Le roi Minotaure
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Le roi Minotaure

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Description

Le roi minotaure Lors d’un coup d’état orchestré contre lui, le roi Rêveur se retrouve enfermé par ses opposants dans un labyrinthe situé dans une branche parallèle, à l’espace-temps modifié. Il doit compter sur sa femme la reine et son fidèle capitaine pour le sortir de là et reconquérir son trône. Et tout ne s’annonce pas aussi facile qu’il ne l’avait prévu. PRISONNIER DU LABYRINTHE … dansaient les flammes. Il les voyait bien, ces volutes qui se trémoussaient en griaillant, levaient vers le Soleil, leur maitre divin, leurs tentacules de braises. Mais lui, il appartenait à une cité d’ombres, à la Nuit mère. Il était un rêveur, et pas n’importe lequel. Il était le Roi Rêveur. Alors, flammes dévoreuses, était ce là toute la limite à votre puissance ? __ Sire, l’endroit n’est pas sûr, intervint le capitaine de sa garde, nous devrions nous presser. Le roi Rêveur regarda les feuillages alentour. C’était précisément pour cette raison qu’il s’y était arrêté. Il savait qu’ils l’y attendaient. C’était un chemin de terre qui traversait les bois recouvrant la moitié de l’enceinte de la cité. Mais à quoi servait cette enceinte quand l’ennemi se trouvait déjà entre ses murs ? Il sorti son épée deux secondes avant qu’ils ne surgissent, lames en avant. Ils étaient une dizaine, et il les connaissait tous. Il n’y avait pas de haine sur leurs visages, simplement de la détermination et pour certain de l’amusement. Le capitaine Elthalion réagit immédiatement.

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Publié le 18 décembre 2014
Nombre de lectures 5
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Le roi minotaure
Lors d’un coup d’état orchestré contre lui, le roi Rêveur se retrouve enfermé par ses opposants dans un labyrinthe situé dans une branche parallèle, à l’espace-temps modifié. Il doit compter sur sa femme la reine et son fidèle capitaine pour le sortir de là et reconquérir son trône. Et tout ne s’annonce pas aussi facile qu’il ne l’avait prévu.
PRISONNIER DU LABYRINTHE
… dansaient les flammes. Il les voyait bien, ces volutes qui se trémoussaient en griaillant, levaient vers le Soleil, leur maitre divin, leurs tentacules de braises. Mais lui, il appartenait à une cité d’ombres, à la Nuit mère. Il était un rêveur, et pas n’importe lequel. Il était le Roi Rêveur. Alors, flammes dévoreuses, était ce là toute la limite à votre puissance ?
__ Sire, l’endroit n’est pas sûr, intervint le capitaine de sa garde, nous devrions nous presser.
Le roi Rêveur regarda les feuillages alentour. C’était précisément pour cette raison qu’il s’y était arrêté. Il savait qu’ils l’y attendaient. C’était un chemin de terre qui traversait les bois recouvrant la moitié de l’enceinte de la cité. Mais à quoi servait cette enceinte quand l’ennemi se trouvait déjà entre ses murs ?
Il sorti son épée deux secondes avant qu’ils ne surgissent, lames en avant. Ils étaient une dizaine, et il les connaissait tous. Il n’y avait pas de haine sur leurs visages, simplement de la détermination et pour certain de l’amusement. Le capitaine Elthalion réagit immédiatement.
__ Pour le Roi ! cria t-il en levant son épée au ciel.
Les cinq autres membres de sa garde dégainèrent leurs armes et se lancèrent au combat. Aussitôt, le roi Rêveur se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Il porta un coup en pointe sur un adversaire sans que sa lame ne pénètre son cuir. Le même désagrément se produisait pour ses hommes.
__ Scabreux inventifs ! rugit-il.
L’homme en face de lui sourit. Ils avaient émoussé leurs armes. Ils n’auraient même pas pu couper du beurre, tout juste l’écraser ou attendre qu’il fonde. Ils s’étaient mis à deux contre lui. Il parait les coups sans mal mais rageait de ne pouvoir répliquer autrement qu’en leur collant quelques bleus.
