La dignité humaine, une nécessité pour la paix
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Seule la reconnaissance de la dignité humaine peut nous acheminer vers la paix en famille et en société. La guerre et l'esclavage constituent la non reconnaissance de la dignité humaine.

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Publié le 29 février 2012
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Langue Français

Extrait

La dignité humaine, une nécessité pour la paix
Introduction
L’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu
1
possède en lui-même un statut d’une
manière générale, en société comme dans l’Eglise. Le concept de dignité humaine révèle
l’homme comme une personne digne de respect dans son corps et dans son âme. Il a besoin
d’être traité dignement au nom de Celui qui l’a créé : Dieu. Dieu lui a insufflé son souffle
vivant. Il l’a établi responsable de la création, charge d’une grande importance qui l’ennoblit
face à toutes les autres créatures. Doué de raison, l’homme n’est pas de l’ordre des choses,
mais de l’ordre d’humain divinisé. La dignité structure donc la personne humaine. Elle est un
principe ontologique qui fonde tout être humain. Par elle, avec elle et en elle, toute personne
devient capable de reconnaître l’image de Dieu dans l’altérité, l’obligeant à lui témoigner le
respect qui lui est dû pour une sociabilité harmonieuse ouverte essentiellement à la recherche
du bien. L’homme n’est donc pas un animal qu’on peut abattre. Même les animaux,
reconnaissant le bienfait qu’ils constituent dans la nature pour le bien-être de l’humanité, sont
dignes de respect non pas, évidemment, à la mesure de celui d’un homme.
A cette étape, la question qui se pose est celle-ci : pourquoi l’esclavage, la guerre, la pauvreté
voire la misère ruinent-ils de plus en plus une bonne partie du monde tandis qu’une minorité
de riches devient de plus en plus riche parfois encore au détriment des plus pauvres ? Il y a
également les problèmes éthiques que soulèvent l’euthanasie, la bioéthique, l’utilisation de
l’embryon humain etc. Que dire des islamistes qui, au nom de leur idéologie teintée de
principes religieux provoquent des crimes crapuleux par des bombes, des armes et des
kamikazes. ?
La dignité humaine ainsi remise de plus en plus en cause, que reste-il à l’homme pour vivre
décemment et sans être inquiété ? En effet, aujourd’hui, à la faveur du relativisme, on peut
dire, à voir tous les événements politico-économiques, socioculturels auxquels l’homme
s’affronte avec indignation, que, pour lui, un glissement se fait de l’ordre humain vers l’ordre
des choses.
Malgré les rappels incessants sur la dignité humaine venant aussi bien des autorités civiles
que religieuses, ce principe vital reste bafoué mettant ainsi le « vivre ensemble » dans une
insécurité permanente. Si «
une société juste ne peut être réalisée que dans le respect de la
dignité transcendante de la personne humaine
»
2
, il y a lieu de revisiter ce principe et de le
faire revivre au niveau de la conscience humaine en lui restituant la totalité de son sens. C’est,
selon nous, une condition aujourd’hui pour que l’humanité, blessée gravement par toutes
sortes de faits déshumanisants suscités, puisse commencer à revivre une certaine paix durable.
Il est vrai que beaucoup d’écrits, beaucoup d’exhortations, invitent au changement de
mentalité et à la paix. Mais tant que notre conscience individuelle et collective ne sera pas
sensibilisée sur l’importance de la dignité humaine, source et creuset du respect de la
personne dans tous ses aspects humains, l’homme restera toujours un loup pour l’homme. Il
importe donc de redécouvrir ce concept qu’est la dignité humaine et de le faire connaître à
travers toutes les structures éducationnelles à toutes les couches sociales, surtout à la
génération montante. A cette étape, il importe surtout d’explorer de nouveau le sens et le
1
Cf.
Gn
1, 26-27
2
Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise
, n° 132, p. 73.
1
1
fondement de la dignité humaine ainsi que ses implications. C’est une contribution que nous
voudrions offrir dans le but d’aider surtout la jeunesse pour une culture de la paix.
I. Sens et fondement de la dignité de la personne humaine
La dignité humaine est le thème sur lequel nous voulons mener notre réflexion. Pour nous,
elle signifie l’être dans son fondement et dans sa finalité. La personne humaine, en effet,
vient d’ailleurs, elle est donc indisponible et digne de respect. Nous ne pouvons comprendre
cela et laisser notre conscience s’en imprégner qu’en recourant à son étymologie.
