La répartition des compétences entre le parlement et les collectivités territoriales dans le choix des prélèvements fiscaux en Côte d Ivoire.
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La répartition des compétences entre le parlement et les collectivités territoriales dans le choix des prélèvements fiscaux en Côte d'Ivoire.

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Dans les États unitaires décentralisés, le parlement et les collectivités territoriales se partagent le domaine fiscal. L'intérêt de cette étude est de préciser les pouvoirs dévolus à chacune de ces entités.Dans le système fiscal ivoirien, il revient au parlement en vertu de l'article 71 de la Constitution de créer en amont es impôts et les taxes devant être prélevés sur le territoire des collectivités territoriales. Ces dernières,quant à elles, ne peuvent qu'instituer les prélèvements fiscaux préalablement créés par la loi.

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Publié le 15 janvier 2014
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Langue Français

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THEME :
LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE PARLEMENT ET LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DANS LE CHOIX DES PRELEVEMENTS FISCAUX EN COTE D’IVOIRE.
 Par NOUAKO Noula Lama
 Doctorant en droit public à l’Université Alassane OUATTARA
 de Bouaké (République de Côte d’Ivoire).
L’Etat, personne morale de droit public, peut revêtir deux formes : la forme composée et la
forme unitaire. L’Etat unitaire est celui dans lequel un seul pouvoir politique s’exerce sur
l’ensemble du territoire. Il est caractérisé par l’existence d’un seul gouvernement, d’un seul
territoire et d’une seule population. La Côte d’Ivoire, à l’instar de la plupart des Etats du
monde, présente la forme unitaire. Pour des raisons évidentes (1), les Etats ayant opté pour
cette forme sont organisés sur la base de la déconcentration et de la décentralisation.
La déconcentration est selon le Professeur René DEGNI-SEGUI «le procédé technique qui consiste à conférer des pouvoirs de décision plus ou moins étendus à des organes locaux du
pouvoir central. Ces organes, appelés autorités déconcentrées, ne sont que des rouages de
l’autorité centrale (l’Etat, qu’ils représentent). Ils agissent en son nom» (2). Ils exercent leur
compétence dans le cadre des circonscriptions administratives.
En revanche, la décentralisation est «le procédé technique qui consiste à conférer des
pouvoirs de décision à des organes locaux, autonomes, distincts de ceux de l’Etat. Ces
organes appelés autorités décentralisées, règlent les problèmes d’intérêt local, tandis que
l’autorité centrale prend en charge ceux présentant un intérêt national» (3). Elle se réalise
par la création des collectivités territoriales ou locales suivant la dénomination retenue dans les Etats. En Côte d’Ivoire, on parle de collectivités territoriales, tandis qu’en Guinée (Conakry) (4)Sénégal (5), c’est l’expression collectivités locales qui y est consacrée.et au En France, jusqu’à une date récente, plus précisément en 2003, les deux notions étaient
utilisées dans la Constitution (6), sans toutefois désigner la même réalité. La notion de
collectivités locales était considérée comme étant plus vaste que celle de collectivités
territoriales, en ce sens qu’elle comprenait non seulement les collectivités territoriales
1
(départements et communes), mais aussi les établissements publics qui s’attachent à ces
collectivités. Depuis la révision constitutionnelle intervenue le 28 mars 2003 (7), l’on désigne
désormais les collectivités décentralisées sous l’appellation de collectivités territoriales.
Aujourd’hui, il n’ya pas, sinon, plus d’intérêt à vouloir établir une distinction entre ces deux
notions. Dans la mesure où, renvoyant à la même réalité, elles sont de plus en plus considérées comme des synonymes. C’est pourquoi, elles sont utilisées de façon interchangeable l’une à la place de l’autre.
Il n’y a que dans les Etats unitaires décentralisés que le Parlement et les collectivités territoriales se partagent le pouvoir fiscal. Dans ces Etats, la question de la répartition des
compétences entre le Parlement et les collectivités territoriales dans le choix des prélèvements
fiscaux est abordée différemment. C’est pourquoi, nous nous sommes penchés sur le cas de la
Côte d’Ivoire à l’effet de faire connaître l’expérience ivoirienne.
