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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 36 |
EAN13 | 9782824710181 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LES DEUX POÈT ES
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LES DEUX POÈT ES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1018-1
BI BEBO OK
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok. , le privilég e des Raphaël et des Pi, étiez déjà
grand p oète à l’âg e où les hommes sont encor e si p etits, v ousV av ez, comme Chate aubriand, comme tous les v rais talents, lué
contr e les envieux embusqués der rièr e les colonnes, ou tapis dans les
souter rains du Jour nal. A ussi désiré-je que v otr e nom victorieux aide à la
victoir e de cee œuv r e que je v ous dé die , et qui, selon certaines p er sonnes,
serait un acte de courag e autant qu’une histoir e pleine de vérité . Les
journalistes n’ eussent-ils donc p as app artenu, comme les mar quis, les
financier s, les mé de cins et les pr o cur eur s, à Molièr e et à son éâtr e ? Pour quoi
donc la Comé die Humaine , qui castig at ridendo mor es, e x cepterait-elle
une puissance , quand la Pr esse p arisienne n’ en e x cepte aucune
Je suis heur eux, monsieur , de p ouv oir me dir e ainsi
V otr e sincèr e admirateur et ami,
DE BALZA C.
n
1Les deux p oètes
’ commence cee histoir e , la pr esse de Stanhop e et
les r oule aux à distribuer l’ encr e ne fonctionnaient p as encor eA dans les p etites imprimeries de pr o vince . Malgré la sp é cialité
qui la met en rapp ort av e c la ty p ographie p arisienne , Ang oulême se
servait toujour s des pr esses en b ois, aux quelles la langue est r e de vable du
mot fair e g émir la pr esse , maintenant sans application. L’imprimerie
arriéré e y emplo yait encor e les balles en cuir fr oé es d’ encr e , av e c
lesquelles l’un des pr essier s tamp onnait les caractèr es. Le plate au mobile où
se place la forme pleine de ler es sur laquelle s’applique la feuille de p
apier était encor e en pier r e et justifiait son nom de marbre . Les dé v orantes
pr esses mé caniques ont aujourd’hui si bien fait oublier ce mé canisme ,
auquel nous de v ons, malgré ses imp erfe ctions, les b e aux liv r es des Elze vier ,
des P lantin, des Alde et des Didot, qu’il est né cessair e de mentionner les
vieux outils aux quels Jérôme-Nicolas Sé chard p ortait une sup er stitieuse
affe ction ; car ils jouent leur rôle dans cee grande p etite histoir e .
Ce Sé chard était un ancien comp agnon pr essier , que dans leur ar g ot
ty p ographique les ouv rier s char g és d’assembler les ler es app ellent un
Our s. Le mouv ement de va-et-vient, qui r essemble assez à celui d’un our s
en cag e , p ar le quel les pr essier s se p ortent de l’ encrier à la pr esse et de
2Les deux p oètes Chapitr e
la pr esse à l’ encrier , leur a sans doute valu ce sobriquet. En r e vanche ,
les Our s ont nommé les comp ositeur s des Sing es, à cause du continuel
e x er cice qu’ils font p our arap er les ler es dans les cent
cinquante-deuxp etites cases où elles sont contenues. A la désastr euse ép o que de 1793,
Sé chard, âg é d’ envir on cinquante ans, se tr ouva marié . Son âg e et son
mariag e le fir ent é chapp er à la grande ré quisition qui emmena pr esque
tous les ouv rier s aux ar mé es. Le vieux pr essier r esta seul dans
l’imprimerie dont le maîtr e , autr ement dit le Naïf, v enait de mourir en laissant
une v euv e sans enfants. L’établissement p ar ut menacé d’une destr uction
immé diate : l’Our s solitair e était incap able de se transfor mer en Sing e ;
car , en sa qualité d’imprimeur , il ne sut jamais ni lir e ni é crir e . Sans av oir