A. Qu’entend-on par dignité ?
La dignité vient du latin « dignitas » et a deux sens principaux
3
:
- une fonction ou charge qui donne à quelqu’un un rang éminent ;
- le respect, la considération, que mérite quelqu’un ou quelque chose.
Dans la première définition, c’est la fonction ou charge qui confère à l’homme la dignité.
Dans ce sens, c’est la charge qui porte en elle-même cette dignité liée à l’accomplissement de
l’office. Toute personne, appelée à exercer une telle fonction se voit donc automatiquement
investie de la dignité que confère l’exercice de la mission. La dignité, dans ce contexte, est
extérieure à la personne qui peut la perdre, soit à cause de l’âge, de la révocation, de la
privation.
La dignité, comme principe structurant la personne humaine concerne plutôt la deuxième
définition. Elle exprime de fait que la personne humaine mérite respect, considération pour
elle-même et pour les autres du fait de son humanité. Elle incarne la dignité et est portée en
même temps par elle. La personne humaine ne saurait donc être rangée dans l’ordre des
choses et être utilisée ou exploitée à des fins égoïstes.
Voyons maintenant, l’étymologie du mot « dignité » en grec toujours dans la quête de
l’approfondissement de la compréhension de ce concept.
En grec, le mot « dignité » est dit : « axios »
4
signifiant « ce qui est convenable, ce qui vaut,
ce qui mérite » et qui a précisément donné « axiome » : vérité non démontrable qui s’impose
avec évidence. Une telle signification du mot « dignité » en grec, appliquée à la personne
humaine nous fait conclure que la dignité de la personne humaine est de l’ordre de l’indicible.
Elle est manifeste mais ne se démontre pas. Elle est donc un principe premier qui fonde tous
les autres.
3
Muriel FABRE-MAGNAN, « Dignité humaine » in
Dictionnaire des droits de l’homme
, Paris, PUF, 2008, p.
285.
4
Ibid
., p. 287.
2
2
Voici une illustration des deux sens de la dignité qu’on découvre chez le philosophe
Emmanuel Kant. En 1785, il évoque deux types de réalité, celles qui ont du prix et celles qui
ont une dignité. Le rapport aux choses, explique-t-il, est caractérisé par l’instrumentalité et
l’utilité ; le rapport aux personnes est, lui, déterminé par le respect. Il dit en effet : «
Ce qui a
un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent. Au
contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce
qui a une dignité (…) Ce qui constitue la condition qui seule peut faire que quelque chose est
une fin en soi, cela n’a pas seulement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais une
valeur intrinsèque, c’est-à-dire une dignité
. »
5
Le terme « dignité » en latin comme en grec nous ouvre à la considération et au respect qui
s’imposent à l’égard de tout être humain. S’il en est ainsi, pourquoi ce principe de dignité
humaine, de portée universelle, est souvent rappelé dans des déclarations internationales et
dans certaines législations des pays et des peuples ? Quel en est donc le fondement ?
B. Le fondement de la dignité de la personne humaine
Le principe de dignité, si fondamental qu’il soit n’est apparu sur la scène juridique qu’au 20
e
siècle. Pourquoi un tel retard ? Ne peut-on pas l’attribuer à la non compréhension véritable de
la personne et les droits qui lui sont afférents ? Des faits historiques ont déshonoré l’humanité,
tels l’esclavage et la colonisation qui ont eu les guerres pour corollaires. On peut aussi
mentionner les Etats totalitaires qui exerçaient l’oppression sur les personnes et leurs biens les
privant de tout droit. L’humanité allait à sa déchéance. La personne humaine était traitée
comme un moyen de développement économique. Elle était donc classée dans l’ordre des
choses et se faisant c’est toute l’humanité qui s’écroulait. Devant les atrocités de la guerre et
les idéologies matérialistes, un sursaut de prise de conscience a été fait et qui a été traduit à
travers la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. C’est à partir de cette charte que la
dignité de la personne humaine pourra apparaître sur la scène juridique et être défendue. La
dignité, étant de l’ordre de l’indicible
6
, au regard de l’étymologie que révèle un tel concept,
son fondement est essentiellement la personne vivant en société. Si le rappel de ce principe se
fait toujours insistant de nos jours pour le fait des nouveaux problèmes et défis auxquels
l’humanité se confronte : les guerres, les kamikazes, les islamistes, les terroristes, l’utilisation
de l’embryon humain, la pédophilie, l’homosexualité…la personne humaine demeure
l’origine et la fin de toute société
7
, dont la dignité est inaliénable. Une telle conception du
fondement de la dignité est loin d’être partagée par tous les courants qui s’intéressent à
l’homme et à la société. Voyons les plus importants :
En ce qui concerne le courant socialiste marxiste, la dignité humaine résiderait « dans la place
qu’occupe l’homme dans la société au service de celle-ci. Autrement dit, l’individu perd toute
dignité dès lors qu’il ne peut plus tenir de place au service de la société
8
». C’est dire que le
premier élément important pour cette vision du monde est, non pas l’homme, mais la société.
