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Écotaxe: autopsie d'un « partenariat » mort-né Thibaut LAMARQUE, Transports Chaparral Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la passation du contrat de partenariat pour la mise en œuvre et la collecte de l'écotaxe poids lourd : un parti pris pour le maintien du dispositif « Le contrat Ecomouv' : un contrat exceptionnel », tel est le titre de ce rapport d'enquête sur les conditions de passation du contrat de partenariat entre l’État et la société Ecomouv' pour la mise en œuvre et la collecte de l'écotaxe poids-lourd. Deux tomes représentant un total de 630 pages ont été publiés mercredi 28 mai, et dès le lendemain on pouvait lire des articles qui relayaient l'information principale émanant des synthèses officielles qui tranchent ouvertement en faveur de la régularité totale du contrat. Le titre lui-même du rapport invite l'opinion publique à se ranger du côté d'Ecomouv' dans ce dossier, et de façon indirecte, c'est la pertinence de l'architecture contractuelle retenue et le principe-même de l'écotaxe qui semblent y être entérinés. La raison du parti pris de la commission d'enquête est que l’État a besoin rapidement d'une manne financière pour ses projets d'infrastructures de transports, dont les modernisations et/ou créations, identifiées dans le SNIT puis priorisés dans la liste du rapport Mobilité 21, en faisant apparaître des coûts exorbitants, ont attisé une véritable panique des finances publiques.

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Publié le 26 mars 2015
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Langue Français

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Écotaxe: autopsie d'un « partenariat » mort-né
Thibaut LAMARQUE, Transports Chaparral
Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la passation du contrat de partenariat pour la mise en œuvre et la collecte de l'écotaxe poids lourd : un parti pris pour le maintien du dispositif
«Le contrat Ecomouv' : un contrat exceptionnel», tel est le titre de ce rapport d'enquête sur les conditions de passation du contrat de partenariat entre l’État et la société Ecomouv' pour la mise en œuvre et la collecte de l'écotaxe poids-lourd.
Deux tomes représentant un total de 630 pages ont été publiés mercredi 28 mai, et dès le lendemain on pouvait lire des articles qui relayaient l'information principale émanant des synthèses officielles qui tranchent ouvertement en faveur de la régularité totale du contrat.
Le titre lui-même du rapport invite l'opinion publique à se ranger du côté d'Ecomouv' dans ce dossier, et de façon indirecte, c'est la pertinence de l'architecture contractuelle retenue et le principe-même de l'écotaxe qui semblent y être entérinés.
La raison du parti pris de la commission d'enquête est que l’État a besoin rapidement d'une manne financière pour ses projets d'infrastructures de transports, dont les modernisations et/ou créations, identifiées dans leSNIT puispriorisés dans la liste du rapportMobilité 21, en faisant apparaître des coûts exorbitants, ont attisé une véritable panique des finances publiques. L'écotaxe est le fruit de cette panique et le partenariat Ecomouv' en est l'expression juridique.
Derrière ces considérations, et abstraction faite de l'intérêt environnemental, c'est l'avenir des emplois de la filière du BTP qui semble sous-jacente si l'on en croit de précédents rapports parlementaires. De surcroît la question de l'emploi est une question essentielle dans ce dossier puisque cette problématique touche aussi les salariés d'Ecomouv', ceux qui sont déjà en poste et puis les « oubliés » de l’Écotaxe, ceux qui ont été formés pendant deux ans pour assurerin concretol'exécution du contrat et qui n'ont toujours pas intégré leur poste.
Basés à Metz dans un bassin d'emploi sinistré, ces travailleurs en devenir de l’Écotaxe étaient recrutés prioritairement en raison du difficile retour à l'emploi qui les touchaient. Pour eux l'écotaxe, c'est une perspective d'avenir après une longue période de chômage. Dans le rapport version papier publié par la librairie du Sénat, on pouvait trouver sur une page volante une copie du courrier dans lequel ils ont exprimé leur crainte de ne pas voir signés les CDI qu'ils attendent depuis de longs mois de formation.
