Les Mondes Effondrés
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Description

« Dans la pénombre froide d'un univers triste, nous avons donné naissance mes sœurs et moi à un monde que nous avons façonné avec notre rage, nos larmes, et notre amour. Au travers de mes yeux, de ces lignes d'encre et de cellulose, j'ai choisi de vous conter cette histoire. Ensuite et seulement ensuite, il vous appartiendra de décider s'il s'agit ici de d'un journal intime, d'un testament, ou d'un dernier chant d'amour. » Mila « Il n'y a de recette pour le bonheur que celle que l'on invente soi-même. »

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Publié le 22 février 2015
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Les Mondes Effondrés
Le dernier chant d’amour de la petite Déesse.
Loris.S.Curci 2009 Les Mondes Effondrés
Elle est belle, fière et stoïque face à moi, jamais n’inclinant le regard, toujours prête à bondir. Dans cette lourde atmosphère chargée des embruns de nos corps meurtris et des espoirs de la foule qui nous regarde, je ne cesse de penser à l’issue de ce combat. Il est la résultante de toute notre histoire, la fin d’une époque, l’avènement d’une nouvelle ère. Par delà l’étendue de terre calcinée par nos sortilèges respectifs et notre interminable bataille, au milieu d’une minuscule zone d’herbe verte encore immaculée, sur ses petites jambes de gamine de huit ans, enfouie dans sa robe bleue délavée, aussi vieille que sa haine, se tient ma fille, Maylis. Elle représente toute ma vie, tout son paradoxe, une petite enfant sale, rongée par la colère, écrasée par le poids de sa rancœur, mais vaincue par les soubresauts d’amour qui animent encore son vieux cœur endolori. Elle est l’incarnation même de tous mes péchés, de toutes mes faiblesses, l’expression de mes échecs et de ma vanité, analogue à ce si douloureux miroir dans lequel je perçois, le monstre que je suis. Je ne vais pas vous raconter une histoire drôle, ni même d’amour, je laisse le soin aux écrivains mortels de narrer des aventures épiques, des histoires de passion sans fin et je leur laisse aussi le privilège du happy end. Mon récit n’a rien de tel, il n’est qu’une succession d’atrocités habilement cachées sous la tendre fourrure de la naïveté et de la candeur. Je suis une édifiante meurtrière subtilement dissimulée par l’apparence d’une femme douce et maternelle, grâce à une alchimie complexe, établie entre manipulation et mensonge, entre pouvoir et sulfure. Un récit à l’image de Maylis, toute la haine du monde et de notre histoire bouillonnante et hurlante, à peine retenue par l’enveloppe pâle et fluette que forme son corps maladif. Pour comprendre et suivre ces mémoires, il faudra vous affranchir de certaines choses, il vous faudra accepter, même si la raison vous intime le contraire, que vous êtes les pions d’un échiquier, dont je suis la seule joueuse, la seule reine. Sur la partie que nous jouons, il n’y a ni notion de temps ni notion d’espace, ce qui pour vous est acquis, pour moi est révolu depuis des temps, où il n’était pas encore décidé si vos lointains ancêtres seraient, vos lointains ancêtres. Il vous faudra comprendre que je suis à la fois la preuve, et le mensonge, votre mère à tous, tout autant que l’inflexible puissance qui décide quand votre heure est venue et qui, depuis la nuit des temps, vient vous chercher avec ponctualité. J’ignore si vous lirez ces lignes, si d’aventure ces quelques grammes d’encre et de cellulose se retrouveront entre vos mains. La plupart penseront qu’il s’agit encore d’un de ces auteurs illuminés qui ont autant d’imagination que d’espoir et qui transcrivent les deux, pour mettre à plat leur peurs. Sans doute le papier a-t-il un pouvoir d’exorcisme, moi j’y cherche la rédemption, et à défaut le pardon. Si je raconte ma vie ici c’est pour mieux en justifier la fin, car elle touche à sa fin, c’est avec la certitude de perdre que je me bats aujourd’hui, avec l’envie inéluctable de partir, et de ne jamais revenir, de ne laisser rien, ni dans les mémoires, ni dans les cœurs, j’ai tellement honte de ce que je suis, honte de ce que j’ai fait, honte de ce que je suis devenue. Car je ne mérite que la poussière et l’oubli, ma place est dans le néant, là où ni les miroirs ni le regard des autres, ne pourront me rappeler que je suis une Déesse, de celles qui ont créé l’univers et la vie, et qui n’ont de cesse de se servir de leur œuvre, comme des enfants de leur jouets. Immature, capricieuse, et trop gâtée, j’ai fait de ce qui aurait dû être un paradis, un enfer, il est temps pour moi de pousser du bout des doigts le roi, et d’abandonner la partie. D’aucun diront que pour une déesse je suis bien humaine, c’est sans doute la chance que j’ai eue, celle qui me permet de comprendre, qui me permet de partir, celle qui m’a rendue faible. Dans quelques secondes, sous le regard de tous ceux qui m’aiment, et sous celui de ma fille, nous allons poursuivre le combat, ensuite à son issue, nous disparaitrons, toutes les deux. A ceux qui habitent avec passion et amour mon cœur, je leur ai dit que je reviendrais, que c’était un plan pour la survie du monde établie par une mère et sa fille, j’ai nourri leur espoir, non pas pour générer plus de chagrin, non, mais pour ne pas les obliger à me regarder partir, pour ne pas entendre leurs appels désespérés et leur cri d’amour, pour ne pas me confondre dans leur yeux emplis des larmes de leur tristesse tout autant que de leur frustration. Car oui, ils ne peuvent rien faire, ils n’en ont ni la force ni les pouvoirs. Mais avant de vous raconter la fin, laissez moi vous dire comment tout a commencé. Comment je suis devenue ce monstre que je déteste et que le reste du monde aime jusqu’à l’affliction.
