Gustave Geffroy et Rodin - article ; n°1 ; vol.70, pg 105-121
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Annales de Bretagne - Année 1963 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 105-121
17 pages

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Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Janine Salbert
Gustave Geffroy et Rodin
In: Annales de Bretagne. Tome 70, numéro 1, 1963. pp. 105-121.
Citer ce document / Cite this document :
Salbert Janine. Gustave Geffroy et Rodin. In: Annales de Bretagne. Tome 70, numéro 1, 1963. pp. 105-121.
doi : 10.3406/abpo.1963.2177
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1963_num_70_1_2177Janine SALBERT
GUSTAVE GEFFROY ET RODIN
« II est des écrivains que l'oubli atteint ou guette injus
tement et qu'il est équitable et utile de remettre en
lumière... Et l'entreprise se justifie pleinement quand il
s'agit d'écrivains dont l'œuvre peut paraître limitée, mais
dont l'action fut profonde et qui se placent au centre même
d'un mouvement littéraire ou artistique. 11 en est ainsi de
Gustave Geffroy. »
Ainsi était présenté cet écrivain d'origine bretonne (1)
aux visiteurs de l'exposition Gustave Geffroy et l'art
moderne (Bibliothèque nationale, 1957) par M. Julien Cain.
Président de l'académie Goncourt, de la Société des gens
de lettres, de l'Association de la presse artistique, portrai
turé par Cézanne, Carrière et Rodin, Gustave Geffroy fut
en effet mêlé à toute la vie de son temps. Barbey d'Aurev
illy l'appelait « le juste de la Justice », jeu de mots sur
les chroniques qu'écrivait Geffroy dans le journal de Cl
emenceau (2), en attendant de devenir un collaborateur de
V Humanité de Jaurès aux côtés de Jules Renard et de bien
d'autres. Dans un roman historique trop oublié, L'Enfermé,
il a raconté les quarante années de prison de Blanqui, en
particulier au Mont Sai»t-Michel et dans les forteresses
bretonnes de Belle-Isle et du Taureau, rappelant que dans
ce fort battu des flots, qu'il connaissait bien, son héros
(1) La famille de Gustave Getlroy (1855-1926) était d'origine morlai-
sienne, et le musée de Morlaix conserve son important legs où figu
rent en particulier un beau portrait de Courbet et une remarquable
étude de Belle-Isle de Monet. Bien qu'il fût né à Belleville, il resta
attaché à la Bretagne (Pays d'Ouest, 1897 : La Bretagne, 1905).
(2) Dans le célèbre tableau de Raffaëlli, Clemenceau au Cirque
Fernando (1885), on voit parmi les spectateurs Gustave Geffroy à
côté de Camille Pelletan et de Tony-Révillon. Cette amitié pour
Clemenceau ne pouvait que rapprocher le critique de Rodin. 106 GUSTAVE GEFFROY ET RODIN
avait rêvé d'astronomie (3). Ce romantisme politique, cette
générosité d'âme le conduisirent avec nombre de ses amis
écrivains et artistes, aux combats de l'affaire Dreyfus. Mais
cette passion de la vie anime aussi en lui le critique d'art
épris de la modernité baudelairienne. L'exposition de 1957
permettait de suivre son étonnante activité : Zola en 1885
le remercie de ce qu'il a écrit sur L'Œuvre, Mallarmé le
félicite de ses chroniques, Monet lui demande, en 1891, la
préface de son exposition des Meules. Ils se connaissaient
depuis 1876 et Geffroy était allé rendre visite au maître de
l'impressionnisme à Belle-Isle en 1886. Ce n'était pas là fait
exceptionnel : en 1897 il séjourna auprès de Sisley à Moret,
et il est entré dans l'atelier de Puvis de Chavannes. Gauguin
lui dédicace une gravure et il s'occupe du manuscrit de
Noa-Noa. Un jour sur la Marne, il rame avec Lautrec et
Yvette Guilbert : de cette promenade sortira un livre sur
la célèbre chansonnière, dont il écrit le texte et dont Laut
rec fait l'illustration. Bref, on le retrouve partout : les huit
volumes de La Vie Artistique (4), rassemblent avec les
critiques des salons entre 1890 et 1901 des articles divers,
tels ceux sur les musées du soir ou les expositions itiné
rantes, reflets du naïf populisme des milieux intellectuels
de 1900, dont les chroniques d'Anatole France nous mont
rent les mêmes aspects.