En effet, pour Marx, « l’unique centre d’intérêt pour l’homme c’est le monde, il faut qu’il
cesse de projeter hors de lui ses activités créatrices et son besoin d’agir »
9
. Dans la mesure où
5
Emmanuel Kant,
Fondement de la métaphysique des mœurs
. Trad. Victor Delbos. Ed. Delagrave, 1973, p. 160.
6
Dictionnaire des Droits de l’Homme, PUF, Paris, 2008, p. 287.
7
Roland Minnerath,
Pour une éthique sociale universelle, la proposition catholique
, Paris, Cerf, 2004, p. 16.
8
Cf.
www.diocese-frejus-toulon.com
,
Les fondements de la dignité de la personne humaine
, publié le samedi 11
octobre 2008.
9
Michel Richard,
La pensée contemporaine, les grands courants
, Lyon, Chronique Sociale, 1990, p. 50.
3
3
l’homme en société n’est plus capable de la servir par son travail, son génie créateur, alors, il
perd sa dignité. Dans la conception libérale, la dignité humaine est fonction de la capacité
productive de l’homme. Si ce dernier n’est plus à même de produire de richesse, il devient
une charge pour la société. Il n’est donc plus considéré. Son existence devient inutile et
nuisible pour la société du fait de son improductivité.
Il est évident que dans ces deux conceptions susmentionnées, la dignité humaine est
extrinsèque à l’homme et signifie que «
plus vous apportez, plus vous êtes fort en dignité
»
10
.
Pour l’humanisme dont l’être humain constitue le point de convergence de l’action et de la
connaissance
11
, le fondement de la dignité humaine est intrinsèque à l’homme. Même réduit à
rien l’homme garde sa dignité propre que rien ni personne ne peut lui amputer.
L’Eglise catholique est dans cette perspective, mais les raisons de cette conception sont
fondées sur Dieu à l’origine de l’homme.
Nous lisons, en effet, dans l’Ecriture : «
Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il
le créa, homme et femme il les créa
»
12
. C’est dire que l’homme a reçu de Dieu une dignité
incomparable. L’Eglise voit dans l’homme, dans chaque homme l’image vivante de Dieu lui-
même. En conséquence, l’homme ne doit pas tuer l’homme. Cette interdiction de meurtre se
trouve bien gravée dans les dix commandements que Moïse a reçu de Dieu pour le peuple
d’Israël : «
Tu ne commettras pas de meurtre
»
13
. Ce que renchérit Jésus quand il dit : «
Vous
avez appris qu’il a été dit aux anciens : « Tu ne tueras pas. Celui qui tuera sera passible du
jugement. » Et moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère sera passible
du jugement
»
14
. Tout cela pour affirmer la sacralité de la vie humaine, parce que toute vie
vient de Dieu et nul n’a le droit de lui porter atteinte. Ces textes scripturaires sont les
références sur lesquelles l’Eglise se fonde pour affirmer la dignité de la personne humaine. Il
est donc légitime qu’elle soit toujours à l’avant-garde, pour proclamer et défendre le respect
de la vie humaine en s’opposant radicalement à l’homicide volontaire
15
, l’avortement
16
,
l’euthanasie
17
, le suicide
18
… Dans cette perspective, en ce qui concerne le respect de la
personne et la recherche scientifique, l’Eglise affirme que «
la science et la technique sont de
précieuses ressources quand elles sont mises au service de l’homme et en promeuvent le
développement intégral au bénéfice de tous ; elles ne peuvent cependant indiquer à elles
seules le sens de l’existence et du progrès humain. La science et la technique sont ordonnées
à l’homme, dont elles tirent origine et accroissement ; elles trouvent donc dans la personne et
ses valeurs morales l’indication de leur finalité et la conscience de leurs limites
»
19
. En
somme, la science et la technique ne doivent pas réduire l’homme à un objet
d’expérimentation. Elles doivent être, plutôt, des moyens pour son épanouissement. L’Eglise
qui se veut experte en humanité, n’a donc de cesse de rappeler la dignité de la personne
humaine qui sourde de Dieu afin de jeter des bases pour la construction de la civilisation de
l’amour.
