La légende de l écran noir : l information à la télévision, en mai-juin 1968 - article ; n°90 ; vol.16, pg 95-117
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La légende de l'écran noir : l'information à la télévision, en mai-juin 1968 - article ; n°90 ; vol.16, pg 95-117

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Description

Réseaux - Année 1998 - Volume 16 - Numéro 90 - Pages 95-117
Des événements de mai-juin 1968, des images et des sons subsistent. Les photos des émeutes du Quartier Latin notamment celles publiées par Paris-Match, la radio présente sur le terrain transmettant en direct informations, atmosphères, tensions et bruits de la rue, sont fixées dans nos mémoires. De la télévision reste le souvenir persistant d'une réputation entachée : celle de l'insuffisance ou de l'absence. Cet article a pour objet de resituer la place de la télévision dans les événements du 3 mai au 30 juin 1968 et de s'interroger sur ce qu'ont vu les Français en considérant que 61 % des ménages sont alors équipés d'un récepteur et que les taux d'audience confirment que les journaux télévisés ont été particulièrement regardés en cette période. L'étude de la «légende de l'écran noir» implique l'articulation de trois histoires : celle de la crise nationale proprement dite, celle de la transposition télévisuelle de la crise de mai-juin 1968 et celle de la télévision comme institution.
Sounds and images of the events of May- June 1968 remain: photos of the riots in the Latin Quarter and particularly those published by Paris-Match, live radio broadcasts from the scene of the events, atmospheres, tension and street sounds are all set in our memories. Of television there remains only the memory of a tainted reputation: that of inadequacy and absence. The aim of this article is to define the role of television in the events of 3 May to 30 June 1968 and to investigate what French people saw, given that 61 percent of households had a TV set and that audience ratings confirm that TV news was watched more than usual during that period. The study of the «legend of the blank screen» implies the articulation of three stories: that of the national crisis as such; that of the televisual transposition of the crisis of May-June 1968; and that of television as an institution.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marie-Françoise Lévy
Michelle Zancarini-Fournel
La légende de l'écran noir : l'information à la télévision, en mai-
juin 1968
In: Réseaux, 1998, volume 16 n°90. pp. 95-117.
Résumé
Des événements de mai-juin 1968, des images et des sons subsistent. Les photos des émeutes du Quartier Latin notamment
celles publiées par Paris-Match, la radio présente sur le terrain transmettant en direct informations, atmosphères, tensions et
bruits de la rue, sont fixées dans nos mémoires. De la télévision reste le souvenir persistant d'une réputation entachée : celle de
l'insuffisance ou de l'absence. Cet article a pour objet de resituer la place de la télévision dans les événements du 3 mai au 30
juin 1968 et de s'interroger sur ce qu'ont vu les Français en considérant que 61 % des ménages sont alors équipés d'un
récepteur et que les taux d'audience confirment que les journaux télévisés ont été particulièrement regardés en cette période.
L'étude de la «légende de l'écran noir» implique l'articulation de trois histoires : celle de la crise nationale proprement dite, celle
de la transposition télévisuelle de la crise de mai-juin 1968 et celle de la télévision comme institution.
Abstract
Sounds and images of the events of May- June 1968 remain: photos of the riots in the Latin Quarter and particularly those
published by Paris-Match, live radio broadcasts from the scene of the events, atmospheres, tension and street sounds are all set
in our memories. Of television there remains only the memory of a tainted reputation: that of inadequacy and absence. The aim of
this article is to define the role of television in the events of 3 May to 30 June 1968 and to investigate what French people saw,
given that 61 percent of households had a TV set and that audience ratings confirm that TV news was watched more than usual
during that period. The study of the «legend of the blank screen» implies the articulation of three stories: that of the national crisis
as such; that of the televisual transposition of the crisis of May-June 1968; and that of television as an institution.
Citer ce document / Cite this document :
Lévy Marie-Françoise, Zancarini-Fournel Michelle. La légende de l'écran noir : l'information à la télévision, en mai-juin 1968. In:
Réseaux, 1998, volume 16 n°90. pp. 95-117.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1998_num_16_90_3190LA LEGENDE DE L'ECRAN NOIR :
L'information à la télévision
en mai-juin 1968
Marie-Françoise LÉVY
Michelle ZANCARINI-FOURNEL
Réseaux n° 90 CNET - 1998
95 — ainsi - pour le moins jusqu'au 23 mai (2) -
en direct et prend à témoin les auditeurs de
Paris, de banlieue, de province. La radio
sort grandie des événements. De la télévi
