LA DOULOUREUSE PASSION
DE
N. S. JESUS CHRIST
D'APRES LES MEDITATIONS
D'ANNE CATHERINE EMMERICH
Religieuse Augustine du Couvent d'Agnetenberg à Dulmen
Morte en 1824
Traduction Par M. l'Abb é de CAZALES
AVANTPROPOS
DE LA VINGTIEME EDITION
Près de trente ans se sont écoulés depuis que la traduction de la Douloureuse
Passion a été publi ée pour la premi ère fois. Il fallait alors quelque hardiesse pour
mettre un pareil livre sous les yeux des lecteurs fran çais, car, à cette époque, les
bons chr étiens euxm êmes, pour la plupart, n'admettaient que fort difficilement
l'ordre de ph énomènes surnaturels auquel se rattachent les visions d'Anne
Catherine Emmerich, parce que les saints contemplatifs, si nombreux de tout temps
dans l'Eglise catholique, ne leur étaient gu ère connus que par des biographies
sèches et écourtées, o ù le c ôté miraculeux était presque enti èrement laiss é dans
l'ombre. Il r ésultait de l à que beaucoup de fid èles rejetaient à peu pr ès, en lait de
surnaturel, tout ce qui n' était pas article de foi, se faisant presque rationalistes, à
force de vouloir être raisonnables. Les choses ont bien chang é depuis, gr âce à
Dieu, et le pr ésent livre a peut être eu sa petite part dans ce changement, car,
accueilli, d és le d ébut, avec une bienveillance inesp érée, il ne tarda pas à devenir
très populaire parmi les personnes de pi été. Le traducteur qui, à raison des
dispositions signal ées plus haut, ne s'attendait gu ère à rencontrer chez ses lecteurs
une faveur si marqu ée, s' était attach é à choquer le moins possible les susceptibilit és
de l'esprit fran çais : c'est pourquoi, dans la premi ère édition, il avait omis un assez
grand nombre de passages qui lui semblaient devoir nuire à l'impression totale du
livre. Il avait, en outre, abr égé quelques descriptions ou quelques r écits, de peur
qu'ils ne parussent trop longs ou trop surcharges de d étails oiseux. Le succ ès lui
ayant montr é qu'il n'y avait pas lieu d' être si timor é, il avait r établi, dans les
éditions suivantes, la plupart des passages retranch és : toutefois, il avait laiss é
subsister encore quelques suppressions, dont deux ou trois seulement avaient
quelque importance et d épassaient un petit nombre de lignes. Quoique la traduction
ainsi amend ée ait eu un succ ès plus qu'ordinaire, comme le prouvent les
nombreuses éditions qui en ont été laites, quelques personnes ont exprime le regret
qu'elle ne reproduisait pas litt éralement tout ce qui se trouve dans l'oeuvre du pieux
secrétaire d'Anne Catherine Emmerich, et qu'on p ût lut contester encore le titre de
traduction int égrale Bien qu'il lui manqu ât peu de chose pour m ériter ce nom, et
que les omissions, comme on l'a d éjà vu, ne fussent ni nombreuses ni importantes, le traducteur, sensible à ce reproche, a voulu y faire droit et il a revu son travail de
la premi ère à la derni ère ligne Cette fois du moins, on ne pourra l'accuser d'avoir
rien retranch é ni rien omis : ceux qui prendront la peine de comparer sa version au
texte original, pourront se convaincre que celuici y est reproduit aussi exactement
que possible, et que s'il s'y rencontre encore des infid élités, ce sont de celles dont la
meilleure volont é du monde ne pr éserve pas à elle toute seule Quoi qu'il en soit, le
traducteur n'a épargné ni le temps ni la peine pour mener son oeuvre à bien, et, s'il
n'a pas mieux fait, c'est qu'il n' était pas capable de mieux faire.
PREFACE DU TRADUCTEUR
Celui qui écrit ceci parcourait l'Allemagne. Ce livre lui tomba sous la main ; il le
trouva beau et édifiant. Nulle étrangeté de forme ou de pens ée ; aucune trace de
nouveauté ; rien qui ne fut simple de coeur et de langage, et qui ne respir ât la
soumission la plus enti ère à l'Eglise. Et en m ême temps Jamais paraphrase des
récits évangéliques ne fut à la fois plus vive et plus saisissante. On a cru qu'un livre
ayant ces qualit és m éritait d' être connu de ce c ôté du Rhin, et qu'il n' était pas
impossible de le go ûter tel qu'il est, sans s'inqui éter de la singularit é de son origine.
Le traducteur toutefois ne s'est point dissimul é que cette publication s'adresse avant
tout à des chr étiens, c'est àdire à des hommes qui ont le droit de se montrer
rigoureux, exigeants m ême sur ce qui touche d'aussi pr és des laits qui sont de foi
pour eux. Il sait que saint Bonaventure et beaucoup d'autres, en paraphrasant
l'histoire évangélique, ont m êlé des d étails purement traditionnels à ceux qui sont
consignés dans le teste sacr é ; mais il n'a point été pleinement rassur é par ces
exemples. Saint Bonaventure n'a pr étendu être que paraphraste : il y a ici, ce me
semble, quelque chose de plus.
Note : cette pr éface est celle de la premi ère édition, publi ée en 1835.
