Etude sur la compatibilité entre la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Constitution : rapport au Premier ministre
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Description

Expertise juridique sur la compatibilité avec le droit français de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. Il en ressort que la Charte n'est pas, en elle-même, incompatible avec la Constitution étant entendu, d'une part, que l'objet de la Charte est de protéger des langues et non nécessairement de conférer des droits imprescriptibles à leurs locuteurs, et d'autre part, que ces langues appartiennent au patrimoine culturel indivis de la France. Le rapport indique que la France peut, dans des conditions compatibles avec la Constitution, souscrire jusqu'à cinquante deux des engagements prévus par la Charte.

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Publié par
Publié le 01 septembre 1998
Nombre de lectures 22
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Langue Français

Extrait

MonsieurleProfesseur,

Danslerapportqu'ilvientde me remettre surleslangueset culturesrgionales,
M.Bernard POIGNANT,MairedeQuimper, estimeque"la Francedoitseprparersigner,
puisratifierla des languescharte europennergionales ouminoritairesdu Conseilde
l'Europe .
"

Ilsuggrequ'aupralableuneexpertisejuridiquesoit menesurla compatibilit
de ce texte avecnotredroit.
Jesouhaite vous confier cettemission.Ils'agirade stipulationsprciser les
susceptiblesd'êtreprisesencomptepar laFrance dans cette charteauregard de nos rgleset
principesvaleur constitutionnelle.

Deux incombentsries d'obligationschaquepartie :ilimported'unepart
d'appliquerune sried'objectifsetdeprincipeset,d'autrepart, des'engagersurunimumminde
35 paragraphes oualinassur les 94que comportece texte.
Jevousdemandedeme fairedespropositions sur les choixopreretsurles
modalitsd'intgrationdecesdispositions dansnotre ordrejuridique.
J'attacherais du prixce quevouspuissiezmefairepart de vos conclusions
pourle31aoûtprochain.
Je vouspriede croire, MonsieurleProfesseur, enl'expressionde mes
sentimentslesmeilleurs.

Amicalement,

La documentation Française : Etude sur la compatibilit entre la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires et l aConstitution

1 .

Le

1er juillet

1998, Monsieur Bernard Poignant, Maire

de

Quimper, a remis Monsieur le Premier Ministreunrapport sur

"Langues etculturesrgionales".

Danscelui-ciestvoque,parmid'autresmesures, la signature, par

la France, de la Charte europenne des langues rgionales o u

minoritaires, adopte parleConseilde l'Europe le 1992.5 novembre

2 .Dans cemêmeRapport,l'auteurindique toutefois que, interrog

par le prcdent Gouvernement, le Conseil d'État a rendu, le 24

septembre 1996, un avis exprimant plus que des doutes sur la

compatibilit entre certaines dispositions de laCharteetla Constitution.

Toutefois, M. Poignant a observ que la Haute Assemblen'avait
pastsollicitedeprocderunexamendtailldutexteet,dfeaitc,e
n'avaitpas t conduitelefaire.

En consquence, il suggrait qu'une expertise juridique

circonstancie fût demande, afin de dterminer si un"ajustement

constitutionnel" non, avantla ratification ventuelle.serait ncessaire, ou

La documentation Française : Etude sur la compatibilit entre la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires et la Constitution

3 .C'est en date dudans ces conditions que, par lettre10juillet
1998, MonsieurlePremier Ministre fait a soussign aul'honneurde lui
confier cette mission, dontl'objetestdfiniainsi :

"Ils'agira d'être susceptiblesde prciser les stipulations
prisesen Francecompte par ladans cette charteauregardde
nosrgles etprincipesvaleur.eloitulennoncitst

"Deux sriesd'obligations incombent chaque partie :
il imported'unepartd'appliquerune srie d'objectifs et de
principeset,d'autrepart, des'engager surunminimumde35
paragraphes ou alinassur les94quecomportece texte.
"Jevousdemande deme fairedes propositionssur les
choix oprer et sur les modalits d'intgration de ces
dispositions dans notre ordre juridique".

4 .Ainsidfinie, cette tâchenesaurait amener celui quil'accomplit

opiner sur l'opportunit de la signature et de la ratification, sur
lesquellesiln'ad'ailleurs aucun titre particulier se prononcer.Ellen'a
d'objet juridique,que strictementetprioritairement constitutionnel, de
sorte quel'on et desne saurait dduire de l'analyse qui va suivre,

argumentations quiyseront dveloppes,nisympathieniantipathie
l'gardde la cause qui en est le sujet.

Ceci tant prcisi,l faireapparaît indispensable de quelques
observations prliminaires sur l'esprit (I) etlemcanisme (II) de la
Charte, de rappeler ensuite les principes constitutionnels pertinents (III),

afin de les confronter au dtail desdispositions de la Charte (IV) avant

d'envenir aux d'intgration notreordre et d'adhsion modalits

juridique (V), puis de conclure (VI).