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Les mondes effondrés. Le dernier chant d’amour de la petite déesse.
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Chapitre I La fillette qui donne naissance aux galaxies.
Il va être difficile de vous raconter ma naissance, car nous sommes inexorablement dépendants aujourd’hui, d’un système de langage et de définition extrêmement normalisé. Alors je vais essayer de me faire comprendre sans trop d’idées abstraites. Il m’est impossible de vous dire à quand remonte ma naissance, la seule véritable notion de temps en ma possession est la même que la vôtre, celle du monde, environ 30000 ans. Mais ce sont bien des milliards et des milliards d’années qui se sont écoulées entre ma naissance et celle du votre planète. Laissez moi vous parler de la première image que j’ai vue, Toraéru, ma mère, ma sœur, mon chez moi. Lorsque l’entité flamboyante que j’étais fut douée de la vue et de la conscience de son existence, je pu admirer devant moi, flottant dans le néant, la chose qui aujourd’hui encore, est la plus belle qu’il m’ait été permis de voir. Comprenez, elle avait l’apparence d’une enfant humaine, petite, la tête ronde et adorable, couverte d’une magnifique chevelure blonde, pourvue d’une frange suivant la courbe de son front. Son visage doté de somptueux yeux bleus vraisemblablement capable de percer tous les mystères, de voir au-delà des choses, jouissait d’une peau satinée et merveilleusement bien bronzée. Sa petite bouche presque aussi invisible que son nez et ses gracieuses joues, faisaient d’elle, la représentation parfaite d’une douce et précieuse poupée. Elle portait de bien étrange vêtement, dans des tons rouge et blanc, recouvrant seulement quelques rares parties de son petit corps halé. Dans ses cheveux, un petit serre tête muni de deux grandes bandes de tissu rouge imitait les oreilles d’un lapin. Sachez qu’à ce moment là, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être un lapin, et encore moins un enfant, ce qui se tenait devant moi fut immédiatement défini comme premier et unique standard d’apparence. Plus étrange encore, était ce que je pouvais ressentir, compte-tenu du fait que les émotions ne portaient pas encore leur nom et n’avait ni définition, ni existence logique. Pour faire simple cette chose était la seule base sur laquelle je pouvais me reposer, le bien-fondé de mon état d’entité vivante, et pour elle, j’étais sa deuxième création réussie, sa sœur jumelle. A ses cotés se tenait souriante, une autre personne d’apparence enfantine que, ce qui devait être un genre d’instinct, établissait comme mon autre sœur jumelle, la cadette, Cistée. -Sois la bienvenue Mila ! C’est ce que dit la blonde, avec une voix qui pouvait semble t’il, traverser les âges, les idées et les hommes, tant elle paraissait tout transcender, tant elle imposait, d’elle-même le plus profond des respects. Mila… c’est ainsi que je m’appelais, c’était le nom qu’elles avaient choisi ensemble, et c’était surtout ma première véritable propriété. Avant même d’avoir conscience de l’existence de mon corps, de mes rêves et de toutes les émotions qui suivraient, j’avais conscience d’être quelque chose de vaguement floue, vaincue par une violente faim à l’égard de je ne sais quoi, et dont la légitimité était réelle de par la présence d’un nom : Mila. Il fut dés lors et pour longtemps mon bien le plus précieux. J’avais faim, ou envie de quelque chose, disons plutôt qu’il ne s’agissait ni de faim ni d’envie, mais plus précisément, d’un désir outrancier, d’une obsession sans limite pour la vie. C’est ce détail, à priori insignifiant, du moins aux yeux de ma créatrice, qui engendra tout le reste de l’histoire et qui condamna bien des hommes et des nations. Erreur négligeable selon Toraéru, mais qui fut sans nul doute la plus terrible de notre histoire, du moins la plus lourde de conséquences. Mais était ce bien une erreur ? Encore aujourd’hui juste avant de mourir, je me le demande, car sans ce défaut de fabrication, sans ce vice de procédure, jamais le monde n’aurait pu vivre, jamais je n’aurais pu lui insuffler la volonté d’exister. Mais revenons-en à ma naissance et de surcroit à ma rencontre avec mes sœurs. Une fois en possession de mon nom, je réalisais que j’étais également et exponentiellement, en possession de bien d’autres choses, un langage, la notion de l’espace et du temps, mais surtout, un savoir, un savoir
