Les loups égarés
143 pages
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Description

Les Loups égarés Christian Leroy Les Loups égarés Récit © 2010 – Christian Leroy 
Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur. I Dans le compartiment-capharnaüm, ça commence à s’affairer. Kiev n’est plus qu’à quelques petits kilomètres et la fin de vingt-quatre longues heures d’un éprouvant voyage constitue une perspective excitante. L’impatience succède à l’ennui. Ioulia Petassovna se maquille, Piotr Kaziol bourre sa valise et celle de Ioulia, putain, tu vas froisser ma robe, fais gaffe, merde, Nadja Nofuturovna récupère des restes de nourriture, j’ai connu la guerre, on ne sait pas de quoi demain sera fait et tend à Zinaïde Iebanko, finis ça, poivrot, une bouteille avec un fond de bière chaude qu’elle a trouvée sous sa banquette. Dans le couloir, des passagers prennent place pour sortir les premiers. -Mais poussez vous donc ! Je suis entré avant vous dans le train ! -Les premiers seront les derniers…Laissez-moi passer ! -Non, mais c’est un monde, ça ! Je suis votre aîné, vous me devez le respect ! -Vas-tu te taire, phacochère ! -On m’attend, je ne peux pas me permettre d’être en retard, j’ai des responsabilités, môa ! -Il faut que je sorte ! Il faut que je sorte ! Ma femme va accoucher ! -Mon grand-père a reçu la médaille militaire ! -L’oncle de ma troisième épouse s’est bourré avec Eltsine en mille neuf cent quatre-vingt-trois, monsieur ! -J’ai failli marcher sur la lune !

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Publié le 15 juin 2014
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Les Loups égarés
Christian Leroy
Les Loups égarés Récit
© 2010 – Christian LeroyTous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
I
Dans le compartiment-capharnaüm, ça commence à s’affairer. Kiev n’est plus qu’à quelques petits kilomètres et la fin de vingt-quatre longues heures d’un éprouvant voyage constitue une perspective excitante. L’impatience succède à l’ennui. Ioulia Petassovna se maquille,Piotr Kaziol bourre sa valise et celle de Ioulia,putain, tu vas froisser ma robe, fais gaffe, merde, Nadja Nofuturovna récupère des restes de nourriture,j’ai connu la guerre, on ne sait pas de quoi demain sera fait et tend à Zinaïde Iebanko,finis ça, poivrot, une bouteille
avec un fond de bière chaude qu’elle a trouvée sous sa banquette. Dans le couloir, des passagers prennent place pour sortir les premiers. -Mais poussez vous donc ! Je suis entré avant vous dans le train ! -Les premiers seront les derniers…Laissez-moi passer ! -Non, mais c’est un monde, ça ! Je suis votre aîné, vous me devez le respect ! -Vas-tu te taire, phacochère ! -On m’attend, je ne peux pas me permettre d’être en retard, j’ai des responsabilités, môa ! -Il faut que je sorte ! Il faut que je sorte ! Ma femme va accoucher ! -Mon grand-père a reçu la médaille militaire ! -L’oncle de ma troisième épouse s’est bourré avec Eltsine en mille neuf cent quatre-vingt-trois, monsieur ! -J’ai failli marcher sur la lune ! Réveillé par l’effervescence générale, d’un œil vague, je regarde par la vitre sale leterne paysage
banlieusard…Immeubles grisâtres et cités cafardeuses que quelques arbres faméliques tentent vainement d’égayer. A perte de vue. Mais je ne suis pas mécontent d’arriver : Simféropol-Kiev en quatrième classe, à cinq dans un compartiment pourquatre et aux fenêtres condamnées…Merci bien ! De plus, mon visa est périmé et j’ai dû, histoire de ne pas me faire pincer par les douanes à cause de mon accent étranger, m’astreindre à observer le plus parfait silence et à me faire le plus discret possible. Pénible. Au début du voyage, mes co-passagers ont voulu, surtout Nadja Nofuturovna, engager la conversation- faut que ça cause, n’est-ce pas.Je répondais d’un hochement de tête ou d’une mimique significative. Si bien qu’au bout d’un (bon) moment, ils ont laissé tomber,c’est un misanthrope, nous ne sommes pas assez bien pour lui, il est peut-être tout simplement con. Devenu en quelque sorte invisible,j’ai
dès lors passé le plus clair de mon temps à lire, rêvasser et somnoler. *** Nous ralentissons ; je mets mon sac de couchage dans mon sac à dos et m’assois surma couchette en plastique dur, à côté de ma guitare. Si j’éprouve une satisfaction certaine d’arriver enfin, je ne ressens cependant pas la joie pleine d’une délivrance prochaine. Dans quelques minutes, ma vie prosaïque va reprendre son cours. A commencer sans doute par des retrouvailles que j’imagine désagréables avec Galina, repartie à Kiev quarante jours plus tôt en me plantant au milieu de nulle part en Crimée. Bon, elle avait ses raisons, d’accord, mais tout de même… Après, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Rentrer en France ? Non. Rester à Kiev ? Probablement pas. Confusément, je me dis que quelque
chose, par-delà l’horizon immédiat, m’appelle encore…que mon périple n’est pas fini...que… Brutalement, le train s’immobilise. Effet domino sur les passagers et les bagages. Zinaïde Iebanko se viandesur Ioulia Petassovna,Piotr ! Piotr ! Il me lèche le maquillage et me lape le parfum ! -Je vous saurai gré, monsieur, proteste mollement Piotr Kaziol, de vous désengluer du visage de Mlle Petassovna. Kaziol, la cinquantaine, maigrichon, dégarni, est l’amant de Petassovna, la vingtaine, quelques rondeurs, teinte en blonde. Genre pute. Il l’a rencontrée il y a quelques semaines lors d’une soirée prout-prout-ma-chère à Sébastopol. Il est tombé raide dingue de cette poulette hyperficielle, narcissique et opportuniste. Elle veut devenir coiffeuse pour les stars -tout un programme. Elle aime être gâtée et Kaziol ne regarde sans doute pas à la dépense, malgré son salaire d’assureur-
sinistres. Elle quitte l’appartement familial et vient vivre chez lui, à Kiev. Bien joué. Mais ça ne durera pas, il est à parier qu’elle va rapidos dégoter un autre prince marchand plus friqué et qui appartient au mondeso hypedu show-biz. *** Juste devant notre compartiment,au milieu des plaintes et des jurons, un enfant gémit. -Ma jambe est cassée ! J’ai mal ! Maman ! Ma jambe est cassée ! De fait, le membre semble franchement désarticulé. - Je vous en prie, ouvrez la portière, jappe la mère à la pravadnitsa. Il faut vite l’emmener à l’hôpital. Regardez donc sa petite jambe ! -Je n’ai pas le droit d’ouvrir tant que nous ne sommes pas complètement arrivés, déclare la pravadnitsa, impassible.
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