Histoires sans réponse.
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Description

Georges Caméra Les histoires sans réponse. 1 Ces nouvelles, dont certaines sont tirées de faits véridiques, se veulent être un relet du réel, l’aperçu d’une portion de vie de chacun d’entre nous, une interrogation sur le pourquoi des événements qui bouleversent en bien ou en mal la vie des humains. Nous sommes tous immergés dans le mystère et nous faisons partie de ce mystère. Nous oscillons continuellement entre le bien qui nous attire et le mal que nous voulons fuir; mais qu’est-ce que le bien et pourquoi le mal? Éternelles interrogations qui nous ramènent aux origines de notre humanité. Nous scrutons inlassablement les espaces ininis d’un univers qui nous échappe encore, mais dont nous sentons confusément qu’il est proche de nous parce que nous sommes cet univers. Nous ressentons tous, à des degrés divers, la présence et la sensation de la rencontre avec l’autre. Perception du sentiment, sublimation de notre être physique avec l’esprit, recherche du bonheur par le plaisir de nos sens physiques, quête perpétuelle de l’amour, élévation de notre pensée vers la lumière.Et si cette vision de la sensation et du contact, si cette immense ouverture de nos sens physiques vers l’esprit représentait la voie vers le bonheur absolu ? 2 Georges Caméra Les histoires sans réponse.

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Publié le 10 octobre 2016
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Langue Français

Extrait

Georges Caméra
Les histoires sans réponse.
1
Ces nouvelles, dont certaines sont tirées de faits véridiques, se veulent être un reLet du réel, l’aperçu d’une portion de vie de chacun d’entre nous, une interrogation sur le pourquoi des événements qui bouleversent en bien ou en mal la vie des humains. Nous sommes tous immergés dans le mystère et nous faisons partie de ce mystère. Nous oscillons continuellement entre le bien qui nous attire et le mal que nous voulons fuir ; mais qu’est-ce que le bien et pourquoi le mal ? Éternelles interrogations qui nous ramènent aux origines de notre humanité. Nous scrutons inlassablement les espaces inInis d’un univers qui nous échappe encore, mais dont nous sentons confusément qu’il est proche de nous parce que nous sommes cet univers. Nous ressentons tous, à des degrés divers, la présence et la sensation de la rencontre avec l’autre. Perception du sentiment, sublimation de notre être physique avec l’esprit, recherche du bonheur par le plaisir de nos sens physiques, quête perpétuelle de l’amour, élévation de notre pensée vers la lumière. Et si cette vision de la sensation et du contact, si cette immense ouverture de nos sens physiques vers l’esprit représentait la voie vers le bonheur absolu ?
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Georges Caméra
Les histoires sans réponse.
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Un dernier enchantement
e taxi venu directement de la gare de Nice s’arrêta à la hauteur d’une devanture marquée d’une banale enseigne où l’on pouvait lire : N’okay photographe. Une jeune femme accompagnée de deux Illettes après avoir réglé la course se retrouva sur le trottoir avec une valise et un gros sac de voyage. Quoiqu’il ne fût que cinq heures du soir, la nuit commençait à envahir la rue déserte. Des rafales de vent froid venues du port tout proche faisaient rouler des amas de feuilles de platanes le long des caniveaux. Seules les devantures d’une boulangerie et celle d’une épicerie égayaient ce bout de rue.
a jeune femme contempla un instant la devanture triste et obscure du photographe et commença à donner quelques coups à la porte d’entrée qui semblait fermée. Devant le mutisme du propriétaire de la boutique, la jeune personne sembla perdre patience et frappa plus fort à la porte vitrée en appelant :
- Nyan-li, Nyan-li !
Sauveur Rigali, venait de fermer sa boulangerie. ïl avait laissé la lumière à l’intérieur et s’apprêtait à se rendre au Bar des Pêcheurs situé à l’autre bout de la rue. ïl regarda le manège de la jeune femme qui
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s’obstinait à frapper à la porte vitrée du photographe. Sauveur s’approcha de la jeune personne et lui demanda :
- Excusez- moi madame, vous cherchez peut-être monsieur N’okay le photographe ?
