Rupture Océane
48 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
48 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Rupture sentimentale ; rupture professionnelle . A bientôt 50 ans . Destinée trop souvent partagée et presque banale en somme . Jacques , décide de déjouer le malheur . Pour une dernière rupture avec sa nature profonde . Contre vents et marées . Vents et marées qu'il affronte justement en plein coeur de l'océan en compagnie d'une jeune femme que rien ne destinait à rencontrer , encore moins à suivre .... Mystérieuse destinée...

Informations

Publié par
Publié le 22 février 2013
Nombre de lectures 70
Langue Français

Extrait

1
)
RUPTURE OCÉANE
-. Jacques quitte , comme chaque jour, depuis si longtemps, à l'aube naissante, son domicile de banlieue . Tout est encore silencieux Jacques : un homme bien « ordinaire « en somme . La même femme depuis plus de vingt ans qu'il aime, disons... raisonnablement . Deux enfants : Philippe, un garçon de 17 ans et sa sœur Agnès : 14 ans passé . Un parcours tout tracé en apparence . Un travail de comptable , sans beaucoup d'ambition, dans une petite entreprise informatique de la région . Bientôt la cinquantaine mais ne les faisant pas... Bon moral..bonne santé..tout semble aller pour le mieux . Horizon sans nuages apparents jusqu'à la retraite et, bien sûr, bien au delà .. Ainsi le croit-il ..ainsi le voit-il...ainsi le souhaite-t-il en tout cas ... La voiture s'éloigne rapidement du petit lotissement où ils ont fait construire il y a tout juste 5 ans . Vingt minutes de route déjà encombrée et Jacques gare son véhicule sur le parking presque plein de son lieu de travail habituel . Il s'approche de l'entrée , vérifie subrepticement sur son montre qu'il est à l'heure . Cela le rassure . Jacques a besoin sans cesse d'être rassuré . Besoin de calmer cette inquiétude sourde, qui lui est une seconde natrure, qui ne le quitte pas ..depuis l'enfance . Besoin qui va s'accentuant en vieillissant . Il est à l'heure comme tous les jours d’ailleurs . Jacques pénètre nonchalamment dans le bureau qu'il partage avec son assistante encore absente . Toujours retard elle ! Mais il ne lui dira rien..comme d'habitude... Il se connecte machinalement à son ordinateur afin d'y lire consciencieusement les multiples messages qui lui donnent l'impression d'exister et d'être reconnu... On frappe à la porte . Curieux de si bonne heure ! . Jacques arrive pratiquement le premier dans ce service , partant aussi relativement tôt, au point de ressentir un sentiment de désapprobation de la part de ses collègues. « Entrez ? » Marcel , son supérieur direct, pénètre dans le bureau , un sourire embarrassé aux lèvres . « Toujours aussi matinal Jean ! On peut discuter 5 minutes ? » Entame de conversation curieuse et inédite ….. Silence. Jacques ne répond pas tout de suite , un peu interloqué . Le malaise en est encore accentué . Marcel s'assit en face de son subordonné , mal à l'aise, sans le regarder vraiment : « Écoute..je n'irai pas par quatre chemins . Ce qui je dois te dire n'est pas facile certes mais je n'ai pas vraiment le choix « . Le cœur du subalterne s'est mis à battre plus fort . Jacques blêmit et regarde sans comprendre son interlocuteur . Ou plutôt , il a déjà compris. … Certes , il est bien placé pour savoir que la situation comptable n'est pas florissante. L'entreprise tient jusqu'à présent cahin-caha , grâce en particulier au chômage partiel et la mansuétude des banques qui se montrent cependant de moins en moins compréhensives ! Marcel poursuit : « Je me dois de te tenir au courant . Après tout , tu es le comptable de la boîte et il y a des
2) choses que tu n'ignores déjà pas ! Mais pour l'instant , cela reste entre nous . J'ai eu Duchemin au téléphone . Sa banque ne suit plus . Nous allons avoir de grosses difficultés de trésorerie et l'avenir est plutôt sombre ! Je ne peux plus reculer ou on va dans le mur ! Un plan de licenciement est devenu inévitable . T u ne dis rien ? Jean est trop bien placé pour savoir ce que tout cela veut dire. Il ne sait que répondre. Il regarde dans le vide. Son patron est tout aussi embarrassé « Naturellement , tout cela ne va pas arriver du jour au lendemain . Mais , enfin , il faut que tu t'y prépares . « C'en est assez . La tension est trop vive . Jacques regarde l'air hagard son chef . Puis il se lève brusquement, quitte le bureau sans rien répondre , laissant décontenancé Marcel qui n'a pas le courage de le suivre . Halte à la pause café . Il salue l'air de rien les uns et les autres . Sort rapidement . Court presque aux toilettes et s'y s'enferme aussitôt . Ne plus voir personne . Rester ainsi pour arrêter le temps. Enfantillage bien sûr mais solution qu'il a trouvée sur le coup pour ne plus penser à rien . Pour oublier . Pour sortir de cette réalité qui vient de lui exploser à la figure : la vie n'est plus le « long fleuve tranquille « qu'il s'efforçait d'imaginer , quitte à perdre toute lucidité . Une fissure béante est ouverte. Elle n'est pas prête de se refermer . Quand il revient a son bureau , le message de son supérieur , qu'il découvre , ne lui laisse plus aucune illusion : « J'aurais préféré que l'on parle davantage . J'ai été déçu par ton attitude . Ce n'est facile pour personne . Pour aller jusqu'au bout et être tout à fait franc , il ne serait pas inutile que tu commences à chercher dans une autre direction . Cordialement « Cordialement ? Le con ! Pourquoi pas « amicalement « aussi ! Jacques n'a plus rien à faire en ce lieu , envoyant juste un message en retour indiquant qu'il ne se sent pas bien , qu'il préfère rentrer et qu'il le tiendra au courant . La voiture emprunte le chemin des écoliers , sinon le chemin des futurs chômeurs , pour coller à l'actualité . Jacques n'est pas pressé de rentrer . .. Son esprit embrumé divague à moitié : le cerveau perturbé, dans un état second , il récite des prières , marmonne , crie , gesticule . Ceux qui le croisent à l'occasion doivent le prendre pour un fou . Fin d'un monde . Sortie de piste. Le véhicule finit par se garer , lentement , très lentement , devant le pavillon déserté . Sa femme est au boulot comme tous les jours . Les enfants au lycée . Que faire ?
