Les Arts; revue mensuelle des musées, collections, expositions
428 pages
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mm\ m .T'U, mî^ '9S LES ARTS Revue Mensuelle des Musées, Collections Expositions ONZIÈME +ANNÉE 1912 ^jëiÈ:^siè'é !! °é^^^ j PARIS ii GOUPIL & C" EDITEURS-IMPRIMEURS MANZI, JOYANT C%& Éditeurs-Imprimeurs, Successeurs BOULEVARD34, DES CAPUCINES, 34 il J (ynntt N» 121 Janvier 1912LES ARTS CikM ilatiti, Joffunl Cù.f LÉONARD DE VINCI. — la jocondk Tableau disparu du Musée du Louvre le 21 Août 1911 JOCOIsriDEî D'UN TABLEAUHISTOIRE Une chose plus divine qu'humaine. Vasari. [E toutes les merveilles de la Renaissance, sentimentale et poétique, avec tout le mystère de l'âme et aucune n'était plus chère à l'humanité. de ses destinées. Tableau comme les Testaments Ce n'est plusC'était Le un panneau, c'est le blason, l'armoirie sont Le Livre. Des millions d'hommes n'en parlante du monde moderne. pas d'autre quoique Voilà ce queconnaissaient ; et, les critiques et les peintres n'ont pas com- populaire, elle avait, pour adorateurs et pris, en entendant la lamentation des hommes attentifs et chevaliers, les plus grands esprits. On la conscients. De tels cris, pourun tableau,même de Léonard ! qui savaient parler Ce n'étaitl'avoir vue : ceux pas un tableau, pas plus quecitiit sans même la Bible n'est un dessus du commun. Elle tenait au in-i8 ou un 8^, c'étaitd'elle, s'estimaient au le Tableau, l'unique tableau! Les l'Eglise Noire Pinacothèquesplace que la Madone dans : pouvaient disparaître,Louvre la même la Joconde suffisait snob ou esthète, voulait voir, pour témoignerDame de l'Art!

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m
.T'U, mî^'9SLES ARTS
Revue Mensuelle des Musées, Collections
Expositions
ONZIÈME +ANNÉE 1912
^jëiÈ:^siè'é
!!
°é^^^
j
PARIS ii
GOUPIL & C"
EDITEURS-IMPRIMEURS
MANZI, JOYANT C%& Éditeurs-Imprimeurs, Successeurs
BOULEVARD34, DES CAPUCINES, 34
il
J(ynnttN» 121
Janvier 1912LES ARTS
CikM ilatiti, Joffunl Cù.f
LÉONARD DE VINCI. — la jocondk
Tableau disparu du Musée du Louvre le 21 Août 1911JOCOIsriDEî
D'UN TABLEAUHISTOIRE
Une chose plus divine qu'humaine.
Vasari.
[E toutes les merveilles de la Renaissance, sentimentale et poétique, avec tout le mystère de l'âme et
aucune n'était plus chère à l'humanité. de ses destinées.
Tableau comme les Testaments Ce n'est plusC'était Le un panneau, c'est le blason, l'armoirie
sont Le Livre. Des millions d'hommes n'en parlante du monde moderne.
pas d'autre quoique Voilà ce queconnaissaient ; et, les critiques et les peintres n'ont pas com-
populaire, elle avait, pour adorateurs et pris, en entendant la lamentation des hommes attentifs et
chevaliers, les plus grands esprits. On la conscients. De tels cris, pourun tableau,même de Léonard
!
qui savaient parler Ce n'étaitl'avoir vue : ceux pas un tableau, pas plus quecitiit sans même la Bible n'est un
dessus du commun. Elle tenait au in-i8 ou un 8^, c'étaitd'elle, s'estimaient au le Tableau, l'unique tableau! Les
l'Eglise Noire Pinacothèquesplace que la Madone dans : pouvaient disparaître,Louvre la même la Joconde suffisait
snob ou esthète, voulait voir, pour témoignerDame de l'Art! L'étranger, de la Renaissance, comme le sphinx au
Notre-Dame et le sourire de la seuil du désert témoigneavant tout, les tours de de Meinphis.
aux bordsraison. Il n'y a rien eu jamais, Les uns regrettent un merveilleuxJoconde. Il avait portrait, les autres
monument et ce visage. pleurent leSeine, de comparable à ce à Saint-Graal : et ces deux courantsde la qui divisent
tout entendre. Il est un myste; son l'humanité en mystiques etQui les comprend peut réalistes, depuis qu'elle existe,
tombe sous le sont aussimystère. Qui ne les entend pas, irréconciliables que des instincts.âme vibre au Il n'existe pas
jamaisque des mots vains. de démonstrationpoids de la réalité et ne remuera pour la sensibilité; elle vibre ou non.
