POUR UNE RÉELLE OUVERTURE À L’ASSURANCE-MALADIE PRIVÉE AU QUÉBEC
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POUR UNE RÉELLE OUVERTURE À L’ASSURANCE-MALADIE PRIVÉE AU QUÉBEC Mémoire soumis à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale dans le cadre de la consultation générale sur le document intitulé « Garantir l’accès : un défi d’équité, d’efficience et de qualité » Valentin Petkantchin, Ph.D., Directeur de la recherche, Institut économique de Montréal Norma Kozhaya, Ph.D., Économiste, Institut économique de Montréal 24 mars 2006 TABLE DES MATIÈRES Résumé ........................................................................................................................................... 3 Introduction ................................................................................................................................... 4 Section 1 : Le financement de la santé par les assurances privées ........................................... 4 1.1. La nécessité d’ouvrir aux assurances privées : l’impasse du financement public ..................................................................................................... 4 1.2. Les expériences internationales en matière d’assurance-maladie privée................ 6 1.3. Quelles assurances privées pour le Québec ? ............................................................. 7 1.4. Les avantages économiques de l’assurance privée..................................................... 8 1.5. Supprimer « l’étanchéité » entre le ...

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  POUR UNE RÉELLE OUVERTURE À L’ASSURANCE-MALADIE PRIVÉE AU QUÉBEC     Mémoire soumis à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale dans le cadre de la consultation générale sur le document intitulé « Garantir l’accès : un défi d’équité, d’efficience et de qualité »
Valentin Petkantchin, Ph.D., Directeur de la recherche, Institut économique de Montréal    Norma Kozhaya, Ph.D., Économiste, Institut économique de Montréal   24 mars 2006  
 
TABLE DES MATIÈRES  Résumé ........................................................................................................................................... 3   Introduction ................................................................................................................................... 4   Section 1 : Le financement de la santé par les assurances privées ........................................... 4  1.1. La nécessité d’ouvrir aux assurances privées : l’impasse du financement public ..................................................................................................... 4  1.2. Les expériences internationales en matière d’assurance-maladie privée ................ 6  1.3. Quelles assurances privées pour le Québec ? ............................................................. 7  1.4. Les avantages économiques de l’assurance privée..................................................... 8  1.5. Supprimer « l’étanchéité » entre le public et le privé pour les prestataires de soins ................................................................................................... 8  1.6. L’émulation du système de santé au Québec par la concurrence .......................... 10  1.7. Un déclin du système public à cause du privé ? ....................................................... 11   Section 2 : Quel cadre réglementaire pour l’assurance-maladie privée ? ............................. 11  2.1. L’assurance comme moyen pour se prémunir contre les risques .......................... 11  2.2. La réglementation des primes d’assurances............................................................. 12  2.3. La réglementation du contenu des polices d’assurances ......................................... 14  2.4. Réglementation de la rémunération des médecins dans le secteur privé............... 16  2.5. Participation financière et traitement fiscal ............................................................. 16   Conclusion.................................................................................................................................... 18   Annexe 1 : Réformes de la santé : jusqu’où peut-on étirer l’élastique ?, Note économique publiée par l’Institut économique de Montréal, avril 2003  Annexe 2 : Sondages d’opinion publique réalisés par Léger Marketing pour le compte de l’Institut économique de Montréal sur la place du privé en santé au Québec et au Canada
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Résumé  Dans ce mémoire – qui reprend en grande partie les conclusions des travaux de lInstitut économique de Montréal dans le domaine de la santé – nous attirons l’attention sur le fait qu’une ouverture complète aux assurances privées aurait été conforme à laLoi canadienne sur la santéet à l’arrêt de la Cour suprême. Une telle évolution ne marquerait pas la fin du régime public comme certains le craignent, mais permettrait au contraire d’augmenter le financement global et la capacité du système de santé à nous soigner mieux et plus rapidement. À cet effet, il faudrait aussi que la nouvelle réglementation des assurances privées ne contredise pas la gestion rationnelle du risque et la notion même d’assurance.   Principales recommandations :   Permettre une ouverture aux assurances privées pour tous les soins médicalement requis et non seulement pour les opérations du genou, de la hanche et de la cataracte.   Ne pas imposer aux assureurs de facturer des primes uniformes.   Lever l’interdiction de la double pratique du personnel médical tout en s’assurant de la préservation des ressources nécessaires pour le bon fonctionnement du système public.   réglementer la rémunération des médecins dans leLe gouvernement ne devrait pas secteur privé, mais laisser les prix et les tarifs se fixer librement entre les prestataires de soins privés et les patients.  
