L’illustre Gaudissart
43 pages
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Deuxième livre, Scènes de la vie de province - Tome II. Sixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Il existe donc un perpétuel combat entre le public retardataire qui se refuse à payer les contributions parisiennes, et les percepteurs qui, vivant de leurs recettes, lardent le public d’idées nouvelles, le bardent d’entreprises, le rôtissent de prospectus, l’embrochent de flatteries, et finissent par le manger à quelque nouvelle sauce dans laquelle il s’empêtre, et dont il se grise, comme une mouche de sa plombagine. Aussi, depuis 1830, que n’a-t-on pas prodigué pour stimuler en France le zèle, l’amour-propre des *masses intelligentes et progressives !* Les titres, les médailles, les diplômes, espèce de Légion-d’Honneur inventée pour le commun des martyrs, se sont rapidement succédé. Enfin toutes les fabriques de produits intellectuels ont découvert un piment, un gingembre spécial, leurs réjouissances. De là les primes, de là les dividendes anticipés 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 21
EAN13 9782824710242
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
L’I LLUST RE
GA U DISSART
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
L’I LLUST RE
GA U DISSART
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1024-2
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.L’I LLUST RE GA U DISSART
A MAD AME LA DUCH ESSE DE CAST RI ES.
 C V    ,   inconnu dans l’antiquité , n’
estil p as une des plus curieuses figur es cré é es, p ar les mœur s deL l’ép o que actuelle  ? N’ est-il p as destiné , dans un certain ordr e de
choses, à mar quer la grande transition qui, p our les obser vateur s, soude
le temps des e xploitations matérielles au temps des e xploitations
intelle ctuelles. Notr e siè cle r eliera le règne de la for ce isolé e , ab ondante en
cré ations originales, au règne de la for ce unifor me , mais niv eleuse , ég
alisant les pr o duits, les jetant p ar masses, et obéissant à une p ensé e unitair e ,
der nièr e e xpr ession des so ciétés. Après les satur nales de l’ esprit g
énéralisé , après les der nier s efforts de civilisations qui accumulent les trésor s
de la ter r e sur un p oint, les ténèbr es de la barbarie ne viennent-ils p as
toujour s  ? Le Commis- V o yag eur n’ est-il p as aux idé es ce que nos
dilig ences sont aux choses et aux hommes  ? il les v oitur e , les met en
mouv ement, les fait se cho quer les unes aux autr es  ; il pr end, dans le centr e
lumineux, sa char g e de ray ons et les sème à trav er s les p opulations
endor mies. Ce p yr ophor e humain est un savant ignorant, un my stificateur
1L’illustr e Gaudissart Chapitr e
my stifié , un prêtr e incré dule qui n’ en p arle que mieux de ses my stèr es
et de ses dogmes. Curieuse figur e  ! Cet homme a tout v u, il sait tout, il
connaît tout le monde . Saturé des vices de Paris, il p eut affe cter la b
onhomie de la pr o vince . N’ est-il p as l’anne au qui joint le villag e à la capitale ,
quoique essentiellement il ne soit ni Parisien, ni pr o vincial  ? car il est
v o yag eur . Il ne v oit rien à fond  ; des hommes et des lieux, il en appr end
les noms  ; des choses, il en appré cie les surfaces  ; il a son mètr e p
articulier p our tout auner à sa mesur e  ; enfin son r eg ard glisse sur les objets
et ne les trav er se p as. Il s’intér esse à tout, et rien ne l’intér esse . Mo queur
et chansonnier , aimant en app ar ence tous les p artis, il est g énéralement
p atriote au fond de l’âme . Ex cellent mime , il sait pr endr e tour à tour le
sourir e de l’affe ction, du contentement, de l’ oblig e ance , et le quier p our
r e v enir à son v rai caractèr e , à un état nor mal dans le quel il se r ep ose . Il
est tenu d’êtr e obser vateur sous p eine de r enoncer à son métier . N’ est-il
p as incessamment contraint de sonder les hommes p ar un seul r eg ard,
d’ en de viner les actions, les mœur s, la solvabilité surtout  ; et, p our ne p as
p erdr e son temps, d’ estimer soudain les chances de succès  ? aussi
l’habitude de se dé cider pr omptement en toute affair e le r end-elle