10
Cf.
www.diocese-frejus-toulon.com
,
op. cit.
11
Michel Richard,
op. cit
., p. 129.
12
Gn 1, 27.
13
Ex 20, 13.
14
Mt 5, 21-22.
15
Cf.
Catéchisme de l’Eglise Catholique
, 2268-2269.
16
Cf.
Catéchisme de l’Eglise Catholique
, 2270-2275.
17
Cf.
Catéchisme de l’Eglise Catholiqu
e, 2276-2279.
18
Cf.
Catéchisme de l’Eglise Catholique
, 2280- 2283.
19
Catéchisme de l’Eglise Catholique
, 2293.
4
4
II. La dignité humaine considérée comme extérieure à l’homme
Le libéralisme et le socialisme marxiste vident l’homme de sa dignité structurelle et le posent
comme un élément de production dans la société. Tant qu’il ne s’investit pas, il est moins que
rien. Une telle conception peut justifier aisément le système de l’exploitation de l’homme par
l’homme, surtout l’esclavage, la colonisation et les guerres. En effet, par cette conception,
l’homme devient un moyen pouvant être utilisé en vue d’une fin. Prenons par exemple
l’esclavage. Ce fait souligne la dénégation de la dignité de l’être humain. Dans l’histoire du
peuple africain s’inscrivent les traites négrières, également appelées traite des Nègres ou traite
des Noirs. Elles désignent des commerces d’esclaves dont ont été victimes, par millions, les
populations de l’Afrique sub-saharienne durant plusieurs siècles
20
. Il s’agit là d’un système
économique de trafic d’êtres humains. Ce trafic est motivé surtout par le besoin de main
d’œuvre nombreuse et résistante pour la production de canne à sucre, du café, du coton, du
tabac… Les navires négriers quittaient les côtes africaines pour rejoindre l’Amérique du Sud,
les Caraïbes ou l’Amérique du Nord. Les traitements subis par les esclaves étaient
extrêmement durs. Entassés comme des sardines, ceux parmi eux qui, en cours de route
mouraient, étaient directement jetés dans la mer. Dans ce système de commerce, la dignité
humaine est littéralement bafouée, et par les négriers et par les africains eux-mêmes qui
pratiquaient ce genre de commerce.
L’esclavage aura pour conséquence immédiate, à notre avis, la recherche de la volonté de
puissance et de domination des peuples puissants sur les autres, en particulier, sur les peuples
d’Afrique par le système de la colonisation.
Si nous parlons de la colonisation par rapport à la dignité humaine, ce n’est pas dans le but de
lui faire un procès. Nous voulons simplement montrer l’inadéquation qui existe entre elle et la
dignité humaine. De fait la colonisation implique occupation territoriale et dépendance du
pays occupé. Cette occupation s’est produite tantôt sur des territoires peu peuplés, tantôt au
détriment de populations qui ont été réduites à l’état de populations sujettes
21
. La colonisation,
telle qu’elle a été vécue en Afrique, a assujetti les peuples contraints de se « déchausser » de
leurs cultures, de s’adapter à une nouvelle administration, en somme, de devenir autres que ce
qu’ils étaient. La colonisation, c’est le refus systématique de la reconnaissance de l’identité du
peuple colonisé. Ce dernier est considéré comme un peuple sauvage qui a besoin d’être
civilisé. La colonisation, par son système d’imposition, d’administration et de rejet, a perturbé
les valeurs africaines et a fait asseoir les africains entre deux chaises. Si aujourd’hui l’Afrique
peine à avancer sur le plan sociopolitique, économique et culturel c’est tout simplement à
cause de son hybridité culturelle. La culture africaine a été trahie au point que l’africain, dans
ce monde qui se globalise, ne saura plus jamais vivre sa vraie identité. Vouloir vivre
aujourd’hui en référence à nos ancêtres est un leurre, une fausse revendication. Nous ne
pouvons recouvrer notre dignité qu’en prenant conscience de ce que nous sommes devenus
par l’effet de la colonisation, et en travaillant pour sortir l’Afrique de la misère. Aimer
l’Afrique, c’est s’investir pour elle et non chercher encore à l’exploiter à des fins égoïstes
dans la vénalité et le népotisme. L’africain ne doit pas vouloir être un éternel assisté. Il doit
reprendre son destin en main pour affirmer sa dignité. Malheureusement la politique que
mènent les dirigeants africains au niveau des différents Etats n’est pas toujours propre à
honorer la dignité de la personne humaine parce qu’entachée de détournement, d’exploitation
20
L. CARROUE, D. COLLET et C. RUIZ, Les Amériques, éd. Bréal, p. 32.
21
J. BRUHAT, « Colonisation » in
Encyclopaedia Universalis
, Corpus 6, France S. A. 1996, p. 120.