-----------
Jacques pénètre , l'air absent , dans sa maison quittée le matin même et qu'il ne paraît pas reconnaître . Il pose un regard étonné sur ses objets familiers , sur ce cadre si longuement et amoureusement élaboré pour se prémunir naïvement de tous les aléas de l'existence . Il s'effondre plus qu'il ne s’assoit sur le canapé qu'il paraît découvrir . « Pourquoi se mettre dans un tel état . ? Je ne suis pas encore licencié après tout . Mon expérience professionnelle plaide en ma faveur et devrait me permettre de rebondir rapidement ! Je ne suis pas non plus à la rue ! Une petite famille douillette et apaisante qui ne va pas m'abandonner pour cela … Le monde ne va pas s'arrêter pour autant . Reprend toi mon grand !Quelle image vas-tu donner de toi-même ? « Ainsi essaye-t-il de se raisonner. Mais la boule e qui ne l'a pas quitté depuis depuis ce matin
3) , au plus profond de ses entrailles, s lui rappelle les limites de ces pensées rassurantes. L'enfant inquiet et tourmenté , qu'il a toujours été , ne demande qu'à se réveiller . Ou plutôt , il ne s'est jamais vraiment endormi . D'où ces défenses précieusement construites , tout au long de ces années passées , pour se protéger . En vain d'ailleurs . Jacques va et vient dans sa propre maison , erre d'une pièce à l'autre , semble chercher des repères rassurants , n'en trouve pas , revient sur le canapé, allume nonchalamment la télé et l'éteint rapidement , n'arrivant pas à distraire ses pensées . Une brusque somnolence l'envahit . Jacques s'absente ..fuit le présent , sombre dans l’inconscient pour oublier ..pour oublier qu'il n'est encore qu'un enfant.... de bientôt 50 ans.. ! Un pan de mur s'est écroulé... -------------
Jacques se réveille soudain . Il s'était endormi au creux du canapé , dans son salon , recroquevillé sur lui-même . Retour à la réalité . Non , la vie , sa petite vie tranquille qu'il a bâtie laborieusement ne s'arrête pas ainsi . Et puis , il y a son voilier qui l'attend , se balançant doucement au gré de la marée , en ce petit port de plaisance, à l'entrée de la Vilaine . A une heure de route à peine . Et , à une heure de route à peine , il y a Eliane...Oui Eliane... . Eliane ne fait pas partie de sa petite vie tranquille . Ou elle y participe à sa manière . Eliane rencontrée il y a quelques mois , à la suite d'une de ses virées solitaires en pleine océan , dont il est coutumier , virées aussi nécessaires à sa survie et son équilibre que l'air qu'il respire. Elle était jusque là sortie de ses pensées , ayant sa juste place au juste moment , si le mot « juste » peut convenir en la circonstance . Pourquoi Eliane ? Pourquoi d'ailleurs vouloir l'expliquer ? Son couple n'est qu'une banalité sans nom ,fait de non-dit sur l'usure du temps , sur les compromis malgré soi, sur les renoncements qui ne se disent pas, sur les frustrations qui ne s'avouent pas . Et surtout sur ce désir qui n'existe plus . Jacques et Gisèle se sont fait aider, ont fréquenté , il y a encore peu, psy et conseillère conjugale . Diagnostic ? Simple crise passagère, tout ce qu'il a de plus commun . Traitement ? Patience ,écoute et tendresse renouvelés . Rien à rajouter . Point à la ligne . Jacques a trouvé son propre traitement . Oh , bien sûr, il ne l'a pas cherché ! Cela est venu tout seul ! Le simple hasard bien entendu ! Un hasard qui ne demandait qu'à se manifester . Eliane est donc rentrée dans sa vie en acceptant de jouer le rôle convenu de maîtresse qui apparaît si besoin et sait disparaître, comme il convient, si besoin aussi . D'ailleurs, çà l’arrange bien et elle n'en demande pas plus, du moins pour l’instant . La cinquantaine en vue , libre de ses mouvements depuis le départ du domicile de son petit dernier, ne voulant pas s'attacher , elle s'est arrimée sans l'avoir voulu vraiment, à ce quinquagénaire de passage , par ennui peut-être , en attendant mieux mais surtout prête à se détacher à tout moment ! Jeu de dupes , mais où chacun joue, sans fausse note, et en toute circonstance, le rôle qui doit jouer . L'homme s'y retrouve ., la femme aussi .Pour l’instant du moins . Tout va bien . 4) Mais Jacques n'arrive pas à étouffer malgré tout la mauvaise conscience qui le hante depuis . Certes , il n'a rien promis et n'a jamais menti à sa maîtresse .Il l'a voit environ deux fois par mois, trouvant un prétexte pour partir seul ,ne serait ce que pour une journée seulement :