Ils bataillaient dans la bruyère et les mauvaises herbes. Le tout semblait assez pathétique. Eux ne pouvaient pas blesser ou tuer leurs adversaires, qui de leur coté ne semblaient pas leur vouloir spécialement de mal. Ils riaient, disparaissaient, courraient à travers les hautes herbes comme si c’était un jeu.
Mais il n’était pas le roi Rêveur pour rien. Il profita qu’ils s’égaillaient sans raison pour concentrer la puissance de son imaginaire sur son épée et briser la vision qu’ils en avaient conçu d’elle : un bout de métal sans fil. Immédiatement, ils semblèrent redevenir sérieux. Ils se stoppèrent net, devinrent immobiles, froncèrent les sourcils de mécontentement. Ils essayaient de contrer son intrusion dans leur schéma onirique.
Le capitaine Elthalion en profita pour prendre son épée à deux mains et asséner un grand coup sur la tête du rebelle le plus proche. L’homme s’écroula mollement, assommé.
Brave garçon, pensa le roi Rêveur sans y prêter davantage attention.
Un imaginaire contre douze. Ils étaient jeunes et leur esprit était particulièrement fertile et créatif. Mais lui avait eu quarante ans pour développer son esprit. Il brisa leur pensée collective et imposa la sienne à son arme. Elle devint plus tranchante qu’un rasoir.
Alors leurs adversaires reculèrent avec peur, firent d’abord quelques pas, puis s’enfuirent franchement.
__ Allez y, hurla t-il pour encourager ses troupes. Poursuivez les, taillez les en pièces !
Il s’élança en premier vers la masse impressionnante qui se dressait devant eux, par delà les bois. Une véritable montagne noire en ce début de matinée, un amas de tourelles et d’échauguettes, de remparts et de passerelles, de donjons et de terrasses. Qui grillait doucement, ravagé par le feu haineux. Son château.
Il y avait trois jeux d’enceintes avant de parvenir à la cour principale qui bordait le château en lui-même. Toutes les portes et herses étaient grandes ouvertes. Des cadavres jonchaient le sol, certains même plus humains. Lorsque l’imagination d’un individu prenait le dessus sur celle d’un autre, des choses terribles pouvaient arriver à ce dernier. Cela dépendait du bon vouloir du premier.
Les sans-uniformes – rebelles - se battaient contre les uniformes bleus, les loyalistes. C’était la pensée collective qui avait imposé cette distinction vestimentaire. D’un commun accord, les fidèles au roi s’étaient imaginés bleus, tandis que les rebelles se concevaient sans affiliation précise, et demeuraient généralement gris. On savait ainsi sur qui taper.
Lorsque deux gris s’interposèrent, le roi Rêveur les trancha promptement de part en part. Personne ne se mettait en travers de son chemin. Il défonça d’un coup de pied rageur ce qui restait de la porte en bois donnant sur le hall d’entrée du château, suivis de près par le capitaine Elthalion, les cinq membres de sa garde et une vingtaine de soldats récupérés ci et là. Six hommes qui se trouvaient dans le hall plein de morts se joignirent à eux.
Fort de cette petite troupe, le roi marcha d’un pas décidé à travers les salles de granit. Jusqu’à la grande salle centrale, tapissée de marbre rouge veiné de blanc. De forme rectangulaire, elle faisait cent vingt mètres de long pour quatre vingt de large. Elle coupait quatre étages, son plafond étant le plus haut du bâtiment. Il y avait à chaque étage des allées de fines arcades, des colonnes torsadées aux motifs floraux, qui permettaient aux gens de voir ce qui se passait en bas.