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si grand et si abouti qu’il m’était possible d’imaginer des formes et de leur donner vie, par la simple force de ma volonté. J’étais capable de déplacer des galaxies entières, de les faire vivre ou de les anéantir sans même connaitre la véritable utilité de ces amas d’étoiles qui gravitaient autour de ce qui était, ma main. C’est alors que je sentis la réalité de mon corps et que dans le reflet iridescent de la galaxie générée aléatoirement dans ma main, je vis pour la première fois mon visage. J’étais moi aussi une enfant, à la peau brune. Mes cheveux infiniment longs et ondulés, arboraient une couleur blanche si pure qu’elle semblait embraser le néant de l’espace. Mon visage, petit et rond lui aussi, paraissait avoir été dessiné par un rêve, une jolie bouche aussi discrète que légèrement pulpeuse, des yeux gris bleu reproduisant parfois les reflets de la nacre. Je n’avais aucune notion de beauté et de splendeur, ni même d’esthétique, de sensualité, mais j’ai développé par la suite tous les canons de la mode et de la beauté en rapport à l’image que j’avais de moi. J’ai vaguement compris à ce moment là que j’étais bel et bien semblable aux deux fillettes qui se tenaient devant moi, me regardant avec l’affection qu’ont les grandes sœurs pour les plus petites. Il y avait juste un bémol, juste un, Toraéru avait quelque chose en plus, quelque chose qui faisait d’elle encore plus que notre sœur, elle nous était supérieure en tout point, expérience, puissance compréhension. Elle avait eu la volonté et la force de nous créer, il ne lui en faudrait pas plus pour nous faire disparaitre à jamais de l’Histoire. Cistée et moi l’avons toujours su, quoi que nous ayons pu faire, nous savions que Toraéru en avait fait l’accord tacite, puisqu’elle avait la puissance de l’empêcher, rien de ce qui a pu arriver à notre Histoire et au monde ne s’est fait à ses dépends, et ses objectifs vont largement plus loin que les nôtres. Même si aujourd’hui, elle est en mon cœur comme ma mère, je ne sais que peu de choses sur elle. Selon ses dires, elle serait née d’elle-même et aurait passé un temps infini à apprendre à se maitriser. Elle est la représentation sous la forme d’une enfant, de l’éternelle boucle, le cycle inébranlable de la vie. Elle est le commencement et la fin de toute chose, l’étincelle, la réponse à toutes les questions, elle est la Démiurge, l’entité la plus ultime et la plus parfaite, celle qui est à l’origine de toutes les histoires, la vôtre, la mienne, surtout la mienne. D’aussi longtemps que je me souvienne, notre sœur nous a toujours dit que nous avions vu le jour pour être ce qu’elle ne pourrait jamais devenir, sans doute les seuls juges de nos actes et de nos créations, car elle ne se jugeait même pas, elle ne faisait que ce qu’elle avait prévu, sans jamais sourciller. Je sais ce que vous vous dites, je sais comment vous imaginez Toraéru, certainement comme nombre de ces dieux et déesses des mythologies anciennes, froids, durs, sévères et impartiaux. Si parfois en effet, elle le fut, ce n’était que pour pérenniser l’œuvre à laquelle, elle a donné vie, un peu comme quand les parents punissent leurs enfants. Le reste du temps elle était comme toutes les mamans, gentille et avenante, mais bien plus loin que ça, elle était aussi incroyablement espiègle et pourvue d’un étonnant et enivrant brin de folie. Elle est le modèle que j’ai tenté de suivre, la personne dont je vois inexorablement le dos, même si dans son infinie sagesse elle dira qu’elle marche à mes cotés, je sais au fond de moi, que je ne fais que la suivre en m’essoufflant. Je sais ce que vous pensez, à votre place j’aurai le même raisonnement, que le monde sur lequel vous évoluez, sa barbarie tout autant que sa douceur est due aux caprices et aux folies de trois gamines inconscientes et puériles, et vous n’avez pas tout à fait tort. Trois gamines, c’est ce que nous étions.