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Introduction  Dans le document de consultation dévoilé le 16 février dernier1, le gouvernement du Québec a choisi de se conformer à une interprétation très restrictive de l’arrêt de la Cour suprême dans la causeChaoulli. Il propose d’instaurer une garantie d’accès pour un certain nombre de traitements et de permettre les assurances privées uniquement pour les chirurgies du genou, de la hanche et des cataractes. Le débat devrait toutefois s’élargir et inclure un modèle que laissait entrevoir la décision de la cour, soit celui d’une assurance duplicative couvrant tous les soins.  En effet, la Cour suprême du Canada a statué que le gouvernement du Québec devra lever la prohibition de souscrire une assurance-maladie privée pour les soins déjà assurés par le régime public. Cet arrêt a notamment invalidé l’article 11 de laLoi sur l’assurance maladie et l’article 15 de laLoi sur l’assurance hospitalisationqui interdisent respectivement la souscription d’assurance privée pour les soins médicalement requis et tout paiement privé pour les soins hospitaliers.  Dans ce mémoire – qui reprend en grande partie les conclusions des travaux de lInstitut économique de Montréal dans le domaine de la sant頖 nous voulons attirer lattention sur la conformité d’une ouverture complète aux assurances privées avec laLoi canadienne sur la santé. Une telle ouverture ne marquerait pas la fin du régime public comme certains le craignent, mais permettrait au contraire d’augmenter le financement global et la capacité du système de santé à nous soigner mieux et plus rapidement (Section 1).  Si le gouvernement décidait, après la période des consultations, d’ouvrir réellement la porte aux assurances privées, faudrait-t-il mette en place une réglementation spécifique encadrant, par exemple, le contenu ou les primes des contrats d’assurance ? Une telle réglementation présente souvent des effets pervers rendant la couverture privée plus dispendieuse et le contrôle des coûts plus difficile (Section 2).   Section 1 : Le financement de la santé par les assurances privées  1.1. La nécessité d’ouvrir aux assurances privées : l’impasse du financement public  Au Québec, plus de 43 % des dépenses de programmes du gouvernement provincial sont consacrées à la santé, en comparaison de quelque 35 % il y a 15 ans2. La demande de soins de santé risque d’augmenter à l’avenir, ne serait-ce qu’avec le vieillissement de la population et la découverte de nouveaux traitements, plus sophistiqués et souvent plus coûteux. Si l’on extrapole l’évolution des dépenses de santé des deux dernières décennies, leur part dans les dépenses provinciales de programme pourrait grimper à 53 % en 20233. Le rapport Ménard                                                  1 Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, « Garantir l’accès : un défi d’équité, d’efficience et de qualité», document de consultation, février 2006. 2 Ministère des Finances du Québec, Budget 2005-2006. Plan budgétaireavril 2005, section 3, p. 20-21., 3 Glenn Brimacombe, Pedro Antunes et Jane McIntyre, The future cost of health care in Canada, 2000 to 2020, Balancing affordability and sustainability, Conference Board of Canada, 2001, p. 18.  4 
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estimait qu’elles pourraient accaparer plus des deux tiers des dépenses du gouvernement en 20304.  Le régime public coûte également de plus en plus cher aux contribuables. Après prise en compte de l’inflation, les dépenses publiques de santé per capita au Canada – et la tendance auQuébec va dans le même sens – ont crû de près de 90 % en30 ans et atteignaient plus de 2 800 $ en 2004 (en dollars courants)5. Malgré cette augmentation, les files d’attente semblent maintenant constituer une caractéristique structurelle du système. Les temps d’attente pour subir un traitement sont passés en moyenne de 7,3 semaines en 1993 à 18,7 semaines en 2004 (voir Figure 1) 6. Donc, malgré l’importance des sommes investies et leur croissance, on remarque – sauf dans quelques cas d’exception – la persistance des délais d’attente.  Figure 1 : Dépenses publiques de santé par habitant et délais d’attente au Canada, 1993-2004  3000 19 17 15 13 11 9 7 5 1993 1999 2004* dépens es publiques par habitant (en dollars cons tants de 200 délai d'attente m édian (en s em aines ) 4)   *Les données pour 2004 sont une estimation.  