Un instrument de mesure des croyances. La Règle de Bayes - article ; n°4 ; vol.3, pg 491-513
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Histoire & Mesure - Année 1988 - Volume 3 - Numéro 4 - Pages 491-513
A measure instrument for beliefs: Bayes’ Rule Bayes’s ~~Essay~~ (1763) belongs to a time when the notion of causality began to be criticised. Bayes, contrarily to Bernouilli, does not work on the more and more precise search for a probability, but on the confidence with which it is possible to predict an event from what had happened before. This approach’ not from the point of view of the things, but from that of man, is not unique: Buffon and Hume had the same. Bayes also answers Berkeley’s criticism against Newton and the utilitarian humanism which underpins his demonstrations. If to criticize interest leads to scepticism, Bayes’ concern for a formalised method is a safeguard for Science and, there, Bayes belongs to the lineage of Hume and of Nominalism. If neither a scientific law nor the word itself, corresponds to essences but to regularities, the fundamental problem is the confidence which these deserve, and Bayes’ Rule makes it possible to deduce it from past events. Furthermore, Bayes’ Rule allows the integration of the experience’s time dimension, which founds authority in previous observations, as it is indeed the case for all human institutions. As to Bayes’ Rule itself, it must be understood as a measure instrument since no true value has a life of its own: what is new in the bayesian approach is this idea, similar to those of contemporary utilitarianism, which purports that it is possible to define an equivalence between the credits that are deserved by beliefs, Whatever they are. Let us note that bringing all beliefs to a same lever may have adverse consequences for religious beliefs, their privileged statue being thus questioned.
L’~~Essai~~de Bayes (1763) se situe à une époque où la réflexion se fait critique sur la notion de causalité. Bayes, contrairement à Bernouilli, ne réfléchit pas sur la recherche de plus en plus précise d’une probabilité, mais sur la ~~confiance~~ que l’on peut avoir à prédire un événement au vu de ce qui est arrivé auparavant. Cette manière de réfléchir aux problèmes, non du point de vue des choses, mais du point de vue de l’homme, n’est pas spécifique de Bayes : Buffon et Hume ont la même perspective.Bayes répond également à la critique faite par Berkeley à Newton et à son « humanisme utilitariste » qui sous-tend ses démonstrations. En effet, si la critique de l’intérêt conduit au scepticisme, sa prise en compte d’une manière formalisée par Bayes sauve la Science et là, Bayes se trouve bien dans la lignée de Hume et du Nominalisme. Si la loi scientifique, pas plus que le mot, ne correspondent pas à des essences mais à des régularités, l’important est la confiance que l’on peut leur accorder et la Règle de Bayes permet de la connaître en fonction de l’observation antérieure. De plus la Règle de Bayes permet l’intégration de la dimension temporelle de l’expérience qui fonde l’autorité sur l’observation antérieure, comme d’ailleurs pour toute institution humaine.Quant à la Règle de Bayes elle-même, il faut la comprendre comme un instrument de mesure car aucune « vraie valeur » n’existe en soi : ce qui est nouveau dans la pratique bayésienne, c’est cette idée, analogue à celle de l’utilitarisme de l’époque, qui veut qu’il y ait possibilité de définir une équivalence entre les crédits apportés aux croyances, quelles qu’elles soient. On note d’ailleurs que cette mise sur le même pied de toutes les croyances, quel que soit leur domaine, peut avoir des conséquences négatives sur la croyance religieuse dont le statut privilégié est ainsi remis en cause.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Cléro
Un instrument de mesure des croyances. La Règle de Bayes
In: Histoire & Mesure, 1988 volume 3 - n°4. pp. 491-513.
Citer ce document / Cite this document :
Cléro Jean-Pierre. Un instrument de mesure des croyances. La Règle de Bayes. In: Histoire & Mesure, 1988 volume 3 - n°4. pp.
491-513.
doi : 10.3406/hism.1988.1350
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hism_0982-1783_1988_num_3_4_1350Résumé
Jean-Pierre Clero. Un instrument de mesure des croyances. La Règle de Bayes.
L'Essai de Bayes (1763) se situe à une époque où la réflexion se fait critique sur la notion de causalité.
Bayes, contrairement à Bernouilli, ne réfléchit pas sur la recherche de plus en plus précise d'une
probabilité,
mais sur la confiance que l'on peut avoir à prédire un événement au vu de ce qui est arrivé auparavant.
Cette manière de réfléchir aux problèmes, non du point de vue des choses, mais du point de vue de
l'homme, n'est pas spécifique de Bayes : Buff on et Hume ont la même perspective. Bayes répond
également à la critique faite par Berkeley à Newton et à son « humanisme utilitariste » qui soutend ses
démonstrations. En effet, si la critique de l'intérêt conduit au scepticisme, sa prise en compte d'une
manière formalisée par Bayes sauve la Science et là, Bayes se trouve bien dans la lignée de Hume et
du Nominalisme. Si la loi
scientifique, pas plus que le mot, ne correspondent pas à des essences mais à des régularités,
l'important est la confiance que l'on peut leur accorder et la Règle de Bayes permet de la connaître en
fonction de l'observation antérieure. De plus la Règle de Bayes permet l'intégration de la dimension
temporelle de l'expérience qui fonde l'autorité sur l'observation antérieure, comme d'ailleurs pour toute
institution humaine. Quant à la Règle de Bayes elle-même, il faut la comprendre comme un instrument
de mesure car aucune « vraie valeur » n'existe en soi : ce qui est nouveau dans la pratique bayésienne,
c'est cette idée, analogue à celle de l'utilitarisme de l'époque, qui veut qu'il y ait possibilité de définir une
équivalence entre les crédits apportés aux croyances, quelles qu'elles soient. On note d'ailleurs mie
cette mise sur le même pied de toutes les quel que soit leur domaine, peut avoir des
conséquences négatives sur la croyance religieuse dont le statut privilégié est ainsi remis en cause.
