Psychanalyse, droit des femmes et prostitution
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« Le classicisme en matière de sexe, c'est la psychanalyse. Même si Freud a peu parlé de la prostitution dans Psychologie de la vie amoureuse, il s'interroge sur « ce choix d'objets bien particuliers », qui sont « avant tout des substituts de la mère ». Le fameux couple maman-putain en quelque sorte. Freud note que la prostitution représente, pour le « client », une « issue » à une fixation infantile invalidante qui associe fantasme sexuel et sentiment de tendresse à l'égard de la mère.
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Langue Français

Extrait

«Personne ne prêtait attention à nous, et un jour nous avons enlevé nos t-shirts» ·
Alexandra Shevchenko (à gauche), Anna Hutsol (au centre) et Inna Shevchenko (à droite) sont trois membres permanents de mouvement féministe ukrainien Femen.REUTERS / FEMEN / REUTERS
INTERVIEW - Les féministes aux seins nus ont expliqué leur mouvement à «20 Minutes», mais aussi leurs combats et la façon dont elles ont choisi de les mener...
Les féministes ukrainiennes deFemensont de passageà Paris pour y préparer la création d’un camp d’entraînement internationalpour leurs futures recrues du monde entier.Anna Hutsol, fondatrice et leader du mouvement,Inna ShevchenkoetAlexandra Shevchenko, activisteset formatrices, sont trois des quatre membres à temps plein de l’organisation. Elles ont raconté à20 Minutesleur engagement, leurs combats et le choix de la protestation topless.
Comment décririez-vous Femen en quelques mots?
Inna Shevchenko Femen est une armée de femmes soldats qui se battent pour la liberté et le droit des femmes. Nous sommes une organisation féministe, nous avons les mêmes combats que les féministes classiques, mais nous voulons être le sang nouveau du féminisme. Nous pensons que le féminisme classique est mort. Des intellectuelles s’asseyent, parlent entre elles mais ne changent rien. Nous voulons un féminisme de rue, un féminisme en action. Nous sommes une nouvelle génération de féministes, nous voulons occuper le monde avec un nouvel activisme.
Anna Hutsol Crise financière, culture, problèmes sociaux, politique, religion, dictature, marché du sexe... Nous combattons le patriarcat dans le monde.
Comment vous perçoivent les autres organisations féministes?
Alexandra Shevchenko Soutiens, critiques, il y a un peu de tout. Mais souvent, les critiques viennent de l’incompréhension. Quand on explique nos choix, elles comprennent notre mode d’action et reconnaissent que nous sommes de vraies féministes.
Combien êtes-vous?
Inna Shevchenko En Ukraine, il y a 40 activistes aux seins nus. Des femmes d’âges, d’apparences, de milieux sociaux différents. Mais Femen n’est plus seulement un mouvement ukrainien, cela devient un mouvement international.
Anna Hutsol Sur Internet, nous avons environ 100.000 soutiens.
Les activistes Femen qu’on voit lors de vos actions sont jeunes, jolies... Est-ce un critère pour faire partie de Femen?
Alexandra Shevchenko Nous voulions créer une nouvelle image du féminisme, plus attractive pour les femmes ukrainiennes qui ne savent pas ce qu’est le féminisme. Elles pensaient que les féministes sont des femmes qui ressemblent à des hommes, ont de la moustache, détestent les hommes. Tout le monde a envie de regarder des jolies femmes, mais personne ne s’attend à ce qu’elles aient quelque chose à dire. Nous avons choisi d’en jouer.
Anna Hutsol Il faut rappeler que Femen a été créé en Ukraine, où les femmes sont très souvent grandes, blondes et font attention à leur apparence. Mais nous voulons jouer de ce paradoxe: maintenant les «Barbie» combattent.
Inna Shevchenko Avant, les belles femmes nues étaient forcément des mannequins, des prostituées, ou des pornstars. Maintenant ce sont des combattantes qui ne veulent pas vous séduire, mais vous faire peur et vous faire passer un message. Nous voulons créerdes images qui soient belles et marquantes, mais il n’est pas nécessaire d’être mannequin pour faire partie de Femen,il y a des activistes de toutes apparences physiques. La mère d’une des nôtres nous a même rejointes, elle a 64 ans.
Qui a eu l’idée de manifester seins nus?
Inna Shevchenko C’est difficile à dire. Quand Femen a été créé en 2008, nous ne manifestions pas topless. Nous organisions de grands événements mais personne ne prêtait attention ni à nous, ni aux problèmes des femmes. Et un jour, en 2010, nous avons enlevé nos t-shirts...
Anna Hutsol C’était nécessaire de changer notre stratégie pour quelque chose de plus radical. Il fallait attirer l’attention pour rendre notre message audible.
Vous ne regrettez pas de devoir montrer vos seins pour être entendues?
Inna Shevchenko Si, mais nous savons que ce n’est qu’un moyen pour attirer l’attention sur les problèmes des femmes.