Source : Institut Fraser, « Waiting your turn. Hospital waiting lists in Canada », 2000, 2004 ; Institut canadien d’information sur la santé, « Tendances des dépenses nationales de santé », 2004, p. 111, disponible à otip=c13ew/bicihc./aicihure./sectp:/ht_wc&F_13_RA=egapw_?csp.jgePaspdi.                                                   4 Voir le Rapport Ménard, intitulé «  la solidarité entre nos générations :Pour sortir de l’impasse», Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, octobre 2005, p. 45, disponible à http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2005/Rapportmenard.pdf. 5 Voir l’étude de l’Institut canadien d’information sur la santé intitulée « Tendances des dépenses nationales de santé », 2004, p. 109-111, disponible à http://secure.cihi.ca/cihiweb/dispPage.jsp?cw_page=AR_31_F&cw_topic=31. 6 Il sagit du temps dattente médian entre le moment où le patient est référé par un généraliste et le début du traitement, toutes spécialités confondues. Voir Nadeem Esmail et Michael Walker, « Waiting your turn. Hospital waiting lists in Canada », 14eédition, Critical Issues Bulletin, Institut Fraser, Vancouver, octobre 2004, p. 33 ; disponible àasp?ore.=pb&sNav50di7=thpt/:w/wwra.frisetinstetu/ac.rahsr/demdae. 5 
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Le financement public se trouve dans une impasse parce qu’il est difficilement envisageable d’augmenter les impôts pour financer davantage la santé alors que le Québec est la province où les citoyens sont le plus lourdement imposés en Amérique du Nord. Dans de telles conditions, il serait pertinent de profiter des ressources financières additionnelles que pourrait amener l’existence d’assurances privées.  1.2. Les expériences internationales en matière d’assurance-maladie privée  L’assurance-maladie privée occupe une place plus ou moins importante dans les pays de l’OCDE et peut remplir des fonctions différentes au sein des systèmes de santé. Il est possible de distinguer cinq catégories, des assurances les plus exhaustives à celles qui n’ont qu’un rôle de substitution ou de complémentarité avec le régime public (voir Encadré 1).  Encadré 1 : Les catégories d’assurance-maladie privée  Primaire principale: Couvre les soins médicaux de personnes qui n’ont pas légalement accès au régime public. Primaire substitutive : Couvre les soins médicaux de personnes qui ont le choix de substituer une assurance privée à la couverture publique. Duplicative: Couvre les soins médicaux de personnes qui continuent à avoir accès au régime public (et qui sont obligées d’y contribuer avec leurs impôts), mais souhaitent être traitées dans un secteur privé parallèle. Complémentaire: Couvre la part à la charge de l’assuré (co-paiements ou co-assurance) dans l’assurance-maladie publique. Supplémentaire: Couvre les extras ou services non assurés par le régime public.  Source : « L’assurance-maladie privée dans les pays de l’OCDE »,L’Observateur de l’OCDE, novembre 2004, disponible àhttp://www.oecd.org/dataoecd/15/41/33915167.pdf.  Dans quelques pays, dont les Pays-Bas, la Belgique et les États-Unis, certaines catégories de la population sont exclues du régime public d’assurance-maladie. Aux Pays-Bas par exemple, c’est le cas pour les personnes qui gagnaient en 2004 plus de 32 600 euros par année, ce qui équivaut à environ 48 000 $CAN. Vingt-huit pour cent (28 %) des Néerlandais détiennent ainsi une assurance primaire principale privée. Le système public – financé par les impôts – sert de filet de sécurité uniquement aux personnes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour prendre à leur propre charge leurs dépenses de santé.  En Autriche et en Allemagne, certaines catégories de personnes sont libres de quitter complètement le régime public et de cesser d’en payer les primes afin de se procurer une assurance primaire substitutive, ce qui équivaut à de l’opting out. Cette option vise par exemple les salariés allemands à hauts revenus (plus de 45 900 euros par année en 2003, soit environ 67 000 $CAN) et les personnes qui travaillent à leur compte. On estime que 9 % de la population allemande souscrit une assurance primaire substitutive privée. Cependant, les assurés privés peuvent toujours aller se faire soigner dans les hôpitaux publics, les dépenses étant couvertes dans ce cas par leur assurance privée et non par l’assurance publique.  