Aux balcons, des gens apeurés contemplaient la scène comme s’il s’agissait d’une simple pièce de théâtre. Au rez-de-chaussée, tout ce qui restait des frondeurs. Tous des nobles ou des soldats à leur solde. Une vingtaine en tout. Ce qui restait de l’armée royale – guère plus – s’aligna devant eux. Un homme chauve au regard dur, la lame et les vêtements poisseux de sang, se détacha du groupe rebelle.
__ Nous sommes parvenu à une espèce de statu quo, il semblerait, dit il d’un ton qui se voulait détaché mais demeurait nerveux. Il serait peut être temps de parler de…
__ Pas de discussion ! gronda le roi Rêveur qui fit deux pas et le décapita d’un geste brusque. Vibrateurs demeurés, rendez vous ou c’est la mort !
Un vent d’hésitation souffla parmi les frondeurs. Ils se questionnèrent du regard sur la marche à suivre. Cinq hommes serrèrent la poignée de leur épée et se dressèrent contre le roi coléreux. Celui-ci ne perdit pas de temps à attendre qu’ils se positionnent et l’encerclent, il fondit sur le premier et lui ouvrit le ventre, planta son épée dans le crâne d’un deuxième avant qu’il n’ait pu pousser un juron, la lame broyant le nez et ressortant de l’autre coté au dessus de la nuque. Il abattit sa lame sur la tête d’un troisième, l’éclatant comme un fruit trop mûr, et descendit les deux restants tout aussi facilement.
Sa rapidité et sa force ne leur avaient laissé aucune chance. Il s’était voulu ainsi, supporté par l’imaginaire de ses hommes qui le voyaient triomphant. Les rebelles eux avaient douté trop longtemps et perdu la cohésion de leur pensée collective, les rendant vulnérables aux assauts inventifs.
Comprenant que pour eux, tout était désormais joué, ils se rendirent, espérant ainsi trouver la clémence du roi. Ils furent attachés et rassemblés au centre du dallage de marbre, entourés de gardiens attentifs. Le roi envoya des hommes s’enquérir de la situation dans le reste du château. L’un d’eux revint bien vite, le visage blême.
__ Sire, il semblerait qu’un groupe s’insurgé dirigé par le seigneur Krishnen ait capturé votre fils le prince héritier. Nous ignorons où ils se trouvent.
Ravagé par la colère, le roi Rêveur dirigea son courroux vers les prisonniers. Il planta son regard dans chacun d’eux afin qu’ils y lisent l’étendu des sévices qu’il pouvait leur infliger.
__ Si vous ne voulez pas mourir, alors dites moi où se trouve mon fils et ce qu’ils comptent faire de lui.
Aussitôt, trois hommes lui livrèrent trois versions presque différentes.
__ Il a été emmené dans les labyrinthes pour retrouver la dame de l’Imaginaire Maevra, dit le premier.
__ Le seigneur Krishnen pense qu’il lui ouvrira l’accès aux portes du Réel, et comptait pour cela traverser le labyrinthe d’Oratia, expliqua le deuxième.
__ Il fallait le perdre dans l’un des labyrinthes pour vous affaiblir, lâcha le troisième.
Comme aucun autre ne se décidait à prendre la parole et à lui avouer la vérité, il ordonna qu’ils fussent tous tués, sauf les trois qui avaient parlé et qui seraient laissés aux bons soins des tortureurs. Les lames glissèrent dans les corps, les cris de protestation et d’horreur retentirent, le sang s’écoula en un vaste océan, que le marbre glouton buvait avidement.
__ Quelle barbarie, Majesté, commenta un homme qui venait d’entrer, accompagné de sept autres.
Le roi Rêveur le foudroya du regard.
__ Herennui ! Où est passé ton griseux acolyte ? Où est mon fils ?
__ Rejoignez le donc, répliqua le seigneur Herennui d’un ton suave.
Et cette pensée s’imposa au roi Rêveur. Il n’avait qu’une envie, c’était de retrouver son fils de huit ans, d’être avec lui, de le rassurer, le protéger. Il mobilisa la puissance de son imaginaire pour remodeler la réalité à ce but.