Aujourd'hui on parle peu de ses volumes et cependant
personne n'écrit sur l'impressionisme sans feuilleter VHis-
toire de l'Impressionnisme, riche en définitions prophéti
ques. De celles-ci un autre exemple vient de nous être
donné : la récente exposition du musée du Louvre, Rodin
inconnu, due au grand talent de Mme Goldscheider (5), a
attiré l'attention sur les aspects fondamentaux et les côtés
novateurs de l'œuvre du sculpteur. Ouvrez la Vie artistique
(3) Gustave Geffroy demanda à Maillol une statue en 1 honneur de
Blanqui. Ainsi naquit la célèbre Liberté enchaînée de Puget-Théniers.
(4) Parus de 1892 à 1903, ils réunissent des documents qui vont
de 1883 à 1903.
(5) Rodin inconnu. Musée du Louvre. Décembre 1962 -lévrier 1963.
Catalogue par C. Goldscheider. — Id. Rodin. Paris, 1962. GUSTAVE GEFFROV ET RODIN 1 1)7
aux pages qui sont consacrées à celle-ci (donc avant 1903) :
vous y trouverez parfaitement saisis les caractères qui font
encore parler d'un aspect à découvrir du vieux maître :
d'une part l'essence même de son art, le mouvement et la
lumière ; d'autre part, le sens du monumental, et l'esquisse
de la grande œuvre de place publique.
L'occasion nous est ainsi offerte de rappeler, sur cet
exemple moins connu que celui des impressionnistes, la
profonde originalité de Geffroy.
Les pages sur Rodin comportent la critique des œuvres
présentées aux salons entre 1890 et 1914 et un article plus
long sur la personnalité et l'œuvre du sculpteur (H). Le
second volume de cette chronique dédié à Auguste Rodin
dans les termes suivants : « Je vous dédie ces pages de
bataille et de rêverie, mon cher Rodin, en reconnaissance
de la compréhension d'art et de la joie de pensée que nous
a données votre œuvre. Vous avez affirmé, avec un accent
nouveau, la profondeur des sentiments humains, la tris
tesse et l'allégresse de l'amour, la grandeur de l'intelligence,
la beauté sans trêve et sans fin de la vie. Je suis heureux
d'inscrire ici mon nom comme celui de l'un des admirat
eurs du statuaire et des amis de l'homme. »
Cette dédicace nous renseigne déjà sur la façon dont
Gustave Geffroy voyait l'œuvre de Rodin.
11 avait fort bien compris les faiblesses de l'école acadé
mique. Dans le numéro spécial de La Plume consacré en
1898 à Falguière, Y. Rambosson reprochait à Rodin d'en
clore les formes dans des figures géométriques, de consi
dérer une statue comme un bloc et de simplifier jusqu'aux
lignes générales, mais il affirmait que Falguière avait comp
ris les Egyptiens mieux que personne et concluait : « Les
générations futures agenouilleront leurs âmes devant le
monument de beauté qu'il aura laissé et vénéreront dans
(6) G. Geffhoy. Iai Vie artistique, t. II, pp. 62 à 115. 108 GUSTAVE GEFFROY ET RODIN
ses œuvres le génie qui demeure à toujours présent dans
ce qu'il enfante. » (7)
Face à ce jugement, qui aujourd'hui nous fait sourire,
Gustave Geffroy sait voir clair. Non qu'il méprisât Falguière
mais il voyait seulement en lui « un charmant improvi
sateur » qui amusait Paris de ses Dianes et de ses Dans
euses (8). Il a senti en comparaison la grandeur et la puis
sance de Rodin auprès de laquelle les œuvres des sculpteurs
contemporains donnent la sensation de ne tenir debout que
par artifice, de n'être que des copies consciencieuses et
privées de vie (9).
Rodin est pour Geffroy le sculpteur de son temps, celui
à travers lequel on retrouve les grands statuaires. Pour le
comprendre il conseille d'aller admirer les sculptures égyp
tiennes, grecques, celles du Moyen Age, de la Renaissance
qu'il définit comme « l'explosion de joie d'un monde en
travail retrouvant le monde antique et apprenant une
splendeur de vie insoupçonnée » (10). C'est à cet art qu'il
faut comparer celui de Rodin et non à celui de l'école des
Reaux-Arts, de la Villa Médicis, de l'Institut, de tout cet
art codifié que méprise G. Geffroy. Rodin a retrouvé la
passion de la vie et rejoint les artistes passés bien mieux
que ceux qui copient conventionnellement l'art antique.
C'est là une idée sur laquelle G. Geffroy revient souvent.
L'auteur de la Vie Artistique qui a bien connu Rodin
analysa très finement au cours de ses articles les qualités
humaines et intellectue

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