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Nombreuses sont les religions qui nous idolâtrent, il est fréquent d’assister aux réflexions philosophiques de certains Hommes qui dénoncent la crédibilité des divinités en démontrant que les représentations imagées des dieux et déesses sont semblables aux humains ou aux races des divinités respectives. Selon ces érudits, les dieux seraient de pures créations des Hommes. Etrange et
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amusant inversement que celui là puisque c’est bien à notre image que nous avons créé les peuples et non les peuples qui ont créé les dieux à la leur. Et c’est justement ce que Toraéru nous expliqua, ce qui me conforta dans l’idée que ma sœur cadette et moi n’avions pas beaucoup de différence d’âge. Ne perdez pas de vue l’idée que peu de différence d’âge peut très bien vouloir dire que des millénaires nous séparent l’une de l’autre, le temps, je l’ai déjà dit est une notion bien floue, en guise d’exemple la conversation lors de laquelle notre créatrice nous exposa sa vision des choses, ses projets, dura plusieurs milliers d’années mais pour nous ce fut une fraction de seconde. Considérez, que nous sommes affranchis du carcan de l’espace et du temps et qu’il n’appartient qu’à nous de choisir, si nous voulons être temporels ou universels. Bref revenons à notre histoire, notre créatrice nous fit comprendre, pour faire simple, qu’elle voulait que nous dessinions les galaxies ensemble et qu’il nous fallait continuer à créer la vie. Elle nous expliqua ses expériences passées, ses erreurs et ses rêves. Je l’écoutais, fascinée, m’imprégnant de chacune de ses anecdotes, jouissant du moindre de ses mots. Il se passait d’ailleurs un étrange phénomène, dés lors que les paroles transportant les idées traversaient la barrière de sa bouche, elles parvenaient toutes à mes oreilles, extrêmement déformées, les réussites se transformaient en œuvre d’une magnificence absolue et les plus monumentaux échecs, en tout autant d’expérience qu’il me tardait de retenter. Je découvris l’impatience, et elle fut alors, l’une de mes pires ennemies, le mur qui, construit avec un lourd ciment de vanité, m’empêcha toute ma vie durant, d’atteindre la sagesse dont j’aurai toujours dû faire preuve. En définitive les fillettes allaient jouer à la poupée et donner vie à bien des mondes et des ethnies qui devraient toute connaitre la même fin, brutale et sans appel. Pendant des millénaires, nous peuplâmes des centaines de planètes avec tout autant d’espèces, pendant des millénaires, nous les regardâmes évoluer. Pendant des millénaires nous avions l’audace de croire réussir là ou la Démiurge avait échoué, pendant des millénaires nous avons regardé des gens mourir. Ce fut sans nul doute, le plus grand génocide de l’histoire, je ne pourrais même pas vous dire un chiffre, tant nous en avons tué. Vous savez, je me suis souvent identifiée à ces enfants qui passent une journée entière à récolter toutes sortes d’insectes dans une jolie petite boite avec la certitude vaine qu’ils pourront encore jouer avec demain. Mais nous savons tous, sauf les enfants, que tous les insectes auront péri dans la nuit victimes de leur environnement stérile. Nous étions Naïves et insouciantes, l’innocence est vraiment la plus cruelle des vertus. Aujourd’hui ces milliards de vies soufflées dans les abîmes de l’histoire pèsent lourd sur mon cœur, je suis l’adulte qui a le sombre souvenir des poupées qu’elle a torturées, celle qui garde depuis bien longtemps les stigmates de trop de jeux, de trop de nonchalance… De trop d’amour. D’échecs en échecs nous nous rendîmes compte qu’il manquait quelque chose de primordial à la pérennité de nos créations. Moi je réalisais deux choses, la première définie la seconde. Je ne pouvais assurément pas réussir quoi que ce soit, en ayant conscience de la finalité de tout. L’omniscience fut sans nul doute le plus pénible des fardeaux que je dû porter. Au début, elle fut l’objet de tous mes rêves, j’obtenais ce dont j’avais envie en claquant des doigts. Très vite elle devint les chaines d’acier qui me rendirent esclaves de ma propre volonté prisonnière d’une geôle sans murs de laquelle on ne peut s’échapper même si paradoxalement nous sommes, seul propriétaire de la clef. Comment pouvais-je créer à nouveau quelque chose, quand je connaissais déjà au préalable l’issue tragique qui l’attendait ? Je compris donc la deuxième chose dont je vous parlais, en l’occurrence il s’agissait du fait, qu’il me serait impossible de faire durer quelque chose qui à la base était parfait. A cette époque à mes yeux nous représentions toute trois la perfection et je compris qu’à défaut de donner vie à une exacte copie de moi il me fallait créer quelque chose de bien moins parfait, de plus aléatoire, sans même m’en rendre compte je venais de poser les bases du hasard et de la chance et de concert je divisais pour la première fois l’histoire en deux. Les inégalités sont les fondements même de la vie et de la société. Je ne le compris que plus tard, ce sont des imperfections que naissent les belles choses. Déjà à ce moment j’étais dans l’erreur j’étais moi-même imparfaite, mais comme cette notion était toute nouvelle, il était bien difficile de l’assimiler et encore plus de se l’approprier. Il m’était donc