__ Maintenant ! cria Herennui aux sept autres hommes.
Le roi Rêveur fut frappé par une vague onirique. Huit esprits s’étaient braqués sur lui. L’air vibrait tout autour. Il n’eu même pas le temps d’agir. La puissance de son imaginaire servit de catalyseur. Ils
se servirent de son propre pouvoir pour le retourner contre lui. Ils étaient eux-mêmes de très grands inventifs. En duel, il aurait pu les surpasser, les uns après les autres. Ensemble, ils avaient le dessus.
Il repensa aux corps inhumains qui parsemaient le champ de bataille. Il repensa à son fils, amené dans un des labyrinthes qui formaient le sous sol infini du château.
__ Très bonne idée, Majesté ! ricana Herennui.
Le sol se déforma et des murs se dessinèrent dans l’air hachuré.
__ Et merde, fut tout ce que pu lâcher le roi Rêveur, d’une façon certes peu majestueuse.
Un dédale de pierre s’éleva et l’emprisonna.
Dans la pièce de marbre se trouvait désormais un caisson de pierre. Il resta un moment là, comme si le temps s’était figé, puis il fut avalé dans le sol. La salle redevint de marbre. Sortant de leur torpeur, les soldats bondirent sur les huit rebelles. En sous-nombre, et épuisés par leur exploit, ceux-ci furent rapidement massacrés. Seul Herennui allongea trois gardes avant de parvenir à fuir.
Le capitaine Elthalion le poursuivit.
FIDÈLES ET FÉLONS
… en arriver là ? Le royaume paisible soudain plongé dans une effroyable guerre civile. Que reprochaient ils au roi ? Il avait beau malaxer toutes les informations dont il disposait dans sa tête, tous les rapports des dernières années, tous les intérêts en présence, il ne comprenait pas. Herennui était un intriguant, mais de là à tenter d’assassiner le roi ?
Non, se dit il alors qu’il courrait à sa suite.Justement, il y a bien quelque chose d’anormal. Dès le début de l’embuscade ils ne semblaient pas vouloir tuer le roi. Et ils n’ont pas utilisé leur imaginaire pour le vaincre, seulement l’emprisonner. Qu’est ce que ça signifie ? Quelque chose m’échappe.
Et Krishnen ? Il était loyal au roi. Le capitaine Elthalion avait du mal à croire qu’il ait pu enlever le prince et l’emmener dans les labyrinthes. Pour quelle raison encore ? Les labyrinthes étaient des constructions oniriques mystérieuses, qui renfermaient milles mystères et dangers. Lequel intéressait Krishnen ? Quel savoir, quelle puissance cherchait il à acquérir ?
Je poserais la question à Herennui quand je tiendrais ma lame sur sa gorge.
Le bougre courait vite ! Il avait encore des hommes à lui dans la citée dévastée. Elthalion utilisa la puissance de son propre imaginaire pour accélérer. Il faisait de vrais bonds à chaque pas, un mètre, deux mètres, personne ne pouvait l’arrêter, il filait aussi vite que le vent qui lui cinglait la figure. Herennui jeta un regard derrière lui. Avisant Elthalion qui le rattrapait, une lueur de terreur fit vibrer ses yeux.
Ils étaient arrivés aux limites de la cité intérieure. Les portes étaient encore contrôlées par les rebelles. Herennui se précipita de l’autre coté et aboya leur fermeture. Une imposante herse s’interposa juste à temps, entre Elthalion et lui. Exténué, le seigneur félon reprit son souffle adossé aux remparts.
Elthalion échangea quelques passes avec les deux soldats qui avaient fermé la herse. Il tua le premier et d’un coup de poing assomma le second. Il ramassa sa lance et la soupesa. Son regard furax croisa celui horrifié de Herennui. Le traitre s’éloigna du mur, fit quelques pas en arrière. Elthalion prit son élan. Herennui fit volte face et commença à courir. Elthalion banda ses muscles et envoya la lance à travers la grille. Elle déchira l’omoplate gauche de Herennui qui s’écroula par terre en hurlant.
