Tuxedos
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Description

L'hiver caressait la ville. Des cimes acérées des immeubles jusqu'aux ruelles les plus étroites, le vent calquait chaque note du tumulte cardiaque qui s'élevait en pulsation chromatomagnétique.

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Publié le 24 juillet 2013
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Langue Français

Extrait

L'hiver caressait la ville. Des cimes acérées des immeubles jusqu'aux ruelles les plus étroites, le vent calquait chaque note du tumulte cardiaque qui s'élevait en pulsation chromatomagnétique. Le battement syncopé montait pour atteindre la jazz’sphère et s'y fondre parfaitement à la reprise du pont du deuxième mouvement. (Il faut dire que l'été avait été long. L'automne, bien plus attaché aux principes, n'avait duré que deux heures. Par la force des choses, l'hiver avait donc pris son temps, laissant la mélodie en suspens jusque-là). L'atmosphère frigorifiée se réchauffait au rythme de « What'd I say » de Ray Charles. Les couleurs s'étalaient sur les murs mornes et la vie éclataient de partout. Un groupuscule de danseurs extrémistes s'était engagé dans un swing acrobatique en scandant leurs revendications. Plusieurs des acrobates se balançaient entre les feux de signalisation, de pirouettes en pirouettes, pour atterrir sur les toits élastiques des taxis qui filaient dans les rues. Un saxophone criait sa joie depuis une fenêtre, très quelconque avant tout le tintamarre, laissant la mélodie filer et caresser tendrement les jambes dénudées des femmes infidèles qui dorlotent la rue comme leurs marmots tuberculeux. La rumeur insolente se répandait rapidement et la ville s'éveillait bientôt complètement.
Un vieil homme, obèse des orteils jusqu’aux oreilles, soufflait la fumée d’un cigare narquois fiché entre ses deux grosses lèvres graisseuses. Encagé dans son costume trop petit, il faisait les cents pas en attendant sa fille qui venait de terminer la première passe de la saison. Elle s’essuyait la commissure labiale avant de déposer, sur la grosse joue paternelle, le reste du patrimoine génétique de la vieille ordure qui venait de lui passer dessus.
- «Bien dormi ?ragrafant l’attache de son porte jarretelle, qui dépassait» demanda-t-elle en en dessus et en dessous, de son petit short trop court. Elle bailla longuement. - «Trois mois, deux semaines, quatre jours et vingt-et-une heure. Une de ces courtes nuits qui ne vous réparent pas. rétorqua le vieux qui, effectivement, avait une jambe en panne et » tournoyait sur lui-même à la manière d’un automate déglingué, regardant sa grosse montre à gousset à chaque demi-révolution. - «Et les affaires ? Comment se porte le business? » hoqueta la fille en ravalant un renvoie de semence. - «Eh bien, ma fille, en voila une bonne question. Et j’y répondrai mal. Tout ce qui importe dans les affaires, c’est l’action qui s’y affère. Faire dans les affaires, vous assure une affaire qui ferre. Ne pas ferrer, dans ces conditions, affère à faire la remarque suivante : si ca ne mord pas, c’est la canne qu’il faut blâmer et non le pêcheur. Ou peut être l’inverse...Un temps et il reprit.Mais non, mes affaires ne se porte guère. Comment plaire à ma clientèle d’avant-guerre avec une blessure d’après ? Comment...» - «Tu assones trop, ca m’assomme !» coupa-t-elle enfin.
Il lui donna une baffe amicale, qui le fit valdinguer, avant qu’elle ne s’écroule dans le caniveau, le nez en sang.
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