ég ard à ses incap acités, un Représentant du Peuple , pr essé de rép andr e les
b e aux dé cr ets de la Conv ention, inv estit le pr essier du br e v et de maîtr e
imprimeur , et mit sa ty p ographie en ré quisition. Après av oir accepté ce
p érilleux br e v et, le cito y en Sé chard indemnisa la v euv e de son maîtr e en
lui app ortant les é conomies de sa femme , av e c lesquelles il p aya le
matériel de l’imprimerie à moitié de la valeur . Ce n’était rien. Il fallait
imprimer sans faute ni r etard les dé cr ets républicains. En cee conjonctur e
difficile , Jérôme-Nicolas Sé chard eut le b onheur de r encontr er un noble
Mar seillais qui ne v oulait ni émigr er p our ne p as p erdr e ses ter r es, ni se
montr er p our ne p as p erdr e sa tête , et qui ne p ouvait tr ouv er de p ain
que p ar un travail quelconque . Monsieur le comte de Maucomb e endossa
donc l’humble v este d’un pr ote de pr o vince : il comp osa, lut et cor rig e a
lui-même les dé cr ets qui p ortaient la p eine de mort contr e les cito y ens
qui cachaient des nobles ; l’Our s de v enu Naïf les tira, les fit afficher ; et
tous deux ils r estèr ent sains et saufs. En 1795, le grain de la T er r eur étant
p assé , Nicolas Sé chard fut oblig é de cher cher un autr e maîtr e Jacques qui
pût êtr e comp ositeur , cor r e cteur et pr ote . Un abbé , depuis é vê que sous la
Restauration et qui r efusait alor s de prêter le ser ment, r emplaça le comte
de Maucomb e jusqu’au jour où le Pr emier Consul rétablit la r eligion
catholique . Le comte et l’é vê que se r encontrèr ent plus tard sur le même
banc de la Chambr e des Pair s. Si en 1802 Jérôme-Nicolas Sé chard ne
savait p as mieux lir e et é crir e qu’ en 1793, il s’était ménag é d’assez b elles
étoffes p our p ouv oir p ay er un pr ote . Le comp agnon si insoucieux de son
av enir était de v enu très-r e doutable à ses Sing es et à ses Our s. L’avarice
3Les deux p oètes Chapitr e
commence où la p auv r eté cesse . Le jour où l’imprimeur entr e vit la p
ossibilité de se fair e une fortune , l’intérêt dé v elopp a chez lui une intellig ence
matérielle de son état, mais avide , soup çonneuse et p énétrante . Sa
pratique nar guait la thé orie . Il avait fini p ar toiser d’un coup d’ œil le prix
d’une p ag e et d’une feuille selon chaque espè ce de caractèr e . Il pr ouvait à
ses ignar es chalands que les gr osses ler es coûtaient plus cher à r emuer
que les fines ; s’agissait-il des p etites, il disait qu’ elles étaient plus
difficiles à manier . La composition étant la p artie ty p ographique à laquelle il
ne compr enait rien, il avait si p eur de se tr omp er qu’il ne faisait jamais
que des mar chés lé onins. Si ses comp ositeur s travaillaient à l’heur e , son
œil ne les quiait jamais. S’il savait un fabricant dans la gêne , il achetait
ses p apier s à vil prix et les emmag asinait. A ussi dès ce temps p ossé dait-il
déjà la maison où l’imprimerie était log é e depuis un temps immémorial.
Il eut toute espè ce de b onheur : il de vint v euf et n’ eut qu’un fils ; il le
mit au ly cé e de la ville , moins p our lui donner de l’é ducation que p our
se prép ar er un successeur ; il le traitait sé vèr ement afin de pr olong er la
duré e de son p ouv oir p ater nel ; aussi les jour s de cong é le faisait-il
travailler à la casse en lui disant d’appr endr e à g agner sa vie p our p ouv oir
un jour ré comp enser son p auv r e pèr e , qui se saignait p our l’éle v er . A u
dép art de l’abbé , Sé chard choisit p our pr ote celui de ses quatr e comp
ositeur s que le futur é vê que lui signala comme ayant autant de pr obit