Dans bon nombre de ces Etats, le Parlement qui désigne le pouvoir législatif est
monocaméral, même si le bicaméralisme gagne du terrain. En Côte d’Ivoire, le constituant a
opté pour le monocaméralisme. Ainsi, «le Parlement est constitué par une chambre unique
dite Assemblée nationale dont les membres portent le titre de député» (8). Aux termes de l’article 61 de la Constitution, il vote la loi (y compris la loi fiscale) et consent l’impôt.
Les collectivités territoriales sont quant à elles, des portions du territoire national dotées de la
personnalité juridique, de l’autonomie financière et administrées par des autorités élues. La
création des premières collectivités territoriales en Côte d’Ivoire remonte à l’époque
coloniale, par l’érection des localités de Grand-Bassam et d’Abidjan respectivement en
communes mixtes en 1914 et 1915. La particularité des communes mixtes était que leurs
organes notamment l’administrateur-maire (autorité exécutive) et la commission municipale
(organe délibérant) étaient tous nommés par l’administration coloniale locale. Dans la
perspective de réorganiser l’institution communale, les autorités métropolitaines ont
adoptéla loi n° 55-1489 du 18 novembre 1955, en remplacement de la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale. Cette loi consacre la suppression des communes mixtes, la reconduction des communes de plein exercice qui existaient déjà au Sénégal, et la création
d’un autre type de commune, en l’occurrence, les communes de moyen exercice. De sorte,
qu’il existait sous le régime de cette loi, deux types de communes, à savoir : les communes de
plein exercice et les communes de moyen exercice. Pour les distinguer, on peut se référer à
leur niveau de développement et au régime juridique qui leur est applicable.
2
Suivant le critère relatif au niveau de développement, est promu au rang de commune de plein
exercice, le centre urbain qui justifie d’un niveau suffisant de développement. Il va sans dire,
que c’est le centre urbain qui ne justifie pas d’un niveau de développement suffisant qui peut
être érigé en commune de moyen exercice. On conclut donc, que les communes de plein
exercice sont plus développées que les communes de moyen exercice.
Toutefois, une commune de moyen exercice peut, après une période de deux années suivant sa constitution, être érigée en commune de plein exercice. Cette période est donc considérée comme le délai imparti aux communes de moyen exercice pour travailler à leur
développement. C’est à ce prix qu’elles pourraient accéder au rang de commune de plein
exercice. C’est donc à juste titre, que le Professeur René DEGNI-SEGUI considère que les
deux ans équivalent à une durée de stage pendant laquelle les communes de moyen exercice
devront faire la preuve de leur bonne gestion administrative et financière. C’est pourquoi, il
appréhende la commune de moyen exercice comme «une mineure, un stagiaire, qui attend de
faire ses preuves de bonne gestion administrative et financière sous la direction et le contrôle
de l’administration coloniale pour accéder au stage supérieur, étant promue à la plénitude de ses compétencesDEI BA SAMBA, affirme dans sa thèse» (9). Dans la même veine, M. MA que les communes de moyen exercice sont de « modestes municipalités où les indigènes
apprennent à gérer leurs propres affaires sous l’autorité et la conduite d’un chef d’élite
nommé par le chef du territoire» (10). Il appartenait à ce dernier, à l’issue du stage de deux
ans, de dire si oui ou non, la commune de moyen exercice pouvait accéder au rang de
commune de plein exercice. Ce qui lui laissait une marge de manœuvre assez large. Il en a usé
pour n’ériger en commune de plein exercice que les localités où résidaient les Européens.
Suivant le critère relatif au régime juridique, la différence entre les deux types de communes
est très nette. Elle est perceptible à trois niveaux.