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Quant à l’assurance duplicative, qui permet de se faire soigner dans des hôpitaux privés tout en étant toujours couvert par le régime public, elle n’est illégale dans aucun pays, sauf au Canada dans certaines provinces, dont le Québec. Elle est disponible dans un grand nombre de pays dont la Finlande, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande ou le Royaume-Uni, et peut même attirer une importante partie de la population comme en Australie où près de 45 % des citoyens possèdent une telle assurance7. Dans d’autres pays, l’assurance duplicative reste légale, mais sa place est insignifiante à cause de la concurrence de l’assurance-maladie publique, notamment quand il n’existe pas de files d’attente comme en France.  L’assurance complémentaire est généralement disponible dans des pays comme la France, la Suède, l’Australie et l’Italie où le régime public demande des co-paiements pour certains services médicaux. Ce n’est pas le cas au Canada où les services assurés sont offerts gratuitement en vertu de laLoi canadienne sur la santé. Enfin, l’assurance supplémentaire existe dans tous les pays, y compris au Canada, où elle est bien implantée et couvre les services non assurés, par exemple les médicaments, les soins dentaires, etc. Environ deux Canadiens sur trois possèdent une assurance supplémentaire, souvent dans le cadre de leur emploi.  1.3. Quelles assurances privées pour le Québec ?  Parmi les cinq catégories d’assurances, une seule, l’assurance supplémentaire, est déjà présente au Québec. Il est peu probable que trois autres puissent être offertes, même à la suite de l’arrêt Chaoulli, à cause d’obstacles légaux qui subsistent. Ainsi, la condition d’universalité dans laLoi canadienne sur la santédoit être offerte à tous les résidants desstipule que l’assurance publique provinces et territoires. Par conséquent, les assurances primaires principales qui, dans d’autres pays, couvrent les soins de personnes qui n’ont pas légalement accès au régime public, se trouveraient en contradiction avec la loi fédérale. Cela signifie que l’exemple des États-Unis n’est absolument pas pertinent pour le cas du Québec et du Canada.  Le fait que l’assurance publique doive être offerte à tout le monde ne signifie pas que tous les résidants doivent accepter cette couverture. La loi fédérale pourrait ainsi théoriquement permettre l’existence d’assurances primaires substitutives. Cependant, la loi provinciale oblige toute personne résidant ou séjournant au Québec à s’assurer auprès de la RAMQ8 de façon plus et, importante, à payer les impôts qui la financent sans possibilité d’opting-out, comme en Allemagne.   Des assurances complémentaires ne pourraient pas non plus être vendues : du moment que le service assuré est fourni dans le cadre du régime public, tout paiement – qu’il s’agisse d’une surfacturation par les médecins ou d’un frais d’établissement – se trouve contraire à la loi fédérale. La province fautive se trouverait amputée d’une partie correspondante du transfert fédéral en matière de santé. Les assurances qui risquent d’émerger en bout de ligne seront donc des assurances duplicatives. Ainsi, tout en restant assurées auprès de la RAMQ et tout en ayant accès au réseau public de                                                  7 Voir « L’assurance-maladie privée dans les pays de l’OCDE »,L’Observateur de l’OCDE, novembre 2004, p. 2 ; disponible àhttp://www.oecd.org/dataoecd/15/41/33915167.pdf. 8 Voir art. 9 de la Loi sur l’assurance maladie: « Toute personne qui réside au Québec ou qui séjourne au Québec doit s’inscrire à la Régie conformément au règlement ». 7 
