dire :
« voilà, notre fille dit ça, qu’en pense-tu ?», en plus, c’est respecter votre fille que de tenir compte de sa parole, puisqu’elle cite quelqu’un, il faut vérifier les choses. »
Monique :
«Moi je souhaiterais justement en parler à la personne en question, ensuite, est-ce qu’il faut que ça se fasse en sa présence à elle ? »
Dr Rufo :
«Non, je crois que ça doit se faire vous. D’abord, est-ce qu’il faut le rendre juridique ou non ? La mode, la loi même c’est de dire signalement, c’est de dire signalement mais en même temps, il y a quelque chose qui… alors moi je suis très favorable au signalement des enfants mais en même temps, je m’étonne de quelque chose, lorsque
par exemple, il y a enquête ou examen, expertise et que finalement on aboutit à un non lieu, souvent, certains parents disent « nous on croit ce qu’a dit l’enfant » alors que visiblement c’est une organisation fantasmatique de crainte et tant mieux ! Parce que tant mieux, parce que personne ne souhaite l’abus. Non, là, en l’occurrence, compte tenu des troubles, de l’HDT, ce n’est pas un irrespect de la part de votre fille, ce n’est pas parce qu’elle est en psychiatrie que sa parole ne doit pas être entendue, attention à ce que je vous dis. Mais en même temps, le malade mental, le délirant reconstruit un monde parce qu’il ne peut plus percevoir le monde et ce monde est peuplé d’ennemis, d’événements dramatiques, d’histoires comme ça. Il vaudrait mieux que vous vous rapprochiez aussi du service où elle a été hospitalisée pour un suivi en hôpital de jour, un suivi régulier pour que quelque chose soit entreprit avec elle pour la reprise d’activités, pas seule, pas confinée, pas hospitalisée chez vous mais en relation étroite avec le service de psychiatrie adulte pour qu’il l’accompagne ou un foyer occupationnel, ou un placement ou une formation et un suivi. Ne l’abandonnons pas à sa pathologie et merci de votre appel. »
http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/president-de-la-r %C3%A9publique-stop-%C3%A0-la-d %C3%A9sinformation-sur-les-violences-sexuelles-faites-aux-enfants
Cher monsieur Rufo,
je ne vais pas vous parler de votre scandaleuse vision de l’abus sexuels, qui ne serait un problème que chez un enfant ayant une pathologie, d’autres l’ont fait, mais de votre vision des psychotiques qui me semble bien limitée pour un éminent pédopsychiatre tel que vous.
Selon vous, savoir qu’une personne que vous n’avez jamais vue souffre d’addictions et est en HDT suffit à établir une diagnostic aussi lourd que celui de psychose. Permettez-moi de vous trouver bien léger quant à l’éthique de votre métier. Je trouve également très étonnant que vous ne sachiez pas qu’on signe des HDT à tour de bras sans même parler aux patients, et qu’une HDT n’a jamais suffit à établir un diagnostic de psychose. Même le DSM n’y avait pas pensé, mais vous l’avez fait!
Ce diagnostic maintenant solidement établi, vous en concluez donc logiquement que cette jeune fille ne peut pas dire la vérité lorsqu’elle dit avoir été abusée. Forcément, tout cela est fantasmatique et délirant (merci au bon docteur Freud). Oui, car comme chacun sait, les psychotiques délirent, fantasment et ne vivent rien de réel. La psychose préserve de tout évènement traumatique réel, comme elle préserve visiblement de la moindre considération du corps psychiatrique. Le psychotique ne raconte rien de vrai, n’a rien vécu de difficile, et surtout pas un abus sexuel qui aurait pu déclencher ses troubles. Attention, dites-vous, le respect est dû à la parole de cette jeune fille, mais en gardant bien en tête qu’elle est délirante. Ce n’est pas de sa faute si elle ment, ne la condamnons pas, mais ne soyons quand même pas bête au point de penser seulement à la croire! Ca me rappelle une histoire qu’a vécu une de mes amies récemment: elle téléphone à une amie psychotique en HDT, et l’infirmier ne veut pas la lui passer, ne comprenant pas pourquoi, n’étant pas de la famille, elle veut lui parler. C’est vrai, les psychotiques n’ont pas d’amis, le contraire serait impensable. Qui
pourrait se soucier sincèrement de ces pauvres malades ne sachant que délirer à part leur brave et courageuse famille?