essentiellement jugeur  : il tranche , il p arle en maîtr e des théâtr es de Paris, de leur s
acteur s et de ceux de la pr o vince . Puis il connaît les b ons et les mauvais
endr oits de la France , de actu et visu . Il v ous piloterait au b esoin au Vice
ou à la V ertu av e c la même assurance . D oué de l’élo quence d’un r obinet
d’ e au chaude que l’ on tour ne à v olonté , ne p eut-il p as ég alement ar rêter et
r epr endr e sans er r eur sa colle ction de phrases prép aré es qui coulent sans
ar rêt et pr o duisent sur sa victime l’ effet d’une douche morale  ? Conteur ,
égrillard, il fume , il b oit. Il a des br elo ques, il imp ose aux g ens de menu,
p asse p our un milord dans les villag es, ne se laisse jamais embêter , mot
de son ar g ot, et sait frapp er à temps sur sa p o che p our fair e r etentir son
ar g ent, afin de n’êtr e p as pris p our un v oleur p ar les ser vantes,
éminemment défiantes, des maisons b our g e oises où il p énètr e . ant à son
activité , n’ est-ce p as la moindr e qualité de cee machine humaine . Ni le milan
fondant sur sa pr oie , ni le cerf inv entant de nouv e aux détour s p our p asser
sous les chiens et dépister les chasseur s  ; ni les chiens sub o dorant le
gibier , ne p euv ent êtr e comp arés à la rapidité de son v ol quand il soup çonne
une commission , à l’habileté du cr o c en jamb e qu’il donne à son rival p our
2L’illustr e Gaudissart Chapitr e
le de vancer , à l’art av e c le quel il sent, il flair e et dé couv r e un placement
de mar chandises. Combien ne faut il p as à un tel homme de qualités
sup érieur es  ! T r ouv er ez-v ous, dans un p ay s, b e aucoup de ces diplomates
de bas étag e , de ces pr ofonds nég o ciateur s p arlant au nom des calicots,
du bijou, de la drap erie , des vins, et souv ent plus habiles que les
ambassadeur s, qui, la plup art, n’ ont que des for mes  ? Per sonne en France ne
se doute de l’incr o yable puissance incessamment déplo yé e p ar les V o
yag eur s, ces intrépides affr onteur s de nég ations qui, dans la der nièr e b
ourg ade , r eprésentent le g énie de la civilisation et les inv entions p arisiennes
aux prises av e c le b on sens, l’ignorance ou la r outine des pr o vinces.
Comment oublier ici ces admirables manœuv r es qui p étrissent l’intellig ence
des p opulations, en traitant p ar la p ar ole les masses les plus réfractair es,
et qui r essemblent à ces infatig ables p olisseur s dont la lime lè che les p
orphy r es les plus dur s  ! V oulez-v ous connaîtr e le p ouv oir de la langue et la
haute pr ession qu’ e x er ce la phrase sur les é cus les plus r eb elles, ceux du
pr opriétair e enfoncé dans sa baug e camp agnarde  ;. . . é coutez le discour s
d’un des grands dignitair es de l’industrie p arisienne au pr ofit desquels
tr oent, frapp ent et fonctionnent ces intellig ents pistons de la machine à
vap eur nommé e Sp é culation.
― Monsieur , disait à un savant é conomiste le dir e cteur-caissier-g
érantse crétair e-g énéral et administrateur de l’une des plus célèbr es Comp
agnies d’ Assurance contr e l’Incendie , monsieur , en pr o vince , sur cinq cent
mille francs de primes à r enouv eler , il ne s’ en signe p as de plein gré p our
plus de cinquante mille francs  ; les quatr e cent cinquante mille r estants
nous r e viennent ramenés p ar les instances de nos ag ents qui v ont chez les
Assurés r etardatair es les embêter , jusqu’à ce qu’ils aient signé de nouv e au
leur s chartes d’assurance , en les effrayant et les é chauffant p ar d’ép
ouvantables nar rés d’incendies, etc. Ainsi l’élo quence , le flux labial entr e
p our les neuf dixièmes dans les v oies et mo y ens de notr e e xploitation.
Parler  ! se fair e é couter , n’ est-ce p as sé duir e  ? Une nation qui a ses
deux Chambr es, une femme qui prête ses deux or eilles, sont ég alement
p erdues. Èv e et son ser p ent for ment le mythe éter nel d’un fait quotidien
qui a commencé , qui finira p eut-êtr e av e c le monde .
― Après une conv er sation de deux heur es, un homme doit êtr e à v ous,
disait un av oué r etiré des affair es.
3L’illustr e Gaudissart Chapitr e
T our nez autour du Commis- V o yag eur  ? Ex aminez ce

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