Revue générale de psychanalyse (I)
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Description


Khéopsy doit également se renouveler.
«L’époque héroïque de la psychanalyse a pris fin, nous vivons l’éclosion des psychothérapies» nous écrit Roudinesco et de poursuivre par
«C’est se souvenir d’abord d’une aventure intellectuelle et littéraire qui tint une place fondatrice dans notre modernité : liberté de paroles et de mœurs, essor de toutes les émancipations (les femmes, les minorités, les homosexuels), l’espoir de changer la vie, l’école, la famille, le désir.»
Tel est l’héritage de Lacan…
C’est donc bien au-delà qu’une aide financière que je vous demande,
mais une véritable recherche dans les avancées de la psychanalyse, chacun dans sa spécialité, voici donc du pain sur la planche pour la rentrée car, sans votre concours, je ne pourrai donner à Khéopsy et les moyens, et des articles dignes d’une revue moderne et active.
Pour assurer la qualité et le sérieux de l'entreprise,
le comité de rédaction de la revue s'engage à ne publier que des articles
ayant préalablement reçu l'
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Khéopsy doit également se renouveler. «L’époque héroïque de la psychanalyse a pris fin, nous vivons l’éclosion des psychothérapies» nous écrit Roudinesco et de poursuivre par «C’est se souvenir d’abord d’une aventure intellectuelle et littéraire qui tint une place fondatrice dans notre modernité : liberté de paroles et de mœurs, essor de toutes les émancipations (les femmes, les minorités, les homosexuels), l’espoir de changer la vie, l’école, la famille, le désir.» Tel est l’héritage de Lacan… C’est donc bien au-delà qu’une aide financière que je vous demande, mais une véritable recherche dans les avancées de la psychanalyse, chacun dans sa spécialité, voici donc du pain sur la planche pour la rentrée car, sans votre concours, je ne pourrai donner à Khéopsy et les moyens, et des articles dignes d’une revue moderne et active. Pour assurer la qualité et le sérieux de l'entreprise, le comité de rédaction de la revue s'engage à ne publier que des articles ayant préalablement reçu l'aval de deux membres d'un comité de lecture. Cela vaut également pour les articles que les membres du comité de rédaction peuvent faire paraître dans la revue. Pour pallier les insuffisances de nos moyens financiers tout comme pour contourner les difficultés d'une diffusion en librairie, la revue " Khéopsy "est, au moins provisoirement, une revue en ligne. Nous n'écartons pas cependant le projet de la transformer, à terme, en une revue classique sur papier. En attendant, nous nous proposons de mettre en ligne douze numéros de la revue par an.
Frans Tassigny.
1
Table des matières La clinique de Lacan...................................................................................................... 3 La haine, la misère, la peur…........................................................................................ 4 Lacan : une nouvelle théorie de la connaissance.......................................................... 5
Le petit a...................................................................................................................... 13
L'OuPsyPo.................................................................................................................... 16
Mai 68 et les psychanalystes....................................................................................... 21
Pourquoi faire une thérapie courte ? Pourquoi faire une psychanalyse ?.....................23
Psychanalyse et cinéma.............................................................................................. 28
Psychanalyse et philo.................................................................................................. 30
Psychanalyse et poésie................................................................................................ 32
Psychanalyse humaniste............................................................................................. 34
Psychanalyse spéculative............................................................................................ 41
Psys en Rue................................................................................................................. 42
Sartre et Lacan............................................................................................................ 44
Yann LEROUX, homme et machine.............................................................................. 47
« Dès qu'un homme... »............................................................................................... 49
Alphonse Liautais......................................................................................................... 51
La clinique de Lacan
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Présentation clinique de Lacan du 16-2-1976, parPatrick Valas:La présentation de "malade" de Lacan n° 1 - Patrick Valaswww.valas.fr,vendredi 4 mai 2012 16:25
Adeline Landolt:Je me suis souvent querellée avec Lacan en lui reprochant de présenter des « malades, et de plus en public » alors lui disais-je que : « Vous ne faites pas usage de ce terme dans vos Écrits ou 1 séminaires ». À chaque fois il prenait un air faussement désolé en me demandant pourquoi refusais-je d'a…
Frans Tassigny: Reconnaissez quand même que ce qui est remarquable chez Lacan, c’est qu’il n’est pas animé seulement du souci de tout savoir, mais également de la nécessité d’être un observateur actif. Ce n’est
possible que dans la mesure où l’on vit son observation en la reformulant dans une théâtralisation, dans une
mise en scène.