Au premier niveau, les autorités habilitées à créer les deux types de communes ne sont pas les mêmes. Les communes de plein exercice sont créées par le gouvernement de la métropole, tandis que les communes de moyen exercice sont créées par le chef du territoire, c'est-à-dire le
lieutenant-gouverneur.
Au deuxième niveau, la procédure de vote est différente. L’assemblée territoriale doit se
prononcer à une majorité qualifiée pour les communes de plein exercice et à une majorité
simple pour les communes de moyen exercice.
3
Au troisième niveau, le mode de désignation des autorités exécutives des deux types de
communes est différent. Le maire de la pleine municipalité est élu par le conseil municipal
lui-même élu. Cependant l’administrateur-maire de la moyenne municipalité est nommé par le
pouvoir central, tandis que le conseil municipal lui, est élu. Le point de rapprochement qu’on
pourrait relever dans les deux cas est l’élection des conseillers municipaux.
Pour toute l’Afrique Occidentale Française, le Togo et le Cameroun, la loi du 18 novembre 1955 sus-mentionnée n’ouvrait que quarante quatre (44) communes de plein exercice et soixante dix (70) communes de moyen exercice. La colonie de Côte d’Ivoire ne comptait que
trois (03) communes de plein exercice (11) et quatorze (14) communes de moyen exercice
(12). C’est cette organisation qui a prévalu jusqu’à l’accession de la Côte d’Ivoire à
l’indépendance.
Cependant, elle a été remise en causeloi n° 78-07 du 09 janvier 1978, portantpar l’effet de la institution de communes de plein exercice en Côte d’Ivoire (13).Cette option a été confirmée
par la loi n° 80-1180 du 17 octobre 1980, relative à l’organisation municipale (14). Sous le
régime dela Loi n° 2001-476 du 9 août 2001 d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale, la Côte d’Ivoire comptait cinq types de collectivités territoriales, à savoir : la région, le département, la commune, le district, et la ville.
A l’heure actuelle (15), elle compte deux types de collectivités territoriales. La région et la
commune qui sont présentement les seules collectivités territoriales sont investies d’une
mission de développement dont l’accomplissement nécessite la mobilisation d’importants
moyens financiers générés pardiverses sources (16) dont l’impôt, entendu au sens de
prélèvement fiscal.
Le premier intérêt que revêt cette étude découle de ce qui précède. Il s’agit de faire connaître
les prélèvements fiscaux qui assurent le financement des collectivités territoriales. Aux termes de la loi portant régime financier, fiscal et domanial des collectivités territoriales (17), ces prélèvements sont constitués d’impôts rétrocédés par les pouvoirs publics aux structures
décentralisées et de taxes locales. Les premiers cités sont composés de l’impôt sur le
patrimoine foncier (IPF), de l’impôt foncier sur les exploitations agricoles (IFEA), de la taxe
de voirie, d’hygiène et d’assainissement (TVHA), de la taxe d’habitation (TH), de la taxe
spéciale sur les véhicules à moteur (TSVM), de la contribution des patentes (CP), et de
l’impôt synthétique (IS). Les seconds, en revanche, sont formés des taxes perçues par voie de
rôles (taxe forfaitaire des petits commerçants et artisans, la taxe sur les locaux loués en garni),
4
et des taxes perçues sur titre de recettes qui font l’objet d’une longue liste que nous nous
garderons de dresser.
Ces prélèvements ne sont pas forcément les mêmes d’un Etat à un autre. C’est ainsi que la
situation en France est différente de celle qui se présente en Côte d’Ivoire. Dans cet Etat, les
impôts locaux sont constitués de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), la taxe d’habitation (TH), et la contribution
économique territoriale (CET) qui, depuis 2010 a remplacé la taxe professionnelle (TP). A ces impôts s’ajoutent différentes taxes annexes ou additionnelles telles que les taxes spéciales
d’équipement, et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
En Guinée (Conakry), les prélèvements fiscaux sont constitués de la contribution au
développement local (CDL), de la taxe professionnelle unique (TPU), de la taxe sur les armes
à feu (TAF), de la contribution foncière unique (CFU), de la taxe unique sur les véhicules
(TUV), de la taxe sur les embarcations à moteur (TEM), de la taxe de gestion des gares
routières (TGGR) (18).