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impossible de comprendre les changements qui s’opéraient en moi et qui bouleversaient toute mon existence jusque dans ses fondements. Je ne compris que plus tard que notre grande sœur nous avait mis au monde Cistée et moi, imparfaites, car jamais elle ne pourrait vraiment l’être, il lui avait fallu donner naissance à l’élément modificateur, ou perturbateur, appelez le comme vous voulez, moi quoi ! Sur un commun accord nous avons décidé d’abandonner les milliers de galaxies de test pour ne se consacrer qu’à une seule, de nos expériences passées nous n’avons gardé que trois individus et laissé dans des milliers de galaxies des vestiges, divers et variés, dernière sépulture et hommage à tout ce qui ont péri pour que nos petits rêves égoïstes puissent voir le jour. L’égoïsme, encore une notion propre aux enfants. C’est à trois que nous fîmes naître une nouvelle galaxie que nous appelâmes : Eternité. Après avoir choisi un endroit pour bâtir notre monde, alors que nous étions sur le point de refaire ici les mêmes incessantes erreurs que partout ailleurs, je pris la décision de suivre l’exemple de notre sœur ainée et de laisser la création de la planète à une entité nouvelle. Je pris rapidement les initiatives et à partir de mon pouvoir je mis aux point deux créatures parfaitement identiques que je fis volontairement plus grandes que nous. D’une taille adulte standard, la peau brune, cheveux très longs et blanc comme les miens, l’une s’appellerait Solstice et l’autre Leynedra. Sachez qu’il n’y avait à cette époque aucune notion de sexe, pas plus que de femme ou d’homme, il s’agissait de deux créatures que vous pourriez apparenter à la représentation classique des anges, asexués et androgynes. Mes deux sœurs émirent immédiatement des réserves, surtout Cistée qui voyait mal l’idée de léguer quelques bribes, fussent elles insignifiantes, de notre pouvoir. Après délibération il fut décidé de continuer à imaginer notre monde, d’en faire les plans et de laisser le soin aux créatures de le bâtir. Dans un souci d’équité, nous mîmes Solstice à l’écart, il serait l’architecte, le chef responsable de la construction du monde, je reçus le droit de donner vie à une autre créature et mes sœurs firent de même de façon à ce que chacune d’entre nous en ai deux sous ses ordres, Solstice étant comme je l’ai déjà dit le contremaître, l’architecte. C’est ainsi que commença la construction de notre monde, c’est ainsi que j’ai posé la première pierre d’un édifice qui se voudrait éternellement bancal, mais dont la beauté n’aurait pas d’égale.
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Chapitre II Mon premier chant d’amour.
Nous avions désormais les outils nécessaires pour mener à bien notre projet, il fallait maintenant peaufiner le dit projet. Nous prîmes toutes trois la décision de nous partager l’élaboration des plans et la supervision des travaux. Mais avant de parler de cela, j’aimerais revenir sur un point très important : l’omniscience, car pour que vous compreniez pourquoi j’ai fait les choix qui ont conduit le monde à vivre, il faut d’abord que je vous explique, ce qui m’a fatalement poussé à y réfléchir. L’omniscience fut le pouvoir le plus utile, mais aussi le plus frustrant en ma possession, une arme infaillible et d’une absolue quintessence, une puissance inouïe à la démesure de notre candeur. Je sais que c’est une notion qui vous est étrangère, mais elle n’est pas difficile à imaginer, considérez que quoi que vous fassiez, vous connaitrez avant même de l’avoir commencé quelle en sera la fin. C’est comme si lorsque vous veniez au monde, vous saviez que votre mère mourra dans dix ans, que vous deviendrez militaire, que votre femme sera brune et que toutes les actions que vous tenterez pour le changer, donnerons une infinie de nouvelles possibilités dont vous percevez la finalité alors même, qu’à peine vous entamez votre réflexion. Mais il y a pire, dans la plupart des cas, vous connaitriez la date de votre mort et pourrez donc vivre en fonction, lourd fardeau vous me direz, pas tant que ça, bien au contraire. J’ai bien peur que la mort soit la seule et unique liberté dont nous disposions, elle est comme la vie un bien très précieux. Cela fait des milliers de décennies que j’existe Et l’immortalité, est elle aussi un lourd fardeau, car le temps fini par avoir raison de tout, même des amours éternels. Peu à peu il balaye les rêves, anéanti les espoirs, nous prouve notre incapacité à changer les choses et nous montre à quel point nous faisons tous partie de la grande ronde, celle qui n’a de cesse de tourner, celle qui jamais ne s’arrête, celle qui depuis toujours recommence inlassablement. J’y étais dans cette roue, collée à ses parois par l’implacable force centrifuge de l’omniscience, certains disent que le destin n’existe pas, il existe pourtant, c’est moi qui lui ai donné un nom, cette volonté inflexible, ce sort inéluctable. Le destin est à l’image de l’omniscience, bien plus complexe que la définition basique et simpliste que les hommes en ont fait. Il ne s’agit pas d’une ligne, pareille à un fil rouge, droite directrice d’une histoire, non, mais bel et bien de toutes les possibilités de chemins qui s’offrent à une personne, lesquels sont nombreux et variés et pourvus d’un taux plus ou moins élevé de probabilité. En d’autres termes, c’est comme ces labyrinthes de bois ou les billes roulent aléatoirement, il y a plusieurs dizaines de chemins possibles, mais la bille ne peut pas sortir du grand cadre en bois qui abrite les sinuosités labyrinthiques. On ne peut échapper à son destin, même si certains se plaisent à le croire, même si d’autres le croiront encore, c’est moi qui ai écrit toute les histoires de vos vies, de celles de vos ancêtres jusqu'à celles de vos plus lointaines descendances. J’ai subtilement