En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autori sation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’orga nisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l’autorisation de jouer n’a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homolo gues à l’étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés, même à posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit pro duire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.
e Dépôt légal 4 trimestre 2010 Reproduction même partielle, interdite.
Lionel PARRINI | Philippe PILATO
TRIPTYQUE
L’ogre et la mante religieuse Lionel Parrini Éclipse nuptiale Lionel Parrini | Philippe Pilato Dialogues imaginaires du carnaval Philippe Pilato
DurandPeyroles 2010
Préambule
Les textes rassemblés ici ne sont le fruit d’aucune concertation, d’aucun calcul, mais dessinent, sans le vou loir, un avant (L’ogre et la Mante Religieusede Lionel Parrini), un pendant(Éclipse Nuptialede Lionel Parrini et Philippe Pilato) et un après(Dialogues imaginaires du carnaval)de la rencontre des deux auteurs, si tant est que celleci s’inscrive dans les lois communes de l’espace temps.
Philippe Pilato
Cela est devenu une (mauvaise) habitude de voir des acteurs nus sur une scène de théâtre. Bien souvent, la nu dité est une machine à provoquer des effets. Or, dans les trois textes qui vont suivre, la véritable nudité dévoilée est invisible à l’œil nu.
Lionel Parrini
L’Ogre et la Mante religieuse
Une pièce de Lionel Parrini
« La passion brûle tout sur son passage. Je suis prêt à mourir par amour. Je suis entier. Entier. Je ne me divise pas. Cela a toujours été ainsi. Je suis né comme ça. »
Je dédie cette pièce à Laurence Briata et Benoit Maurin Du Colibri
Résumé
Un ogre écrivain, père de famille, tombe amoureux d’une metteuse en scène mante religieuse, célibataire. Leur pas sion totale les dévore chaque jour un peu plus. Ils cher chent le moyen d’y survivre. En écrivant, à leur façon, leur amour sur une scène de théâtre.
Une scène de théâtre.
Une robe blanche.
Décor
Accessoire
L’ogre et la mante religieuse
La Mante religieuse
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La nuit vient juste de tomber. Son manteau noir, épais, s’est déposé lentement sur mes épaules. Je vois des lucioles, elles existent encore. L’air est frais. La terre humide. L’herbe fraîche. La brise : minérale. Il y a aussi des grillons. Je les entends, eux aussi existent encore. Des coquelicots dansent le long des chemins. Ils marchent presque ! Magnifique printemps. Superbe vue ! Quel ciel immense ! Je n’ai pas les bras assez grand pour le prendre.(Un temps court)Il faut jouer dans ce monde. Il faut s’amuser. Il faut s’amuser dans ce monde dangereux où tout est grave. Et pas seulement jouer, il faut montrer aussi comment le monde bouge dans les métropoles, les coins perdus, méconnus, où tout simplement sombres. La mise en scène sert à cela. Éclairer certaines parcelles du monde, donner du relief aux mensonges, aux vérités étouffées, étouffantes. Mettre en scène, c’est déshabiller le mot, lui réapprendre à marcher, lui apprendre à s’unir avec d’autres mots, pour l’amour du sens, d’un sens nouveau, marcher sur la peau, marcher sans membres, marcher la tête bandée, la tête vidée de préjugés, la tête renversée donc, comme toi, vers les étoiles. Voistu notre reflet ? L’image résisteelle à la distance ? Regarde cette robe blanche que j’ai trouvée. Comment la trouvestu ? Si je la portais, que deviendraistu, toi ? Et moi, que deviendraisje ? Représenterionsnous le symbole de l’union ? De l’évi dence ? Je hais les certitudes et les évidences. Seul le doute est nécessaire. Seul le doute fait briller tout le reste. Mais
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Triptyque
avant de jouer une histoire, pour s’y soumettre totale ment, sans la moindre retenue, il faut d’abord – et ce n’est pas rien – l’écrire. Écrire quelque chose de solide car nous ne jouons pas pour nous divertir, mais nous jouons, nous, parce qu’il nous est impossible de com muniquer autrement. Nous avons choisi de vivre dans l’espace artistique pour cela. Ici, c’est la scène. Mais sans confidences, comment faire pour trouver un décor qui nous ressemble? Veuxtu que toi et moi nous continuons à improviser encore ? Peuxtu encore le faire, toi ? Rien n’est plus beau que pouvoir construire une vie ensemble. Rien n’est plus beau que vivre sous le même toit ! Je crois que le moment est venu d’écrire notre histoire. Tout est encore possible. Mais saistu écrire, toi ? Moi, je ne sais pas.
L’ogre
Toi et moi sur une même et unique page, une même et unique plume ? Écrire, acceptestu cette nudité ?(Un temps)construction d’un texte dépend du cœur. La Elle vient du cœur. La tête n’a pas son mot à dire, pas tout de suite, elle doit savoir lire, lire entre les lignes, les interstices. Comprendre. Apprendre. Prendre avec les bras, la tête doit savoir faire ça mais écrire, ça doit d’abord venir du cœur, de lui, de lui uniquement. Il coule abondamment. Il croule sous les sentiments. Tu dois l’écouter, souvent il bouge, parfois il rit, de temps en temps il s’excite, vibre excessivement. Mais toujours,
L’ogre et la mante religieuse
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il coule, il coulera toujours. Il se déverse. Comme une source : l’énigme humide des jours qui se couchent et se relèvent. La source de tout cœur est une musique. Et que dit la tienne ? J’entends ses pas, impatients, et ses doutes, furieux : laissela donc s’évader pour qu’elle s’exprime. Les sources s’engouffrent dans les veines et jaillissent par les orifices, la peau, les yeux et même les cheveux. Viens avec moi, on a le temps, réconcilietoi avec le temps que notre monde à transformé en ennemi – le temps n’est pas un ennemi – c’est un allié. À la condition de ne pas se tromper de cible et pourquoi voudraistu faire des bénéfices autres qu’humains, toi, qui est mortelle ?(Un temps)ne cherche pas à te bousculer. Ta vie t’appar Je tiens – je le sais bien – fais ce que tu veux – mais… Je. Je te propose de venir passer quelques jours dans mon manoir. Essayons une chose très belle. Essayons d’écrire ensemble une histoire expérimentale. Les mots seront les personnages principaux, ce sera l’histoire entière de deux énergies qui se rencontrent, se télescopent, et mettent au monde… un trésor. À nous de l’inventer. Il faut que tu viennes pour cela, que tu viennes chez moi, estce que cela te tente ?(Un temps court)Écoute ton cœur, je l’en tends, moi, d’ici, je l’entends. Prends tes mains et ta rage. Nourrisles de tes questions et viens me tendre enfin la main. Écoute ce que tu as dans ton ventre, cette chose énorme que je sens, pressens, qui se déploie, s’agrandit et grogne. Prends tes poumons et déploieles comme des cerfsvolants : restitue toutes ces notes diverses mélangées à ta peau sanguine. Écoute toutes ces étoiles intestines qui bougent, soufflent, s’essoufflent et s’enivrent avec ce