santé, des personnes pourraient payer en plus pour avoir l’option de se faire traiter dans un système privé parallèle, sans que des fonds publics ne soient engagés pour couvrir les soins. De telles assurances pour des traitements dans un secteur privé entièrement parallèle seraient conformes à laLoi canadienne sur la santé9.  1.4. Les avantages économiques de l’assurance privée  Les assurances privées – autres que simplement complémentaires ou supplémentaires – sont un moyen d’augmenter les ressources globales consacrées à la santé, et donc éventuellement de diminuer les files d’attente. La persistance des files d’attente dépend aussi d’autres facteurs liés à des questions de productivité, de réactivité et d’adaptation du système public, etc. Mais une étude de l’OCDE confirme que généralement, plus importantes sont les ressources (publiques et privées), moins on observe de files d’attente10.  Le secteur de santé privé – que les assurances privées financeront – peut servir de «soupape de sécurité » et prendre le relais quand le système public fait défaut et quand les files d’attente sont trop longues. Il est même envisageable que la RAMQ ait un recours additionnel à ce secteur de santé privé québécois en y référant des patients au lieu de les envoyer, comme elle le fait parfois, aux États-Unis11. L’existence d’un secteur privé de soins est ainsi susceptible de bénéficier non seulement aux assurés privés, mais aussi à la RAMQ et aux assurés publics. C’est ce que font par ailleurs déjà la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) au Québec et ses équivalents dans les autres provinces, qui sont exemptées de laLoi canadienne sur la santé. Pour éviter que les prestations déboursées n’atteignent des sommes importantes pendant que les accidentés attendent une opération, le législateur considère qu’il est primordial qu’ils soient traités et retournent au travail le plus rapidement possible. Mais si le secteur privé est bénéfique pour ces organismes publics, pourquoi ne le serait-il pas pour les citoyens ordinaires ?  Selon les économistes de l’OCDE « dans les pays où elle joue un rôle prépondérant, l’assurance maladie privée a injecté des ressources dans les systèmes de santé, élargi le choix offert aux consommateurs et rendu ces systèmes plus réactifs »12.  1.5. Supprimer « l’étanchéité » entre le public et le privé pour les prestataires de soins  Les tenants du monopole de l’assurance-maladie publique soutiennent que l’assurance privée menace le régime public. Ils invoquent plusieurs arguments, dont le principal est que l’émergence d’un système privé parallèle n’amènerait pas de nouvelles ressources dans le secteur de la santé.                                                  9 Voir à ce sujet l’Annexe 1 ci-jointe intitulée « Réformes de la santé : jusqu’où peut-on étirer l’élastique ? », Note économique publiée par l’Institut économique de Montréal, avril 2003. 10 Luigi Siciliani et Jeremy Hurst, « Explaining Waiting Times Variations for Elective Surgery across  OECD Countries » OECD Health Working Papers, No. 7 (2003), disponible à http://www.oecd.org/dataoecd/31/10/17256025.pdf. 11 Du moment que la RAMQ paie la totalité des frais, cela reste conforme à laLoi canadienne sur la santé. 12 Francesca Colombo et Nicole Tapay, « Private Health Insurance in OECD Countries: The Benefits and Costs of Individuals and Health Systems », OECD Health Working Papers, No. 15 (2004), p. 5 ; disponible à http://www.oecd.org/dataoecd/34/56/33698043.pdf. 8 
Ce que le privé gagnerait, le public le perdrait. Telle semble être aussi l’approche du gouvernement dans son document de consultation : afin de limiter la fuite des ressources du système public, il maintient l’étanchéité entre les deux systèmes et interdit aux médecins de pratiquer à la fois dans le système public et dans le système privé.  Une telle proposition ignore deux aspects importants.  D’une part, la capacité et la productivité du système peuvent être augmentées par l’ajout d’équipements (IRM, scanners, échographes, etc.) et par la construction de nouveaux hôpitaux ou cliniques (donc plus de lits, plus de salles d’opération, etc.). Toutes ces ressources sont disponibles sur le marché à court terme si des fonds additionnels permettent de les obtenir. L’ouverture au privé dans ce cas correspond indiscutablement à une augmentation nette des ressources en question sans aucune perte pour le système public. Un nouveau scanner ou un lit de plus dans le privé n’enlève rien au nombre de scanners ou de lits à la disposition des patients dans le système public.  