Quatre soldats royalistes fatigués arrivèrent à ce moment là.
__ Ouvrez la herse, leur ordonna t-il.
Herennui gigotait sur le sol, tentait de se relever avec une lance de deux mètres qui lui traversait le corps. La douleur était trop forte et il était trop épuisé pour parvenir à utiliser l’imaginaire. Il regarda Elthalion s’approcher en serrant les dents.
__ Herennui, dit il en pointant sa lame sous son menton. Vous vous êtes rendu coupable de la pire des félonies. Dites moi pourquoi.
__ Le roi Rêveur est un produit du passé, ricana Herennui avant de cracher du sang, le poumon perforé par la lance. Il ne saurait tarder à tomber. Je – Nous nous sommes contentés de faire place nette.
__ Où Krishnen a-t-il emmené le prince ?
Herennui fronça les sourcils, la mine peu amène.
__ Krishnen a toujours eu ses propres motivations, répondit il d’un ton sombre. Je pense qu’il ne nous a rejoint que dans le seul but d’atteindre les labyrinthes. Ce qu’il veut y faire et pourquoi a-t-il besoin du prince héritier ? Comme otage sans doute, je n’en sais pas plus. Mais il est évident qu’il menait un double jeu. Avec ses hommes nous vous aurions vaincu. S’il était resté avec nous…
Il toussa, se courba en deux, agrippa sa poitrine, vomit des caillots rouges. Il était évident qu’il n’en avait plus pour longtemps.
__ Vous ne seriez pas allés plus loin avec lui, dit Elthalion en regardant au loin. Et d’un coup d’épée il acheva le félon à l’agonie.
Des combats s’étaient engagés à la première porte de l’enceinte qui protégeait les faubourgs de la ville. Des villageois qui avaient cru les choses calmées étaient sortis et courraient maintenant vers la ville haute pour y trouver refuge. La terre tremblait et des rugissements retentissaient. Une armée était en marche. Elthalion avança, flanqué de deux soldats, à sa rencontre.
A sa droite se trouvait la longue allée dallée parsemée de petites ziggourats de pierre qui menait au Temple de l’Ordre Labyrinthique. Le complexe religieux était aussi imposant que la ville haute, et le temple lui-même aussi gros que le château. Il y avait ainsi deux villes : la cité civile et la cité religieuse, séparées par la forêt où avait eu lieu l’embuscade, le tout encerclé par une première enceinte. Les faubourgs avaient grandis le long de la route qui reliait ces deux villes.
Ses habitants se rendirent compte qu’il n’était peut être pas sûr de rejoindre la ville haute, qui risquait d’être encore la proie des combats. Alors ils bifurquèrent au croisement et remontèrent le chemin jusqu’au temple, aux murs ocres imposants. Les colonnes d’or du bâtiment central se voyaient même d’ici. Le long de la route s’étaient postés les gardes blancs du temple. L’Ordre Labyrinthique avait sa propre armée, des fanatiques qui passaient leur vie dès leur plus jeune âge à s’entrainer aux arts de la guerre et du combat, et à la méditation religieuse, pour servir et protéger l’Ordre.
L’Ordre n’avait pas bougé d’un pouce lorsque les armées rebelles avaient assiégé la ville trois jours plus tôt. Les rebelles avaient d’ailleurs pris garde de ne pas s’approcher du Temple. Les soldats de l’Ordre s’étaient contentés de regarder d’un air détaché les combats qui se déroulaient juste sous leur nez, sans agir.
Et là encore, ils ne faisaient rien. Ils accueillaient les fuyards dans le silence, veillaient seulement à ce que ceux-ci ne troublent pas le repos des moines et la méditation des guerriers. Elthalion s’en méfiait. A cette heure de trahisons, de complots, de plans, de double-jeu, à quel camp appartenait l’Ordre ? Profiteraient ils du chaos pour prendre le pouvoir et imposer leur doctrine divine ? Ou rejoindraient ils leurs adversaires ?