Le second intérêt de cette étude est qu’il permet de lever le voile sur l’organisation du pouvoir
fiscal. Il pose en toile de fond, la question du choix, c'est-à-dire de la création des
prélèvements fiscaux. C’est une question importante, en ce sens qu’elle fait intervenir sur le même champ le Parlement et les collectivités territoriales. Il va sans dire, que de toute
évidence, le risque de conflit de compétence existe, et cela ne doit pas être perdu de vue. La
solution généralement retenue pour étouffer le conflit est de procéder à la répartition claire et
nette des compétences entre les deux entités, à savoir le Parlement et les collectivités
territoriales. En Côte d’Ivoire, comment cette répartition est-elle faite ? Autrement dit,
comment le pouvoir fiscal est-il organisé ? Mieux, quels sont les pouvoirs respectifs du
Parlement et des collectivités territoriales dans la création des impôts rétrocédés et des taxes
locales assurant le financement de la décentralisation ?
Bien qu’intervenant dans le choix des prélèvements fiscaux, les deux entités exercent des pouvoirs distincts. Le risque d’une concurrence de pouvoir est donc écarté. Pour ce qui est de
la répartition des compétences, le schéma retenu est que le Parlement intervient en amont pour
créer les impôts et taxes ; tandis que les collectivités territoriales interviennent en aval pour
les instituer (II).
5
I-AU PARLEMENT, LE POUVOIR DE CREER EN AMONT LES PRELEVEMENTS FISCAUX
La création en amont des prélèvements fiscaux est du ressort du Parlement. Pour plus de
précisions sur la question, il convient de relever le fondement de ce pouvoir (A), de préciser
ses limites et sa portée (B).
A-LE FONDEMENT DU POUVOIR DE CREER LES PRELEVEMENTS FISCAUX
Les dispositions qui consacrent le pouvoir de créer les prélèvements fiscaux sont contenues
dans la Constitution et dans la loi.
1-LA CONSTITUTION
Bien avant de faire cas des dispositions constitutionnelles se rapportant au pouvoir du
Parlement de créer les impôts et les taxes, il nous faut au préalable définir la Constitution. A
cet effet, deux définitions retiendront notre attention, une définition matérielle et une
définition formelle.
Au sens matériel, la Constitutionest appréhendée comme l’ensemble des règles juridiques se
rapportant à l’aménagement du pouvoirpolitique c'est-à-dire à sa désignation, à sa composition, à son fonctionnement, et à la détermination des droits et libertés des citoyens au sein de l’Etat.prévaut dans les Etats ayant une ConstitutionCette définition est celle qui coutumière comme la Grande Bretagne. Au sens formel, elle désigne l’ensemble des règles écrites, élaborées et révisées selon une
procédure spéciale. C’est la définition retenue dans les Etats ayant une Constitution écrite.
Ces Etats sont d’ailleurs les plus nombreux, et la Côte d’Ivoire en fait partie.
Plusieurs dispositions de la Constitution ivoirienne du 1er 2000 portent sur l’impôt. On août peut citer par exemple l’article 27 qui pose le principe de l’égalité fiscale en ces termes : «le devoir de s’acquitter de ses obligations fiscales, conformément à la loi, s’impose à tous», l’article 61 qui révèle que «l’Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt». Mais, c’est
l’article 71 qui, de manière précise, confère au Parlement le pouvoir de créer les impôts et les
taxes fiscales aussi bien à l’échiquier national que local. Les termes employés sont assez clairs
à ce sujet : loi fixe les « larègles concernant l’assiette, le taux et les modalités de
6
recouvrement des impositions de toute nature ».déduit aisément de ce qui précède que lesOn
collectivités territoriales sont interdites de créer les impôts et les taxes.