D’autre part, contrairement à une opinion largement répandue, il est aussi possible d’augmenter dans un délai rapproché les capacités du système sur le plan de la main-d’œuvre. Dans l’immédiat, une reconnaissance plus facile des diplômes étrangers permettrait par exemple d’augmenter rapidement le nombre de professionnels de la santé exerçant au Québec. Mais on pourrait surtout permettre au personnel médical existant, largement sous-utilisé à cause de plafonds salariaux et de quotas, de travailler plus, que ce soit dans le système public (si des budgets supplémentaires sont votés) ou dans le système privé en parallèle. Un médecin est présentement incité d’arrêter de soigner dès qu’il les a atteints, même si des patients continuent à souffrir sur des listes d’attente.  Contrairement à la proposition du gouvernement de maintenir l’étanchéité entre le secteur public et le secteur privé, il faudrait au contraire lever les obstacles qui empêchentde factoles médecins participants au régime public de pouvoir se faire payer dans le privé pour des services assurés13. Un tel changement permettrait d’atteindre une disponibilité des médecins semblable à celle des autres pays de l’OCDE.  En effet, très rares sont les pays de l’OCDE qui empêchent la double pratique (au Luxembourg et en Italie elle est interdite dans certains cas, mais il y a toujours la possibilité de faire des consultations privées hors hôpitaux). La très grande majorité des pays de l’OCDE tels l’Australie, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, la Suède ou le Royaume-Uni ont des assurances privées duplicatives et autorisent la double pratique des médecins bien que cette pratique puisse parfois être réglementée. On impose par exemple des restrictions aux médecins ; on peut exiger d’eux d’accomplir un certain nombre d’actes dans le système public avant de pouvoir pratiquer au privé ou de ne pas dépasser un plafond de revenu gagné dans le système privé. C’est le cas au Royaume-Uni, où les spécialistes ont un plafond de revenus du secteur privé correspondant à 10 % de leurs revenus totaux, alors que pour les autres médecins, il n’y a pas vraiment de restrictions sauf le respect de leur contrat avec le NHS et l’exigence de ne pas utiliser le personnel ou le matériel du secteur public pour leurs consultations privées.                                                   13 Il faut ainsi réviser lart. 22 de la Loi sur l’assurance maladie. 9 
Permettre aux médecins de pratiquer dans les deux systèmes pourrait être une façon d’augmenter dans l’immédiat les ressources disponibles sans affecter le budget public de la santé et sans risquer de perdre des médecins. Le gouvernement peut évidemment exiger, comme ailleurs dans le monde, que les médecins fournissent un nombre donné de services ou effectuent un minimum d’actes médicaux dans le secteur public avant de pouvoir pratiquer dans le privé. Mais, en dehors de leurs contrats avec la RAMQ, les médecins devraient pouvoir disposer de leur temps disponible pour soigner dans le secteur privé au lieu d’être obligésde facto prendre des de vacances. Les médecins y gagneraient sur le plan de la flexibilité du travail et la possibilité de revenus supplémentaires. Ainsi, un plus grand nombre de personnes pourrait être soigné sans que cela n’affecte le budget de l’État.  De plus, comme au Québec les médecins ont la rémunération moyenne parmi les plus faibles des provinces canadiennes, les gains plus élevés qu’ils pourraient avoir grâce au secteur privé permettront d’attirer et de garder davantage de personnel médical au Québec.  Dans le cas où les médecins peuvent pratiquer dans les deux systèmes, la pression sur le secteur public est beaucoup moins forte car le secteur privé constituera pour un grand nombre d’entre eux un simple supplément de revenu. En revanche, ce n’est que dans le cas où les deux secteurs sont séparés, que ce que l’un – par exemple le secteur privé – gagne, l’autre le perd.  Si le gouvernement du Québec continue à isoler le système public du système privé, en empêchant les médecins de pratiquer dans les deux, il risque de perdre des médecins et il ne pourra probablement pas simplement les remplacer par une levée des plafonds de ceux qui restent. Les patients risquent aussi de perdre ; on peut penser par exemple à un patient qui n’a pas d’assurance privée et dont le médecin de famille ou le spécialiste qui le traite pour une maladie quelconque se désengage du régime public, et qui devra par conséquent se chercher un autre médecin affilié à la RAMQ.  