De la liberté ou quelques remarques d’un grand-père par Damien Suvélor Ainsi, clairement, manifestement, sans nulle gêne inutile, pour les gens, la liberté, c’est clairement la leur, ce n’est jamais celle des autres.
De la liberté ou quelques remarques d’un grand-père par Damien Suvélor
Ainsi, clairement, manifestement, sans nulle gêne inutile, pour les gens, la liberté, c’est clairement la leur, ce n’est jamais celle des autres. Pour eux, il leur est loisible, sans soucis, sans craintes et sans remords, sans que nul nuage ne trouble leur âme, du moins s’ils en ont une, de s’adonner à l’insulte quotidienne : autrui n’est qu’un puceau, qu’un pédé, qu’un cocu, qu’une lopette, qu’un sale nègre ou un sale arabe, un sale étranger ou un sale juif. Les plus progressistes, ou autoproclamés comme tel, vous diront sans doute sale facho. Quoi qu’il en soit, quelle que soit l’insulte ignominieuse à vocation universaliste, décidément, vous n’êtes qu’une chose. Manifestement, ils ne savent pas que l’esclavage est aboli, puisque vous n’êtes plus que l’esclave de leur parole, la chose de leur bouche, l’objet de leur crachat. Ainsi, la rumeur court la grand ville, le pays et la campagne, elle passe les mers et atteint les autres rivages lointains, vous n’êtes qu’un jean-foutre et qu’un étron, seule la parole sacrée des cons maîtrise l’univers en le nommant, se l’approprie et annihile tout, la bêtise et la médiocrité seules subsistent. Dieu était déjà mort depuis longtemps, l’intelligence s’en est allée. Ainsi, vous n’auriez pas le droit, pour quelque raison mystérieuse et obscure, voire abjecte, d’être puceau ou pédé, d’être un sale juif ou un sale arabe, d’être un étranger, seule la blanchitude des cons, leur bite fièrement tendue et leur chatte mouillée font office de témoin de la vérité, le mépris qu’ils vous envoient est de rigueur, c’est vous qui avez commencé, vous n’êtes pas comme eux et c’est de là que provient tout le crime et tout le mal de la terre. La liberté n’est pas pour vous, elle n’est que pour eux, la liberté ne se partage pas, ce n’est que l’obéissance absolue aux maîtres du moment, au peuple immense et vil des crétins et des imbéciles nazillons, à ceux qui, en d’autres temps, auraient crié « les Juifs au four » et qui, quelle que soit l’époque, ont toujours bien soin d’être du bon côté du manche. Leur chemise est à usage aussi multiple qu’unique : ils ne connaissent qu’eux-mêmes, ils sont incultes mais savent tout, ils n’ont pas besoin de lire ou s’imaginent que lire les philosophes fait d’eux un philosophe.