choisi vos joies et souffrances, je les ai jetées dans l’alambic de vos émotions parfaitement distillé de rêves et de désillusions, et par une délicate alchimie j’ai obtenu des milliers d’années de souffrance et de guerre, quelques secondes chèrement payées de parfait bonheur, des rêves gâchés par centaine, pour une poignée réalisés. Et paradoxalement vous aimez tous ou presque la vie, j’en connais la cause, ou plutôt les deux causes, pour que votre existence soit viable, j’ai rajouté deux ingrédients à ma recette, un élément secret et un mensonge, j’y reviendrai bientôt. On ne peut échapper à son destin, je n’ai pas pu échapper au mien, je n’ai pas pu courir plus vite que les années, je n’ai même pas pu sauver ceux qui m’étaient chers. Je savais donc que si je voulais que mon monde soit en mesure de perdurer, il me fallait, laisser quelque chose au hasard, il me fallait m’affranchir de l’omniscience, et pour cela j’allais devoir faire les premiers sacrifices. Je devais trouver le moyen de perturber le bon fonctionnement des choses, je devais mettre un peu de piment dans tout ça. Voila bien longtemps que je réfléchissais à ce remède miracle, il m’est venu sous la forme de deux choses intimement liées, le fameux élément secret et le mensonge. Un incroyable flot d’idées avait gravité en moi depuis que notre sœur nous avait mis au monde et expliqué ses buts. Des choses comme la passion, l’ambition, l’excitation, l’envie, et cette faim
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toujours si violente, si dévorante. Chaque jour qui passait devenait une nouvelle occasion de me torturer l’esprit d’essayer de comprendre ce qui faisait inlassablement voler en éclats ma tête. J’en parlais à mes sœurs, Toraéru faisait semblant sans doute, de ne pas comprendre et Cistée restait pragmatique. Elle l’a toujours été, comment pourrais-je ne pas vous parler de ma sœur cadette. Elle était mon parfait opposé. Ses cheveux identiques aux miens dans la forme étaient de couleur jais et coulaient sur son corps blanc laiteux, ses yeux noirs profonds semblaient avoir été taillé dans de l’obsidienne, son calme contrastait tout le temps avec mon infinie folie et ma cruelle manière de ne jamais tenir en place. Elle était sage avant même que je ne perçoive la signification de ce mot. Je ne la remercierai jamais assez, c’est certainement elle qui a fait le plus gros sacrifice, elle qui a donné sa vie pour la mienne et pour que mes rêves soient saufs, quitte à tuer les siens dans l’œuf. Elle m’a tout donné, je lui ai tout pris, je lui dois tellement, qu’une éternité de Déesse ne suffirait pas à la l’indemniser et son honnêteté, sa profondeur d’âme, la pousserait j’en suis sure, à ne pas accepter de remboursement. Je suis l’enfant terrible de la famille, la petite sœur à qui l’on cède tous les caprices… Vous êtes le fruit de mes caprices, le fruit de mes rêves sauf, le fruit du sacrifice de Cistée. Je dus donc me débrouiller seule pour saisir ce qui chamboulait mon moi, et c’est précisément ça qui me fit comprendre et trouver la solution. Je devais offrir au monde ce que je possédais, cette petite imperfection habilement glissée par ma créatrice dans les méandres de mon esprit. Il ne s’agissait pas de vous donner un pouvoir, ou une arme, et encore moins de l’énergie, non je devais vous léguer les émotions. Elles étaient mon héritage, mon bien propre. Toutes ces choses qui emplissaient mon esprit jusqu’à le faire saturer, je devais les assimiler aux êtres vivants. C’est ce qui devrait différencier les hommes des dieux, ce qui devait, avec le temps, devenir le seul et unique moyen d’outrepasser l’omniscience, ce qui indubitablement, allait tour à tour souder et déchirer le monde, ce qui allait conduire aux conflits les plus meurtriers et aux histoires les plus belles . Mais avant même de pouvoir vous les offrir, il me fallait les comprendre, les hiérarchiser, les classer, et les assimiler. Je fis mes premiers tests sur Solstice et sur Leynedra, leur transmettant peu à peu des capacités propres à recevoir et ressentir des émotions. Et encore une fois mon expérience divisa, dés lors qu’ils furent conscients de leur état et donc de leur parfaite ressemblance, ils eurent des exigences. La première fut d’ordre esthétique, car ayant besoin d’une identité que leurs prénoms ne comblaient plus, ils choisirent de modifier leur apparence physique. Encore très limités dans leur possibilité de créations mais surtout d’imagination, ils n’ont fait que changer les courbes de leur corps, devenant plus rond ou plus carré, et posant de surcroit sans même s’en rendre compte et sans en percevoir les conséquences, la première ébauche de l’homme et de la femme. Mes sœurs avaient été formelles, il m’était interdit de leur transmettre l’imagination. Pour mieux comprendre cette prohibition, il vous faut savoir que l’imagination fait ici référence à notre capacité à créer des choses, de part notre seule et unique volonté. C’est le pouvoir absolu qui définit notre monde, celui la même qui est à l’origine de tout et qu’au final nous avons transmis à chacune de nos créations, mais nous verrons cela plus tard. Comme Solstice avait d’autres problèmes à gérer, en sa qualité d’architecte, je fus contrainte de n’utiliser que Leynedra. C’est donc avec elle… je dis elle, parce que c’est Leynedra qui s’est donc, le plus rapproché de l’image d’une femme. C’est donc avec elle que j’ai continué mes investigations et mes expériences. Mais aussi longtemps que je travaillais sur les émotions, j’étais consciente qu’il manquait quelque chose, mais impossible de définir quoi. Alors j’ai hiérarchisé, classé, répertorié, testé, des milliers et des milliers d’émotions et de sous émotions. Les trois individus survivants de nos anciennes galaxies tests s’avérèrent être de très bon cobayes, puisqu’à la base, vide de toute émotion, il était aisé de leur en insuffler une, pour la tester plus en détail. Nous réalisâmes d’ailleurs que dés lors qu’une créature recevait une émotion, il était impossible de la lui ôter sans quoi elle périssait presque instantanément. Je reçu donc l’autorisation de donner vie à autant de créatures que nécessaire pour poursuivre mes expériences. Vous n’imaginez pas le nombre de personnes que j’ai tuées par ablation d’émotions