4) réparation qui n’attend pas ,besoin de souffler , de se retrouver : tout est bon . Et Gisèle consent, heureuse peut-être de se retrouver un peu seule elle même , sans ce mari irréprochable sans doute , prévenant à souhait, mais plus tout à fait « homme « si l'on peut dire . Un enfant de plus . Elle ne se comprend que trop hélas . C'est aujourd(hui Mardi . Comme convenu, il doit la retrouver samedi prochain, si tout va bien..si tout va bien . La journée s'étale interminablement . Jacques se sent de plus en plus mal ,rumine sans cesse , a la gorge noué et un nœud à l'estomac , un nœud de marin : il sait de quoi il parle .
------------
Gisèle va bientôt arriver . Elle finit tôt et commence tôt son travail de secrétaire comptable qu'elle a retrouvé ,il y a peu ,dans une petite entreprise de la commune voisine . Après plus d'un an sans emploi qu'elle a très mal vécu . Gisèle se sentait très à l'aise en mère au foyer jusqu'à ce que les enfants grandissent . Les enfants ont grandi et elle s'est retrouvé seule avec elle-même , seule à assumer une existences sans relief , sans perspective aucune , avec un homme-enfant qui l'aimait..comme aime un enfant . Un vide intolérable à long terme . . Prendre un amant ? L'idée lui est venu . Un instant seulement . Elle aime toujours Jacques ..à sa manière . Affectueusement : cela veut tout dire . Les pneus de la voiture de Gisèle crissent sur le gravier de l’entrée . Une minute après,elle entre dans le salon , décontenancée, incrédule : « Déjà là ! un problème ? « lui lance-t-elle en l'embrassant , distraitement , trop distraitement à son goût . Puis elle se dirige vers la cuisine, comme d'habitude, nonchalamment, pour ranger les quelques courses faites en revenant . Elle l'a déjà oublié . Ainsi le pense-t-il en tout cas . « Gisèle » ? - « Oui ? « « Cà ne va pas fort au boulot .. ! » Silence...Gisèle connaît par cœur son rôle de confidente , sur qui on déverse tout sans rien demander en retour . Rôle usant . Rôle frustrant . « Ça ne t'intéresse pas ? «  - « Il y a 20 ans que çà ne va pas fort à ton boulot ! « Long silence de nouveau..Jacques est déboussolé . Tellement habitué à s'épancher, sûr d'être écouté ..sûr d'être materné sans s'en rendre compte vraiment . - Ils vont licencier . Je suis dans la « charrette « . Je m'en doutais un peu.. Mais pas aussi vite ! J'ai 3 mois pour chercher du boulot ailleurs . Gisèle regarde son mari sans vraiment le voir . Elle pense à ces hypocondriaques qui s'inventent toutes les maladies possibles et réagissent parfois courageusement à la grande surprise de leur entourage lorsqu'ils sont réellement atteint . Jacques est un hypocondriaque professionnel..le courage en moins ! - Jacques ? - Oui ? - Çà ne va pas fort dans notre couple.. - Ah ! Répond-t-il laconiquement , interloqué et qui s’attend déjà au pire. - Jacques ! Je n'en peux plus . Je crois que tu ne réalise pas vraiment . Je ne peux plus vivre ainsi . Tu ne ressens pas à quel point je suis fatiguée de porter notre couple à bout de bras, de te porter à bout de bras ! Désolé de te parler ainsi surtout après ce que tu viens de me
5) dire . Mais cela devient intenable ! Je pense qu'il est préférable que l'on se sépare , tu ne le crois pas ?. » Jacques regarde ailleurs, fait celui qui n'a pas entendu, se terre dans le silence , l'air absent . Il réagit toujours ainsi face à l'adversité . Courage ! Fuyons ! Surtout , ne pas voir la vérité en face.. Long silence . Lourd silence . - Gisèle ? - « Qu-y-a-t-il ? » - Confidence pour confidence , je dois t'avouer autre chose ? - Ah bon ! Réponds, l'air de rien la femme avec un air énigmatique . - Oui , je pense que c'est vraiment l'occasion de crever l'abcès, de se dire les choses !  « - Comment s'appelle-t-elle ? « Jacques reste bouche bée, sans comprendre , ne voulant pas comprendre ! « De quoi parles tu ?  - » Vous êtes vraiment tous les mêmes les hommes ! D'une naïveté incroyable ! Je ne te parle même pas des émanations de parfum, des mégots de cigarettes restés dans le vide cigare de ta voiture alors que tu ne fumes pas . Ni même des longs cheveux égarés maladroitement sur ta gabardine . Tu as toujours été distrait et imprévoyant . Pourquoi changerais tu en ces moments là ! Non ! Il suffit simplement de voir ta figure d'enfant comblé quand tu reviens de tes virées océanes . Jacques : comment s'appelle-t-elle ? Long silence de nouveau . Jacques entend le sang des veines dans ses tempes égrener en battant violemment ces secondes interminables .  - » Éliane « . Le temps s'est arrêté . Silence de nouveau . Gisèle s'éloigne brusquement ..file dans la cuisine ...revient dans le salon..ouvre la porte -fenêtre pour accéder au balcon ensoleillé . Plus de soleil en son cœur en tout cas … Elle savait en elle-même tout en voulant ne pas savoir . Elle sait maintenant . Elle prend une cigarette , avale la fumée , toussote, l'éteint, revient au salon , regarde autour d'elle-même , évite le regard d'enfant battu de celui qui était encore peu son mari , qui n'est plus rien du tout pour elle maintenant . Il n'y a pas deux heures « Écoute : il faut choisir . J'ai l'impression de vivre un mauvais roman .C'est elle ou moi . Fais ton choix . Mais rien ne pourra plus être comme avant . IL y a quelque chose de cassé . Elle s'effondre en larme, se précipite vers l'escalier avant que Jacques , l'air penaud de l'enfant pris en faute ,aie eu le temps de la retenir . A-t-il même vraiment,t essayé ?
-------------
Jacques est songeur et quasiment absent dans la voiture qui le conduit à son port d'attache habituel . Il a rendez vous , en ce début de week-end avec Eliane qu'il a tenu informée rapidement . Celle-ci l'a écouté sans commentaires ,et lui a simplement répondu qu'elle 6) voulait le voir rapidement . Il y avait des décisions à prendre qui ne pouvaient désormais attendre . Au domicile conjugal , la fin de semaine a été irrespirable . Le couple, qui n'en est déjà plus un, a voulu faire comme si de rien n'était . Pour les enfants . Qui , bien entendu, ont tout de suite compris . Sans qu'il soit besoin d'explication . Jeu de dupes où tout le monde sort perdant . Jacques a voulu prendre à part son fils ainé « pour lui expliquer « ,lui a-t-il dit :
6) - » Ne te fatigue pas , Papa « a-t-il répondu goguenard en évitant le regard paternel . Ne nous prends pas pour . des cons ! Il y a bien longtemps que çà ne va plus entre vous . On s'y était déjà préparé ; Ce n'était qu'une question de temps ! Et puis merde ! Je ne veux pas en entendre parler ! C'est vos oignons après tout ! Démerdez vous et ne nous faites pas souffrir avec çà ! Même de la part d'un adolescent en pleine crise , cherchant avant tout à se protéger , cette réaction épidermique a fini de déboussoler un père déjà désorienté . - « Je te comprends tu sais. On en reparle quand tu veux.. » - « On en reparle pas . Gérer vos affaires comme des grands et laissez nous vivre : c'est déjà assez difficile comme çà pour ne pas en rajouter ! « Point à la ligne ! Jacques n'a pas caché à sa femme sa destination et l'objet de son déplacement . Celle-ci s'est contenté de répondre sans autre commentaire, qu'il savait ce qu'il avait à faire et qu'elle aussi saurait, le moment venu , ce qu'elle avait à faire . D'un ton laconique .Sans le regarder . Déjà ailleurs . La voiture se gare lentement..très lentement au bord du quai,.Il l'a reconnu de loin . Elle l'attend à deux pas du voilier qui se balance nonchalamment . A le voir arriver, regard inquiet, air désemparé, elle a tout de suite deviné . Jacques ne sait pas dissimuler ou plutôt ne veux pas . Un réflexe d'enfant qui veut attirer l'attention . - « Je suis venu te dire ... » - « Que tu vas la quitter « ? » enchaîne-elle du tac et tac . « Mon pauvre Jacques ! Tu n'as pas besoin de parler . Ton regard le fait pour toi ! « Et que s'est-il passé ? « ajoute-t-elle -elle , un brin narquoise . - Je lui ai tout avoué... « . Long silence , à peine troublé par le doux clapotement des eaux portuaires . - « Eliane : je dois choisir . Oui , je sais : c'est d'une banalité affligeante et je savais que çà devait arriver . Pour ne rien arranger, je serai au chômage dans quelques mois et peu de chance à bientôt 50 ans de me recaser . Eliane regarde son amant , l'air déjà ailleurs . Elle sait ce qu'il va décider . Elle le connaît trop . Incapable de trancher . Il laisse au hasard ou aux autres le soin d'orienter sa propre vie . La suite ne l'a donc pas surprise . - Tu sais, Eliane, je n'ai pas vraiment voulu cela . C'est arrivé ainsi . Je ne sais comment. Difficile à expliquer . Et puis..c'était trop lourd à porter . Çà ne pouvait pas durer . Il fallait bien un dénouement.. tu comprend ? » finit-il par avouer sans la regarder . - Qu'y-a-t-il à comprendre ? Réplique-t-elle d'un ton faussement détaché dans l'attente du dénouement . Jacques est décontenancé, de plus en plus troublé . Il attendait