5
5
de l’homme par l’homme, de division… C’est un néocolonialisme non moins méprisant de la
dignité humaine.
Ces deux faits historiques : l’esclavage et la colonisation en contradiction avec la dignité
humaine constituent la source des guerres qui ont ruiné l’humanité. Les différentes causes de
ces guerres résident dans la volonté de puissance des nations européennes au lendemain de la
conférence de Berlin de 1885, qui avait permis le partage de l’Afrique entre elles. Ce partage
arbitraire qui a été fait de l’Afrique manifeste le déni de la dignité aux Africains par les
Européens. Dans le même temps, ces derniers, avec leur grande ambition de dominer et
d’étendre leur puissance politique et économique ont manqué de croire en leur propre dignité
humaine. D’où les guerres qui ont opposé les différentes nations européennes. C’est au
lendemain des atrocités, surtout de la deuxième guerre, et des tentatives organisées de réduire
l’homme à néant que le 10 décembre 1948, l’Assemblée Générale des Nations Unies adopte la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Ces faits historiques déshumanisants : l’esclavage, la colonisation et les deux guerres
mondiales montrent le caractère nocif de ces courants idéologiques qui évacuent la dignité de
tout être humain. Ils continuent hélas de déstabiliser le monde meurtri par les conflits, les
crises identitaires, socio-économiques et politiques. Le juste milieu à trouver n’est-ce pas de
repartir de l’homme et de revenir à l’homme, c’est-à-dire, de redonner à l’homme toute sa
dignité ? Quelques déclarations internationales nous y invitent.
III. Les grandes déclarations internationales sur la dignité humaine
Les déclarations internationales sont intervenues chaque fois que la personne humaine est
menacée de risques de dépossession de toute dignité. Elles constituent des rappels à l’ordre
pour sauvegarder l’humanité. Nous avons évoqué le phénomène de l’esclavage qui en fait est
une activité commerciale contre-nature. Le décret Schœlcher du 27 avril 1848 abolissant
l’esclavage énonçait déjà « que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine »
22
. Cette
affirmation répond à l’inhumanité du trafic de l’esclavage. Ce décret reconnaît, par ailleurs,
que l’esclavage détruit le libre arbitre de l’homme, supprime le principe naturel du droit et du
devoir, constitue une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Egalité, Fraternité.
En termes clairs, le décret affirme que les esclaves sont des hommes. Ils sont dotés d’un libre
arbitre. Des personnes de droit et de devoir, devant jouir de la liberté, de l’égalité et de
fraternité, trois valeurs fondamentales constituant la devise française. Dénier ces principes et
valeurs aux esclaves, c’est entamer la destruction de toute l’humanité. Dès lors le décret, dans
son premier article dispose : «
L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et
possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune
d’elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment
corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdits.
» Il s’agit d’un
article qui, dans sa tentative d’abolir l’esclavage, a pour volonté de réhabiliter les esclaves
dans leur dignité humaine. C’est pourquoi le décret amnistie les anciens esclaves condamnés à
des peines afflictives ou correctionnelles pour des faits qui, imputés à des hommes libres,
n’auraient point entraîné ce châtiment
23
. Ce faisant, il interdit à tout Français de posséder,
d’acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à
22
M. FABRE-MAGNAN, « Dignité humaine », in
Dictionnaire des droits de l’homme
, Paris, PUF, 2008, p. 286.
23
Décret Schœlcher, art. 4.
6
6
tout trafic ou exploitation de ce genre. Dans tous les cas, toute infraction à ces dispositions,
affirme le décret, entraînera la perte de la qualité de citoyen français
24
.
Nous sommes là à un début de prise de conscience de l’importance de la reconnaissance de la
dignité humaine à l’homme et à tout homme. Car l’être humain ne saurait être assimilé à des
articles à vendre ou à acheter. C’est déjà un pas considérable qui invite au respect de
l’homme.
