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Description

Courte nouvelle non finie mais néanmoins poétique.
Après un accident de voiture, un jeune garçon se retrouve dans un autre univers, qui lui semble à la fois merveilleux et hostile.

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Publié le 18 décembre 2014
Nombre de lectures 9
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

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J’ouvris les yeux sur un monde brumeux. Je regardai mes mains, palpai mon corps, et semblai entier. Je contemplais le paysage blanc autour de moi. Que s’était-il passé ? Deux noms me revinrent en mémoire.
Où était Antoine ?
Qui était Damien ?
Et moi, pourquoi étais je, quel était mon but ici ?
Je me perdis quelques instants dans ces élans existentiels, puis mon attention fut attirée par un étrange oiseau bleu et j’oubliais tout.
__ Suis-je en train de rêver ? demandais-je à l’oiseau.
__ On ne se questionne jamais sur ce que l’on vit dans les rêves, répliqua t-il en s’ébrouant les plumes sur mon épaule.
__ Je suis mort alors, fis je sans angoisse, délivré de ce poids.
L’oiseau me lança un regard que seuls les volatils peuvent vous adresser. Une pupille noire et amusée, vaguement mesquine, de celui qui prendra plaisir à vous réveiller en piaillant à six heures du matin.
__ Comment pourrais tu vivre, si tu étais mort ? lança t-il avec autant de sagesse que de dérision.
__ L’énergie résiduelle de mon esprit a sans aucun doute créée un univers onirique où je dépense mes dernières bouffées vitales, m’exaltais-je alors que mon cerveau s’échauffait. En réalité je suis bel et bien mort, allongé sur l’asphalte, la poitrine fracassée par le pare-choc d’une voiture, mais mon esprit étire le temps pour me laisser vivre encore quelques secondes qui me paraitront une éternité.
__ Quelles bêtises il ne faut pas entendre tout de même, railla l’oiseau avant de s’envoler.
Je le suivis du regard. Il y avait un homme là bas. Etait ce l’un de mes deux mystérieux compagnons ? L’homme était assis sur une chaise d’osier et portait un tablier gris. Il était massif, avec de grandes mains et des doigts agiles, et presque chauve. Il avait un air doux, calme et apaisé. A sa gauche et à sa droite se trouvaient deux trous étranges. Ses doigts s’agitaient dans le vide et je ne compris pas ce qu’il faisait.
__ Que faites-vous ? demandais-je enfin en osant déranger le monsieur.
__ Je tisse des nuages, répondit-il d’un ton tranquille.
J’en demeurais coi d’étonnement et vaguement méfiant.
__ Des nuages ? répétais-je. Mais comment pouvez-vous tisser des nuages ?
Il se pencha sur le coté droit et plongea sa grande main dans le bassin brumeux qui se trouvait à ses pieds. Il n’en ressorti que du vide et pourtant, il se mit à le manipuler avec ses doigts experts. Et peu à peu, une forme naquit, comme un mouton de coton translucide.
__ Je prends des rêves dans la tête des gens la nuit, expliqua t-il alors tout en travaillant. Et puis je les tricote comme ceci. Il n’y a pas de meilleure matière que les rêves. Ils sont à la fois malléables et exquis, plus légers que l’air et insaisissables. Pourtant on les contemple, émerveillé.
Je ne savais pas si je devais m’en indigner, en être horrifié ou au contraire fasciné. Je cédais pour ce dernier.
__ Vous volez les rêves aux gens ? hésitais-je tout de même. Serait ce pour ça qu’on ne se souvient plus de nos rêves parfois, au matin venu ?
__ C’est exact, acquiesça gravement le tisseur de nuages. Une fois rêvés, ils ne servent plus, n’est ce pas ? Alors autant les prendre et en égayer le ciel.
__ Parfois les nuages sont noirs et ils crachent de la foudre, fis-je remarquer.
__ Je prends aussi leurs cauchemars aux gens, pour les en débarrasser et qu’ils se réveillent la conscience tranquille, avoua l’homme. Les nuages que je tisse à partir de cauchemars sont nécessairement tourmentés.
Il saisit deux bouts de la masse flottante devant lui et les allongea d’un geste souple. Il contempla son œuvre un instant avec attention, puis la saisit et la lâcha délicatement dans le trou qui était à sa gauche.