Patrick Pouyaud:n'est-elle pas son propre parcours au sein de la cureLa vraie « scène » analytique ?...Jamais par ailleurs, Lacan n'a été animé « du souci de tout savoir ». Le savoir, ou plutôt UN
savoir (un ça voir) c'est le sujet EN analyse qui s'en dépatouille. Le Toutsavoir, en psychanalyse, cela
n'existe pas. Le divan l'atteste.
Frans Tassigny: Ce n’est possible que dans la mesure où l’on vit son observation en la reformulant dans une
théâtralisation, dans une mise en scène. Voici une recherche d’ « être l’autre », enquête et quête de l’identité secrète et cachée de l’être.
Patrick Pouyaud: Ah peut-être bien si j'ai bien compris. « L'Autre scène » et la « théatralisation » paraissent ne pas être du même domaine. L'inconscient ? Je propose de lui donner un autre corps parce qu'il est pensable qu'on pense les choses sans les peser, sans les penser, il y suffit des mots ; les mots font corps, ça ne veut pas dire du tout qu'on y comprenne quoi que …
Frans Tassigny: Lacan peut découvrir, isoler des traits de comportement, des signes, des attitudes, des
bribes de discours, qui à eux seuls dénotent une identité profonde, composant un rituel social et dédramatisent la condition humaine. Archéologue du mobilier psychique, nomenclateur des symboles,
1Je me suis souvent querellé avec Lacan en lui reprochant de présenter des« malades, et de plus en public »alors lui disais-je que :«Vous ne faites pas usage de ce terme dans vos Écrits ou séminaires ». À chaque fois il prenait un air faussement désolé en me demandant pourquoi refusais-je d’aller à ses présentations, auxquelles il me conviait, en ajoutant qu’elles n’étaient pas ce que je croyais. Quelques années plus tard, je me suis rendu à la présentation clinique d’un sujet que mon grand ami d’enfance, aujourd’hui disparu, le Dr Jean-Louis Duhamel avait préparé pour Lacan, c’était le 13 février 1976. Ce patient, Lacan en a parlé à son séminaire sur Joyce en le qualifiant de« télépathe-émetteur ». Il a aussi précisé que ce qu’il qualifiait, lui, plutôt de dialogue à Sainte-Anne, on appelait cela une présentation de malade, mais ce n’était pas, en ce qui le concernait, ce qu’il faisait. Je me suis rangé à sa raison, sans toutefois jamais y retourner. Il m’a alors dit de contacter Laurence Bataille que je connaissais bien, il lui avait demandé de me remettre les photocopies des compte-rendus de ses présentations dont elle disposait. Le nom du patient et d’autres informations qui auraient permis de l’identifier y ont été à juste titre supprimés.Patrick Valas,le 4 octobre 2009.On le comprendra en lisant cette présentation clinique de Lacan du 16-2-1976
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linguiste, tout à la découverte d’un immense assemblage de figures et de passions; fresque vivante du théâtre de la vie, il tend à des allures d’homme de science.
La haine, la misère, la peur… Frans Tassigny,vendredi 4 mai 2012, 22:00 La haine, la misère, la peur ont toujours « su » où se forme leur ennemi : à l'extérieur de soi. La psychanalyse démontre que la menace est interne. Mais, elle ne l'est que pour une culture qui soit capable d'intérioriser, d'avoir séparé l'intérieur de l'extérieur. Toutes les formes de culture ne le font pas. Cette guerre des banlieues sans idéal, mais non tout à fait sans cause est évidement une guerre de défense culturelle, deux visions du monde s'affrontent, mais l'une doit se défendre contre elle-même, c’est-à-dire contre un désir inconscient, donc refoulé, qui la fait agir.