La déclaration la plus décisive est celle universelle des Droits de l’Homme adoptée par
l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Elle est intervenue après les
atrocités de la deuxième guerre mondiale qui a lourdement porté atteinte à la dignité humaine
dans la destruction des sociétés et dans la perte en vies humaines. Dans le tout premier article
qui ouvre la charte, l’Assemblée Générale des Nations Unies inscrit l’inaliénable et égale
dignité de tout être humain : «
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans
un esprit de fraternité
». Un nouveau regard est ainsi porté sur l’être humain dramatiquement
éprouvé par la guerre et aux tentatives organisées de le réduire à néant. L’article enseigne
qu’aucun être humain ne doit être traité moins qu’un rien en rappelant que, de par sa nature,
l’être humain est doté de dignité. S’il en est ainsi, c’est alors une invitation à « Plus jamais
ça ». Cette charte vient pour dire non à la guerre, à l’esclavage
25
et tout ce qui constitue un
attentat à l’être humain. Cette déclaration universelle des droits de l’homme constitue donc
un texte de base de référence pour toutes les législations. Ainsi, la loi fondamentale pour la
République fédérale d’Allemagne du 23 mai 1949 inscrit dès le premier alinéa de son article
1
er
, que «
la dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l’obligation
de la respecter et de la protéger
. » Cette même charte est à la base de la Convention pour la
protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications
de la biologie et de la médecine adoptée à Oviedo le 4 avril 1997
26
.
En somme, ces deux déclarations de portée mondiale, affirment la dignité inaliénable de tout
être humain. Car là où l’homme est chosifié, mis au rang des articles propres au trafic, c’est
toute l’humanité qui est ainsi remise en cause. Tant que la dignité n’est pas reconnue de façon
absolue à l’homme comme principe qui le structure et le porte, le monde ne connaîtra jamais
la paix. Cela est d’autant plus vrai que, sans la reconnaissance de la dignité humaine, il n’y a
pas le respect de l’homme. Et quand il n’y a pas ce respect, toutes les portes sont ouvertes au
« chacun pour soi
» à travers l’injustice, l’exploitation de l’autre, les conflits, les guerres.
Aujourd’hui, il y a un effort remarquable de la part de certains dirigeants et intellectuels de
faire des droits de l’homme une école pour permettre un changement de mentalité nécessaire
pour une vie conviviale et sécurisée en société. De fait, la connaissance des droits de l’homme
et son application deviennent un impératif face aux signaux de détresse que donne le monde
actuel : les conflits armés qui font beaucoup de morts, la crise économique qui plonge les pays
en voie de développement dans la misère, les licenciements, le chômage… Dans le même
temps, une minorité détient, de façon égoïste, des richesses immenses. Le travail de
sensibilisation de toutes les couches sociales sur les droits de l’homme s’avère indispensable
pour que l’humanité recouvre sa fraîcheur initiale dans la confiance en l’homme et dans
l’investissement de l’homme dans le travail.
24
Ibid, art. 8.
25
L’article 4 stipule : «
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont
interdits sous toutes leurs formes
».
26
M. FABRE-MAGNAN,
Ibid
, p. 286.
7
7
En conclusion, la dignité humaine ne saurait être comprise en dehors de l’homme comme
l’indiquent le socialisme marxiste et le libéralisme. Ces deux courants, en posant la dignité
hors de l’homme, fait de ce dernier un instrument, un moyen dans la société. Cela est
contraire au courant personnaliste et à la vision de l’Eglise catholique dont « la personne
humaine, insérée dans ses différentes communautés d’appartenance, est l’origine et la fin de
toute la vie sociale »
27
. Si l’humanité a connu l’esclavage, la colonisation et les deux grandes
guerres mondiales, cela ne saurait s’expliquer sans tenir compte du fait de la non
reconnaissance par les protagonistes de la dignité liée intimement à tout être humain. Tant que
l’homme n’est pas reconnu pour lui-même il ne peut y avoir un développement sain et
durable, car les hostilités l’emporteront toujours. Nous croyons que la reconnaissance de la
dignité humaine comme principe structurant toute personne humaine serait une chance pour
sauver le monde d’aujourd’hui en proie à toutes sortes d’hostilités. Repartir de l’homme et
revenir à lui, c’est-à-dire lui accorder toute sa dignité, c’est ouvrir des voies de solutions aux
problèmes politiques économiques et socioculturels qui agitent notre monde. C’est la
condition, nous semble-t-il, pour que « l’homme ne soit plus loup pour l’homme », mais un
frère, un ami, et pour que la société devienne un espace de vie et de solidarité.
Félicien SEBO
27
R. MINNERATH,
op. cit
., p. 16.
8
8
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