sion reste le souvenir persistant d'une
réputation entachée : celle de l'insuffi
sance ou de l'absence. En cette période de
crise nationale ne fut-elle pas la « grande
muette »? (3)
Dans l'un des premiers ouvrages sur les
événements en France, sorti en juillet
1968, Evelyne Sullerot publie un article
sur le rôle de la radio (4). Il vient, dans
l'immédiat après-coup, ancrer une
construction binaire - aujourd'hui clas
sique - où les deux médias occupent, ren
voyés dos à dos, des positions antagon
istes. La radio constitue un pôle positif.
Nos souvenirs individuels et col Répondant aux attentes, elle fut à la hau
lectifs traversent le temps. Ils teur des circonstances. Elle incarne
s'enracinent. Éblouissants. Des une information « libre ». La télévision,
vacante et bâillonnée, est - en négatif - événements de mai-juin 1968, des images
et des sons subsistent. Les photos des l'envers de cette médaille.
émeutes du Quartier latin — notamment La télévision française, déconsidérée
celles publiées par Paris-Match — où forces comme auxiliaire du pouvoir politique,
de l'ordre et étudiants s'affrontent, la radio a donc mauvaise réputation. L'enjeu de
présente sur le terrain transmettant en la libéralisation de l'information à
l'ORTF - débat public antérieur aux évdirect informations, atmosphères, tensions
et bruits de la rue, sont fixées dans nos énements de mai-juin 68 (5) et source
mémoires. majeure de conflit au cœur de l'institution
durant la crise de mai - contribue au De la rue, théâtre des événements, la
radio est l'immédiat écho. Elle « se révél recouvrement du rôle de la télévision
ait en mai 68 comme le grand moyen de pendant cette période. L'idée selon
communication de masse des temps de laquelle le média est dépendant de
crise ». « On le savait, écrit Marc Martin, la tutelle politique accrédite sa non-object
mais on l'avait oublié » (1). L'ubiquité, ivité. Elle concourt à la disqualification
l'instantanéité, la souplesse dues à la légè et à l'exclusion de la télévision du champ
reté des moyens techniques permettent à de l'information. Ainsi le rôle prépondé
rant de la radio — son omniprésence — ce média d'être au cœur de l'action, de
l'enregistrer en la communiquant dans opposé à la place mineure de la télévi
l'instant, mais aussi dans son évolution sion et le débat sur l'information, comme
imprévisible. La révolte étudiante se joue le discrédit dont elle est l'objet, forgent
(1) MARTIN, 1989.
(2) Date à laquelle le gouvernement prive les stations de radio publiques et privées des ondes de courte fréquence
permettant les reportages en direct.
(3) BRETON, 1978, page 73.
(4) SULLEROT, 1968, pages 124-140.
(5) Le mécontentement interne est avivé par la décision gouvernementale d'avril 1968 d'introduire la publicité de
marque à la télévision. Ce sujet donne lieu à un débat à l'Assemblée nationale les 21 et 25 avril 1968. L'opposit
ion a en fait déposé une motion de censure sur « la politique antidémocratique du gouvernement dans le domaine
de l'information et notamment l'utilisation abusive des moyens audiovisuels mis à la disposition de l'État par la
Nation ». Voir BOURDON, 1990, page 249.
97 — A la perception d'images défail du 26 mai 1968, le journal télévisé sur la l'oubli.
lantes, lacunaires ou déformantes, première chaîne, est réalisé par les journal
vient se superposer le souvenir de Г écran istes non grévistes. Du 26 mai au 3 juin,
noir. sont exclusivement diffusées les communic
La télévision, nouvelle Bastille, est ations gouvernementales et un seul jour
devenue le symbole d'une conquête de la nal à 20 heures. A partir du 4 juin, deux
liberté : « Pas de rectangle blanc pour un éditions du JT sont proposées, l'une à
peuple adulte », lit-on au-dessus de 20 heures et une édition de nuit. Cette édi
l'image du petit personnage de Faisant tion suit la diffusion d'un film à 20 h 30,
enfermé dans le récepteur - la bouche programmé quotidiennement sur la pre
mière chaîne - non sans quelque difficulté bâillonnée (6). La secondarisation et l'o
technique - à partir du 3 juin 1968. ccultation de l'information durant la
première phase de la révolte étudiante L'observation de cette chronologie des
viennent recouvrir la période ultérieure. programmes et du journal télévisé ren
Cet oubli n'est-il pas aussi associé à la seigne sur la présence effective d'images
mémoire dominante des « événements de durant cette période et éclaire les condi
mai » - celle des barricades et du mouve tions de réalisation et de diffusion de l'i
ment étudiant parisien - laissant accroire nformation. S'interroger sur ce qu'ont vu
que les informations à la télévision les Français, en considérant que 61% des
auraient été interrompues à ce moment-là : ménages en France sont alors équipés d'un
à la mi-mai ? Précisément quand s'amorce récepteur en 1968 et que les taux d'au
l'entrée en grève de l'ORTF. La légende dience confirment que les journaux télévi
de l'écran noir résulte également de cet sés ont été particulièrement regardés (9),
enchevêtrement des temps : ce

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