de sa maîtresse qu'elle fasse un signe, qu'elle lui envoie un message qui l'aide à décider , qu'elle décide pour lui ! Mais il n'obtient en retour qu'une insupportable neutralité frisant l’indifférence . Il est renvoyé à lui-même , à sa destinée . Trop tard pour reculer … - « Nous avons eu des moments merveilleux ..impossible d'oublier.. » se hasarde-t-il.. Eliane en a assez entendu . Tout était d'ailleurs convenu . Elle s'y était préparée . - Plus que d'être un jour heureux et justement pour le devenir si possible, je te souhaite d'apprendre à grandir un jour , de prendre en charge ta vie . En attendant, je conduis la mienne vers d'autres horizons plus cléments . Je change de cap . Adieu . Jacques la regarde partir , fière et décidée sans la retenir , sans vraiment vouloir la retenir . L'air presque soulagé .La remerciant d'une certaine façon . Qu'aurait-il fait si elle s'était
7) accrochée , si elle avait suppliée ? Réponse évidente : il n'aurait rien décidé sur le champ , laissant la relation se déliter au fil du temps . Mais le temps et Éliane en ont décidé autrement .
------------
La vie conjugale a repris coûte que coûte . Les mois ont passé inexorablement . . Jacques s'est vu signifier son licenciement . La prime substantielle qu'il a reçu à cette occasion n'a été qu'un pis aller et ne lui redonne ni confiance ni dignité, ni goût de vivre . . Les enfants font comme si de rien n'était , évitent le sujet et se contentent de poser sur le « paternel » un regard teinté d'embarras et de commisération . Le genre de regard que Jacques ne supporte pas . L'attitude de sa femme est plus équivoque .Elle soutient moralement son mari , lui dit qu'il est loin d'être le seul dans cette situation , que d'autres sont passés par là et ont réussi à rebondir , qu'il a les capacité pour cela . Ex cetera... Mais rien n'est plus comme avant . La présence continuelle à domicile d'un mari qui déprime lentement et imprime dans la famille une ambiance délétère n'est pas sans peser sur la santé du couple . Jacques s'en aperçoit . Cette prise de conscience l'enfonce encore davantage , là où il faudrait réagir . Le mal sournois gagne aussi la vie intime . Jacques, dans ce domaine est aux abonnés absents . Gisèle n'est de toute façon plus du tout disposée . Le cœur ne bat plus et le corps ne suit plus. Un baiser furtif et chacun se tourne de son coté . Jacques est certes revenu, soulagé et optimiste, de sa courte escapade durant laquelle il a mis fin à sa liaison . Il en est t revenu comme un enfant quémandant le pardon , pensant avoir fait pénitence par cette rupture, inconscient du mal profond qu ' »il a distillé dans son couple . Il pense innocemment que tout va reprendre comme avant . Il pense pour sa femme qui,elle, n'en pense pas moins. Gisèle souffre en silence , se réfugie dans les tâches professionnelles et domestiques,essaie sincèrement de pardonner mais n'y arrive pas , essaie d'oublier mais en vain . Depuis que Jacques se retrouve sans travail , la situation ne fait qu’empirer . L'homme actif et dynamique se retrouve homme au foyer sans pour autant s'occuper du foyer . Il bricole à droite et à gauche , fait de longues virées à vélo et bien sûr procède,sans conviction aucune aux démarches nécessaires pour retrouver un emploi . Sans conviction..il ne convainc personne . Leur vie sociale s'en ressent . Le couple se replie sur lui-même . Les amis , présents et prévenants au tout début, prennent ensuite insidieusement leur distance . Sans le vouloir vraiment bien sûr . Tout juste en se retirant discrètement ,se sentant impuissant face à ce lent délabrement conjugal qu'ils pressentent sans pouvoir y remédier . Une soirée de fin d' été . Gisèle revient du travail . Jacques est affalé à lire dans le jardin , son occupation favorite qui fait dire à sa femme qu'il perd ainsi son temps . Il embrasse distraitement sa femme , comme chaque soir, sans croiser son regard . Il ne la voit donc pas . Il ne voit pas qu'elle est différente et il ne peut en conséquence deviner la suite : « Il faut qu'on parle,Jacques « . « Juste une minute , s'il te plaît, je termine mon passage « se contente-t-il de lui répondre . Elle lui enlève le livre des mains, écorne délicatement la page en cours et pose l'ouvrage sur