Cette disposition tire son origine de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789, ainsi libellé« tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou
par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »(19).
On note cependant, que le préambule de la Constitution ne vise pas expressément la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 comme c’est le cas pour la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et de la Charte Africaine des Droits
de l’Homme et des peuples de 1981. Ce qui, raisonnablement, donne à penser que cet
instrument ne fait pas partie intégrante de la Constitution dont l’une des composantes est le
préambule.
Toutefois lecture attentive du texte préambulaire, nous dit le Professeur ACKA Félix,« une
laisse entrevoir des références plus expressives au regard de la matière fiscale. En effet, le
préambule de la constitution en ses alinéas 4 et 6, marque son attachement à la légalité constitutionnelle et aux institutions et valeurs démocratiques. Cette double référence permet de percevoir le lien indéniable avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de
1789, dont notamment les articles 13 et 14 sont des textes fondateurs, compléments
indispensables aux dispositions constitutionnelles dans la mesure où ils s’ajoutent aux
principes généraux du droit fiscal à valeur constitutionnelle » En conclusion, bien (20).
qu’implicitement énoncée par la Constitution, il n’en demeure pas moins que la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen y soit intégrée. Elle est intégrée au préambule et
constitue avec l’article 71, les dispositions sur lesquelles repose le pouvoir du Parlement de créer des prélèvements fiscaux. Suivant le principe de la hiérarchie des normes, la loi est tenue de se conformer à la Constitution pour créer les impôts et les taxes.
2-LA LOI
La loi est par définition, une mesure de portée générale et impersonnelle élaborée par le
Parlement et promulguée par le Président de la République. Sans toutefois contredire la
première définition, le Professeur Francis WODIE affirme que« la loi est l’acte qui, émanant
de son auteur (le pouvoir Législatif), porte sur son domaine propre »(21). Les matières qui
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entrent dans ce domaine sont énumérées à l’article 71 de la Constitution. Pour certaines de ces
matières, elle se contente de déterminer les principes fondamentaux (22), tandis que pour
d’autres, elle prend le soin de fixer les règles applicables à des matières bien indiquées tel que
l’impôt (23).
La loi est le véritable fondement du pouvoir reconnu au Parlement de créer l’impôt. Car, c’est
à elle que l’article 71 de la Constitution renvoie la fixation des règles relatives à l’assiette, au
taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature. La création de l’impôt peut se faire par la voie d’une loi ordinaire. Mais, généralement, elle est faite par les soins des
lois de finances qui sont votées chaque année notamment des annexes fiscales qui les
accompagnent.
Exceptionnellement, le pouvoir de créer les prélèvements fiscaux peut échapper au Parlement
pour échoir à l’exécutif. C’est l’hypothèse dans laquelle, le pouvoir exécutif prend une
ordonnance pour créer l’impôt. Juridiquement parlant, l’ordonnance est une mesure prise par
le pouvoir exécutif, notamment le Président de la République, dans le domaine de la loi, après
que le parlement l’ait habilité. En Côte d’Ivoire, les règles applicables à l’ordonnance sont contenues à l’article 75 de la Constitution. Aux termes de cet article, « le Président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblée nationale l’autorisation de prendre par
ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis éventuel du Conseil
constitutionnel. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le
projet de loi de ratification n’est pas déposé devant l’Assemblée nationale avant la date fixée
par la loi d’habilitation.
A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne
peuvent plus être modifiées que par la loi dans leurs dispositions qui sont du domaine de la
loi ». retrouve cette disposition, même si  On dansce n’est pas dans des termes identiques, bon nombre de Constitutions, notamment celles du Burkina Faso (24), et de la Guinée (25). Une lecture attentive des dispositions de l’article 75 de la Constitution ivoirienne, laisse
entrevoir, que l’édiction des ordonnances est soumise à des conditions bien précises.
La première condition est la nécessité d’une loi d’habilitation. En effet, la fonction de la loi
d’habilitation est celle d’accorder au Président de la République, l’autorisation de prendre
pour un temps, des ordonnances, en vue de l’exécution de son programme.
