Souvenirs d antan
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Description

Souvenirs d’antan Dans la cheminée, le feu crépite doucement. Robert est assis, seul, dans son fauteuil. Une douce chaleur emplit le salon et l’odeur des bûches se consumant délicatement commence à flotter tout autour de lui. Robert est seul depuis longtemps, mais son regard n’a jamais été vide. Il aime retourner dans son passé et retrouver ses souvenirs de jeunesse, ceux qui l’ont mené jusqu’à aujourd’hui. C’était un jeudi du mois de mai, il s’en souvient très bien. La douce brise du printemps lui fouettait le visage à chaque coup de pied qu’il donnait pour augmenter l’allure de sa trottinette. Il venait de la recevoir et avait tout de suite voulu l’essayer avec son ami Charles. Ils étaient partis tous les deux à travers le village. Les rues en pavés n’étaient pas idéales pour rouler, mais peu importait pour Robert, il avait sa trottinette et pouvait enfin se sentir libre. Le vent le faisait pleurer et des larmes roulaient le long de ses joues, mais il riait, il était heureux, pour la première fois, il était heureux. Ils étaient allés jusqu’à la rivière et comme le soleil devenait de plus en plus présent au fil de la journée, ils avaient même osés tremper leurs pieds dans l’eau fraîche et claire de la rivière qui coulait jusqu’au village voisin. Si leurs mères avaient su qu’ils s’étaient aventurés si loin, ils auraient sûrement reçu plusieurs coups de martinet ! Robert esquisse un sourire devant sa cheminée.

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Publié le 01 septembre 2015
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Langue Français

Extrait

Souvenirs d’antan
Dans la cheminée, le feu crépite doucement. Robert est assis, seul, dans son fauteuil. Une douce chaleur emplit le salon et l’odeur des bûches se consumant délicatement commence à flotter tout autour de lui. Robert est seul depuis longtemps, mais son regard n’a jamais été vide. Il aime retourner dans son passé et retrouver ses souvenirs de jeunesse, ceux qui l’ont mené jusqu’à aujourd’hui. C’était un jeudi du mois de mai, il s’en souvient très bien. La douce brise du printemps lui fouettait le visage à chaque coup de pied qu’il donnait pour augmenter l’allure de sa trottinette. Il venait de la recevoir et avait tout de suite voulu l’essayer avec son ami Charles. Ils étaient partis tous les deux à travers le village. Les rues en pavés n’étaient pas idéales pour rouler, mais peu importait pour Robert, il avait sa trottinette et pouvait enfin se sentir libre. Le vent le faisait pleurer et des larmes roulaient le long de ses joues, mais il riait, il était heureux, pour la première fois, il était heureux. Ils étaient allés jusqu’à la rivière et comme le soleil devenait de plus en plus présent au fil de la journée, ils avaient même osés tremper leurs pieds dans l’eau fraîche et claire de la rivière qui coulait jusqu’au village voisin. Si leurs mères avaient su qu’ils s’étaient aventurés si loin, ils auraient sûrement reçu plusieurs coups de martinet !
Robert esquisse un sourire devant sa cheminée. Quelle bonne journée il avait passé ce jeudi du mois de mai…Il se lève et se dirige vers la fenêtre. Tout est blanc dehors, on est bien loin des températures du printemps. Au loin il regarde des enfants jouer dans la neige. Et il se revoit. Jeannette, sa jeune sœur, était trop petite pour participer aux combats de boules de neige qu’il faisait avec Charles, mais elle ne voulait jamais être mise de côté. Elle n’avait pas d’amie de son âge au village et passait tout son temps avec lui, au grand désespoir de Robert d’ailleurs. Il était à un âge où seuls les copains comptaient et il n’avait pas du tout envie d’une petite pleurnicheuse qui le suivait partout. Alors, pour être sûr qu’elle n’allait pas rester dans ses jambes, il lui avait glissé une boule de neige sous son pull. Elle était partie en criant à la maison pour se faire consoler par sa maman. Lui et Charles avaient ri de bon coeur et sa maman ne l’avait pas sanctionné pour sa blague. Quand il était rentré à la maison, une bonne odeur de pâtisserie emplissait la cuisine. Comme une tradition, tous les dimanches, leur maman leur préparait une tarte aux pommes, recette maison. Elle commençait par éplucher toutes les pommes avant d’en couper les trois quarts en fines lamelles qu’elle arrosait d’un filet de jus de citron en attendant. Avec le reste des pommes, elle faisait de la compote dans laquelle elle rajoutait une noix de beurre et une pincée de cannelle. Sur sa pâte à tarte qu’elle avait pétrie pendant de longues minutes elle étalait la compote avant de
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disposer les pommes. Avant de tout enfourner, elle déposait délicatement des lamelles de beurre qu’elle saupoudrait de sucre cristallisé. A sa sortie du four la tarte était dorée et délicatement caramélisée.