8) la petite table proche, tout cela sans violence, tout cela avec détermination . « Il faut qu'on parle tout de suite « . Jacques regarde enfin sa femme et semble ne pas la reconnaître . Une lueur étrange qu'il n'a encore jamais vue , des yeux qui en disent plus longs que le plus long des discours . Il est brusquement inquiet . Il a de quoi. « Où va-t-on Jacques ? J'ai cru , un moment donné, pas longtemps, il est vrai , que tu allais réagir , que cet « incident de parcours « que tu as connu allait te permettre d'évoluer ,de grandir ? Que notre couple allait en conséquence redémarrer . Je n'y crois plus Jacques . Je vais partir . Ne pas entendre . Ne pas y croire . Faire comme si de rien n'était . Non , Jacques , tu rêves !. Tu vas bientôt te réveiller . Tout cela n'est qu'un horrible cauchemar . Ne plus penser . Se renfermer de nouveau . Son cœur bat la chamade . Il ne trouve rien à répondre ,détourne la tête , fuit de nouveau comme il l'a toujours fait jusqu'à présent . « Tu ne veux rien répondre ? A ta guise . J'ai bien peser ma décision . Je m'attendais à ta réaction qu ine me surprend pas .J'aurais aimé qu'on en parle , sérieusement , entre adultes tu vois ? Pas possible avec toi . Tu ne changeras pas . Jacques émerge enfin de torpeur , pose la question que Gisèle attendait : - « Il y a quelqu'un ? « - Elle le regarde , mi-attristée, mi amusée . « Mon pauvre garçon ! Tu imagines toujours le pire . Je ne suis pas comme toi et je ne me disperse pas . Un couple n'a pas toujours besoin d'une « aide extérieure » pour se décomposer peu à peu et c'est le cas de notre couple . Je ne t'aime plus Jacques . C'est aussi simple et ridicule que cela . Je me le suis longtemps cacher à moi-même . Je n'ai pas voulu y croire . J'ai fait semblant , pensant que cela allait passer , que tout allait redémarrer comme avant , que tout était encore possible . Je n'y crois plus Jacques . Je n'y crois plus . » Et elle éclate en sanglots , laissant s'écouler une tension trop longtemps retenue . Jacques se rapproche d'elle ,esquivant une geste de consolation , une marque de tendresse ;. « Non ! Laisse moi s'il te plaît . C'est déjà assez dur comme cela . Je ne peux plus te porter, plus te supporter !. - « Il n'est plus temps . IL y a eu un temps pour la tendresse et ce temps est révolu . C'est dur , Jacques , mais je ne reviendrai pas pas en arrière « rajoute-t-elle , en essuyant ses larmes d'un revers de main ,retrouvant dès lors son regard froid et déterminé . Il a enfin réalisé ,se redresse brusquement , quitte le jardin sans se retourner , s'enferme dans la chambre commune ,dans l'ex chambre commune , s'effondre à plat ventre sur le lit , ferme les yeux et reste ainsi longtemps immobile , prostré , incrédule , anéanti . Oh ! Certes il s'en doutait un peu au fond de lui-même . Il avait bien senti que l'édifice conjugal se lézardait petit à petit , que sa liaison , même interrompue , avait rompu quelque chose entre eux . Mais il n'avait jamais voulu traiter le mal à la source, profiter de cette crise pour se remettre lui-même en question dans sa vie de couple, dans sa vie tout court .Pour reconstruire . Peut-être en était-il incapable . Mais le point de non retour est désormais franchi . Il le sait . maintenant . Sa femme a décidé pour lui . Quelqu'un vient d'entrouvrir la porte .Un pas lent dans la chambre . Elle s'approche lentement , hésite , paraît embarrassée , s'assied sur le bord du lit , reste ainsi en silence , ne sait que dire . « Son regard, qu'il ne peut voir, est redevenu sombre et décidé . Son visage n'exprime rien d'autre qu'une souffrance trop longtemps contenue et une extrême lassitude .
9) « Il faut qu'on en reparle Jacques. Il faut crever l'abcès dorénavant , aller au bout . Rien ne sert d'attendre . De gagner du temps . . Nous devons aussi en parler ensemble aux enfants . Ce ne sera pas vraiment une surprise pour eux mais ce ne sera pas évident non plus . Il faut trouver la bonne manière et je compte sur toi pour cela .On reste parents jusqu'au bout , jusqu'à la déchirure . Silence...On entend juste à l'extérieur , dans le jardin , le doux bruissement du vent dans les branches du saule . Rien n'arrête l'inexorable destin qui attendait son heure . Jacquese sait au fond de lui-même mais refuse de se l'avouer . « Puisque tu réagis ainsi , je te laisse . Je m'absente jusqu’à' à ce soir . Besoin de prendre l'air , de décompresser ou je vais exploser . Elle sort en silence , d'un pas décidé et il entend peu de temps après la porte du salon claquer puis la voiture démarrer . Une page est définitivement tournée .