- Oui monsieur, il devait m’attendre, je suis étonnée qu’il soit absent, il habite bien au-dessus de son magasin ? Vous le connaissez ?
a jeune femme s’était exprimée avec l’accent des peuples du sud-est de l’Asie et en la regardant, Sauveur Rigali avait reconnu dans les traits de la jeune femme une native de ces pays. Depuis quelques mois, après l’aFaire de Diên Biên Phu, on rencontrait beaucoup de réfugiés venus de cette lointaine ïndochine, déambuler dans les rues de Nice.
Avant de répondre Sauveur regarda un instant les yeux inquiets et apeurés de la jeune femme et lui dit :
- Oui, je connais monsieur N’okay, mais…il n’est plus là. ïl est parti !
- ïl est parti ! Mais où ?
A ce moment-là, une grande giLe de vent glacial vint perturber la sagesse des deux petites Illes. ’une d’elles d’une petite voix plaintive dit :
- Maman j’ai froid.
Comme la maman se penchait pour ouvrir son sac de voyage, monsieur Rigali s’adressant à la jeune femme lui dit :
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- Écoutez madame, nous allons rentrer à la boulangerie, au chaud, je vais vous expliquer pour monsieur N’ okay.
Saisissant la valise de la jeune femme, il parcourut les trois mètres qui les séparaient de la devanture mal éclairée de la boutique. Sauveur Rigali ouvrit la porte It entrer la petite famille et s’adressant à la jeune femme il lui dit :
- Tenez, asseyez-vous là, à la table de la cuisine. ïci il fait meilleur que dehors. Oui c’est moi le boulanger. Je louais le magasin et le logement à monsieur N’ okay. Voulez-vous un café ?
Une des petites Illes It remarquer :
- Maman, ça sent bon ici !
- Oui, dit le boulanger, ça sent le pain, la farine, la pissaladière et un peu la brioche au sucre. C’est vrai, ça sent bon, ça sent la paix ! Attendez-moi quelques instants, je descends au fournil.
Un escalier et sa rampe conduisaient de la cuisine au fournil et de ce cet endroit à peine éclairé montait comme un grand soue chaud d’odeurs et de saveurs secrètes.
e boulanger remonta et posa sur la table des brioches, des petits pains au lait et une grosse cafetière dont le bec laissait échapper une vapeur odorante.
-Tenez dit-il en s’adressant aux Illettes, voilà des brioches pour vous et du café pour votre maman.
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Sauveur s’était assis. ïl regarda la jeune femme avec attention. Elle devait être très jeune, vingt-cinq ans, le visage pâle, des yeux sombres, brillants, des cheveux noirs, un regard profond qui semblait reLéter tout le désespoir du monde. Après qu’elle eut bu une gorgée de café, il lui dit :
- Monsieur N’ okay est parti il y a environ deux mois. ïl m’a simplement annoncé qu’il allait à Paris, qu’il quittait Nice. C’était un homme très poli, régulier, pas très causant c’est vrai. C’est vraiment tout ce que je peux vous dire sur lui. Je suppose que c’est un parent à vous ?
- Oui monsieur, Nyan-li est mon beau-frère. ïl était entendu qu’il devait m’accueillir ici à Nice. Je ne m’attendais pas à me retrouver seule. Vous a-t-il laissé une adresse où je pourrai le joindre ?
 - Non, il ne m’a rien dit ; je lui ai souhaité une bonne route et c’est tout !
a jeune femme se mit à pleurer silencieusement et on comprenait à écouter ses pleurs discrets et contenus qu’elle devait ressentir en elle une grande peine.
Sauveur la laissa un instant exprimer son chagrin. ïl lui resservit du café, et avec beaucoup d’attention et de douceur lui demanda :
- Je ne voudrais pas me montrer indiscret, mais vous ne connaissez personne ici ? Votre mari...
a jeune femme, à demi-mot, lui raconta sa triste histoire.
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-…Après Diên Biên Phu, beaucoup de gens qui habitaient le nord du pays ont dû s’échapper. Avec mon époux nous sommes partis à la In de l’année. Mon mari était traducteur et interprète. ïl travaillait pour le gouvernement. Un soir dans un hôtel, ceux du nord ont forcé la porte, ils l’ont tué sous mes yeux. ïls m’ont dit de partir du Vietnam. Je n’oublierais jamais, ce fut aFreux. Je me suis retrouvée à l’ambassade de rance à Saigon. Avec mon mari notre intention était de quitter le pays. Nous devions rejoindre Nice, retrouver Nyan-li. Mon mari lui avait envoyé beaucoup d’argent pour qu’il le place… Voilà. Quand mon mari a été tué, j’ai écrit à Nyan-li…
a jeune femme continuait à expliquer sa triste histoire et à pleurer tandis que les deux gamines s’étaient endormies sur le canapé.