__ Voila un beau nuage pour les couchers de soleil en fin de journée, dit-il avec satisfaction et fierté.
Je jetais un coup d’œil dans le trou. J’y vis un paysage étalé comme une carte. Etais-je mort et au paradis pour ainsi survoler les vivants ? Je laissais l’artiste à ses créations, et parti à la recherche d’autres êtres – quels qu’ils soient.
J’errais encore dans le monde brumeux. Etrangement, la trame inconsistante dont cet environnement était fait semblait prendre contenance. Le sol craquait sous mes pas. Je me baissais pour regarder sur quoi je marchais exactement. Ça ne ressemblait à rien de connu. J’en pris une pincée dans ma paume. C’était léger et un peu chaud. Ça brillait comme des joyaux. Et cela reflétait différentes couleurs, du rouge, de l’orange, du bleu. De petites mosaïques incandescentes grandes comme des grains de sable.
Je me relevais. Des gens, là bas, en prélevaient des pelletées qu’ils mettaient dans une brouette. Que les gens avaient des occupations bizarres ici. Je leur fis un signe tout en approchant pour leur demander ce qu’ils faisaient.
Ils se figèrent en plein mouvement en me voyant. Leur teint devint presque translucide. Et puis ils hurlèrent, firent voler leurs pelles et s’enfuirent d’une manière plutôt pathétique. Ils levaient très haut les jambes et sautillaient sur la pointe des pieds, comme s’ils ne voulaient pas toucher le sol. Ils cherchaient à écraser le moins de ces petites étoiles possible, compris-je.
Après l’homme qui tissait des nuages pour les mettre dans le ciel, étais je tombé sur les récolteurs d’étoiles ? Les dispersaient ils par poignée dans les ciels nocturnes ? Etais-je arrivé chez les constructeurs d’univers ? Mais qu’était donc cet endroit fabuleux ?
Je pris une poignée d’étoiles que je rangeais dans ma poche. Elles réchauffaient agréablement ma cuisse. Je ressenti un picotement soudain.
Je reculais brusquement avec un petit cri de surprise.
Des éclairs zébraient l’air, à quelques mètres de moi. Des éclairs violets qui sortaient de nulle part car il n’y avait pas de nuages, et qui se solidifiaient une fois touché le sol. Ils claquaient dans l’atmosphère à chaque impact. Quand il y en eu une centaine, tout s’arrêta.
Je me redressais. Je n’avais pas peur. Après tout, n’étais je pas déjà mort ?
La surface des éclairs figés ondula. La couleur s’altéra. Ils prirent des teintes d’or, d’or fondu. On aurait dit une véritable cascade d’or descendue tout droit du ciel. Un visage se dessina sur cette structure fantastique.
Un visage qui n’avait pas l’air amical du tout.
__ Qu’est ce que tu fais là, misérable rêvéaliste ? cracha t-il avec mépris.
Je butais sur le dernier mot, qui semblait être une insulte. Rêvéaliste ? Un mélange de rêve et de réaliste ? Que voulait il dire par là ?
__ Qui êtes vous et où suis-je ?
__ Impertinent ! Osailleux ! Portunible ! s’offusqua le visage d’or liquide qui semblait si ulcéré qu’il en perdait ses mots. Je suis le Grand Architect de l’Univers Réel, l’Ariéelchivers. Et ceci est un chantier de construction.
__ Vous construisez le réel ? Pourtant, tout ceci ressemble à un rêve.
__ C’est toi le rêve ! s’insurgea l’Ariéelchivers. Toi et les deux autres qui rêvent, vous perturbez la construction de cet univers, vous en modifiez les plans, mais qui vous a permis une telle sirmutude ? Pasbalbash ! Quel outrage ! Je ne sais pas comment vous vous êtes frauduleusement introduit ici mais veuillez en sortir immédiatement ! Parachife !
__ Mais je n’ignore également comment nous y sommes rentrés. Et je ne sais comment sortir. Vous savez où se trouvent mes amis ? S’il vous plait, aidez moi à les retrouver et à nous ramener chez nous.
__ Il ne manquerait plus que ça ! C’est que j’ai un emploi du temps précis à respecter ! Ah ! Mais cessez donc de rêver ! Comme c’est agacirgupant ! Ah ! Les deux autres parasites rêvent encore ! Ils introduisent des éléments non désirables dans le chantier de l’univers. Vous ne me laissez pas le choix ! J’appelle la sécurité !
