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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 21 |
EAN13 | 9782824710242 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
L’I LLUST RE
GA U DISSART
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
L’I LLUST RE
GA U DISSART
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1024-2
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.L’I LLUST RE GA U DISSART
A MAD AME LA DUCH ESSE DE CAST RI ES.
C V , inconnu dans l’antiquité , n’
estil p as une des plus curieuses figur es cré é es, p ar les mœur s deL l’ép o que actuelle ? N’ est-il p as destiné , dans un certain ordr e de
choses, à mar quer la grande transition qui, p our les obser vateur s, soude
le temps des e xploitations matérielles au temps des e xploitations
intelle ctuelles. Notr e siè cle r eliera le règne de la for ce isolé e , ab ondante en
cré ations originales, au règne de la for ce unifor me , mais niv eleuse , ég
alisant les pr o duits, les jetant p ar masses, et obéissant à une p ensé e unitair e ,
der nièr e e xpr ession des so ciétés. Après les satur nales de l’ esprit g
énéralisé , après les der nier s efforts de civilisations qui accumulent les trésor s
de la ter r e sur un p oint, les ténèbr es de la barbarie ne viennent-ils p as
toujour s ? Le Commis- V o yag eur n’ est-il p as aux idé es ce que nos
dilig ences sont aux choses et aux hommes ? il les v oitur e , les met en
mouv ement, les fait se cho quer les unes aux autr es ; il pr end, dans le centr e
lumineux, sa char g e de ray ons et les sème à trav er s les p opulations
endor mies. Ce p yr ophor e humain est un savant ignorant, un my stificateur
1L’illustr e Gaudissart Chapitr e
my stifié , un prêtr e incré dule qui n’ en p arle que mieux de ses my stèr es
et de ses dogmes. Curieuse figur e ! Cet homme a tout v u, il sait tout, il
connaît tout le monde . Saturé des vices de Paris, il p eut affe cter la b
onhomie de la pr o vince . N’ est-il p as l’anne au qui joint le villag e à la capitale ,
quoique essentiellement il ne soit ni Parisien, ni pr o vincial ? car il est
v o yag eur . Il ne v oit rien à fond ; des hommes et des lieux, il en appr end
les noms ; des choses, il en appré cie les surfaces ; il a son mètr e p
articulier p our tout auner à sa mesur e ; enfin son r eg ard glisse sur les objets
et ne les trav er se p as. Il s’intér esse à tout, et rien ne l’intér esse . Mo queur
et chansonnier , aimant en app ar ence tous les p artis, il est g énéralement
p atriote au fond de l’âme . Ex cellent mime , il sait pr endr e tour à tour le
sourir e de l’affe ction, du contentement, de l’ oblig e ance , et le quier p our
r e v enir à son v rai caractèr e , à un état nor mal dans le quel il se r ep ose . Il
est tenu d’êtr e obser vateur sous p eine de r enoncer à son métier . N’ est-il
p as incessamment contraint de sonder les hommes p ar un seul r eg ard,
d’ en de viner les actions, les mœur s, la solvabilité surtout ; et, p our ne p as
p erdr e son temps, d’ estimer soudain les chances de succès ? aussi
l’habitude de se dé cider pr omptement en toute affair e le r end-elle
essentiellement jugeur : il tranche , il p arle en maîtr e des théâtr es de Paris, de leur s
acteur s et de ceux de la pr o vince . Puis il connaît les b ons et les mauvais
endr oits de la France , de actu et visu . Il v ous piloterait au b esoin au Vice
ou à la V ertu av e c la même assurance . D oué de l’élo quence d’un r obinet
d’ e au chaude que l’ on tour ne à v olonté , ne p eut-il p as ég alement ar rêter et
r epr endr e sans er r eur sa colle ction de phrases prép aré es qui coulent sans