Votre vison des psychotiques est pour le moins méprisante. Vous n’imaginez pas une seconde qu’ils peuvent aussi ne pas délirer, avoir une vie faites d’évènements réels dont ils puissent parler objectivement, vivre des traumatismes autres que fantasmatiques. Ne parlons même pas de ce qu’il pourrait y avoir de bien dans leur vie, je suppose que cela ne vous a jamais effleuré.
Vous n’êtes évidemment pas le seul coupable de cette vision réductrice de vos patients, elle est malheureusement partagée par beaucoup de vos confrères.
Mais vous savez quoi, Monsieur Rufo, et c’est une psychotique debout qui vous le dit, vos diagnostics de comptoir, on n’en veut pas. Votre mépris, il est pire que celui que la société à envers nous et il nous fait gerber. Votre condescendance, gardez-la car on n’en a pas besoin. Des psychotiques debout, il y en a plein, et cela malgré les idées que vous partagez avec certains de vos confrères qui font tout pour nous briser avec un sourire bienveillant et la conscience tranquille. Car dans ce monde, il y a aussi des gens bien, des amis, et des personnes qui nous respectent, même si on les trouve rarement en psychiatrie. Arrêtez de parler des psychotiques si c’est pour le faire avec un tel mépris, et arrêtez de psychiatriser à tout va des personnes que vous n’avez jamais vues, c’est ce que vous pourriez faire de mieux.
http://blogschizo.wordpress.com/2012/12/09/monsieur-rufo-votre-mepris-on-nen-veut-pas/
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Pédopsychiatre renommé, le Professeur Marcel Rufo s’interroge depuis longtemps sur les relations père-fils. Dans « Chacun cherche un père »*, il nous montre que c’est finalement grâce aux fragilités et aux manques paternels que l’enfant peut se construire. Interview.
*Editions Anne Carrière, 18,50 euros.
Propos recueillis par Marion Thuillier
Marion Thuillier
Selon vous, tous les enfants ont besoin dans un premier temps d’idéaliser leur père. Pourquoi est-ce si important ?
Dans la vie d’un enfant, le père doit être le premier héros. Il est le plus fort, il n’a peur de rien, il connaît des tas de choses… Même chez le moins doué ou le plus pathétique des pères dans la réalité, l’enfant réussira à trouver une qualité, aussi minime soit-elle, qui lui permettra de le voir glorieux. Ainsi, il pourra rivaliser avec les autres enfants, chacun brandissant son père comme un étendard. Les exploits paternels sont un peu les siens. Ce père imaginaire va donc permettre à l’enfant de se construire, même s’il n’est jamais tout à fait dupe de cette idéalisation par rapport à son père réel.
L'idéalisation du père est nécessaire à l'enfant
C’est plus que de la déception. Dans certains cas, il arrive que des enfants refusent catégoriquement de parler avec leur père. En grandissant, l’enfant va avoir besoin de s’opposer au père de la réalité pour se détacher du père idéalisé. Il lui reproche ce qu’il est, mais plus encore ce qu’il n’est pas et qu’il a cru apercevoir autrefois. Un conflit indispensable pour lui permettre de faire le deuil d’un père idéal et se mettre en position d’avenir.
Faire le deuil de l’enfant idéal imaginé durant la grossesse
Effectivement. Chacun voudrait que l’autre soit un miroir lui renvoyant une image flatteuse. Lorsque l’enfant grandit et commence à s’affirmer, son père supporte mal de retrouver chez lui ses propres fragilités, d’autant qu’il l’avait chargé de les réparer. Il doit donc aussi faire le deuil de l’enfant idéal qu’il avait imaginé durant la grossesse, afin d’aimer l’enfant réel différent de lui et de ses attentes.
Père absent : trouver un père de substitution
Lorsque le père n’est pas présent auprès de son enfant, le père imaginaire prend une dimension énorme par rapport au père réel. Les mères ont donc tout intérêt à protéger son image en le décrivant comme un homme fabuleux malgré tout ce qui a pu se passer entre eux. En s’identifiant à lui, l’enfant va alors pouvoir construire une confiance intérieure suffisante pour affronter la vie. Et il faudrait prescrire des amoureux à leur mère car les beaux-pères font souvent de merveilleux pères de substitution.