Ce n'est pas une guerre c'est une opération de police....ce que l'on oublie de dire c'est que cette Mais opération de police est également confrontée à l'inadaptation d'une société aux villes dortoirs. Enfin, cette réaction du pouvoir avec ce besoin de punition revêt la forme d'une autojustification morale et juridique qui plonge ses racines dans les tréfonds de l'inconscient. Voilà pourquoi c’est celui-ci le véritable sujet-objet de ces troubles.
Cette rencontre entre un monde hostile et un homme fragile pose ou repose la question de savoir si un peuple ou une culture a le droit de mettre un processus qui conduise, selon ses critères, à une existence plus policée de l'humanité ; à une République policière pour être en l'occurrence plus direct....
L'Etat, la République a peut-être, suite à ces violences urbaines, l'occasion de rechercher une légitimité nouvelle, mais il se comporte dans une structure punitive (double peine) et figée. Certes, l'arabisme des agitateurs a joué un scénario impossible, comme s’ « ils » avaient des droits sur le territoire français.....En outre, la culture occidentale doit se défendre contre le moralisme qui la constitue et qui crée indirectement le primitivisme de l'autre : la culture des immigrés arabes. Ce moralisme compensatoire de l'ignorance d'autrui sert d'exutoire à un besoin ancien de punition et cache une conscience de culpabilité qui n'avait pas trouvé depuis la guerre d'Algérie l'occasion de se déculpabiliser.
Freud nous indique qu'il est dans la nature de l'Etat de faire de ses citoyens des sujets mineurs pour les rendre incapables de réagir avec un esprit critique, déjà Kant, dans sa réponse à la question « Qu'est-ce que les Lumières ? » décrivait les hommes comme incapables de penser et soumis au tutorat : les Lumières était un combat contre la dictature et l'obscurantisme.
Notre époque " transitionnelle" et dépressive nous oblige donc à faire le deuil de nos illusions engendrées par la démocratie et la toute puissance de la Science. Lacan pensait déjà (Nanterre, MAI 68) que : « La Science, c'était par quoi les sociétés mortes ont l'air de se tenir comme parlantes ».
Gageons que la psychanalyse ne quitte pas la tradition de sa propre démarche au bénéfice illusoire de positions bourgeoises signe d'un paradis perdu à jamais.
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Lacan : une nouvelle théorie de la connaissance Alexandre Leupin,jeudi 3 mai 201200:54Alexandre Leupin est professeur en critique littéraire (littérature médiévale française), épistémologie (psychanalyse) et histoire de l'art. Jusqu’àGalilée, qui crée la science moderne au dix-septième siècle, l’Occident a vécu sous une organisation 2 du savoir et une théorie de la connaissance dont les fondements avaient été érigés deux millénaires auparavant dans le monde gréco-latin. Cette organisation théorique du savoir était centrée sur lessept arts 3 libéraux: ceux-ci était la grammaire, la rhétorique, la dialectique (letrivium,les trois disciplines s’occupant du langage); puis les mathématiques, la géométrie, l’astronomie et la musique (lequadrivium, les quatre arts s’occupant du nombre). Les arts libéraux sont la fondation de ce qu’on appelle aujourd’hui encore l’humanisme. À l’origine, Galilée entendait modestement conférer aux arts « manuels » et pratiques (disons, en termes