De toute sa vie il n’en avait mangé de meilleure. Rien ne valait les tartes de feu sa chère mère. A ce souvenir, l’eau lui vient à la bouche et il ne peut s’empêcher de se diriger vers la cuisine. Il attrape une vieille boite en fer qui grince quand il veut en retirer le couvercle. Une poudre dorée et odorante s’offre à lui. Il ferme les yeux et respire doucement. Les odeurs font parties des éléments majeurs de ses souvenirs, et une odeur très forte revient sans cesse, une odeur qui l’a marqué à jamais, celle de la poudre à canon. C’était en 40, il était alors âgé de 21 ans. Un matin il est appelé à rejoindre un ème régiment d’infanterie : le 51 régiment d’infanterie. Il avait juste eu le temps de préparer son ballotin et de dire au revoir à sa mère et à sa sœur. Leur père était mort 10 ans auparavant à la mine. Un éboulement non contrôlé avait mit fin à ses jours. On ne l’avait jamais retrouvé. Depuis, Robert était devenu l’homme de la maison, celui sur qui reposait toutes les responsabilités. Aujourd’hui, il devait abandonner son rôle le temps de la guerre, seulement il ne savait pas combien de temps elle allait durer. Il ne s’inquiétait pas pour son retour, car il savait qu’il ne les laisserait pas tomber, mais il s’inquiétait pour le devenir des deux femmes de sa vie. Jeannette n’avait que 15 ans. Elle était dans la fleur de l’âge, et il ne serait pas à ses côtés quand elle découvrirait la vie. Il avait le cœur serré quand il quitta le village pour la frontière allemande. Il se retrouva à Forbach, un petit village à 126 kilomètres de Strasbourg puis fut dirigé vers Morsbach, le point frontière entre l’Allemagne et la France. De là, il pouvait apercevoir les allemands jouer au football. Tout semblait calme et normal. Pourtant rien n’était simple. Beaucoup d’interdits venaient contrôler sa nouvelle vie. Il devait s’habituer à vivre autrement, et il ne savait pas jusqu’à quand. Les conditions étaient dures. Lui et ses camarades n’avaient pas le droit de faire du feu pour se chauffer. Ils devaient mettre des boulets de charbon un à un sur le brasier jusqu’à ce que le boulet soit rouge avant d’en déposer un autre. C’était la seule façon pour ne pas faire de fumée et ainsi ne pas se faire repérer, car la règle d’or pendant les temps de guerre était discrétion et vigilance. Chose qu’il avait toujours faite, contrairement à certains qui en avaient payé de leur vie sous ses yeux. Il était resté loin de ses proches pendant 5 longues années et avait changé de camp plusieurs fois. Dès qu’il avait un moment de libre il leur écrivait pour les rassurer. Il ne décrivait jamais l’horreur qu’il vivait quotidiennement. Il voulait épargner sa mère et sa sœur de la cruauté des hommes, mais surtout il ne voulait pas leur dire ce qu’il était obligé de faire pour sauver sa peau. Il avait été élevé dans le respect, la paix et elles n’auraient jamais compris une telle agressivité de sa part. Il avait trop peur de les choquer et pire, de les décevoir. Il ne leur avait jamais dit la vérité sur cette sombre période. Il avait vu tellement de choses
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horribles pendant qu’il était au front. Il avait même été blessé par balle, mais grâce à des soins immédiats il avait pu survivre.
Son regard se trouble. L’émotion le gagne. Machinalement il pose sa main sur son flanc droit et à travers la fine chemise en coton il laisse errer ses doigts sur sa cicatrice. Il ressent encore la douleur de la balle. Cela avait été si soudain. Quand il rentra au village, sa mère était en larmes. Il la serra pendant de longues minutes dans ses bras. Il sanglotait. Sa sœur apparut derrière lui. Quelle belle femme elle était devenue. Il l’a pris à son tour dans ses bras et la serra très fort, au point de sentir une grosseur au niveau de son ventre. Il la repoussa doucement de son étreinte les yeux pleins de larmes. Enceinte, elle était enceinte. Comment avait-il pu partir si longtemps ! Le père de cet enfant, Pierre, son amant avait été appelé 3 mois avant la fin de la guerre et n’était jamais revenu. A sa place, un coursier avait eu la lourde tâche d’apporter une lettre présentant les condoléances du gouvernement français pour une « erreur de cible » comme ils disaient.
Robert sourit. Il rit même. Il est fier de sa sœur qui n’a jamais baissé les bras devant les difficultés qu’elle avait traversées. A peine deux ans après, elle et Charles s’étaient mariés. Charles, qui la taquinait quand elle n’avait que 8 ans, l’avait redécouverte à son retour de la guerre. Il n’était rentré qu’en 1946, car choqué par tous les évènements, il avait décidé de partir un certain temps pour essayer d’assumer son histoire. Et quand il était revenu, il lui avait fait la cour lors d’un bal sans la reconnaître. Et c’est au moment où Robert était arrivé et avait embrassé Jeannette qu’il avait ouvert des yeux ronds comme des billes. Elle avait tellement changé. Il avait laissé une fillette pour retrouver une femme magnifique, une mère chaleureuse. Depuis ce jour, ils ne s’étaient plus quittés. Leur mariage avait été une vraie réussite. Ils avaient tous les deux trouvé ce qu’ils cherchaient. Ayant eu une enfance commune, ils se connaissaient déjà très bien, et se respectaient énormément pour cela. Robert n’aurait pu rêver mieux que son meilleur ami comme beau-frère. Ils avaient même eu un deuxième enfant.