__ Non ! Attendez !
Je tentai de le retenir mais sa figure éclata et m’éclaboussa de sirop ambré. Je fus tout collant. Le rêve dans lequel je nageais tranquillement semblait venir de se briser en morceaux gluants. Je
regardai avec désespoir autour de moi. Comment prévenir les autres du danger qui les guettait ? Ils finiraient malheureusement par le savoir bien assez tôt…
Je me résolus à quitter au plus vite cet endroit avant que les agents de la sécurité ne me rattrapent. Qui sait ce qu’ils pourraient bien me faire ? L’étrange bonhomme n’avait pas précisé s’il voulait nous emprisonner, nous mettre dehors (mais où ?), nous torturer pour la peine ou bien nous tuer. Il n’avait en tout cas pas l’air de vouloir nous récompenser. Nous troublions son précieux chantier après tout.
Il fallait me faire discret dans mes fréquentations désormais, mais alors que je rencontrais un homme assit entre deux tas de gravats, l’un incolore, l’autre diversement gris, je ne pus m’empêcher de le héler.
__ Êtes vous un agent de la sécurité ? demandais-je ainsi qu’il me parut être la plus élémentaire des précautions.
__ Non, je suis un artiste, répondit simplement l’homme en se saisissant d’un gravats incolore et d’une tablette de peinture grise.
__ Et que faites vous ?
__ Cela ne se voit pas ? demanda l’homme en m’agitant son pinceau sous le nez. Je peins des pierres.
Joignant le geste à la parole, il colora soigneusement le gravats auparavant incolore, et une fois satisfait de son effet grisâtre, le jeta dans la pile à sa droite, pour se saisir d’un autre caillou sans couleurs à sa gauche. Il participait manifestement à la construction de l’univers, bien que son travail me semblât extrêmement fastidieux, eu égard au nombre impressionnant de cailloux que peut bien contenir un monde entier.
__ Vous êtes tout de même un employé de l’Ariéelchivers alors ?
__ C’est exact. Et toi tu es un intrus qui pose beaucoup de questions.
__ Je suis désolé, me lamentais je, mais je suis perdu et je ne sais pas où se trouvent mes amis, tout ce que je sais c’est que d’après l’Ariéelchivers ils rêvent et perturbent la construction de l’univers. Je n’ai pas l’impression, moi, de perturber quoi que se soit.
__ Tu me déranges, moi, répliqua le peintre avec bonne humeur. C’est que tes amis se trouvent probablement dans la zone non construite de l’univers, sensible aux inventions nouvelles. Cela les rend capable de rêver et de transformer le monde à leur envie. Toi par contre, tu es au cœur du chantier, ton esprit n’a pas beaucoup de prise, si ce n’est aucune.
Alors qu’il rejetait une nouvelle pierre peinte comme si elle ne l’intéressait plus, je me demandai si je rencontrerai un jour la personne qui faisait ces cailloux avant que celle-ci ne les peigna.
__ Je dois prévenir mes amis, repris-je après cet instant de réflexion, l’Ariéelchivers a envoyé ses agents de sécurité contre eux, ils sont en danger.
__ Tu ne devrais pas t’en faire, me rassura l’homme tout en peignant. Ils s’en sortiront. Toi en revanche, tu es désarmé. Tu ne peux pas t’aider de ton imagination pour combattre. D’un autre coté,
tu n’es pas aussi agaçant pour le Grand Architecte, que tes amis qui refont l’univers à leur façon. Même si moi, tu m’agace beaucoup.
Toujours dit comme une bonne blague, pas un seul soupçon du même mépris dont avait fait œuvre l’architecte dans sa voix.
__ S’il vous plait, comment rejoindre mes amis ?
Le peintre releva la tête et me désigna l’horizon par delà ses deux tas de rochers.
__ Vois là bas, l’océan. Tu devras le traverser pour rejoindre la zone non construite de l’univers où se trouvent probablement tes amis. Tu n’auras qu’à demander au rouleur de vagues de te construire un bateau.
Je le remerciais chaleureusement, heureux qu’une bonne âme me sauve du désarroi. Avant de partir, je me retournais pour lui rendre la pareille.