Le gouvernement du Québec devrait réellement considérer de lever l’interdiction législative sur la double pratique d’autant plus que l’Alberta l’a déjà proposé dans son propre document de 14 consultation .  1.6. L’émulation du système de santé au Québec par la concurrence  Il est possible que la concurrence entre le système privé et le système public oblige ce dernier à offrir de meilleures rémunérations et de meilleures conditions de travail au personnel médical pour pouvoir le garder. Au lieu d’être un problème, une telle situation de concurrence ne tardera pas à attirer de nouvelles ressources humaines. Elles arriveront sur le marché québécois dans quelques années si on élimine les quotas dans les facultés de médecine ou même immédiatement via l’immigration ou le retour de personnel médical qualifié des autres provinces, des États-Unis ou d’ailleurs. Par exemple, environ 800 infirmières québécoises travaillaient en Suisse en 200315.                                                   14Health Policy Framework, février 2006, page 15, disponible à http://www.health.gov.ab.ca/healthrenewal/policy_framework.pdf 15 Voir Isabelle Paré, « McGill repêche des infirmières québécoises... en Suisse »,Le Devoir, 10 novembre 2003. 10 
1.7. Un déclin du système public à cause du privé ?  Un autre argument des partisans du monopole public est que l’existence d’une alternative privée mènerait nécessairement à un dépérissement du secteur public. Cette thèse est toutefois contredite par la réalité. Les dépenses publiques per capita sont ainsi plus élevées en Allemagne, où il existe un secteur privé parallèle, qu’au Canada, où il est interdit. De même, on constate que les dépenses publiques de santé ont continué à augmenter dans les autres pays où un secteur privé parallèle s’est développé (Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni)16.  Mais si le gouvernement décide d’ouvrir réellement la porte aux assurances privées, ne faudra-t-il pas qu’il mette en place une réglementation stricte de leurs activités en matière de contenu des contrats d’assurance ou des primes ?   Section 2 : Quel cadre réglementaire pour l’assurance-maladie privée ?  2.1. L’assurance comme moyen pour se prémunir contre les risques  Il est pertinent de se rappeler en quoi consiste une assurance. S’assurer consiste à se couvrir, moyennant le versement d’une prime, contre des événements imprévus entraînant des pertes financières considérables. Sur la base de prédictions concernant la probabilité de réalisation d’un événement donné, les assureurs émettent des polices dont les primes compensent suffisamment pour les déboursés attendus. On met ainsi en commun les risques encourus par un groupe d’individus.  L’assurance permet de transférer des ressources dans le temps, c’est-à-dire des périodes où les assurés sont en santé et paient des primes à celles où ils sont malades et reçoivent des indemnisations, ainsi qu’entre les assurés qui sont malades et ceux qui restent en santé. Ces derniers aussi auront bénéficié de la couverture : ils auront acheté la tranquillité d’esprit.  Les individus peuvent avoir des préférences différentes selon des caractéristiques propres à chacun : l’aversion individuelle au risque, l’âge, le métier, le statut familial, l’état de santé actuel ou attendu selon les antécédents familiaux, etc. Les compagnies d’assurance devraient donc pouvoir offrir aux différents demandeurs les polices d’assurance qui leur conviennent le mieux.  Des objectifs réglementaires qui contredisent la logique fondamentale des assurances auront nécessairement des effets pervers. Il est par exemple important de comprendre que l’objectif est de se couvrir contre unrisqueet non contre une certitude. De la même façon qu’un chauffeur ne peut s’assurer contre un accident de voiture après que celui-ci soit survenu, on ne peut logiquement s’attendre à ce qu’une personne déjà atteinte d’une maladie puisse souscrire une assurance pour défrayer le coût des soins.  
                                                 16 Carolyn Huges Tuohy, Colleen M. Flood, et Mark Stabile, « How Does Private Finance Affect Public Health Care Systems? Marshaling the Evidence from OECD Nations »,Journal of Health Politics, Policy and Law, vol. 29, no 3 (juin 2004), p. 386 et passim. 11 
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