Sauveur Rigali avait alors compris, pourquoi monsieur N’okay dont les aFaires ne semblaient pas Lorissantes s’était subitement transformé en un élégant photographe de presse, toujours très poli et souriant. Un jour Sauveur l’avait vu arriver au volant d’une régate Renault presque neuve. ïl était aisé de deviner que cette pauvre jeune femme ne retrouverait certainement jamais son argent.
Sauveur Rigali, après avoir bien tout pesé dans sa tête s’adressa à la jeune femme qui séchait ses dernières larmes.
- Écoutez-moi, lui dit-il, je suppose qu’en tenant compte de la précipitation des événements qui vous ont accablés, vous ne devez pas être très riche. Voilà ce
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que je vous propose. Vous reprenez tout simplement l’appartement de votre beau-frère. Vous verrez, tout est propre, bien rangé ; c’est un appartement meublé de trois pièces avec une salle de bain. Cela vous permettra de rester sur place et de voir de quelle manière vous allez pouvoir récupérer votre avoir. ïci à Nice vous n’aurez aucun mal pour trouver du travail. Vous avez tout le temps de vous habituer. Pour le loyer, une fois installée et avec du travail, je vous ferai le même prix qu’a monsieur N’okay.
Ainsi fut fait. Dans le quartier, on s’habitua vite à cette nouvelle locataire. On l’appelait la sœur du photographe. Sauveur avait conservé l’enseigne. ïl avait simplement blanchi la vitrine. Madame ia N’ okay pour rentrer chez elle passait par la porte du magasin et retrouvait son logis. Elle avait trouvé une place de vendeuse dans un magasin d’épicerie. Elle partait tôt le matin, après avoir accompagné ses Illes à l’école. Pour les jours où il n’y avait pas d’école elle s’était arrangée avec madame Sylvestre la vendeuse du boulanger. Madame Sylvestre surveillait les petites toujours très obéissantes. ia N’okay se montait discrète, réservée et serviable. Elle avait essayé sans succès d’obtenir des renseignements sur son beau-frère et semblait s’être résignée à la perte de ses économies.
Sauveur Rigali continuait son métier sans trop s’occuper de sa nouvelle locataire. ïl constatait simplement que c’était une femme sérieuse aimant ses enfants et ne s’occupant de personne. Sauveur était veuf depuis une dizaine d’années, la maladie de sa
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femme lui avait coûté beaucoup d’argent, hélas sans résultat. Après bien des larmes, il avait fallu refaire surface, reprendre le travail pour assurer la retraite. ïl avait engagé pour le magasin une femme, dont le mari retraité des chemins de fer venait quelques fois l’aider pour des travaux de bricolage. Madame Sylvestre avait travaillé très longtemps dans le commerce. C’était une femme propre, souriante et méticuleuse.
A soixante-deux ans, Sauveur Rigali était un homme actif, avec encore un visage jeune. ïl aFichait un corps habitué aux durs travaux et sa calvitie lui donnait un petit air distingué.
e travail du fournil était considérable. Sauveur travaillait toujours avec le même ouvrier depuis vingt-cinq ans, Antoine Rocca, un homme plus âgé que lui. Ensemble, ils avaient connu les dures années de la guerre et maintenant les jours fastes étaient là avec toutes ces fabrications qu’il fallait assumer chaque jour. ïls connaissaient si bien leur métier qu’ils se comprenaient d’un seul coup d’œil et le travail s’en trouvait ainsi beaucoup facilité.
Une In d’après-midi alors que ia était venu chercher ses Illes à la boulangerie, elle raconta à madame Sylvestre qu’elle allait perdre son travail. e magasin avait été vendu et les nouveaux propriétaires voulaient travailler en famille. e lendemain, ia retrouva du travail dans un cinéma où elle s’occupait du nettoyage.
C’est à ce moment que Madame Sylvestre annonça à Sauveur qu’elle allait le quitter. Oui, avait précisé
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