Ou bien demeureraient ils passifs, comme toujours ?
Elthalion fit face à l’armée qui déferlait devant lui. Leurs armures étaient noires, leurs manches et pantalons blancs. Un cavalier plus imposant que les autres s’en détacha, escorté par six autres chevaliers montés. Il reconnut le seigneur Thélor, que la reine était partie cherchée à la faveur de la première nuit de siège, dans l’espoir de prendre les rebelles à revers. Avait-il tenu parole ? Se souvenait il de son serment de fidélité ou bien avait il prit la reine en otage et venait il réclamer le trône ?
Le capitaine de la garde royale serra son épée et se tint prêt à tout. Le seigneur Thélor arrêta son cheval noir à quelques mètres de lui et lui envoya un franc sourire.
__ Eh bien, capitaine ! s’exclama t-il à la vue du corps empalé de Herennui. Quel beau travail d’artiste que voila !
Et d’éclater de rire comme d’une bonne blague.
__ Dois je comprendre que vous ne nous avez pas attendu pour mâter la sédition ? reprit il toujours aussi jovial.
__ Vous me pardonnerez de ce manque de courtoisie, répliqua Elthalion légèrement acide que ce manque d’à propos agaçait. Les rebelles ont effectivement tous été exterminés. Presque tous.
Le seigneur Thélor fit un signe à ses hommes derrière lui.
__ Qu’on apporte un cheval au capitaine de la garde royale, ordonna t-il avant de se tourner vers l’intéressé. Nous allons en parler en chemin voulez vous, sinon nous allons écoper vous et moi d’un torticolis, l’un à regarder en bas, l’autre en haut !
Elthalion grimpa souplement sur le cheval blanc qu’on lui présentait. Ils se mirent en marche, suivit par l’armée dont les rangs se reformaient en ordre d’apparats. Elthalion résuma les évènements des derniers jours et dernières heures. Le seigneur Thélor écouta avec une gravité de plus en plus marquée. Son visage avait perdu toute sa jovialité lorsqu’il entendit la fin.
__ Nous pouvons toujours espérer que ce vibreur de Krishnen se soit perdu dans les labyrinthes, commenta t-il, il aurait emporté le prince avec lui ce qui serait cependant embêtant. Quant au roi, il y a toujours un moyen de libérer une personne prisonnière d’un labyrinthe. Nous mettrons en place des équipes d’exploration et de secours aussi rapidement que possible. Il y en aura bien une qui triomphera des périls du labyrinthe et nous ramènera notre roi sain et sauf.
__ C’est ce que nous pouvons espérer en effet, fit Elthalion toujours aussi méfiant.
Il y avait une lueur apparue dans le regard de Thélor lorsqu’il lui avait appris que le roi était prisonnier et le prince porté disparu, qui ne lui avait pas plu. D’autant qu’il avait pu de lui-même constater que les effectifs de la garde royale étaient massacrés. Ils étaient tout au plus une centaine, sur les six milles qui protégeaient à l’origine la ville. Quant aux quatorze milles hommes du guet et de la milice civile recrutés dans le feu de l’action, ils avaient eux aussi soufferts des combats, et leur allégeance était des plus discutables. La plupart allaient déserter, retrouver leur famille, ou bien suivraient le plus offrant.
L’équation selon Elthalion, était simple. Le roi était prisonnier, l’unique prince héritier disparu, la reine voyageait au cœur du convoi qui suivait, et l’unique armée de poids si l’on exceptait l’Ordre aux desseins obscurs, était celle de Thélor. Ce dernier avait tous les pouvoirs au creux des mains. Et il était assez intelligent pour le savoir.
Pour l’instant il ne ferait rien. Il s’assurerait le soutien d’un maximum de seigneurs, que ses positions dans la ville soient sûres. Il prétexterait la recherche du prince pour s’assurer que celui-ci ne reviendrait jamais, et abandonnerait le roi à sa prison quadridimensionnelle. Quant à la reine il y avait de fortes chances qu’il la force à l’épouser pour renforcer sa légitimité sur le trône usurpé.