modernes, à la technologie) la dignité qui jusqu’alors avait été réservée exclusivement aux arts libéraux. Mais l’irruption de la science moderne sur la scène du monde, qui arrache la technologie à l’empirisme, a eu très vite un effet qui dépassait l’intention initiale de Galilée : la science s’est imposée à l’univers entier comme la méthode privilégiée pour maîtriser le monde, et a complètement marginalisé les sept arts libéraux. Ce succès n’est pas dû seulement à l’efficacité incontestable de la méthode scientifique et aux conséquences de son application pour le bien-être de l’humanité, constatables par tout un chacun. Il a aussi sa cause dans le refus obstiné que les humanistes ont opposé, à de rares exceptions près (on pense àDescartes), à une mise à jour de leurs disciplines et de leurs méthodes. La majorité des humanités ronronne encore selon un modèle périmé par la révolution scientifique; symétriquement, la plupart des scientifiques n’ont aucun intérêt pour les humanités, si ce n’est à titre privé (un astronome aimant Rabelais et Debussy, par exemple) : ils savent que rien de conséquent pour leur discipline ne sortira jamais du modèle humaniste. Le grand bond théorique en avant que Lacan a opéré en psychanalyse l’a amené à réfléchir sur ce divorce entre les humanités et la science moderne et à proposer une nouvelle épistémologie, entièrement inédite, qui établirait la compatibilité entre la science et l’étude des belles-lettres (étude refaite selon le tour que lui donne Lacan). À mon sens, il s’agit là de la contribution la plus importante (et la plus négligée) de Lacan à l’épistémologie, celle qui survivra même à la psychanalyse pratique, la cure, quand celle-ci aura accompli la disparition qu’il lui prophétise. On peut schématiser la doctrine épistémologique de Lacan par unedistinction,deux observations, et enfin unprogramme de rechercheappuyé d’unprincipe méthodologique. Ladistinction, c’est celle que Lacan fait entre exactitude et vérité. Il y a des énoncés exacts, comme « Il 2 pleut » ou « E = mc », qui décrivent un état matériel du monde ; ils diffèrent des énoncés vrais, qui évoquent des états de la psyché humaine et sont nécessairement ambigus. L’homme de la rue tend à les assimiler, mais ils diffèrent profondément dans leur nature et leur fonctionnement.
2Une épistémologie
3(c'est-à-dire des arts pratiqués par les hommes libres qui ne travaillaient pas de leurs mains)
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Lapremièreobservation,c’est que, qu’un énoncé soit exact ou vrai, il est toujours local : il laisse dans l’ombre tout le réel qu’il ne désigne pas. Donc, du seul fait que l’on parle, on laisse de côté un inconnu, le réel scientifique dans le cas de l’exactitude, l’inconscient du côté de la vérité. Le discours crée donc un trou et le délimite. Rien de la nature ou de l’inconscient n’est connaissable totalement, il y a toujours un trou; le croire, c’est tomber dans l’irrationnel. L’immense innovation de Lacan, c’est de montrer que les trous dans la vérité et dans l’exactitude se recouvrent, et donc d’unifier la théorie de la connaissance par un même modèle en surmontant la fracture qui s’est produite avec Galilée au début du dix-septième siècle. Personne avant lui n’y avait pensé et ne l’avait osé. Ladeuxième observation, c’est que la science moderne abolit le sujet. Par exemple, quandEinstein a 2 produit E = mc , ses déboires conjugaux et sa personnalité n’importent plus : d’autres physiciens peuvent faire fonctionner l’algorithme sans jamais avoir besoin de se référer au sujet Einstein. Ou encore, si vous allez chez le médecin, celui-ci, pour être efficace et vous guérir, doit considérer votre corps comme une machine, sans égard à vos sentiments de sujet à propos de ce corps qui est le vôtre. L’expansion de la science moderne pose donc un problème moral, qui peut être formulé ainsi : comment défendre la singularité individuelle du sujet des assauts d’un « surmoi scientifique » qui ne cesse de grignoter cette singularité? Par exemple, pour l’assurance-vie, vous n’êtes qu’unxl’algorithme des probabilités dans concernant la date de votre mort. Rien de ce qui vous fait réellement sujet humain (vos désirs, vois joies et vos peines) n’entre dans ce calcul. Cette réduction du sujet humain est nécessaire : ce n’est qu’ainsi que la science peut fonctionner et