__ Pourquoi toujours peindre vos cailloux en gris ? Pourquoi pas cobalt ou indigo ? Pensez-y !
L’homme regarda ses pierres avec stupéfaction, comme si cela ne lui était jamais venu à l’esprit, puis sa palette de couleurs monochrome d’un air réfléchi. Je le quittais là, sans m’attarder. Je descendis une colline dont je m’aperçu qu’elle était faite de pierres grises. Plus loin, je me retournais pour la contempler. C’était une bosse immense au sommet de laquelle se tenaient deux pyramides de pierre, entre lesquelles une petite silhouette peignait avec acharnement. La colline n’était ni plus ni moins que tout ce qu’il avait déjà peint jusqu’à présent ! Des millions de cailloux !
Impressionné, j’arrivais à la plage. Je pris du sable dans mes mains, en éprouvant immédiatement du respect pour l’homme qui les avaient taillés, petites merveilles si minuscules, et pour celui qui les avait consciencieusement peints. Mais il y avait deux autres hommes devant moi.
Le premier n’avait pas l’allure aussi tranquille que le peintre et le tisseur de nuage. Il avait la mine patibulaire, une grosse figure boursouflée, pleine de cicatrices, mal rasé, l’ai revêche, et ses bras étaient énormes, son dos vouté le faisait ressemblé à un gorille.
Le second était bien gros de corps et avait les joues gonflées comme des fruits murs. Elles étaient d’ailleurs si roses qu’on aurait bien, par un excès d’appétit, eu envie de mordre dedans à pleines dents. Ses doigts étaient fins et agiles cependant, et sa jovialité franche donnait le sourire.
__ Bonjour, messieurs, les apostrophais je. L’un de vous est il le rouleur de vagues ?
__ C’est bien moi, gronda le premier homme en me retournant un regard pas vraiment mauvais, mais méfiant de rascal. Que me veux-tu, petit rêvéaliste ?
__ J’aimerais vous demander une faveur. Celle de me construire une petite embarcation afin que je puisse rejoindre mes amis qui se trouveraient de l’autre coté de l’océan.
__ Et pourquoi donc, répliqua l’autre, ferais je une chose pareillement ?
__ Oh ! s’exclama alors le deuxième homme. Mais c’est tellement romanesque ! Je pourrais peut être en tirer quelques poèmes.
Et il se mit à déclamer une poésie, mais bien particulière puisque ce qui sortait de sa bouche était du vent. Des salves de mots à air comprimé bien jolies, et quand il eut fini, j’applaudis pour m’en faire un allié. Il s’inclina modestement, tout content.
__ Je suis le chanteur de vent, se présenta t-il. Je déclame des poésies en vers éoliens pour faire bruisser les feuilles des arbres, aplanir agréablement les déserts et bouger les nuages. Mon confrère le rouleur de vagues va bien évidemment agréer à votre requête, et j’écrirais dans l’air quelques vers pour vous porter jusqu’à votre destination. N’est ce pas, dit-il en se tournant vers le premier homme, que tu le feras ?
L’autre bougonna tout seul et se dirigea finalement vers la mer. Et quelle mer ! Je ne le remarquais que maintenant mais elle était bien étrange. Comment la décrire ? Comment décrire cette étendue d’eau immense, comment décrire l’écume qui balaie la plage et les vagues qui tranchent l’océan ? Car ce n’était pas une mer commune. Elle était totalement différente.
__ Qu’à cette eau ? demandais je au poète.
__ C’est un océan d’eau sous sa quatrième forme : le plasma. Il y a des océans liquides, des océans de glace, et du gaz en atmosphère. Cet océan ci est en plasma. Mais ne t’inquiètes pas, on peut y naviguer comme n’importe où ailleurs, avec la bonne embarcation.
L’homme pataugeait désormais les pieds dans l’eau plasmique. Il plongea ses grandes main dans l’eau et poussa sur le coté. Poussa encore. Il roulait l’eau comme s’il ne s’était agit que d’un vulgaire tapis. Cela prit finalement l’aspect d’une sorte de vague, indescriptible. Imaginez donc un navire fait d’eau tourbillonnante d’écume et vous arriverez peut être à ce résultat.
J’eu la surprise de pouvoir marcher dessus. Le sol était à la fois mou et liquide mais supportait mon poids son problème. Le poète tout à sa joie, déclama quelques mots et je quittais la plage. C’est ainsi que, voguant avec un navire de vagues aux voiles de vers éoliens sur une mer d’eau plasmique, je partis rejoindre mes compagnons.
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