ar rêt et pr o duisent sur sa victime l’ effet d’une douche morale ? Conteur ,
égrillard, il fume , il b oit. Il a des br elo ques, il imp ose aux g ens de menu,
p asse p our un milord dans les villag es, ne se laisse jamais embêter , mot
de son ar g ot, et sait frapp er à temps sur sa p o che p our fair e r etentir son
ar g ent, afin de n’êtr e p as pris p our un v oleur p ar les ser vantes,
éminemment défiantes, des maisons b our g e oises où il p énètr e . ant à son
activité , n’ est-ce p as la moindr e qualité de cee machine humaine . Ni le milan
fondant sur sa pr oie , ni le cerf inv entant de nouv e aux détour s p our p asser
sous les chiens et dépister les chasseur s ; ni les chiens sub o dorant le
gibier , ne p euv ent êtr e comp arés à la rapidité de son v ol quand il soup çonne
une commission , à l’habileté du cr o c en jamb e qu’il donne à son rival p our
2L’illustr e Gaudissart Chapitr e
le de vancer , à l’art av e c le quel il sent, il flair e et dé couv r e un placement
de mar chandises. Combien ne faut il p as à un tel homme de qualités
sup érieur es ! T r ouv er ez-v ous, dans un p ay s, b e aucoup de ces diplomates
de bas étag e , de ces pr ofonds nég o ciateur s p arlant au nom des calicots,
du bijou, de la drap erie , des vins, et souv ent plus habiles que les
ambassadeur s, qui, la plup art, n’ ont que des for mes ? Per sonne en France ne
se doute de l’incr o yable puissance incessamment déplo yé e p ar les V o
yag eur s, ces intrépides affr onteur s de nég ations qui, dans la der nièr e b
ourg ade , r eprésentent le g énie de la civilisation et les inv entions p arisiennes
aux prises av e c le b on sens, l’ignorance ou la r outine des pr o vinces.
Comment oublier ici ces admirables manœuv r es qui p étrissent l’intellig ence
des p opulations, en traitant p ar la p ar ole les masses les plus réfractair es,
et qui r essemblent à ces infatig ables p olisseur s dont la lime lè che les p
orphy r es les plus dur s ! V oulez-v ous connaîtr e le p ouv oir de la langue et la
haute pr ession qu’ e x er ce la phrase sur les é cus les plus r eb elles, ceux du
pr opriétair e enfoncé dans sa baug e camp agnarde ;. . . é coutez le discour s
d’un des grands dignitair es de l’industrie p arisienne au pr ofit desquels
tr oent, frapp ent et fonctionnent ces intellig ents pistons de la machine à
vap eur nommé e Sp é culation.
― Monsieur , disait à un savant é conomiste le dir e cteur-caissier-g
érantse crétair e-g énéral et administrateur de l’une des plus célèbr es Comp
agnies d’ Assurance contr e l’Incendie , monsieur , en pr o vince , sur cinq cent
mille francs de primes à r enouv eler , il ne s’ en signe p as de plein gré p our
plus de cinquante mille francs ; les quatr e cent cinquante mille r estants
nous r e viennent ramenés p ar les instances de nos ag ents qui v ont chez les
Assurés r etardatair es les embêter , jusqu’à ce qu’ils aient signé de nouv e au
leur s chartes d’assurance , en les effrayant et les é chauffant p ar d’ép
ouvantables nar rés d’incendies, etc. Ainsi l’élo quence , le flux labial entr e
p our les neuf dixièmes dans les v oies et mo y ens de notr e e xploitation.
Parler ! se fair e é couter , n’ est-ce p as sé duir e ? Une nation qui a ses
deux Chambr es, une femme qui prête ses deux or eilles, sont ég alement
p erdues. Èv e et son ser p ent for ment le mythe éter nel d’un fait quotidien
qui a commencé , qui finira p eut-êtr e av e c le monde .
― Après une conv er sation de deux heur es, un homme doit êtr e à v ous,
disait un av oué r etiré des affair es.
3L’illustr e Gaudissart Chapitr e
T our nez autour du Commis- V o yag eur ? Ex aminez ce