avancer. Cependant, il importe de lui donner des limites, pour préserver le désir humain; pour ce faire, il faut donner des bornes, non à la science, mais au scientisme, qui transforme en idole suprême et exclusive la passion de connaître aux dépens de l’humain. Leprogramme de recherchedépend directement de l’unification de la connaissance que Lacan lacanien réalise. On notera que ce programme ne s’applique pas à la science : la science se porte bien et Lacan n’a jamais prétendu apporter du neuf à quelque science que ce soit. Ce sont donc bien les humanités qui sont en cause et qu’il faut sauver du maintien anachronique (il date d’au moins deux mille ans) du programme de recherche implicite au modèle des sept arts libéraux. Les résultats désastreux du maintien du modèle antique du savoir s’observent partout : de plus en plus de livres et d’articles universitaires de moins en moins lus, une perte irréparable de légitimité et de prestige face à la méthode scientifique, de plus en plus d’étudiants futurs chômeurs, en bref une perte d’influence et une condamnation à la non-pertinence apparemment irréversibles et allant s’accélérant. Pour parer à cette déliquescence généralisée, on a vu des humanistes recourir à l’emprunt de concepts scientifiques (les théories de la relativité ou du chaos, par exemple) qu’ils ne comprenaient pas et qui devenaient, appliquées dans leur champ (philosophie, critique littéraire, etc.) de pures métaphores dénuées de sens. Le principe méthodologique intervient ici; selon Lacan, pour sauver les Humanités, il faut procéder à l’inverse : il faut réintroduire un critère de rigueur et de rationalité en suivant à la lettre (« bêtement », dit-il) ce que des modèles topologiques élémentaires, par exemple, peuvent nous dire sur la nature du signe
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linguistique. Il faut donc penser les objets de l’humanisme en terme de logique moderne et de topologie (analyse vectorielle,bande de Moebius,nœuds borroméens). C’est à ce prix que sera assurée non seulement leur survie, mais aussi leur capacité à intervenir dans le débat (des limites de la science, par exemple). Bien entendu, lorsqu’on voit l’état des choses aujourd’hui, cette formalisation, cette réforme des études humanistes apparaît comme une utopie irréalisable. Tout s’y oppose : la répugnance des humanistes à se plier à des procédures dont ils ignorent tout (en règle générale, ils sont devenus humanistes parce qu’ils étaient faibles en math et en science), la résistance des mathématiciens à étendre leurs instruments dans des domaines comme la linguistique, l’organisation même de la transmission du savoir universitaire dans nos institutions : qui a jamais vu un mathématicien et un critique de Proust (par exemple) collaborer joyeusement à ne serait-ce qu’un petit article? Un tel programme de recherche supposerait aussi la réorganisation complète de nosuniversités, institutions dont on connaît la peur du changement et l’esprit de routine. Nos facultés, du côté des humanités, ancrées dans une tradition aujourd’hui huit fois centenaire, reposent essentiellement sur le principe d’autorité de la théologie dont, au douzième siècle, ces facultés sont issues. Il faudrait en effet faire dialoguer scientifiques et humanistes sur la base du programme de recherche lacanien, mais Lacan lui–même n’a réussi qu’en partie, dans ses écoles successives, à instaurer ce dialogue entre humanistes et scientifiques. Mais l’Église nous enseigne que le désespoir est un des sept péchés capitaux. Le découragement nous est donc interdit! On pourrait par exemple imaginer la fondation d’un institut privé qui poursuivrait le programme de recherche lacanien en réunissant sous le même toit les scientifiques et les humanistes qui en comprennent la portée et l’esprit. Baton Rouge, États-Unis, le 11 novembre 2006.