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Une appréciation encore plus macro-économique plaide inévitablement en faveur du maintien du dispositif puisqu'il semble permis de relier les objectifs de l'écotaxe au rayonnement industriel de la France en Europe et sur la scène internationale. La filière française du BTP et notamment avec son expertise en matière d'infrastructures de transports, de même que le caractère innovant du dispositif de l'écotaxe lui-même, devaient permettre (du moins peut-on le croire) de rejoindre la dynamique deVivapolis (marquepublique assurant la promotion du savoir-faire industriel français à l'international), en plaçant de nouveaux produits dans la vitrine commerciale des «champions »de l’État, lui-même soucieux des évolutions du jeu de la concurrence mondiale.
En faisant ce choix partisan, le Sénat adopte dès lors une position stratégique légitimée par des impératifs manifestement d'intérêt général, mais il s'adonne aussi à un jeu dangereux car de toute évidence sa position ne saurait satisfaire les citoyens avertis, ceux qui rejettent l'écotaxe dans son principe et qui attendent davantage qu'une irrégularité procédurale pour acter l'abandon du projet.
Un parti pris mais un parti mal pris
Ce serait commettre une grave erreur d'appréciation que de forger son opinion sur la base unique des synthèses du rapport d'enquête. Une telle approche ne permettrait pas de rendre hommage à la qualité du travail de fond qui a été mené par la commission d'enquête.
Cette dernière a vraisemblablement mené une enquête poussée et pertinente sur le sujet, ce qui a permis que soient soulevées les vraies questions qui entourent la passation du contrat. Des questions de procédures lourdes de sens et de conséquences, qui révèlent certes l'élégance et la technicité juridico-administrative de l'opération, mais qui en l'état des réponses apportées ne semblent pas permettre au Sénat de conclure sur l'évidence d'une irrégularité formelle.
De fait rien n'a été laissé au hasard, chaque détail semble avoir été maîtrisé et des précautions non obligatoires ont même été prises vis à vis du Conseil d’État notamment. Et de façon générale vis à vis de l'ensemble des administrations impliquées, les saisines obligatoires ont été globalement respectées. Si vice il y a ce n'est donc pas objectivement dans l'organisation de la procédure de passation du contrat, mais peut être davantage et subjectivement au niveau de la défaillance des ressources humaines qui ont été impliquées dans le processus.
De fait, ces défaillances semblent constituées par les morcellement des responsabilités affaiblissant le pouvoir d'opposition de l'appareil administratif lorsqu'il aurait été en position de dénoncer de possibles irrégularités. Par ailleurs, ces défaillances sont vraisemblablement constituées par le climat de panique autour de ce dossier et le processus de conditionnement des esprits eu égard à la circonstance qu'il n'existait aucune alternative pour garantir les recettes nécessaires au financement des projets de l'AFITF.
Parlant de conditionnement des esprits, il est aussi permis de considérer que l'urgence et la complexité en tant que conditions préalables au recours à la formule du contrat de partenariat,ont pu avoir pour corollaire un relâchement de la vigilance des responsables publics qui ont abandonné dès l'origine et sans sourciller la maîtrise d'ouvrage au soumissionnaire.
Enfin ces défaillances semblent caractérisées par les mobilités professionnelles au sein de nombreuses administrations concernées, au point que les responsabilités sont difficilement retraçables. A de nombreuses reprises dans les auditions menées par la commission, il est regrettable de constater la fréquence des questions sans réponse d'acteurs qui n'ont pas suivi l'ensemble de la procédure puisqu'ils sont arrivés en fonction en cours de celle-ci.
Le rôle de la Mappp et du Conseil d'Etat dans la procédure
Ces deux institutions étaient censées avoir un rôle crucial dans la procédure d'attribution du contrat puisque d'une part le Conseil d'Etat a suivi la procédure d'attribution à travers mise en place (non obligatoire) d'une commission consultative, puis, au contentieux, il a décidé la cassation du jugement du tribunal de Cergy Pontoise qui avait annulé l'attribution. D'autre part laMappppour mission (obligatoire) de valider le avait contrat final avant signature.