------------
 Jacques s'est relevé brusquement au départ de sa femme . Il sait ce qu'il fait et où il va . Décision aussi brusque qu'irrévocable .. Ne pas penser . Agir . Visite rapide dans la chambre nuptial , il y a peu encore. . Où est la valise ? Ah ! La voici ! Coup d’œil à ses vêtements qu'il a d'ailleurs de la peine à retrouver . Gisèle range trop bien évidemment …Les affaires de toilettes ,de bonnes chaussures, l'appareil photo ( il l'accompagne partout ) son ordinateur portable( il ne peut plus s'en passer ) . Retour au salon. Coup d’œil au buffet . La photo des enfants. Non!il ne peut pas tout de même . ! Et pourquoi pas ? Les photos : il y en a d'autres . Et puis, les enfants seront toujours là eux et donc..Il ne réfléchit plus, se saisit du cadre , retire la photo quelque peu ancienne mais si émouvante : deux jeunes frimousses qui se regardent en rigolant . Jacques sent sa gorge se serrer . L'Amour vécu ne s'efface jamais vraiment . Il a trouvé çà comme çà brusquement . Il en est presque étonné . Ne pas craquer . Reste l'essentiel . Ne pas partir sans laisser un dernier mot . Un dernier . Mot bien excessif , lui semble-t-il . Mais , il ne lui semble plus rien . Il se sent vide et ce vide l'attire autant qu'il l'effraie . Comme une chute sans fin dans un mauvais rêve... Retour à la chambre pour chercher dans le tiroir de la commode de quoi écrire . Écrire quoi ? « Mes chers enfants « ?.Non ! C'est conventionnel , sans vraiment de sensibilité . « Philippe , Agnès « ? . ( Un peu froid mais il trouve ce ton plus juste ) . « C'est dur à exprimer . Mais je me dois de le faire . Votre mère et moi ne sommes plus fait pour vivre ensemble . Vous l'aviez senti bien sûr . Pas facile à vivre pour vous aussi . Aujourd'hui , il y eu un point de non retour . Difficile de vous expliquer . J'ai ma part de responsabilité .Je ne le nie pas . Je suis devenu insupportable , je le reconnais , depuis que je suis sans emploi . Je vous en demande pardon . J'aurais aimé être à la hauteur mais ... » Il s'arrête un instant , barbouillé de douleur , le nœud au ventre , imaginant la tête effaré de ses deux ados , opposant un mur de silence à ce tsunami familial , reportant sur la mère leur souffrance et leur mal -être . « Je vous aime plus que tout , je ne vous abandonnerai jamais et je reprends contact rapidement avec vous . On se reverra très bientôt . Baisers paternels . Sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, une larme incongru est allé s’abattre sur la feuille
10) fraîchement écrite . Vite . Une enveloppe blanche, au nom de ses enfants ,rapidement refermée sur la précieux « parchemin » .puis précieusement déposée sur le lit de sa fille . Sa fille chérie . Elle saura trouver les mots pour expliquer à son frère , plus âgé certes mais oh combien plus fragile . La lettre à sa femme sera plus rapide , plus expéditif . « Gisèle » . « Rien ne sert d'attendre , as tu dit ?. Eh bien , je t'approuve totalement . Je n'attendrai donc pas... pour m’éclipser , pour larguer les amarres conjugales . « Je fuis ! « vas-tu penser ? Non ,ce n'est pas si simple . Il est peut-être plus difficile de quitter que de rester, crois moi . Et puis , quoi ajouter d'autre ? Nous nous sommes tout dit depuis tant de mois.;tant d'années Il ne me reste plus que le courage de rompre pour nous libérer l'un et l'autre pour un avenir meilleur, enfin..je l'espère... . Mais les mots sont tellement .vains maintenant . Merci d'avoir été ce que tu as été depuis tant d'années . Sincère affection... » Non ! Il ne peut pas terminer comme çà ! L'affection , la pire des expressions , ce qui reste quand l'amour n'est plus là mais quand on ne veut pas l'avouer . C'est fade et inconsistant . Tristesse du cœur qui ne bat plus . « Merci d'avoir été « conclut-il , songeurmais intérieurement satisfait . Sa valise et son sac sont prêts .Il a glissé dans la lettre pour sa femme un chèque conséquent pour lui permettre de voir venir.,.de voir venir quoi désormais ? . Doit-il garder la clé de la maison . Il hésite , finit par la garder, comme un dernier lien , un dernier souvenir de ce lieu familier . Puis il s'en va ,sans se retourner . Le vent ne souffle plus dans les saules du jardin qu'il abandonne en hâte .