Commentaires Michel Juffé. Lacan : une nouvelle théorie de l'ignorance ! Quand on a lu Lacan, depuis le fort volume des Ecrits, jusqu'à ses séminaires plus ou moins caviardés par Jacques-Alain Miller et Cie, et que cela dure depuis près de 40 ans, on finit pas avoir une impression d'œuvre surréaliste, littéralement à la Breton. Tout d'abord les arts libéraux ne datent pas de deux mille ; c'est scolastique d'un moyen âge déjà tardif ; il suffit de lire Etienne Gilson ou Maurice de Gandillac puis Alain de Libéra pour le savoir. Galilée n'est pas la « rupture » avec la préscience et avec la mise sous le boisseau des arts libéraux ; il fait partie d'une tradition de plusieurs expérimentateurs, qui après des siècles d'éclipse, reprend les démarches d'Aristote et de Galien. Il n'a jamais existé un moment qu'on peut appeler « irruption sur la scène du monde de la science » ; cela c'est du cinéma de fiction. De même, le grand bond en avant théorique de Lacan fait plutôt penser au « grand bond en avant » de Mao Tse Toung ; c'est une figure de style, pas très amusante, car en l'occurrence les mathèmes, les nœuds borroméens et l'analyse vectorielle - domaines auxquels Lacan ne
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connaissait strictement rien aux yeux de mathématiciens experts en topologie générale et différentielle - sont des fantaisies à peine digne de l'Oulipo. Il est étonnant qu'on se réfère encore à de tels canulars. De plus, l'exactitude est un moyen d'approcher des vérités parmi d'autres ; les distinguer comme « état matériel du monde » et « états de la psyché humaine », c'est ignorer totalement les écrits de Goethe (Poésie et vérité), de Gadamer (Vérite et méthode), sans parler de Kant, de Hegel, de Nietzsche, de Spinoza... qui n'auraient jamais proféré de telles absurdités. « Il pleut » et « E = mc2 » (l'auteur devrait apprendre d'autres formules) ne sont pas des « énoncés exacts », car aucun de ces termes n'est simple : l'équivalence de la masse et de l'énergie est un des problèmes des plus ardus de la physique, même aujourd'hui. Dire que des « énoncés vrais » évoquent des états psychiques, c'est la porte ouverte à tous les intégrismes, à commencer par celui du lacanisme. Dire que la science moderne abolit le sujet est carrément une stupidité : les relations d'incertitude d'Heisenberg montrent précisément le contraire, et la théorie de la relativité généralisée va vers l'identification complète entre objets et sujets, pour parler en ces termes inappropriés. Je préfère ne pas insister sur d'autres aspects de l'article, en pardonnant à l'auteur d'avoir été - un de plus -fasciné par les élucubrations de Lacan au point d'en faire un novateur dans la théorie de la connaissance, ce qui confine au grotesque. Pour vouloir estimer la valeur épistémologique, méthodologique et heuristique d'un « grand bond théorique en avant », encore faut-il avoir le minimum de base d'une culture scientifique et philosophique. Sinon on s'expose à une volée de bois vert ! La volée de bois vert devra attendre un critique plus compétent Pour répondre brièvement : 1. Tous les historiens s'accordent à voir dans la tradition pédagogique hellénistique et romaine l'origine du curriculum des 7 arts libéraux, dont la classification, empruntée à Sénèque et Cicéron, est fixée par Martianus Cappella au Ve siècle. Les 7 arts sont réaménagés au XIIe, pour faire sa place à la théologie. 2. Pour comprendre la coupure épistémologique qu'a été la science galiléenne, veuillez consulter les ouvrages de Gaston Bachelard, Alexandre Koyré, et Thomas Kuhn, entre autres. Vous y découvrirez que rien, dans la physique d'Aristote, ne prépare la révolution scientifique moderne. L'empirisme préscientifique n'a non plus rien à voir avec ce que la science moderne appelle une expérience. Veuillez bien lire à ce sujet Karl Popper, Imre Lakatos et Quine. La science moderne n’évolue pas, ne peut pas évoluer, à partir de siècles d'expériences. Quant à Galien, je ne vois pas ce qu'il vient faire là. 3. Le principe d'incertitude Heisenberg abolit effectivement le sujet humain désirant : le sujet est ici juste une série de détermination pour l'expérience scientifique, rien d'autre. Peu importe qu'il soit noir, blanc, femme, transsexuel. J'ai l'impression d’ailleurs que vous le confondez avec ce qui est communément appelé « l'effet de l'observateur ». 4. « Dire que desénoncés vrais évoquent des états psychiques, c'est la porte ouverte à tous les intégrismes, à commencer par celui du lacanisme » : incompréhensible.