Faire preuve d'autorité ne signifie pas faire peur
C’est le vieux fantasme du pater familias qui ressurgit. Pourtant, le père qui fait peur est un père qui échoue en confondant autoritarisme et autorité. L’autoritarisme comporte une part d’arbitraire, de non-prise en considération de l’existence de l’autre que l’on veut soumettre pour mieux asseoir son propre pouvoir. L’autorité, au contraire, tient compte de l’autre et vise à donner des repères, à défendre et imposer des principes en expliquant leur bien-fondé et leur nécessité. C’est le seul moyen d’engendrer le respect, alors que la peur fait naître l’agressivité.
Une nouvelle génération de père
Les pères contemporains savent qu’ils peuvent montrer leurs émotions sans passer pour des « mauviettes » ni déchoir de leur statut de père-héros, et que cela ne fait pas d’eux des « mères bis ». Ils sont plus démocrates dans le partage des tâches, passent beaucoup de temps à jouer avec leur enfant et même les grands-pères s’y mettent. Lors de mes conférences, on compte un tiers d’hommes dans l’assistance alors qu’ils étaient totalement absents lorsque j’ai commencé à exercer.
Article mis à jour le 25 octobre 2012
C'est en rencontrant le Dr Marcel Rufo qu'elle peut enfin mettre un nom sur le handicap de son fils : autiste.« J'ai eu le sentiment d'être infantilisée. Aujourd'hui ça va mieux, mais en 2000 les professionnels de la santé ne donnaient pas le diagnostic. Une fois su, je me suis sentie soulagée car je savais contre quoi me battre et agir en conséquence. »
Une classe spécialisée ouverte
Face à l'absence de structure, elle fonde l'association en 2004. « On a mis en route un projet de Sessad (Service d'éducation spécialisé et de service à domicile). On a mis sept ans avant l'ouverture en octobre 2007 avec l'aide de la mairie de Pau et de l'Adapei. C'est le premier service de ce type dans le département. Il reçoit dix enfants âgés de 0 à 20 ans. Il y a une classe spécialisée de six enfants âgés de 3 à 12 ans. Nous sommes installés à l'école des Buissons et inaugurerons officiellement le Sessad le 14 septembre prochain. »
Enthousiaste, Maria Bardolle n'a pourtant pas la vie facile. « Toute la vie tourne autour de lui, je suis en veille permanente. Mais il a fait des progrès grâce au Sessad. Il commence à parler, à manger avec des couverts. Mon choix, c'est une prise en charge intensive et adaptée pour continuer le travail du Sessad à la maison. Ma priorité est de le voir progresser. »
En 15 ans, les mentalités ont bougé. Mais les besoins sont énormes. « L'autisme touche 60 000 personnes en France. Il y a tout à faire : créer des services, des projets, des classes, des partenariats avec des clubs de sports ou de loisirs. Il faut aussi un service d'accueil spécialisé pour les adultes. D'une classe en collège-lycée pour les enfants de plus de 12 ans. Quand on a un service adapté, on voit les progrès. » Malgré l'ampleur de la tâche, la présidente garde le sourire. « Vous savez, vivre avec un autiste, c'est un parcours de vie exceptionnel. Le voir progresser c'est merveilleux. Si l'État fait son boulot, il n'y aura pas de souci. »
Lundi 2 avril, la France en bleu
Plus que d'autisme, il faudrait parler des troubles du spectre autistique (TSA). Lundi, c'est la journée mondiale consacrée à ce handicap méconnu et mal pris en charge (en France, un rapport récent a remis sérieusement en cause l'approche psychiatrique, estimant que l'approche cognitivo-comportementale est plus adaptée à ce handicap).
« Il faut prendre conscience qu'il s'agit d'un handicap spécifique différent d'un handicap mental. C'est un trouble précoce du développement. Ceux qui le subissent ont les mêmes droits à l'éducation, à l'insertion que les autres », constate Maria Bardolle. L'association Autisme Pau Béarn a demandé à ce que le conseil général et le château de Pau soient illuminés de bleu, couleur de ce 2 avril.
