Pour la première fois de mon modeste parcours d’écrivain, j’ai longuement hésité avant d’entreprendre la rédaction d’un livre. J’avais, en effet, amassé une documentation sérieuse sur un épisode de l’histoire de la DST, service ui m’est cher et ue je crois avoir tou -jours défendu dans l’honneur. Cet épisode m’est apparu illustrer un infléchissement inattendu et marué de la ligne stratégiue du contre-espionnage français ui m’a profondément choué – j’ose le mot – et dont j’ai pris conscience en travaillant sur le sujet inédit du service de renseignements et de répression iranien, le Vevak.
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Extrait de la publication
Le Grand Gomplot
J’ai découvert, en effet, la réalité et le développement d’une coopération active entre la DST et le Vevak, comparable à celle ue, dans la ligne de mes prédéces-seurs, j’entretenais en « mon » temps avec les services alliés, anglais, américains ou allemands, et bien au-delà de celle ue j’avais initiée avec les services algériens et dont nous savons aujourd’hui les résultats. La chose m’est apparue préoccupante, pour rester mesuré, et bien davantage ue le risue de l’impopula -rité ou même de la polémiue ue je pouvais encourir, j’ai craint d’altérer l’image d’une grande maison ui doit à une impressionnante conjonction de talents et d’abnégations d’avoir brillé naguère de mille feux au sein de la communauté internationale de l’« intelli-gence ». Toutefois, il ressortait de cette collaboration inusuelle un fait, ou plutôt un enchaînement de faits, ui contrevenait gravement à un principe auuel, pour ma part, je me suis fermement tenu : celui de la neutra-lité dans les affaires intérieures des États. Je m’expliue : à chaue fois ue j’ai été sollicité pour interférer dans les conflits ui opposaient des services
étrangers à leurs oppositions ui avaient trouvé refuge en France, j’ai invariablement refusé, considérant ue même au-delà du droit d’asile, il n’était pas conve -
nable de prendre parti et d’oublier les droits reconnus aux oppositions. Je ne faisais en ceci ue suivre la ligne définie par le président François Mitterrand ui, même à l’endroit d’un pays ami comme l’Italie, n’avait pas accédé aux demandes concernant des activistes comme
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Extrait de la publication
Introduction
Cesare Battisti. Certes, la lutte antiterroriste a appliué au problème des termes nouveaux, mais même en ce cas, la prudence était de rigueur, comme ce fut longtemps le cas à l’encontre des membres de l’ETA ui condui-saient cependant des actions terroristes à l’encontre d’une authentiue démocratie. Dans le conflit israélo-palestinien, en revanche, la France ne donnait aucun gage à l’État hébreu même lorsue ce dernier deman -dait l’interpellation d’opposants – souvent ualifiés de terroristes – palestiniens. Or, ce ui s’est passé le 17 juin 2003 constitue une rupture flagrante avec cette retenue, en ce ue la DST a choisi un camp dans le conflit ui oppose la théocratie à son opposition, et en ce ue ce camp est, sans polé -miue ni contestation possible, celui d’un régime dont les principes comme les méthodes ne sont pas, et c’est un euphémisme, acceptables, alors ue l’OMPI offre toutes les garanties de respect des règles démocratiues. Rappel des faits : le 17 juin 2003, la DST conduit, en ualité de maître d’œuvre, la plus massive opération de police de son existence, dirigée contre une organisation étrangère, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), installée sur le territoire national depuis une vingtaine d’années et dont la raison d’être revendi-uée est le renversement d’un régime ui entretient avec la France des relations tumultueuses. Au crédit des initiateurs et des concepteurs de la manœuvre, l’inscription sur les listes européenne, américaine et canadienne d’une organisation sœur, l’Organisation