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avant de donner un nom à ce réceptacle vide présent au sein de tout un chacun et qui, remplit d’émotions, prend de multiples formes et devient le siège de l’identité et de la vie, des milliers de vies pour comprendre et mettre en évidence la présence de l’âme. L’âme, le seuil ou vivent nos rêves, nos espoirs, notre personnalité et tout ce qui nous définit en tant qu’individu. C’était la première pierre d’un ouvrage colossal, la plus grande découverte de l’histoire, le plus édifiant des trésors. Vous savez ce que tout aventurier, pilleur de tombes ou scientifique éprouvent lorsqu’il découvre ce qu’il cherche depuis qu’il est en mesure de chercher, et bien pour moi ce n’était que le début et avec le recul, la découverte de l’âme est un trésor en toc comparé à celui que j’ai trouvé plus tard et qui fut et est encore, une splendeur qui n’a d’égale que dans l’horreur de son mensonge. Nous venions de trouver l’âme et je compris immédiatement son aspect précieux mais il me fallait la tester, comprendre ses limites, apprendre à en créer en masse, et à les détruire. Et je poursuivis mes expériences, à l’image de ses savants fous qui n’ont d’éthique qu’en façade et qui au non de la science, massacre des ethnies entières. Ce n’était même pas au nom de la science, je le faisais par plaisir, je n’avais pas encore conscience de la valeur de la vie, j’en ai pris conscience bien trop tard, je me suis tellement amusée. Les enfants deviennent mortels la première fois qu’ils se blessent sérieusement et comprennent la valeur de la vie quand un de leur proche décède. Je ne peux pas être blessé, ni même mourir et je me suis toujours arrangée pour qu’il en soit de même avec ceux que j’aime. C’est Maylis, qui m’a appris la douleur, le respect, et la valeur considérable de la vie, merci ma chérie, merci… Donc des milliers de morts plus loin, j’avais enfin une liste complète des émotions et une compréhension très avancée de l’âme. Il ne restait plus qu’à faire les tests grandeur nature. C’est la que j’ai désobéi… nous étions sur le point de donner à solstice et à ses six prophètes, (c’est le nom qu’on leur donna en raison de leur connaissance des destinées de toutes les créatures qui allaient voir le jour) le devoir de réaliser le monde que nous avions planifié. Il fonctionnerait ainsi, établie sur trois strates principales elles mêmes réparties dans vingt et une autre strates plus petites et secondaires, chaque strate ayant sa fonction définie. Les trois premières strates seraient le royaume des vivants, au milieu, celui des morts en dessous et celui des dieux, au dessus chacun des trois royaumes serait relié à l’autre par le biais d’un gigantesque trône, dont le sommet toucherait les fondations de son homologue au-dessus. Le trône d’améthyste dans le royaume des mort, touchait les fondations du trône d’Opale dans le royaume des vivants qui lui-même venait caresser les racines du trône de nacre dans le royaume des dieux. Ce dernier serait le nôtre, depuis lequel nous regarderions les Hommes évoluer et vivre. Nous laissâmes donc à Solstice et à ses subordonnés le soin de mener à bien les constructions qui durèrent tous au plus, un jour de votre système de données temps espace. Comment ai je désobéi ? C’est très simple, lors de toutes nos expériences, j’ai volontairement poussé Leynedra à participer et à s’imprégner de tout autant d’émotions que possible. Le prétexte des expériences me permit de lui transmettre beaucoup d’émotions y compris certaines normalement interdite que je fis passer en douce par le biais d’émotions secondaires. Mais plus que cela je me suis arrangée pour que ce procédé soit transmissible, à la manière d’un virus, il allait infecter la seule personne étant son exacte réplique, Solstice. Si j’arrivais à l’atteindre lui, j’atteignais de concert tous les autres qui ne faisaient que suivre ses ordres à la lettre. Au sein de Leynedra gisait une souche plus puissante qui une fois dans Solstice se répandrait et libérerait, deux surprises cachées, l’omniscience et l’imagination. La première lui ferait connaitre son propre sort, ainsi il se rendrait compte qu’en tant que création réalisée, à la hâte par une Déesse trop frivole il serait scellé et puisque techniquement dépourvue de conscience, il ne ressentirait rien et attendrait de resservir un jour à quelque chose. La deuxième surprise, l’imagination couplée au désir de vengeance et de survie, le pousserait à faire du monde quelque chose de différent en laissant, du moins pendant un jour, l’illusion du contraire. Bien entendu tout marcherait si grande sœur me laissait faire et c’est ce qu’elle fit, sans doute curieuse elle aussi, du résultat, ou consciente qu’il s’agissait de la meilleure solution. Cistée quant à elle ne devait rien savoir, elle serait celle qui légitimerait la trahison et appuierait la sentence.