Et lui, Elthalion, le capitaine de la garde royale, soit il jurait allégeance à un usurpateur, soit il se condamnerait à mort.
L’armée défilait dans la rue principale de la ville haute, qui reliait l’enceinte externe au château. La population terrifiée depuis ces derniers jours sortait enfin de ses maisons barricadées. Soulagée que tout se finisse bien et que le calme revienne, elle hurlait sa joie. Elle accueillait victorieuse une armée qui ne s’était même pas battue.
Le château dressait devant eux sa silhouette éclairée par les premiers feux du jour. Les incendies avaient été maitrisés. Des carcasses noircies, squelettes de tours, pointaient leurs poutres calcinées vers le ciel, accusatrices.
A l’avant de l’armée, deux hommes franchirent les premières portes du château. Chacun réfléchissait à son avenir. Les yeux de l’un brillaient, ceux de l’autre s’éteignaient.
LA RELATIVITÉ DE LA MORT
… la rongeait. Comment tout son univers avait il pu s’effondrer aussi rapidement ? N’était ce pas en réalité un mauvais rêve, un cauchemar des anciens temps ? Tous ces gens qui les acclamaient, on aurait dit un jour de fête. Si on oubliait les cadavres et les ruines. Et ce château qui jamais ne lui avait apparu aussi gigantesque. Ses tours étaient très hautes, rapprochées les unes des autres, tels des enfants qui se blottiraient ensemble pour combattre le froid. Les toits étaient terriblement pointus, des lames d’acier s’apprêtant à transpercer le ciel. Tous les bâtiments donnaient cette impression de compression. Les fenêtres n’étaient guère que des meurtrières, hautes mais étroites, de même que les portes.
De l’extérieur, le château ne semblait pas du tout accueillant. L’intérieur prodiguait un relatif confort. Mais elle n’était pas sûre de vouloir y retourner. Plus maintenant. L’appréhension la taraudait. Elle écarta les rideaux de sa litière pour regarder une à une les meurtrières, à la recherche d’un retour amical. Elles lui semblèrent toutes vides et froides.
On lui ouvrit la porte et elle descendit. Le seigneur Thélor et le capitaine Elthalion s’entretenaient à l’avant avec des soldats. Des hommes un peu partout déblayaient les décombres et évacuaient les corps – faisant peu de distinction des morts et des blessés. Ce n’était pas un lieu pour une dame.
Elle repoussa ses servantes qui ne demandaient qu’à lui faire plaisir. Elles voulaient l’emmener dans ses appartements. Mais elle redoutait le château qui lui apparaissait comme un piège à loup titanesque à destination de quelque dieu qui commettrait l’erreur d’y mettre les pieds. Ces tours dentelées et piquantes ne formaient elles pas comme des crocs ? Un monstre la gueule ouverte sur le ciel, le corps enterré profondément dans le sol. Les labyrinthes n’étaient alors rien d’autre que les tortueux boyaux de son estomac.
Un monstre avide qui venait de dévorer son fils et son époux.
La reine ne voulait pas y retourner. Pas encore. Elle avait la force d’affronter tous les périls qui se mettraient sur son chemin, comme elle avait vaincu seule l’escadre que les rebelles avaient lancé pour l’empêcher de prévenir le seigneur Thélor de ce qui se tramait dans la capitale. Mais il lui fallait encore un peu de temps pour accuser le choc. Se remettre de ces émotions qu’elle dissimulait aux autres si bien, apparaissant aussi digne qu’une reine se devait de l’être.
C’est alors qu’elle senti une présence. Elle fit volte face et se retrouva devant son mari, son amour. Une barbe grisonnante lui mangeait les joues. Le pauvre avait eu autre chose à faire ces derniers jours que de se raser. Ses cheveux bruns lui coulaient sur le front et la nuque, poisseux de sueur et de sang. Il ne semblait pas blessé mais était visiblement fatigué. Elle reconnut cependant dans ses yeux la puissance de sa détermination, et dans son sourire l’étendue de l’amour qu’il lui portait.