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La deuxième condition indique la procédure à suivre pour l’édiction des ordonnances. Suivant
cette procédure, les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis éventuel du
Conseil constitutionnel. Une fois que cette procédure est respectée, les ordonnances entrent en
vigueur dès leur publication.
La troisième condition est la nécessité de la loi de ratification. A cet effet, il convient de
préciser que le projet de loi de ratification doit être déposé sur le bureau de l’Assemblée
Nationale dans le délai imparti par la loi d’habilitation. Une fois que ces conditions sont réunies, et que l’ordonnance est prise, elle produit des effets, en fonction du délai qui lui est imparti pour son habilitation ou sa ratification.
A propos du délai d’habilitation, il faut distinguer deux moments. Pendant le délai (premier
moment), les ordonnances qui sont publiées entrent automatiquement en vigueur, et de ce fait,
déploient leur effet juridique. Ainsi donc, elles peuvent intervenir dans le domaine législatif et
même modifier les lois formelles. Cependant, elles demeurent des actes administratifs, et sont
par conséquent, justiciables du contentieux de l’annulation (26). A l’expiration de ce délai
(deuxième moment), le Président de la République est désinvesti. A cet instant, il ne peut plus
édicter d’ordonnance, ni même modifier celles qu’il a déjà prises dans le domaine de la loi.
C’est au contraire, le Parlement qui retrouve sa compétence sur les matières déléguées, et
peut y intervenir et même modifier les ordonnances.
A propos du délai de ratification, il faut également distinguer deux hypothèses. La première, est celle dans laquelle le Parlement est saisi du projet de loi de ratification, à l’expiration du
délai fixé par la loi d’habilitation. Dans ce cas, les ordonnances prises par le Président de la
République deviennent caduques. La deuxième, est naturellement, l’hypothèse dans laquelle
le Parlement est saisi du projet de loi de ratification dans le délai indiqué par la loi
d’habilitation. Là encore, trois situations peuvent être envisagées. Si le parlement repousse le
projet de loi de ratification, les ordonnances deviennent caduques. Si le parlement ne se
prononce pas, n’étant pas tenue de statuer dans un délai déterminé, les ordonnances
continuent à s’appliquer avec leur nature d’actes administratifs (27). Si le parlement ratifie les ordonnances, celles-ci acquièrent force de loi et sont de ce fait soustraites à tout contrôle contentieux.
Ces dix dernières années, en raison de la crise militaro-politique qui a secoué la Côte d’Ivoire,
de nombreux budgets ont été mis en vigueur par ordonnance (28). De sorte que, les différentes
mesures de création ou même de modification d’impôts sont contenues dans les annexes
fiscales qui accompagnent ces budgets. Citons à titre illustratif, l’annexe fiscale de
l’ordonnance n° 2007-488 du 31 mai 2007 portant budget de l’Etat pour l’année 2007. C’est à
9
l’article 17 de cette annexe que se trouvait la reforme de l’impôt foncier qui a consacré la
suppression de la contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) et de la contribution
foncière des propriétés non bâties (CFPNB). Et, par voie de conséquent, la création de l’impôt
sur le revenu foncier (IRF) et de l’impôt sur le patrimoine foncier (IPF) (29).
Le fondement juridique du pouvoir réservé au Parlement de créer les prélèvements fiscaux
étant connu, envisageons à présent, l’étude de ses limites et de sa portée.
B-LES LIMITES ET LA PORTEE DU POUVOIR DE CREER LES PRELEVEMENTS  FISCAUX
Conformément à l’intitulé, il importe d’examiner les limites du pouvoir reconnu au Parlement
de créer les prélèvements fiscaux, bien avant l’étude de sa portée.
1-LES LIMITES
Les limites sont entendues comme les insuffisances, les lacunes du pouvoir de créer les prélèvements fiscaux. Ces limites sont de deux ordres. Elles sont d’une part politiques, et d’autre part juridiques.