Alexandra Shevchenko Aujourd’hui, nous avons des activistes aux seins nus dans tous les pays du monde. Ça nous conforte dans l’idée que nous avons bien fait.
Certaines d’entre vous ont été malmenées, arrêtées, voirekidnappées comme Alexandra. C’est difficile de faire partie de Femen?
Inna Shevchenko Oui, c’est difficile. Particulièrement dans notre pays, l’Ukraine. Aujourd’hui nous avons huit procédures criminelles en cours. Les autorités ont de quoi nous mettre en prison pour cinq ans. Mais en Pologne aussi, pendant l’Euro defootball, nous avons été suivies en permanence par les services secrets. Nous pourrions être tuées, mais nous ne comptons pas arrêter.
Alexandra Shevchenko Nous sommes habituées à tout ça. Nous avons l’habitude d’être suivies, arrêtées, kidnappées... Mais nous sommes assez fortes pour vivre avec. Nous avons fait le choix de faire partie de Femen, nous avons rompu avec notre entourage (parents, proches, petits amis) et parfois perdu notreemploi.
Comment est financé Femen?
Inna Shevchenko Nous avons deux sources de revenus. Nous avons des donations, qui viennent de partout dans le monde, mais sans avoir de réel sponsor. Les dons sont d’ailleurs parfois anonymes. Et nous essayons aussi de développerun magasin en ligne Femen, sur lequel nous vendons des objets aux couleurs de notre mouvement.
Alexandra Shevchenko Nous avons eu de nombreuses propositions de soutien par différents partis ukrainiens, qui ont essayé de nous acheter. Ils nous ont proposé des locaux, en échange d’actions contre leurs ennemis politiques. Nous avons refusé.
Propos recueillis par Julien Ménielle
NDLR http://www.prostitutionetsociete.fr/interviews/gerard-bonnet-psychanalyste
Alors la prostitution ?
Le Dr J.-D. Leccia: Elle s'est adaptée en intégrant ces nouveaux paramètres, ces nouvelles craintes... Aux urgences psychiatriques, à Pigalle, j'ai rencontré des prostituées de rue amazones, travestis, et jeunes éphèbes. Une prostitution d'époque, dans l'un de ses sanctuaires dont je recevais aussi les clients dépités parfois détroussés. Aujourd'hui, loin des quartiers chauds, j'accueille les abonnés en ligne des différentes formules de sexe virtuel, quelques danseuses et les lendemains de fêtes arrosées dans les clubs... Les habitudes, les intérêts changent...
L'actualité médicale: Le phénomène des escortes est en expansion. Pourquoi selon vous ?
Le Dr J.-D. Leccia: Il représente précisément une protection contre une prostitution de rue aujourd'hui plus dangereuse, faune urbaine imprévisible et quartier mal famé, exposée aux descentes policières. Il est plus sécuritaire même si l'échange demeure physique. Le corps est engagé dans une rencontre plus ouverte. C'est une prostitution de compromis adoptée, tous sexes confondus, par une classe moyenne urbaine désorientée.
Comme dans les clubs, cette forme d'échange sexuel épouse le rythme de notre modernité : rencontres facilement disponibles, rapides, diverses, mobiles, ponctuelles. Elles autorisent de courtes romances, des continuités en suspension dans un univers fasciné par la mobilité, depuis les mythologies dujet setjusqu'aux bourgeois bohêmes, les bobos. Entre nostalgie et ouverture, l'escorte s'adresse à la part errante de notre culture.
L'actualité médicale: Dans une civilisation du mouvement, les relations stables, les couples, ne sont-t-elles pas menacés ?
Le Dr J.-D. Leccia: Même si les revues populaires font régulièrement la somme des divorces de stars et si les unions deviennent des contrats à durée aléatoire, le couple résiste. Le mariage aussi, dont l'extension est activement revendiquée par des homosexuels, avec en face de chauds partisans de sa version originelle et exclusive. Quand tout bouge trop vite autour de soi, on a besoin d'un point fixe. La vogue du cocooning, que partage une cohorte de célibataires, indique, elle aussi, cette résistance face à une instabilité générale qui propulse anxiété et dépression au hit parade des maladies planétaires.
Aujourd'hui dans bien des cas, une des fonctions premières, du couple, est de représenter un point fixe qui résiste à tout ce qui est emporté par les changements et le mouvement... Cela dit, cet îlot sécuritaire se retrouve souvent impuissant à rassembler les images d'une sexualité éclatée et explosive, consacrée à plein mur par la publicité, relayée par les médias ou le net... La quête du plaisir, alors se déplace, elle passe par d'autres canaux dont les escortes...
L'actualité médicale: Mais qui sont ces escortes ?