Elle voulut le toucher, mais il le lui refusa d’un geste.
__ Je ne suis pas vraiment là, mon amour, dit il d’une voix chaude.
Elle comprit immédiatement.
__ Ainsi, Elthalion disait vrai, tu es retenu prisonnier d’un labyrinthe, fit elle avant de jeter des regards aux alentours. Mais les autres…
__ N’ait crainte, l’apaisa le roi, ils ne peuvent pas me voir. Je n’apparait qu’à ceux auquel je le permets. Mon enveloppe physique est prisonnière du labyrinthe mais j’ai mobilisé assez de puissance
pour en faire sortir mon esprit. Malheureusement c’est là tout ce que je peux faire. Je n’ai pas réussit à agir sur le réel.
__ Ce n’est pas grave, nous te ferons sortir de cette prison.
__ Sans nul doute, en convint le roi d’un ton assuré. Si les gens te voient parler toute seule dans le vide ils vont te croire folle. Je vais passer dire un mot à Elthalion puis nous nous retrouverons dans tes appartements. A plus tard, ma douce, mon cœur restera toujours prisonnier de ton âme.
Le capitaine de la garde royale avait pris ses distances avec le seigneur Thélor. Il semblait bougon. Quelque chose le tourmentait. Craignait il autant qu’elle de pénétrer dans cette demeure maléfique peuplée de fantômes ? Elle se sentait rassurée néanmoins, de savoir qu’elle pouvait compter sur son mari. Ils le libèreraient et sauveraient leur fils des griffes de Krishnen. Que le minotaure les protège, elle espérait que cet infâme n’avait pas touché à un seul cheveux de son enfant.
Elthalion se mit à fixer le vide d’un air ahuri, puis se composa une expression neutre et hocha doucement la tête. Son regard croisa celui de la reine. Il la rejoignit.
__ Ma Dame, permettez moi de vous escorter jusqu’à vos appartements.
__ Faites, capitaine, ce périple m’a terrassé.
Si les corps avaient disparu, on n’avait pas encore réussi à nettoyer le sol et les murs de toutes les tâches de sang. La reine fit comme si elle ne remarquait rien. Arrivés dans ses appartements qui jouxtaient ceux du roi, elle congédia sa suite, ne gardant que le loyal capitaine.
Elle le détailla à la dérobée, de haut en bas.
Était-il vraiment loyal ? A quel point pouvait-on lui faire confiance ? Son époux avait été victime d’une embuscade et emprisonné dans un labyrinthe, et à chaque fois le capitaine était présent. Il n’avait rien fait pour empêcher ces évènements de se produire. Et tous les rebelles étaient morts. Quelle commodité. Elthalion n’avait il pas lui-même pourchassé Herennui pour s’assurer de son silence ?
Le roi lui faisait confiance, mais les hommes faisaient parfois preuve d’un aveuglement consternant. Elle par exemple, ne doutait pas une seule seconde que le seigneur Thélor allait profiter de la situation pour prendre le pouvoir. Quel camp allait rejoindre Elthalion ? Qui était son véritable maitre ?
Son mari leur apparut à nouveau. Elthalion se redressa immédiatement, au garde à vous. Elle s’assit sur le rebord de son lit, las.
__ J’ai parcouru tout le château, en vain, annonça le roi. Je n’ai trouvé nulle part de trace de notre fils bien aimé. Et malheureusement les labyrinthes exercent une pression qui m’empêche d’en approcher. Je peux en sortir mentalement, mais ni les aborder de trop près, ni pénétrer à l’intérieur, je suis confiné aux quatre murs qui me servent de tombeau.
__ Je vais mettre sur pieds des équipes et nous fouillerons tous les labyrinthes de fond en comble s’il le faut, s’exclama tout de suite Elthalion
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