Abstract
Jean-Pierre Clero. A measure instrument for beliefs: Bayes' Rule. Bayes's Essay (1763) belongs to a
time when the notion of causality began to be criticised. Bayes, contrarily to Bernouilli, does not work on
the more and more precise search for a probability, but on the confidence with which it is possible to
predict an event from what had happened before. This approach, not from the point of view of the
things, but from that of man, is not unique: Buffon and Hume had the same. Bayes also answers
Berkeley's criticism against Newton and the « utilitarian humanism » which underpins his
demonstrations. If to criticize interest leads to scepticism, Bayes' concern for a formalised method is a
safeguard for Science and, there, Bayes belongs to the lineage of Hume and of Nominalism. If neither a
scientific law nor the word itself, corresponds to essences but to regularities, the fundamental problem is
the confidence which these deserve, and Bayes' Rule makes it possible to deduce it from past events.
Furthermore, Bayes' Rule allows the integration of the experience's time dimension, which grounds
authority in previous observations, as it is indeed the case for all human institutions. As to Bayes' Rule
itself, it must be understood as a measure instrument since no « true value » has a life of its own: what
is new in the bayesian approach is this idea, similar to those of contemporary utilitarianism, which
purports that it is possible to define an equivalence between the credits mat are deserved by beliefs,
Whatever they are. Let us note that bringing all beliefs to a same level may have adverse
consequencies for religious beliefs, their privileged status being thus questioned.Histoire & Mesure, 1988, III-4, 491-513
HISTOIRE DE LA MESURE
Jean-Pierre CLÉRO
Un instrument de mesure des croyances.
La règle de Bayes
propres « souvent naturelle, toujours Spongia la règles. de nature solis. comme même, » — nous qu'il Quand nous dément, sera nous en concluons demain et voyons ne s'assujettit jour, un une effet etc. pas nécessité arriver Pascal Mais à ses
« Si presque toutes nos vérités se réduisent à des
probabilités, quelle reconnaissance ne devrait-on pas à
l'homme de génie qui se chargerait de construire des
tables physiques, métaphysiques, morales et politiques,
où seraient marqués avec précision tous les divers
degrés de probabilité, et par conséquent, de croyance
qu'on doit assigner à chaque opinion ? »
Helvétius
Si Leibniz n'a lui-même rien inventé dans le calcul des probabilités,
il en a très tôt envisagé la portée logique d'estimation des degrés de
croyance (que nous pouvons avoir dans les jugements politiques,
juridiques, moraux) (1). Il s'intéresse sous cet angle à YArs conjectandi
de Jacques Bernoulli qui, lui-même, ne juge pas la loi des grands
nombres suffisante pour une publication sans tenter de l'associer à une
logique des valeurs des propositions, seule capable à ses yeux de lui
donner un sens. On sait que YArs conjectandi ne parut en 1713 que huit
ans après la mort de son auteur, que les recherches des degrés de
croyance (ou d'espérance) ont donné lieu à des résultats insuffisants (2),
voire contradictoires (3), en tout cas bien en retrait par rapport à
l'ambition du titre projeté de sa IVe partie, « traitant de l'usage et de
l'application de la doctrine (des chances) aux affaires civiles, morales et
économiques » (4).
L' Essai de Bayes en vue de résoudre un Problème de la Doctrine des
Chances, publié en 1763, deux ans après la mort de son auteur, par Price
qui en compléta le projet par l'adjonction de règles et d'un Appendice
491 Histoire & Mesure
contenant une application (de celles-ci) à quelques cas particuliers, peut
être inscrit dans la même perspective logique. Certes, il s'agit d'un
ouvrage de mathématiques ; mais Price a parfaitement compris, comme
en témoigne son Appendice joint au texte paru dans les Philosophical
Transactions, qu'il s'agissait d'une pièce essentielle à verser au dossier du
« raisonnement par analogie ou par induction » (5), donc d'une réponse
au scepticisme qui, par les analyses de Hume, grevait les fondements du
principe de causalité. Si sobre se manifeste-t-il sous le rapport philosophi
que, Y Essai de Bayes, qui ne parle jamais directement de causalité, ni
même d'induction, mais seulement d'« événements subséquents », n'en
pose pas moins des problèmes de « philosophie expérimentale » ou
« naturelle » — comme on disait à l'époque pour désigner l'ensemble des
sciences liées à l'expérience qui englobe aussi cette partie de la
« théologie naturelle » qu'on appelle le « théisme expérimental » (6) — et
des problèmes de philosophie de la connaissance. Quoique écrites dans la
langue des géomètres, ces 25 pages produites à une époque où l'analogie
et la causalité sont profondément remises en chantier (7), ont une portée
critique considérable (8) et mettent en question non seulement ce qu'il
faut entendre par lois en physique et le crédit qu'il convient de leur faire,
mais encore ce qu'il faut entendre par vérité. Nous nous proposons
d'analyser quelques aspects de l'instrument forgé par Bayes pour
mesurer les degrés de croyance que nous pouvons avoir dans l'analogie
ou l'induction en insistant sur les conditions qui ont rendu possible la
construction d'un tel instrument.
Mais il nous faut d'abord fixer à quel problème Bayes répond par la
production de sa Règle et marquer le progrès que ce travail réalise par
rapport à celui, distant d'un demi-siècle, de J. Bernoulli qui avait déjà
introduit le calcul des probabilités sur le terrain des phénomènes
physiques et sociaux régis par le principe de causalité.
I. UN ETRANGE PROBLEME ET UNE ETRANGE DEFINITION DE
LA PROBABILIT

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