Le Dr J.-D. Leccia: Les petites annonces qui les recrutent dans les quotidiens, présentent ce travail comme marginal et alimentaire, parfaitement compatible avec un cursus d'étudiant(e)... Elles sont un peu comme ces jeunes new-yorkais, serveurs de café occasionnels entre leurs cours d'art dramatique, dans attente d'être des artistes reconnus... Souvent ce qui est recherché dans ce type de relation sexuelle c'est justement cet « en plus
»... il offre comme dans la mythologique scène de fellation duDéclin... la possibilité d'une romance qu'incidemment nous voyons se poursuivre avec bonheur dansLes invasions... Cette prostitution plus exclusive et plus onéreuse s'adresse essentiellement tout sexe confondu, à des professionnels, des politiciens, mais aussi au milieu artistique et médiatique.
L'actualité médicale: La prostitution signe-t-elle la défaite du couple ?
Le Dr J.-D. Leccia: Oui et non. Dans certains cas elle contribue à le maintenir. C'est une forme d'homéostasie du couple, acceptée voir pratiquée par les deux partenaires, beaucoup d'annonces d'ailleurs sollicitent directement les couples... Selon moi, c'est moins la structure du couple que sa durée qui est perpétuellement menacé par le rythme accéléré de nos sociétés où par leur perpétuel désir de nouveautés et d'exotisme. Ce sont d'ailleurs les catégories sociales, les plus sensibles et les plus en prise avec ce type d'idéologie, qui vont faire appel aux services d'escortes... La prostitution se transforme en regard des actuelles insécurités et contraintes de vie, qui ne sont plus seulement d'ordre sexuelle...
L'actualité médicale: La prostitution aurait-elle changé de nature ? Le Dr J.-D. Leccia: Elle colle à son temps. Ce ne sont plus exclusivement, les infortunes freudiennes du sexe masculin, auxquelles elle s'adresse. Des femmes y font appel, elle s'offre à des couples. C'est le corps tout entier qui a besoin d'être rassuré, le corps est aujourd'hui fragilisé... Malmené par une société productiviste et consommatrice le corps se débat avec des représentations emblématiques changeante qui ne cessent de se succéder... Face à cette angoisse identitaires les nouveaux « travailleur du sexe » offrent un hédonisme d'urgence, qui via le sexe et le corps restaure un narcissisme aujourd'hui captif de l'image. A sa façon ce type de prostitution participe aux équilibres précaires de nos sociétés. Il n'est pas étonnant qu'il en épouse les emballements et accélérations..., pour le meilleur mais aussi pour le pire. Aparté Nous avons demandé au Dr Jean-Dominique Leccia de résumer la théorie psychanalytique sur la prostitution. La voici, présentée avec toute ses limites. « Le classicisme en matière de sexe, c'est la psychanalyse. Même si Freud a peu parlé de la prostitution dans Psychologie de la vie amoureuse, il s'interroge sur « ce choix d'objets bien particuliers », qui sont « avant tout des substituts de la mère ». Le fameux couple maman-putain en quelque sorte. Freud note que la prostitution représente, pour le « client », une « issue » à une fixation infantile invalidante qui associe fantasme sexuel et sentiment de tendresse à l'égard de la mère. En mettant en scène le désir inconscient du sujet pour une mère infidèle, qui accordait ses faveurs au père, la prostitution désacraliserait l'image paradoxale d'une mère que la conscience par ailleurs pare d'une pureté morale inattaquable. Dans la prostituée, l'homme recherche la mère infidèle.
« Selon cette théorie, le couple peut en soi présenter une menace de castration pour l'homme. En réactualisant l'image d'une mère sacralisée, l'épouse, la partenaire, peut devenir sexuellement menaçante. La prostituée aux attaches affectives inexistantes ou plus labiles rassure sur une puissance sexuelle débarrassée de tout lien, sinon contractuel. Il y a dans la prostitution une part dévolue à une virilité empêchée, blessée qui est aussi une
préoccupation très actuelle. Par la relation extraconjugale, l'homme va se rassurer sur sa puissance sexuelle. La prostitution apparaît alors comme une forme de restauration narcissique.
« Le problème avec la théorie freudienne, c'est qu'elle est enfermée dans une privatisation étroite du psychisme. Dans nos sociétés, dévolues à l'image et ivre d'accélération, les frontières mentales s'ouvrent. Nous sommes actuellement affectés par un environnement qui se transforme au rythme des médias et d'Internet. L'homme moderne doit apprendre à maîtriser cette présence insistante du mouvement, en apprenant à composer avec cette part nomade de lui-même sans passer forcement par la médiation de la prostitution ou la relation extraconjugale. C'est un casse-tête, qui ne s'adresse pas seulement aux hommes, et pas seulement au sexe, il nous concerne tous.
« C'est un débat qui a trait plus généralement à une maîtrise améliorée de nos milieux de vie, et dans le cas qui nous occupe à une meilleure harmonie entre espaces privés et publics. C'est aujourd'hui le défi auquel nous sommes confrontés, et s'il concerne la prostitution, il concerne aussi la psychiatrie... elle aussi en toute vertu cette fois, est intéressée à rétablir les équilibres. »
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