------------
Gisèle marche sans s'arrêter le long du fleuve proche . Elle regarde ,sans les voir vraiment , ces lieux si familiers qu'ils ont tant fréquentés depuis des années . . Son regard erre longuement sur tout ce qui l'entoure mais sans rien reconnaître vraiment . . Sentiment d'être devenue étrangère à cet environnement si proche et lointain à la fois . Impression d'être rejetée par cette nature qu'elle a tant aimé . La souffrance, trop longtemps vécue, isole et efface les repères . Elle ne sait où elle va mais elle va . Les longs nuages effilochées venues de l'ouest océanique caressent doucement le ciel serein . Douceur ligérienne teintée d'une féerie qui ne se capte pas facilement . Il faut entrer dans la magie du lieu, s'en imprégner , faire corps avec lui . Gisèle en est capable naturellement , sans se forcer . Elle est habitée par ce lieu . Quelqu'un qui la croiserait à ce moment ne se douterait pas de ce qu'elle vit . Elle pourrait sans problème engager dans ce cas, une conversation aimable et légère qui ferait penser que tout va bien . Et il y a de cela en effet Un paisible sourire , à peine esquissé, lui donne un visage apaisé . Et c'est bien de paix intérieur qu'il s'agit . Gisèle est en accord avec elle-même . Elle est surtout allé chercher au fond d'elle-même le courage d'exister, d'aller vers la vie . .Et la sérénité qui éclaire son visage traduit cette volonté de vivre . Il a fallu pour cela se réveiller , passer par des prises de conscience douloureuses, au travers d'une thérapie qu'elle a mis beaucoup de temps à entamer et encore plus à mener à bien . Culpabilité , fidélité , .moralité , tentation d’infidélité , devoir : tout y est passé . Sans compter les enfants à qui l'on ne peut pas faire çà , qui ne supporteraient pas . Crise
11) conjugale au combien classique et répandue mais toujours aussi difficile à vivre . Gisèle sourit intérieurement . Elle sait qu'elle a franchi l'obstacle , qu'elle suit désormais le bon cap comme dirait en bon capitaine son bientôt ex mari . Elle sait aussi qu'elle gardera encore longtemps ce nœud qui lui broie l'estomac comme le prix à payer à sa liberté retrouvée . Cette nouvelle femme reprend doucement , lentement le chemin de la demeure conjugale ? Parentale ? . Elle ralentit encore le pas .Elle ne sait pas pourquoi . Une vague appréhension . Les jeunes ont dû rentrer désormais . Pas très loin de là , les cloches de l'église voisine font résonner sept fois de suite l'air vespérale . Elle n'a rien préparé à manger . Elle ne s'en soucie pas . L'avenir y pourvoira .  A l'approche de la maison, une angoisse inexpliquée lui noue la gorge . Silence mystérieux lorsqu'elle ouvre le petit portillon . Elle n'ose à peine rentrer . Lorsqu'elle parvient enfin dans le salon , elle ne trouve personne . En temps normal , ses deux « loulous « , comme elle les appelle affectueusement , lui auraient déjà sauté au coup . Elle sait qu'elle est trop maternelle et que ses enfants en profitent largement mais elle ne saurait fonctionner autrement . Trop tard désormais, pense-t-elle pour se disculper . Du salon , elle entrevoit dans la cuisine sa fille de dos , la tête penchée vers quelque chose qu'elle ne voit pas . Elle s'approche silencieusement . Céline n'a pas bougé . Gisèle est intriguée , anxieuse . Les mains de la mère se posent doucement sur les jeunes épaules . . La jeune fille sursaute et tourne brusquement vers sa mère un visage où coule une larme paresseuse . Elle a une lettre en main . Elle se jette dans les bras maternels et laisse s'échapper des sanglots trop^longtemps retenus . La lettre chiffonnée a atterri sur le sol carrelé . Gisèle a tout de suite compris . Elle a compris aussi maintenant l'angoisse sourde qui l'a envahie peu avant son retour : « Il est parti ; il est parti » arrive juste à prononcer sa fille entre deux hoquets . « Où est ton frère « ? « se contente de répondre la mère . « Il vient de partir lui-même en traitant son père de tous les noms ! Je n'ose même pas te répéter . Il a claqué la porte puis s'est élancé sur son vélo sans en dire plus . » Gisèle s'empare de son portable , compose le numéro , attend la mine anxieuse, tombe sur la messagerie de son fils . . « « Je suis de retour Philippe . Je te comprends tu sais .Reviens maintenant . Nous allons parler de tout cela . Il faut parler . Je t’attends . Ta mère qui t'aime . « Puis elle se retourne vers sa fille . Elle n'est plus là . Partie dans sa chambre sans doute pour tenter d'absorber dans la solitude cet « abandon « qui va bouleverser sa vie , qu'elle le veuille ou non . . Gisèle s'affaisse en silence sur le canapé ,le regard absent , la mine concentrée . Rien ne sera comme avant . Une page est tournée .
--------------------La nuit est tombée maintenant . La voiture roule lentement . Jacques semble vouloir se donner du temps , le temps peut-être de revenir , le temps de renoncer ? Plus ce temps inexorable passe , plus il prend conscience . Ce départ précipité , irréfléchi n'est-il pas qu'une fuite en avant , un refus de prendre vraiment en main son existence , une attitude puérile ? Jacques ne veut pas trop approfondir la question . Il se sait dans une période difficile , instable où tout peut basculer d'un coté ou de l'autre . Il en faudrait peu pour faire demi-
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents