Saint Servais et les Bretons
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Description

La chapelle de monsieur saint Servais, tellement fameuse en dévotion et en miracles continuels que le peuple de tous les endroits de la province y abonde en pèlerinage tous les ans, les huit jours des environs de la fête à chaque treizième du mois de mai… Ces quelques lignes d’Olivier de la Boissière, sénéchal et sieur de Lannuic en Loc-Envel, ont été rédigées en mai 1675, elles attestent la renommée exceptionnelle du site de Saint- Servais en Duault à cette époque. Et pourtant Servais n’était nullement Breton et il était par ailleurs peu honoré dans les autres provinces françaises. Comment peut-on alors expliquer son succès étonnant en Bretagne ? èmeSaint Servais fut évêque de Tongres au 4 siècle. Dès sa mort – le 13 mai 384 selon la tradition – la légende s’empare du personnage et son culte se développe aussitôt dans la région de Maastricht où il était enterré. Il s’implanta cependant également en Bretagne au Haut Moyen Age et nous allons voir dans quelles circonstances.

Informations

Publié par
Publié le 18 mars 2013
Nombre de lectures 244
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Extrait



Saint Servais
Et
les Bretons









Pierre Yves QUEMENER







Saint Servais
Et
les Bretons

































Illustration de couverture : détail d’une peinture murale de l’église Saint-Servais en Duault
(cliché Jean-Paul Rolland)
2

Introduction


La chapelle de monsieur saint Servais, tellement fameuse en dévotion et en miracles
continuels que le peuple de tous les endroits de la province y abonde en pèlerinage tous les
ans, les huit jours des environs de la fête à chaque treizième du mois de mai…

Ces quelques lignes d’Olivier de la Boissière, sénéchal et sieur de Lannuic en Loc-Envel, ont
été rédigées en mai 1675, elles attestent la renommée exceptionnelle du site de Saint-
Servais en Duault à cette époque. Et pourtant Servais n’était nullement Breton et il était
par ailleurs peu honoré dans les autres provinces françaises. Comment peut-on alors
expliquer son succès étonnant en Bretagne ?

èmeSaint Servais fut évêque de Tongres au 4 siècle. Dès sa mort – le 13 mai 384 selon la
tradition – la légende s’empare du personnage et son culte se développe aussitôt dans la
région de Maastricht où il était enterré. Il s’implanta cependant également en Bretagne au
Haut Moyen Age et nous allons voir dans quelles circonstances. Ce sera l’occasion de
redécouvrir l’importance des pèlerinages médiévaux et nous verrons comment Maastricht
èmefut alors l’une des destinations préférées des Bretons. A partir de la fin du 15 siècle, les
pardons connaissent un succès indéniable en Bretagne ; nous nous attarderons en
particulier sur l’histoire tumultueuse de celui de Saint-Servais en Duault, fameux pour ses
affrontements entre Vannetais et Cornouaillais.

Voici l’histoire singulière de saint Servais et des Bretons.












èmeAu 3 siècle, Tongres
est l’une des
principales cités de la
Germanie inférieure
(Illustration
Wikipédia)

3
I. L’INTRODUCTION DU CULTE DE SAINT SERVAIS
EN BRETAGNE


Saint Servais évêque de Tongres

èmeVoyons d’abord où se situe Tongres. Au 4 siècle, Atuaticum Tongrorum est l’une des
principales cités de la Germanie inférieure. Elle serait même la plus ancienne ville de
Belgique. Les Romains l’entourent d’une muraille et en font l’une des principales places
fortes de leur système défensif. Lorsque le christianisme acquiert le statut de religion
èmed’état à la fin du 4 siècle, Tongres devient naturellement le siège épiscopal de sa
circonscription.

Servatius est considéré comme étant le premier évêque du diocèse. Si son nom est
généralement rendu en français par Servais, nous verrons qu’il pouvait également être
traduit par Servan.














Saint Servatius, évêque et
confesseur
(Église de Liège)

4 Les données biographiques que nous avons sur Servatius se limitent à sa participation à
quelques conciles dans les années 340-360 : Athanase d’Alexandrie (298-373) le cite
parmi les trente-quatre évêques gaulois ayant donné leur adhésion aux décisions du
èmeconcile de Sardique en 343. La Vita de saint Maximin (rédigée au 8 siècle) mentionne un
concile qui se serait tenu à Cologne en 345 au cours duquel Eufratas, évêque de cette ville,
aurait été déposé avec l’accord explicite de l’évêque Servatius. Il aurait également
participé au concile de Rimini en 360. Tous ces témoignages concourent à le présenter
comme l’un des plus ardents défenseurs de l’orthodoxie catholique à un moment où de
nombreux évêques prennent fait et cause pour la doctrine arienne qui rejetait en
particulier le dogme de la Trinité. La chronique byzantine de Zonaras rapporte en outre la
visite que Servatius fit en 350 à son ami Athanase, rentré alors à Alexandrie après son exil
forcé à Trèves dans les années 336-338.

Nous ne savons rien d’autre sur la vie et l’œuvre de Servatius. Sa légende, construite tout
au long des siècles suivants, compensera largement ce vide embarrassant.

Deux cent ans plus tard, Grégoire de Tours (539-594) sera le premier à nous donner des
détails sur la fin de sa vie : Le bruit s’était répandu que les Huns voulaient faire une irruption
dans les Gaules. Il y avait en ce temps dans la ville de Tongres un évêque d’une grande
1sainteté, nommé Aravatius …

Une ancienne inscription trouvée sur un monument d’une église de Maastricht place sa
2mort le 13 mai 384, un lundi de Pentecôte. Grégoire de Tours raconte en outre que le
tombeau de l’évêque devint célèbre dès l’époque de l’invasion des Huns d’Attila en 450.
Les fidèles construisirent plusieurs fois des chapelles de bois sur son tombeau mais le
vent les abattit toujours de sorte qu’il demeurait à l’air et néanmoins on ne le voyait
3jamais couvert de neige, quand bien même elle tombait en abondance partout alentour.
Cet évènement pour le moins extraordinaire valut à Servatius le surnom de saint de neige
(on dit aujourd’hui « saint de glace ») et décida l’évêque Monulphe à construire en 560 à la
place de l’ancienne chapelle en bois une grande église dont il reste encore quelques
vestiges. Les reliques de Servatius y furent transférées solennellement un 13 mai à
l’occasion de la dédicace du nouvel édifice, qui devint dès lors un centre de pèlerinage
important. Servatius était devenu saint Servais.



Et Charles Martel vainquit les Arabes à Poitiers

èmeL’arrivée au pouvoir de la dynastie carolingienne au 8 siècle va avoir un impact
considérable sur le développement du culte de saint Servais. L’un des fondateurs de cette
dynastie est Charles Martel (690-741), duc d’Austrasie puis maire du palais à partir de
717.
A l’époque mérovingienne, il n’y avait pas un royaume franc mais quatre royaumes issus
du partage survenu après la mort de Clovis en 511. L’Austrasie correspondait aux
territoires du nord : Belgique, Champagne, Ardennes et Alsace. Les trois autres royaumes
étaient la Neustrie (territoires du nord-ouest), la Bourgogne (ex-royaume burgonde
annexé par les Mérovingiens) et l’Aquitaine (ex-royaume wisigoth annexé par Clovis puis
redevenu duché indépendant en 671). A l’exception de l’Aquitaine, chaque royaume avait

1 Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs, Livre II, chapitre 5. La plupart des
commentateurs considère qu’il s’agit ici de Servatius.
2 Louis Campion, S. Servatius, évêque de Tongres, Annales de Bretagne, tome 19, 1904, page 328
3 Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 1782,
article saint Servais. Cf. Grégoire de Tours, A la gloire des Confesseurs, chapitre 71.
5 son maire du palais. Simples intendants du roi à l’origine, ils vont peu à peu s’arroger
èmetous les pouvoirs pour en devenir les véritables détenteurs au 8 siècle, disposant alors
de leurs propres armées, n’hésitant pas à destituer les rois en cas d’incompatibilités ou de
divergences politiques. Leur fonction est devenue héréditaire en Austrasie : Pépin de
Herstal, père de Charles Martel, fut également maire du palais de 676 à 714. L’heure de
gloire sonnera pour Charles en 732 lorsque Eudes d’Aquitaine vient lui demander son aide
pour affronter les Sarrasins qui multiplient les pillages dans son duché. Le combat décisif
aura lieu près de Poitiers. La victoire des Francs sur les Arabes confère aussitôt à Charles
Martel un prestige et une autorité incontestable dans le pays. D’après les annales de

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