Les limites politiques sont celles qui se rapportent à la fonction de légiférer du Parlement. Il s’agit des situations qui échappent au Parlement. La première de ces situations est tirée de la Constitution. En effet, aux termes de l’article 72 de la loi fondamentale, le domaine du
pouvoir règlementaire est plus étendu que celui de la loi. Car, ce sont les matières autres que
celles qui sont du domaine de la loi qui relèvent du domaine règlementaire. La deuxième
situation à relever est qu’en dehors des prélèvements fiscaux, la création des prélèvements
non fiscaux telles que les cotisations sociales et les taxes parafiscales échappent au Parlement.
La troisième situation est que dans le cadre de l’UEMOA, certaines mesures prises en matière
fiscale, par les instances communautaires s’imposent au Parlement.
Dans l’ensemble, les limites politiques sont moins pertinentes que les limites juridiques. Ces dernières sont par définition, celles qui ont trait aux textes. Elles sont constituées en l’espèce, des mesures telles que les notes de service, les instructions, les directives, les circulaires, qui sont prises par l’Administration fiscale à l’attention de ses agents pour leur expliquer le sens
des normes fiscaux, dans la perspective de faciliter leur compréhension, et par ricochet leur
application. «Le résultat de ce vaste effort pédagogique, nous disent les professeurs Jacques
GROSCLAUDE et Philippe MARCHESSOU est que l’agent de l’administration va remplacer
l’application de la norme par l’application de la doctrine administrative, en d’autres termes
cette dernière vient s’interposer entre la règle de droit fiscal et son destinataire qu’est le
10
contribuable » C’est en cela que la doctrine administrative est une véritable limite au (30).
pouvoir fiscal du Parlement.
Que l’Administration fiscale interprète les textes fiscaux n’a rien de surprenant. Cela s’inscrit
d’ailleurs dans la logique des choses, étant donné que dans l’organisation du pouvoir fiscal, il
lui revient de préparer les textes fiscaux. Ces derniers sont par la suite transmis au Gouvernement qui, après validation les soumet à l’approbation du Parlement. De ce point de
vue, elle est mieux placée pour expliquer ces textes, surtout que ces derniers sont le plus souvent élaborés en des termes vagues ou hermétiques.
Partant de ce qui précède, les interprétations faites par l’Administration fiscale sont
généralement en harmonie avec la signification réelle des textes. Mais, il peut arriver que
l’interprétation contredise le contenu du texte. Dans une telle situation, le contribuable est
désemparé, ne sachant à quoi à s’en tenir. Lorsque le juge est saisi d’un tel litige, il fait
prévaloir le sens du texte sur celui de la mesure administrative, ce qui est tout à fait logique, et
même conforme à la hiérarchie des normes.
L’autre situation qui pourrait se produire, et qui de ce fait mérite d’être envisagée est l’hypothèse du changement de doctrine. C’est une situation qui se produit lorsque l’Administration revient sur une première interprétation qu’elle a faite d’un texte pour la
changer au profit d’une autre. Elle peut le faire si elle estime que cette interprétation n’était
pas la bonne. En pareille situation, quel est le sort réservé au contribuable de bonne foi qui a
organise sa situation fiscale en s’appuyant sur l’interprétation qui était à l’époque
préalablement admise par l’administration ? La solution généralement retenue par le juge est
de faire prévaloir l’ancienne interprétation sur la nouvelle, même si celle-ci reflète fidèlement
le sens du texte. Cela n’entame en aucune manière la portée du pouvoir de création des
prélèvements fiscaux.
2-LA PORTEE
La portée du pouvoir reconnu au Parlement de créer les impôts et taxes, au détriment des
entités décentralisées est essentiellement politique. Il s’agit de renforcer l’autorité de l’Etat sur
les collectivités territoriales afin d’éviter la désintégration de son unité.
1-LE RENFORCEMENT DE L’AUTORITE DE L’ETAT
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