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Concernant le Conseil d'Etat il ressort du rapport d'enquête que la commission consultative a pu s'exonérer de toute responsabilité considérant que son avis n'avait pas de réelle portée contraignante. A tel point que les représentants de laDGCCRFqui devaient y siéger n'ont participé qu'à la première réunion sur les trois qui se sont tenues. La DGCCRF soutient qu'un représentant à siégé à deus reprises, mais aurait émis des réserves laissées sans réponse et non retranscrites dans les P.V des réunions. Le président de la commission ne voile qu'à moitié son scepticisme sur la raison d'être de la commission, et la lecture de son audition trahit la virtualité de son action, qui n'aurait pas été bien différente si elle n'avait eu qu'un rôle figuratif, afin d'ajouter l'illusion d'une crédibilité accrue sur la sécurité juridique de la procédure de passation. Il relate ainsi: «Au final, le rôle de cette commission est demeuré relativement modeste».
Au contentieux, le Conseil d'Etat n'a pas non plus saisi l'occasion de censurer l'attribution du contrat à Ecomouv'. Alors qu'il était invoqué des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence suite à la modification du cahier des charges en cours de procédure, et alors que le TA de Cergy avait, lui, entendu censurer ces manquements, le Conseil d'Etat a estimé qu'il n'y avait pas eu de rupture d'égalité de traitement entre les candidats. A la lecture de l'audition de M. Roland Peylet, président de la commission consultative, il semble que cette question de l'égalité de traitement aurait pu trouver une réponse différente dans le cadre d'un examen plus poussé. La compétence matérielle du juge administratif en l'espèce strictement restreinte au champ limité du référé pré-contractuel, justifierait – aux dires du Conseiller d'Etat – que la juridiction suprême n'ait pas analysé davantage la question.
Concernant la Mappp, l'audition de son président dans le rapport d'enquête laisse le citoyen-lecteur euphémiquement perplexe. On y apprend que la Mappp a été saisie pour validation du contrat final avec un impératif de se prononcer dans un délai de 48h seulement. La Mappp a-t-elle eu le temps de prendre une décision suffisamment éclairée? Il ressort de l'audition de son Président que la Mappp a validé le contrat en émettant toutefois deux recommandations destinées à garantir une meilleure protection des intérêts de l’État dans une relation contractuelle au sein de laquelle elle entrevoyait un «déséquilibre au détriment de la partie publique».
Ainsi il a été mentionné un «taux de rendement actionnaire anticipé élevé », ainsi que des interrogations sur la «formule de calcul de l'indemnité de résiliation du contrat de partenariat pour motif d'intérêt général». Alors que les délais le permettaient encore, le contrat n'a pas été modifié selon les recommandations de la Mappp, et la signature du contrat s'est effectuée dans les 6 jours suivants.
Le taux de rendement actionnaire et l'indemnité de résiliation précisément à l'index dans le dossier de l'écotaxe
Les opposants à l'écotaxe voient en effet dans le premier une certaine gêne vis à vis du concept même de confier au secteur privé la collecte de l'impôt, de surcroît moyennant un «taux de rendement actionnaire élevé». Du reste, la gêne se situe également au niveau du percepteur de l'impôt, l'AFITF, dont l'existence-même, par dérogation avec le principe d'universalité budgétaire et la règle de non-affectation des recettes et des dépenses, ne fait pas l'unanimité (notamment à Bercy) à en croire certains rapports parlementaires antérieurs.
En ce qui concerne le calcul de l'indemnité de résiliation, c'est le cœur du sujet actuellement, puisque des conciliateurs ont été désignés et la résiliation est une piste sur laquelle Madame la Présidente de la commission d'enquête du Sénat elle-même n'exclut pas de se ranger, malgré sa position favorable au maintien du dispositif. Elle conclut du reste le rapport de la mission par ces mots: «il est indiqué[dans l'annexe 9 du pacte de stabilité]que la réduction des dépenses publiques permettra de couvrir l'absence du produit de l’Écotaxe...».
Reste à savoir si la résiliation du contrat se fera avec ou sans considération pour un objectif légitime de réduction des dépenses publiques tel que susmentionné, et si l'intervention du pouvoir judiciaire sera ou non requise pour y parvenir, en éclairant les zones d'ombre qui subsistent autour de la mort dans l’œuf de l'écotaxe par une possible intoxication...
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thibaut.lamarque@chaparral.fr
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