Bien que la pieuse fille ait ellem ême donn é le nom de r êves à tout ceci ; bien que
celui qui a r édigé ses r écits repousse comme un blasph ème l'id ée de donner en
quelque sorte l' équivalent d'un cinqui ème Evangile. Il est clair que les confesseurs
qui ont exhort é la soeur Emmerich à raconter ce qu'elle voyait, que le po ète c élèbre
qui a pass é quatre ans pr és d'elle, assidu à recueillir ses paroles, que les évêques
allemands qui ont encourag é la publication de son livre, ont vu l à autre chose
qu'une paraphrase. Quelques explications sont n écessaires à cet égard.
Beaucoup d'ouvrages de Saints nous font entrer dans un monde tr ès extraordinaire,
et, si je l'ose dire, tout miraculeux. Il y a eu de tout temps des r évélations sur le
passé, le pr ésent, l'avenir, ou m ême sur les choses tout à fait inaccessibles à la
pensée humaine. On incline dans ce si ècle à expliquer tout cela par un état maladif,
par des hallucinations. L'Eglise, elle, au t émoignage de ses docteurs les plus
approuvés, reconna ît trois extases : l'une purement naturelle, dont une certains
affection physique et une certaine disposition de l'imagination font tous les frais ;
l'autre divins ou ang élique, venant de communications m éritées avec le monde
supérieur ; une troisi ème, enfin, produite par l'action infernale (1). Pour ne pas
faire un livre au lieu d'une pr éface, nous ne nous livrerons à aucun d éveloppement sur cette doctrine, qui nous parait tr ès philosophique, et sans laquelle on ne peut
donner d'explications satisfaisantes sur l' âme humaine et ses diverses
modifications.
L'Eglise, au reste, indique les moyens de reconna ître quel est l'esprit qui produit
ces extases, conform ément au mot de saint Jean : Probate spiritus, si ex Deo sunt.
Les faits examin és suivant certaines r ègles, il y a eu de tout temps un triage fait par
elle. Nombre de personnes ayant été habituellement dans l' état d'extase ont été
canonisées, et leurs livres approuv és.
Note : voyez à ce sujet l'ouvrage du cardinal Bona, De Discretione spirituum.
Mais cette approbation s'est born ée, en g énéral, à d éclarer que ces livres n'avaient
rien de contraire à la foi et qu'ils étaient propres à nourrir la pi été. Car l'Eglise n'est
fondée que sur la parole de J ésusChrist, sur la r évélation faite aux ap ôtres Tout ce
qui a pu être r évélé depuis à des Saints n'a qu'une valeur contingente contestable
même, l'Eglise ayant cela d'admirable qu'avec son inflexible unit é dans le dogme,
elle laisse à l'esprit, en tout le reste, une grande libert é. Ainsi, l'on peut croire aux
révélations particuli ères, surtout lorsque ceux qui en ont été favoris és ont été élevés
par l'Eglise au rang des Saints qu'elle v énère par un culte public ; mais on peut
aussi tout contester, m ême en ce cas, sans sortir des limites de l'orthodoxie. C'est
alors à la raison à discuter et à choisir.
Quant à la r ègle de discernement entre le bon esprit et l'esprit mauvais, elle n'est
autre selon tous les th éologiens que celle de l'Evangile : A fructibus eorum
cognoscetiseos. Il tant éprouver d'abord si la personne qui dit avoir des r évélations
se d éfie de ce qui se passe en elle ; si elle pr éféra une voie plus commune ; si, loin
de se vanter des gr âces extraordinaires qu'elle re çoit, elle s'applique à les cacher et
ne les fait conna ître que par ob éissance ; si elle va toujours croissant en humilit é,
en mortification, en charit é. Puis, allant au fond des r évélations ellesm êmes, il faut
voir si elles n'ont rien de contraire à la foi ; si elles sont conformes à l'Ecriture et
aux traditions apostoliques, si elles sont racont ées dans un esprit particulier ou dans
l'esprit de soumission à l'Eglise. La lecture de la vie d'AnneCatherine Emmerich et
celle de son livre prouveront qu'elle est parfaitement en r ègle à tous égards.
Ce livre a beaucoup de rapports avec ceux d'un nombre consid érable de Sainte ; il
en est de m ême de la vie d'AnneCatherine, qui pr ésente avec leur vie la plus
frappante ressemblance. On n'a qu' à lire, pour s'en convaincre, ce qui est racont é de
saint Fran çois d'Assise, de saint Bernard, de sainte Brigitte, de sainte Hildegarde,
des deux saintes Catherine de G ênes et de Sienne. de saint Ignace, de saint Jean de
la Croix, de sainte Th érèse, d'une infinit é d'autres moins connus. Nous pouvons
renvoyer également aux écrits de ces saints personnages. Cela pos é, il est bien
évident qu'en regardant la soeur Emmerich comme anim ée du bon esprit. On
n'attribue pas à son livre plus de valeur que l'Eglise n'en accorde à ceux de ce
genre. Ils sont édifiants et peuvent exciter la pi été : c'est l à leur objet. Il ne tant
point exag érer leur importance en tenant pour av éré qu'ils viennent de communications proprement divines, laveur si haute qu'on ne doit y croire qu'avec
la circonspection la plus scrupuleuse.
A ne parler que de l' écrit que nous publions, nous avouerons sans d étour qu'il y a
un argument contre la compl ète identit é de ce qu'