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Publié par | Calligraphie |
Publié le | 27 juin 2013 |
Nombre de lectures | 101 |
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Langue | Français |
Extrait
L’ami au piano
Thomas PASTOREJ’ATTENDAIS impatiemment devant la lourde porte en bois de chêne, qui témoignait de
la puissance et de l’autorité du lieu. Il faisait froid. Oh oui, il faisait rudement froid en ce mois de
mars. L’hiver s’attardait, et des flocons épars voletaient ci et là. À l’instar des quelques centaines
de personnes qui attendaient devant la haute bâtisse, j’étais emmitouflé dans un manteau
d’hiver, gants fourrés aux mains et chaussures de cuir aux pieds. Un pâle soleil se montrait de
temps en temps, lorsque ses rayons parvenaient à vaincre l’opacité des nuages. Je me
retournai. Les gens étaient serrés, profitant de la chaleur humaine pour ne pas geler sur place.
La foule au sein de laquelle je me trouvais formait une masse compacte sur quelques dizaines
de mètres carrés. La place était blanche, et en dehors de ceux qui patientaient, il n’y avait
personne. L’odeur du pain chaud chatouillait mes narines et mes papilles gustatives s’éveillaient.
Les volets étaient encore clos, mais des cheminées fumaient ; et perdu dans la contemplation
de la fumée blanche, imaginant l’âtre diffusant sa chaleur bienfaisante, je repensais aux
évènements qui m’avaient poussé à venir ici.
***
Les feuilles tourbillonnaient, formant un ballet coloré et fantastique. Rouge, jaune, vert, ocre. Je
virevoltai avec elles, cherchant à les attraper, imaginant telle ou telle créature fantasmagorique.
Le brasier s’échappant de sa gueule, c’étaient ces langues de flammes multicolores qui
tombaient des arbres. Je m’armai d’un bâton pour les chasser et pour pourfendre le dragon
splendide qui peuplait mes rêves d’enfant. Je frappais les tas de feuilles mortes par pur
amusement tandis que les champignons aux formes étranges provoquaient mon hilarité. Ici, un
spécimen rouge à pois blancs. Là, un cèpe brun dont l’ample chapeau décollait sous mon coup
de pied. L’automne... morne saison pour certains, période de transition pour d’autres. Je me
retournai vers mes parents, et les rejoignis en courant, les arrosant du babillage puéril et
incessant propre à tous les enfants de mon âge. Ma mère me couvait du regard, de ses yeux
bleus comme la mer dont j’avais hérités. Elle m’ôta les feuilles coincées dans mes cheveux
ébouriffés, et je partis dans un grand éclat de rire. Pur. Et touchant de sincérité. La promenade
touchait à sa fin, le sousbois s’éclaircissait, laissant entrevoir un soleil chaud et rassurant. Les
arbres flamboyaient, comme si la forêt entière prenait feu. C’était grandiose ! Au terme de leur
vie, les feuillages rendaient un dernier hommage à la nature, devenaient incandescentes,
comme si des innombrables bougies brûlaient sur un immense candélabre. Et puis, elles
tombaient, tombaient, et rejoignaient leurs sœurs par terre, remuant telle une mer agitée lorsque
je foulais ce tapis aux teintes chatoyantes.
La petite maison cossue de ma grand mère apparut au coin de la rue. La maison en bois clair
s’élevait quelques dizaines de mètres devant moi et je me hâtais, trottinant pour rejoindre le
portail en métal, vieilli. Mais, chose inhabituelle, une voiture inconnue était garée devant la haie.
Les fenêtres étaient grandes ouvertes, comme si la maison aspirait goulûment l’air chaud,
raffraîchit par un bise légère, de cette fin d’aprèsmidi. J’avançais, dépassant le portail et
m’apprêtant à sonner à la porte, lorsque des éclats de voix me parvinrent de l’autre côté de la
maison. Intrigué, aux aguets, je contournai la maison. Les voix se faisaient plus proches. J’imitai
les fenêtres de la maison, et aspirais une dernière bouffée d’air avant de continuer maprogression. Au fur et à mesure de mon avancée, les voix devenaient plus distinctes, et le timbre
des voix ne me disait rien. Je ne les reconnaissais pas. Quelque chose clochait... qui étaitce ?
Qu’estce que ces gens pouvaient bien faire ici ? Soudain, un bruit me fit sursauter. Mon cœur fit
un bond dans ma poitrine, je sentis mon estomac se soulever, comme attiré par une force
invisible. Je me retournai brusquement, ne sachant si je devais m’agenouiller et implorer grâce
ou détaler. Mais ce n’était qu’un chat ! Un malheureux chat noir, dont la couleur du pelage ne me
rassura point. Je calmai les tremblements qui m’agitaient, repris ma respiration. Oui, quelque
chose clochait, sans que je parvienne à mettre le doigt dessus. Le son des voix n’avaient pas
changé, je n’avais pas attiré leur attention. Je ne parvenais pourtant pas à avancer, j’étais
paralysé, l’esprit tout entier concentré sur une chose que je ne voyais pas. Zut alors ! qu’estce
qui était bizarre dans cette affaire ? Oh, bien sûr, tout l’était, mais une chose m’inquiétait. C’est
alors qu’elle me sauta aux yeux. Mais bien sûr ! Comment avaisje pu être à ce point idiot ! Mes
parents ne m’avaient pas rejoint, alors qu’ils n’étaient pourtant que quelques mètres derrière moi
tout à l’heure. Pourtant, quoi ? Cela faisait bien dix bonnes minutes que je tournais en rond,
m’approchant le plus silencieusement possible du groupe inconnu. Et mes parents ne m’avaient
toujours pas rejoints.