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Vous n'aimez pas Lacan, c'est votre droit. Mais de là à faire d'un goût ou dégoût un argumentaire démonstratif, il y a un pas : pour décider de la validité des schémas lacaniens, il faut les soumettre à un examen critique, faute de quoi toute évaluation à leur égard, négative ou positive, n'est que du vent. Je vous rappelle que les formules de Lacan ont été construites et éprouvées avec l'aide de mathématiciens professionnels (Soury, Vappereau ; voir la biographie de Roudinesco). Il fallait s'entendre au malentendu entre Lacan et les topologies: il étend les outils mathématiques au domaine du sens, ce qui, pour un mathématicien professionnel, est à proprement parler insensé (Lacan disait: « Les mathématiciens ne s'intéressent pas à ce que je fais, ce n'est pas une raison pour ne pas les lire »). Il faut donc juger de leur efficace en débordant le domaine mathématique proprement dit, ce que certains mathématiciens ont pu faire (voir ci-dessus). En passant, j'ai moi-même travaillé avec un docteur en mathématique, le professeur Amadou Guissé (voir monLacan Today, qui n'aurait pu être écrit sans son apport).
Science et sujet, le malentendu
Un commentateur précédent, Michel Juffé, a déjà mis le doigt sur ce fait que dire « la science moderne abolit le sujet » relève, c'est le moins qu'on puisse dire, d'une incompréhension de la question dite du sujet. Alexandre Leupin traduit systématiquement « sujet » en termes de « sujet humain ». Or il faut savoir que Lacan est plutôt nourri, quant à la question du sujet, de la philosophie de Hegel et quant au « sujet de la science » de Heidegger bien sûr... (il suffit de lire « La science et la vérité » dans lesEcrits). Or, le sujet c'est l'hupokheimenon, le sous-jacent, (pas loin du supposé savoir) qui fait dire à Heidegger que la science n'existe que d'assigner la nature au connaissable, et cela depuis le geste copernico-newtonien dont Kant a exprimé philosophiquement la révolution, bien que l'envoi date de Platon-Aristote. Le sujet, Lacan n'a eu cesse de le dire en reprenant Hegel, n'a rien d'une quelconque substance, il est le défilé permanent assujetti au signifiant. D'ailleurs, il faut bien le dire, Lacan n'a jamais eu qu'ironie pour les sciences dites « de l'homme » dont il se gausse. Le « sujet » est malheureusement aujourd'hui, et même chez certains lacaniens préoccupés du malaise dans la civilisation et du lien social, malheureusement rabattu sur le simple sujet psychologique à un point tel que je ne prends plus la peine, en général, de discuter, sauf ici, juste une fois, de tels malentendus bien entendus… Encore raté! Tout d'abord, une série de citations pour démontrer que Lacan dit expressément ce que j'ai ramassé dans la formule « la science abolit le sujet » (précisément dans « la Science et la vérité » qu'on tente de me jeter à la tête ? encore raté), et que ce sujet n’a pas à être confondu avec le sujet de la psychologie : Le sujet, sur quoi les psychanalystes opèrent, est le sujet de la science.Écrits 858 Il n'y a pas de science de l'homme, parce que l'homme de la science n'existe pas, mais seulement son sujet. Écrits 859 La praxis de la psychanalyse n'implique pas d'autre sujet que la science. Écrits 863
La science, de faire le sujet maître, le dérobe.Radiophonie, 63 La science est une idéologie de la suppression du sujet.Radiophonie 89