Robert retourne sur son fauteuil. Il contemple les flammes léchant les bûches. Au dessus de la cheminée trône le portrait d’une femme superbe. Ses longs cheveux bruns et soyeux tombent en cascade sur ses épaules. Ses yeux clairs laissent percevoir une âme sensible et délicate. Elle s’appelle Marie. Alors qu’il faisait le marché avec sa mère en juin, Robert croisa le regard d’une femme. C’était la première fois qu’il l’a voyait. Elle devait être nouvelle dans la région. Elle vendait des légumes et portait un petit tablier pour ne pas tacher sa robe à fleurs. Son regard était discret. Robert revint lui acheter des légumes tous les jours de marché jusqu’à ce que son regard soit limpide et sincère. Puis il l’a retrouvait tous les
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jeudis après midi derrière l’église, après son travail à la mine qu’il avait reprit suite au décès de son père. Elle habitait le village voisin. Il la voyait toujours arriver de loin. Sa robe légère flottait sur la selle de sa bicyclette bleue. Les cheveux détachés semblaient lui caresser le visage comme une douce main. Ils partaient pendant de longues heures à travers les chemins. Ils riaient beaucoup tous les deux et une complicité certaine s’était installée. Il l’emmena un jour dans une vieille grange désaffectée. Aucun animal n’y résidait plus depuis un moment, mais la paille semblait toujours aussi fraîche. Ils s’allongèrent côte à côte sur une petite couverture à carreaux rouges qu’elle avait dans le panier de sa bicyclette. Ils restèrent un long moment sans rien dire, main dans la main. A travers le plafond troué, ils apercevaient le ciel bleu, mais ne le regardaient pas vraiment. Ils savaient tous les deux pourquoi ils étaient là. Il se tourna vers elle et se redressa sur un coude. Leurs regards se croisèrent et il lui caressa le visage. Doucement il posa ses lèvres sur les siennes et lui transmit toute la passion qu’il avait pour elle. Ses mains devinrent plus audacieuses et il déboutonna sa robe. Sa peau était fraîche comme la rosée du matin et sentait le bon pain. Leur amour fut ardemment consommé et il la demanda en mariage. La cérémonie fut fantastique. Elle eut lieu dans cette fameuse grange qu’il avait acheté pour en faire un nid douillet pour sa future famille. Bien que souffrante et fatiguée sa mère avait participé à toute la fête. Elle aimait beaucoup Marie et était heureuse de savoir son fils avec une femme si aimante et sincère. Robert regarde son annulaire. Son alliance est toujours à la même place depuis 59 ans. Celle de Marie était partie avec elle.
Ils n’avaient jamais pu avoir d’enfant. Elle était stérile à cause d’un cancer des ovaires qu’ils découvrirent trop tard alors qu’elle n’avait que 39 ans. Les médecins n’avaient pas été optimistes et lui avaient donné à peine quelques mois. A la surprise générale elle avait tenu plusieurs années, mais son cancer s’étant généralisé, elle devenait de plus en plus faible. Ils étaient loin de l’époque heureuse où ils parcouraient les chemins tous les deux sur la bicyclette. Tous les jours Robert devait partir travailler à la mine avec la peur de ne pas la retrouver à son retour. Elle devenait de moins en moins autonome et Jeannette l’avait beaucoup aidé dans cette épreuve. Le jour où elle partit définitivement, il était à ses côtés et lui tenait la main. Elle lui avait dit qu’elle l’aimerait toujours et qu’elle serait à ses côtés jusqu’à ce qu’il vienne la rejoindre. Son cœur s’était déchiré et noyé dans son chagrin il avait tenté à plusieurs reprises de mourir. Heureusement Charles et Jeannette avaient été très présents pour lui. Robert n’a jamais refait sa vie. Il préfère rester seul avec elle en souvenirs que de vivre avec une autre femme dans « leur grange ». D’un revers de manche, il s’essuie les yeux. Tous ses souvenirs peuvent paraître tristes, mais ils ne le sont pas pour lui. Grâce à eux, il est devenu ce qu’il est aujourd’hui et il ne renie jamais son passé. Il aime raconter à ses petits neveux les périodes de sa vie où il fut heureux et où
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il devait rester fort. Il leur transmet son histoire car avec lui partiront tous les témoignages d’une autre vie, d’un autre temps.
eux.
La théière siffle. L’horloge sonne. Il est 5 heures. On frappe à la porte, ce sont
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