La ville de Pau a décidé de participer en éclairant aussi la façade de l'Hôtel de ville, toujours en bleu. Le même jour à l'école des Buissons, tous les élèves seront vêtus de bleu et un lâcher de ballons bleus aura lieu à 15 h 30.
Pour contacter l'association :
05 59 68 24 42, 11 rte de Simacourbe à Lalongue (64
350) et par courriel : autisme.pau.bearn@hotmail.fr
Un site web enfin : http://www.autisme-pau-bearn.org
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Marcel Rufo, pédopsychiatre atypique
Un physique de rugbyman, un accent à la Pagnol et un service hospitalier à son image : chaleureux et… haut en couleurs.
« Regardez la salle d’attente d’un psy pour enfants, et vous en saurez davantage sur sa technique qu’avec des longs discours », affirme Marcel Rufo. Justement, nous y sommes. L’entrée du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille, ressemble à son chef. Atypique, haute en couleur, vivante, et totalement dédiée au monde des petits. Les jouets s’amoncellent sur les tapis et les mères discutent devant leurs « minots ». Le professeur Rufo, belle cinquantaine, a un mot pour chacun. Avec sa langue à l’accent provençal et estampillée Pagnol, ce fils d’émigrés avoue s’être longtemps débattu : « Enfant, je pensais en italien et, quand j’entendais du français, il me fallait un peu de temps pour traduire dans ma tête avant de répondre. » Résultat : le petit Marcel, 7 ans, fut envoyé chez le psychologue. Cette consultation allait, selon lui, changer le cours de sa vie.
La psychanalyse
A lire
Marcel Rufo est l’auteur de trois autres ouvrages : Si bébé pouvait parleravec Jean-Pierre Cohen (Nathan, 1989). Elever bébéavec Christine Schilte (Hachette, 2000). Comprendre l’adolescentavec Christine Schilte (Hachette, 2000).
Voilà une autre originalité de Rufo : il avoue une passion pour la psychanalyse – « C’est mon cadre de référence » –, cite ses maîtres dans le texte – Winnicott, Leibovici, Klein, tous
psychanalystes – mais rejette quelques-uns des diktats les plus fondateurs de la théorie freudienne. La trop grande distance entre le patient et son psy, la fameuse « neutralité bienveillante » ? « Je lui préfère l’intérêt réel, l’émotion vraie mais dénuée de toute passion intime ou personnelle. » Son reproche général à la psychanalyse ? L’« adulto-morphisme ». Et Rufo de s’en tenir à des règles de bon sens : « Sur un divan, un enfant s’endort. Il faut donc jouer avec lui. »
Autre marque maison : le docteur Rufo refuse tout net de prescrire des médicaments aux enfants. Un pédopsychiatre sans Ritaline (médicament réputé pour améliorer de façon efficace les troubles de la concentration et du comportement chez l’enfant) ? « Je ne me sentirais plus thérapeute si je le faisais. Seule l’interprétation de ce que dit l’enfant et sa famille guérit. De toute façon, un enfant sans parole ne peut pas être heureux. » Et lorsqu’on lui demande : « Que devient un enfant guéri ? », la réponse ne se fait pas attendre : « Pédopsychiatre ! » Sans doute une dernière allusion à son enfance de tuberculeux. Autant dire que le professeur Rufo n’a guère de difficultés pour se mettre à la place de ses petits patients. Empathique, forcément.
Le célèbre pédopsychiatre défend la psychanalyse - «une discipline fondamentale de la connaissance humaine» - et explique sa méthode toute personnelle avec ses jeunes patients : empathie sensible et traitement en profondeur.
Le Figaro Magazine-Pourquoi la psychanalyse freudienne est-elle actuellement si fortement remise en cause?
Marcel Rufo-Parce que Freud a vécu entre les XIXe et XXe siècles et que la société a énormément évolué. Pour autant, il demeure le Christophe Colomb de notre pensée. Explorant le continent inconscient, il a mis en lumière la psychopathologie de la vie quotidienne. Son génie est d'avoir dit qu'un lapsus, un rêve, un acte manqué «signifient». Découverte essentielle dans un monde où toutes les religions sont fondées sur l'inconscient. La catéchèse à 6 ans intervient lorsque l'enfant est en pleine phase de latence : son envie d'apprendre est alors au maximum. La communion, la bar-mitsva, les rites initiatiques des peuples premiers arrivent au moment de l'autonomie. Les religions suivent donc le développement psychomoteur.
Sigmund Freud a mis en mots ces réalités cryptées, lesquelles sont désormais passées dans le vocabulaire courant. Lui qui n'était pas particulièrement prodigue de son argent a su financer les recherches d'anthropologie psychanalytique de l'ethnologue Géza Róheim, en Australie, d'où il est ressorti que les Aborigènes avaient les mêmes rituels de circoncision que la gentry juive viennoise de l'époque. Là où je défendrai toujours l'ouverture de la porte freudienne, c'est la notion universaliste.
Marcel Rufo, directeur de l'Espace méditerranéen de l'adolescence, à Marseille. Le premier hôpital exclusivement dédié aux 11-25 ans.
Dans le sillage de la Maison de Solenn, l'Espace méditerranéen de l'adolescence (EMA), conçu comme le premier hôpital exclusivement dédié aux 11-25 ans, est inauguré ce jeudi.
Piloté par l'Assistance publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM), ce lieu unique est bâti sur l'idée de «réhabilitation» des jeunes malades. Les arts, l'enseignement ou le sport font partie du projet thérapeutique. Installé à Marseille, dans l'ancien hôpital Salvator réaménagé depuis deux ans, il sera officiellement ouvert en présence de Bernadette Chirac, présidente de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, un des financeurs du projet et de son directeur, le pédopsychiatreMarcel Rufo.
LE FIGARO. - Pourquoi regrouper les adolescents pour les soigner?
Marcel RUFO. -Ce ne sont plus tout à fait des enfants mais pas encore des adultes, ils ont besoin de soins spécifiques. Qu'ils souffrent de troubles de la personnalité ou qu'ils soient en voie de guérison d'un cancer, à partir du moment où l'on affiche «maison des adolescents», ils acceptent d'être hospitalisés, alors qu'ils refusent parfois la prise en charge en pédiatrie ou en médecine adulte, avec des vieillards de plus de 25 ans! Finalement, il y a un effet de bande dans l'hospitalisation, qui se retrouve chez les adolescents, avec, parfois, de jolis moments de cothérapie où ils se soutiennent entre eux. À l'EMA, nous voulons rendre la maladie anecdotique et relancer les échanges avec une «perfusion» de culture.
Quel est le mal du siècle pour les adolescents?
Sans doute le trouble de la confiance en soi et la crainte du futur qui se développent dans un contexte où on leur assène en permanence l'idée que l'avenir va être difficile. Ce pessimisme entraîne des conduites addictives, et quand la vie fait plus peur que la mort, des violences ou de l'autoagressivité. Dans les troubles alimentaires, l'anorexie grave est heureusement rare. La boulimie et le surpoids sont devenus un phénomène de société important. Il faut rappeler que 85 % des adolescents vont bien, même s'il est fréquent à cet âge de souffrir de troubles du sommeil ou de douter de soi.
Comment les 15% de jeunes qui vont mal expriment-ils leur souffrance?
Cela représente tout de même près de 900.000 ados. Ils sont autoagressifs, ils ont une dépression hostile, ils consomment tous les produits, ils pratiquent une sexualité où ils utilisent leur corps comme un objet et non comme une réalisation de soi, ils ne croient plus à l'école, ils préfèrent fumer du haschisch plutôt que de se rendre compte de leur malaise, ils refusent l'accompagnement: c'est un faisceau. Ils ne se résument pas à un symptôme.
Votre projet est aussi de «guérir de la guérison» des jeunes qui ont été traités pour un cancer?
On s'intéresse beaucoup aux conduites à risque des ados, mais assez peu à cette maladie terrible qui est la troisième cause de mortalité à l'adolescence. Dans le cadre du plan cancer, nous créons un centre qui a pour vocation de s'occuper des adolescents guéris d'un cancer et de leur proposer une prise en charge psychosociale.
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