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Car ne vous méprenez pas, le seul monstre machiavélique dans cette histoire, c’est moi. Il était initialement prévu que Solstice et ses prophètes héritent du monde et jouissent du privilège d’être les premiers à le fouler et à décider de son sort. Lorsque par le biais de Leynedra, j’ai donné à Solstice mon petit cadeau, je lui ai selon mon plan montré une fausse vision de l’avenir, celle d’un sceau pour des créatures imparfaites qui ne servaient que de larbins à des Déesses précieuses, et soucieuses de ne pas se salir les mains avec de la poterie. Je savais qu’avec les émotions, il deviendrait fou et déciderait de se venger dans le laps de temps qui lui était imparti et le tout, sans que nous nous en rendions compte par le biais de l’imagination. Ayant commis un crime grave, et une trahison, il serait scellé pour l’éternité avec ses six compères, car bien trop important pour être abandonné ou détruit. Lors du vote je poussais le vice jusqu’à être la seule voix contre son scellement, pas par gentillesse ou noblesse d’esprit, non juste pour analyser, décortiquer et étudier, les émotions qui le défigurèrent changeant son visage d’ange en celui du monstre emplie de colère de rage et de chagrin. Si certains d’entre vous ont encore foi en leur chance d’échapper au destin, alors c’est que l’ampleur du mensonge a atteint les proportions souhaitées. Je suis cette gamine qui heureuse, jeta dans les ordures cette vieille et défectueuse poupée au profit d’une plus neuve, plus sophistiquée, plus chère. Il n’y a qu’en grandissant que l’on se rend compte de la valeur des choses que l’on a perdu ou détruite, à plus forte raison si on les a détruite Comme prévu il modifia le plan initial, comme prévu, il fut puni, comme prévu il continua de m’aimer comme sa seule mère la seule qui lui avait donné un vote favorable, le regard rempli d’admiration. Plus tard, il me dira j’en suis qu’il m’aimait, qu’il m’aime seulement pour lui avoir offert la vie et qu’il fut heureux en définitive d’avoir été sacrifié. Je ne l’aurais pas cru, bien entendu, mon omniscience non plus. La seule chose dont je suis sure, c’est que, plus on fait de mal au gens, plus ils nous aiment. J’en suis sure parce que l’amour, c’est moi qui l’ai créé, peu de temps après, l’ingrédient mystère, le langage universel, la plus horrible de toutes mes créations, la preuve la plus absolue de ma main mise sur l’Histoire et le destin, l’infinie et diabolique plan qui vous maintient en vie et esclave. Pardon Solstice pardon…
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Je savais que le sacrifice de Solstice et ses conséquences ne serait pas suffisant pour pérenniser le monde, et il me fallut faire comprendre à mes sœurs que revenir en arrière n’était pas la bonne solution, il valait mieux continuer avec ce que nous avions. C’est encore une image enfantine qui me vient à l’esprit, nous avons tous joué avec ces briques de plastique, qui s’emboitent entre elles de manière à former ce que notre imagination et la forme des pièces nous permettent de construire. Généralement on fait une première conception à laquelle ont s’attache. C’est souvent bien plus tard que l’on se rend compte que certaines pièces auraient pu être mises ailleurs, que plus d’expérience ne nous aurait pas fait de mal, et qu’il nous est impossible de détruire l’original pour recommencer de zéro. Alors on essaye tant bien que mal de colmater les brèches, de dissimuler les erreurs… C’est à ça que ressemble notre monde. Le monde était donc prêt à recevoir la vie, mais avant de mettre sur les contrées vierges des milliers d’habitants et de nations, nous voulions au préalable offrir comme il était prévu pour Solstice, le monde à une créature particulière. Nous la voulions unique, majestueuse, pourvue d’émotion, façonnée à trois, et si possible, un homme, c’est dire pour nous, quelque chose approximativement comme Solstice. C’est donc lui qui servirait aussi de test grandeur nature pour les émotions. Et comme Leynedra avait été d’une aide plus que précieuse, et en possession d’importantes informations, j’avais réussi à l’arracher in extrémis à la punition. J’étais très doué pour faire les yeux doux et pour obtenir ce que je voulais par la ruse. Je ne sais pas si vous vous rendez compte des conséquences désastreuses que j’ai engendrées. Comprenez une Déesse se doit de ne pas être humaine, mais possède, un pouvoir d’apprentissage sans limite, et à mesure que je découvrais des émotions et les mettais à profit sur ma propre personne, sans même m’en rendre compte je les apprenais à mes sœurs, et plus particulièrement à
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