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Quant à « sujet humain », de quoi s’agit-il d'autre dans la psychanalyse ? Du sujet animal ? Du sujet d'une dissertation en classe élémentaire ? Écrire « sujet humain » n'implique nullement qu'on fasse référence à un quelconque sujet de la psychologie. Si le sujet de la psychanalyse est le sujet de la science, toutes les philosophies qui rejettent la méthode scientifique sont irrecevables dans le discours de la psychanalyse théorique. Donc Hegel est irrecevable à cause de son rejet des mathématiques comme forme de raisonnement : Heidegger aussi, son épistémologie métaphysique de la science moderne le disqualifie pour parler du sujet de la science moderne. Pour Lacan, le sujet hégélien du savoir absolu comporte une forclusion de l'inconscient, alors que le sujet heideggérien n'est que la nostalgie du retour au sujet présocratique : recours que la coupure épistémologique de la science moderne rend impossible. Ce qui n'implique pas, bien entendu, qu'on ne doive pas lire Hegel ou Heidegger. À l'amincissement du sujet par les lettres mathématiques (voir à ce sujet l'essai de J.-C. Milner, « Lacan and the Ideal of Science » que j'ai publié dansLacan and the Human Sciences; Nebraska UP, 1991), l'éthique de la psychanalyse lacanienne répond par l'impératif de « ne pas céder sur son désir ». En d'autres termes, l'exploration topologique du sujet (qui fait partie de son amincissement) le réduit à un noyau d'existence à partir de quoi on peut envisager sa défense dans l'univers moderne de l'expansion infinie de la science. Encore un mot pour faire rebondir. Il faut savoir que Freud a précisément voulu éviter l'emploi du terme « sujet » : il n'en fait usage que de... 23 fois dans toute son œuvre, précisément parce qu'il sait que ce concept est extrêmement surdéterminé dans la pensée. L'entrée du concept de « sujet » en psychanalyse est bien due à Lacan, en référence à la philosophie (en « partenariat » si je puis dire avec Hegel tout d'abord). Donc, c'est un terme précis de l'histoire de la philosophie. C'est ainsi qu'écrire « sujet présocratique » comme vous le faites est un contre-sens absolu puisque Heidegger voulait revenir à l'antériorité du « sujet » comme concept « débutant » avec Socrate/Platon comme coup d'envoi de la métaphysique... C'est un peu comme si, par exemple, on ne voyait aucun inconvénient à dire que les Grecs « s'exprimaient », alors que le concept d'expression (et notamment expression d'une subjectivité) est impensable dans la philosophie grecque. Dire « sujet » ce n'est pas dire « homme », ou « subjectivité » (Lacan le dit explicitement, il ne faut pas confondre, mais Hegel le disait bien avant) et donc dire que la science abolit le sujet (et qu'elle peut fonctionner sans devoir connaître les déboires conjugaux du « sujet Einstein ») est un contresens absolu qui confond « sujet » avec je ne sais quelle intimité très psychologique. La techno-science est bien plutôt l'accomplissement par excellence de la pensée du sujet... Etaprès le sujet, qui vient ?se demandaient il y a une vingtaine d'années un groupe d'analystes et de philosophes (Deleuze, Derrida, Major,...). Et dire, comme vous faites, qu'il faut envisager « sa défense » montre l'étendue de la confusion. Le sujet n'a pas à être défendu comme s'il s'agissait de défendre l'homme contre les « dérives » de la techno-science. C'est très préoccupant pour l'analyste que de voir ses collègues employer le concept de sujet à tout bout de champ sans connaître les avatars de son envoi dans la pensée occidentale. On vient d'ailleurs de faire un colloque à Paris sur l'emploi indû du concept de sujet en psychanalyse (notamment) - c'est dire... Mais bon, les analystes, beaucoup en tout cas, n'ont pas la rigueur de Freud, ni celle, d'un autre type, de Lacan. "Le sujet aboli de la science"(Écrits, p 799)
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