plaire à la Beauté pure, dégagée Sur la perte de la Joconde,Aimer la Joconde, c'est se l'opinion reste aussi divisée que
être digne pouret de la sentimentalité, c'est une personne vivante. Quelques-unsde la concupiscence l'aimaient et
à la science, par excel- restent inconsolables;« de s'élever de science en science, beaucoup l'admiraient qui sont déjà
». consolés. Mais ces quelques-uns,lence, qui est celle du Beau fanatiques, ne cesseront
Platon, sous les traits d'une femme. Je con- jamais leur plainte. Si j'énumère certainesC'est tout des raisons,
(qui n'a qu'un qui justifienttemple la grande photographie de Braun le deuil immense oîi ceux qui aiment l'art sont
l'original) et dans mon esprit, plongés, c'est que devant cecentimètre de moins que désastre, on n'a vu personne se
couvrirj'entends la voix de Dioiima : « Q mon de cendres et s'arracher larefrain sublime, barbe. On a déploré le
prix la vie, c'est fait avec unesi quelque chose donne du à modération singulière : on necher Socrate, saurait attri-
absolue, et si jamais tu buer, qu'à l'ignorance dela contemplation de la beauté la valeur esthétique, une si faciley
sembleront auprès d'elle, les jeunes femmes résignation.parviens, que te
maintenantte trouble et te charme, toi et beau- A la méconnaissance du chef-d'œ-uvre,dont la vue une autre s'ajoute,
» beauté absolue est celle celle de la Postérité.coup d'autres, à un tel point? La Le temps a travaillé le panneau, l'im-
d'autres femmes belles et plus matérialisant; les sièclesde l'intelligence. Il a ont fait autour de lui uny tel
encadrementmême Louvre. Pourquoi ne nomme-t on pas d'adoration, que jamaisie videbelles, dans ce ne sera comblé.
dans le culte universel? Ceux qui, de prèsrivale qui succéderait à la Lise, ou de loin, du plus grandla au plus
tout, qu'un portrait de petit, se trouventSelon le catalogue, ce n'était, après mêlés à cette calamité publique, en
ont comparé ce panneau reçoivent une détestable immortalité,bourgeoise florentine. Ceux qui sauf M. Homolle, le
plus innocent,autres œuvres du maître, ont été fort étonnés que, qui a payé pour tous.avec les
valut autant. n'est pas à Si intéressante quepicturalement, la Sainte-Anne Ce soit cette victime, elle ne suffit pas à
apaiserLéonard a pensé, en parachevant celles qui ronflent dans lases confrères futurs que traduction de Leconte de
Lisle.malgré la perfection même du métier, il a Dans mille ans, on demandera encoreson ouvrage; et à l'an 1 :191
généreuses, comme « Qu'avez-vous faitvoulu plaire aux âmes profondes ou de la Joconde? » On ne saurait se figurer
Oui, le voyageur a raison, l'effet produit à l'étranger parWagner, en composant Parsifal. ce vol, et les vociférations, les
colères,Notre-Daine et la Joconde: ce les mépris qu'il inspire !avec son court programme:
l'humilité dresse Sans doute,sont les deux faces du génie occidental, ici ce panneau acheté à un prix énorme par
épanouit la personnalité. notre grand Françoisson désir vers le ciel, là l'orgueil l" était à nous, qui avons honoré
aspects du mystère se con- et doré la vieillesse du Vinci.Pour le philosophe, ces deux Mais tout civilisé avait des
droitsfondent grand nombre, la Lise parle un langage sur un tel trésor. Quand une: au plus œuvre est unique au
qui contemple au monde, ceuxqui la possèdentclair et mieux approprié à ce temps, n'en sont plus que les custodes :
émancipé, cherche moins la vérité la Joconde appartenait à l'humanité,lieu de prier; et trop et la France, gardienne
infidèle duqu'une confirmation téméraire de ses tendances. La plus sacré des dépôts, ne peut pas relever la
enseignait le tête sous l'injure,Joconde, comme une autre Hypathie, dogme ni se justifier. Nous sommes dans l'irré-
de l'individualisme : elle parable et quand on pensede la conscience et la dignité ; que les scélérats, s'ils étaient
découverts,illustrait de sa beauté les Vers dorés de Pythagore et il en seraient quittes pour quelques années dey
yeux que dans tous les prison, on se rend compteavait plus de lumière dans ses que nul législateur n'a encoreeu
grand sphinx, c'était la dernière ni la notion du Beau ni celle destraités. Unique, comme le intérêts de l'espèce.
fée, le miracle suprême accepté par une époque sceptique. La lèse-majesté était abusive, car un roi n'est qu'un
homme: laAvec elle, le surnaturel a quitté le Louvre et l'immortalité lèse-humanité est légitime, car les intérêts de
preuves. l'espèce sont sacrés, etde l'âme a perdu une de ses grandes celui qui dans sa noirceur ou sa
démenceL'éminent Carotti de Milan a bien dit : « La Joconde attente à tous les hommes, doit périr. Qui aurait
pris les diamants de lan'est pas seulement un chef-d'œuvre, c'est la manifestation couronne ne serait que l'ordinaire
travers les âges. » Les Pyra- voleur, et ne mériterait pas plussensible du chemin parcouru à de peine que le malandrin
qui forcemides, le Cathédrale ogivale, les Giottos le magasin d'un bijoutier.Parthénon, la Prendre de l'or, ce n'est
que voler; prendred'Assise sont, pour lui, les œuvres qui précèdent celle-là : il un chef-d'œuvre, c'estun sacrilège, etnon
voit puissance spirituelle e' pas contre une foi, mais contrel'émanation simultanée de la toute âme existante; et si lesy

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