La documentation Française : Etude sur la compatibilit entre la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires et la Constitution

I - Remarques sur l'esprit de la Charte

5 .Élabore parleConseil del'Europe,elles'efforcede rechercher

un dnominateur susceptibled'être 40 nations qui lecommun aux
composent.Ils'agit l'videnced'unegageure, tant sont diverses les
situations nationales concernes.

Tantôt, en effet, la questionlinguistique dimensionsa pris lesd'une
querelle, parfois trs vive, voire violente, tantôt, aucontraire, elle sepose

dansuncontexte paisible. Tantôt chacunneparle que sa langue et refuse
celle de l'autre, tantôt, au contraire, l'existenced'une touslangue de

s'accommode du droit de chacund'en sonutiliser une autre si tel est
choix. Enfin, des pays dont la languen'apas de statut constitutionnel
coexistent avec d'autres qui ont faitle tandis que, parmichoix inverse, ces
derniers, certains ont consacr leplurilinguismeet d'autresnon.

C'estassez dire la difficultqu'ily avait concevoiruntexte qui

pûtrpondrecettediversit,contribueraplanirlesproblmesquand

ils en crer quand ilsexistent, sansn'existentpas.

Pour y parvenir, les rdacteurs delaCharte ont fait deux choix.

6 .Lepremier, fondamental et judicieux, a t celui de sesoucier

des langues plutôt que de ceux qui les parlent.

L'ensembledes dispositions, effet, est en parfaite cohrenceavec en

le premier principe consacr, ds le a du paragraphe 1 del'article7, celui

de

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"lareconnaissancedes langues rgionalesou minoritairesen
tant qu'expressionde la richesse culturelle".

De cela, tout le reste se dduit, qui consiste organiser
concrtement la protection de ces langues, bien davantagequ'consacrer

des droits nouveaux au profit de leurs locuteurs(infra,69).De ce fait,

mêmelorsque, occasionnellement, cela peut conduire ceci,il n'estpas

indiffrentquelasource,lefaitgnrateur,soitavanttoutlaprotection
de nonla langue, richesse culturelle, etledroit de celui quil'emploie.O n
verra d'ailleurs que cet lmentn'est porte auregard dupas sans droit

français(infra,61).

7 .La pour de la Charte, prise par les rdacteursseconde option
tenir effectivement compte de la diversit des situations relles, est

d'ouvrir trs frquemment desalternatives aux États signataires, que

marque l'utilisation simultane des deux conjonctions de coordination

"et/ou". bnvolentspourront-ils Ainsi les plus la fois faciliteret

encourager, permettreetencourager, tandis que les autres, ayantlechoix
defaciliterouencourager, permettreouencourager, peuvent se borner

faciliter, permettre, sansqu'il devoirleur soit jamais impos de
encourager,s'ilsy sont rticents.

De ce fait, la souplesse est dj prsentedans la conception
d'ensemble de la Charte, avant même d'apparaître dans sesmcanismes
(infra,16).Et, conjuguant ses effets avec ceux dupartipris de protger

les langues elles-mêmes, elle atteste d'une volont d'adaptation

pratiquement toutes les ralits nationales.

La documentation Française : Etude sur la compatibilit entre la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires et la Constitution

8 . la dnomination sont revanche,Sans doute plus discutables, en
même de languesrgionalesetl'ideselon laquelle celles-ci seraient

attaches desaires gographiques prcisment dtermines. La
conception qui veutqu'unelangue soit forcment lie unsol etnesoit

liequ'lui, peut être juge lfaois errone etdangereuse.

Errone commele du français, parl, crit,prouve l'exemple
enseign, titre de langueofficielle, sur les cinq continents, mais comme
leprouve galement, avec ici plus de pertinence l'exemple des encore,

crolescaribens,quicomptentpeut-êtreaujourd'huiautantouplusde

locuteurs en rgion parisienne qu'aux A ntilles. La même remarque
vaudrait galement pour la langue corse, dont les locuteurs sont

nombreux sur le continent.

Enfait,la localisationseule vritabled'unelangue,c'estlecerveau

de quiconque la connaît, et elle bouge donc autant quelui. Or les Français

ont beaucoup boug en France, etleferont sans doute encore.

Ilne s'agitnaturellement pas de contester quel'ona plus de chance
d'entendre parler alsacien, par exemple, en Alsacequ'enProvence, mais

simplement de souligner que l'Alsacen'estpas plus propritaire de cette
languequ'elle nel'estde ceux qui la pratiquent.

9 .S'ilparaît utile, cestade,d'insistersur cet aspect,c'estparce
qu'il n'est quepas sans lien avec les problmes constitutionnelsl'onva

rencontrer. Car cette conception, celled'unelocalisation rgionaled'une
langue, est galement dangereuse en ceciqu'ellesuggrequ'ily auraitune

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unit,bientôtuneidentit,entrecestroinsotionsquidoiventdemeurer

trs distinctes, quesontun langueterroir, uneet unpeuple.

Ds lors, en effet, quel'onadmettrait, pour prendreunautre

exemple, quelebreton est

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