Profondeur personnelle et dimensions collectives du mal et du mensonge chez Rousseau et Kant - article ; n°28 ; vol.75, pg 612-623
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1977 - Volume 75 - Numéro 28 - Pages 612-623
For Kant moral evil has its origin in a free act. It is a lie which can rely on the particular nature of human freedom and give the appearance of it in a purely formal way. But Kant holds that this perversion occurs in every man, without explaining this universality. It is striking to see Rousseau using schemas fundamentally very alike to those of Kant, but in describing not individual, but collective perversion of freedom. By bringing together the two doctrines on the problem of evil one can, in a manner more satisfying for the mind than numerous considerations attempted hitherto, show the link between moral evil concealed in the heart of personal intimacy and the objective social structures of alienation. The A. has also attempted to show the link between evil and the lie.
Pour Kant le mal moral trouve son origine dans un acte libre. C'est un mensonge qui peut s'appuyer sur la nature particulière de la liberté humaine et s'en donner l'apparence de manière purement formelle. Or Kant prétend que cette perversion se produit en tout homme, sans expliquer cette universalité. Il est frappant de voir Rousseau se servir de schémas au fond très apparentés à ceux de Kant pour décrire la perversion non plus individuelle mais collective de la liberté. En rapprochant les deux doctrines sur le problème du mal on peut, de manière plus satisfaisante pour l'esprit que dans maintes réflexions tentées jusqu'ici, montrer le lien entre le mal moral enfoui au cœur de l'intimité personnelle et les structures sociales objectives de l'aliénation. L'A. a également tenté de montrer le lien entre le mal et le mensonge.
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Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

José Fontaine
Profondeur personnelle et dimensions collectives du mal et du
mensonge chez Rousseau et Kant
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 75, N°28, 1977. pp. 612-623.
Abstract
For Kant moral evil has its origin in a free act. It is a lie which can rely on the particular nature of human freedom and give the
appearance of it in a purely formal way. But Kant holds that this perversion occurs in every man, without explaining this
universality. It is striking to see Rousseau using schemas fundamentally very alike to those of Kant, but in describing not
individual, but collective perversion of freedom. By bringing together the two doctrines on the problem of evil one can, in a
manner more satisfying for the mind than numerous considerations attempted hitherto, show the link between moral evil
concealed in the heart of personal intimacy and the objective social structures of alienation. The A. has also attempted to show
the link between evil and the lie.
Résumé
Pour Kant le mal moral trouve son origine dans un acte libre. C'est un mensonge qui peut s'appuyer sur la nature particulière de
la liberté humaine et s'en donner l'apparence de manière purement formelle. Or Kant prétend que cette perversion se produit en
tout homme, sans expliquer cette universalité. Il est frappant de voir Rousseau se servir de schémas au fond très apparentés à
ceux de Kant pour décrire la perversion non plus individuelle mais collective de la liberté. En rapprochant les deux doctrines sur
le problème du mal on peut, de manière plus satisfaisante pour l'esprit que dans maintes réflexions tentées jusqu'ici, montrer le
lien entre le mal moral enfoui au cœur de l'intimité personnelle et les structures sociales objectives de l'aliénation. L'A. a
également tenté de montrer le lien entre le mal et le mensonge.
Citer ce document / Cite this document :
Fontaine José. Profondeur personnelle et dimensions collectives du mal et du mensonge chez Rousseau et Kant. In: Revue
Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 75, N°28, 1977. pp. 612-623.
doi : 10.3406/phlou.1977.5953
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1977_num_75_28_5953Profondeur personnelle et dimensions
collectives du mal et du mensonge
chez Rousseau et Kant
L'expérience et l'aveu de la faute — du mal moral — s'avèrent
si chargés d'affectivité qu'il semble malaisé d'en parler en termes ration
nels ou philosophiques. Et d'autre part, les maîtres du soupçon puis,
de la critique contemporaine ont entouré les notions de péché et de
culpabilité de doutes de plus en plus vifs, qui les dissolvent aux yeux
de beaucoup et les rendent vaines.
Nous avons relu les classiques méditations de Kant et de Rous
seau sur le mal et la liberté. Les deux philosophes définissent sans
détour le mal moral comme perte et négation de la liberté. C'est une
première clarification qu'il vaut la peine de signaler. Pour ces deux
auteurs, la perte et la négation de la liberté prend la figure concrète
du mensonge. On retrouve là un vieux thème religieux. Nous croyons
pouvoir montrer les liens rationnels qui unissent la définition philo
sophique du mal comme perte de la liberté (aliénation) et l'assimilation
mythico-religieuse du mal au mensonge. Il doit y avoir dans la structure
et le mouvement même de la liberté quelque chose qui se prête à son
auto-destruction, c'est-à-dire aussi à l'exercice du mensonge. Ce sont
donc en quelque sorte les conditions de possibilité de l'exercice du mal
et du mensonge que nous allons essayer ici de dégager. Ces conditions
de possibilité sont à la fois individuelles et collectives. De la même
façon, les aliénations fondamentales dont souffre l'humanité exercent
leurs ravages tant sur les individus que sur la société. C'est plutôt
sur l'aspect collectif que va insister Rousseau et plutôt sur l'aspect
individuel que va insister Kant. Nous croyons qu'il nous sera possible
de réunir ces deux insistances en une synthèse.
I. Kant et lambiguïte de la liberté finie
1. Quelques mots sur la doctrine kantienne de la liberté.
Chez Kant, le concept de liberté peut désigner une Idée transcen
dante : « la faculté de commencer de soi-même un état dont la causalité et mensonge chez Rousseau et Kant 613 Mal
n'est pas subordonnée à son tour, suivant la loi de la nature, à une
autre cause qui la détermine quant au temps»1.
Elle est aussi conçue comme s'identifiant avec l'existence en nous
de la raison : elle signifie alors notre indépendance à l'égard du monde
sensible et prend le nom d'autonomie. Il existe un troisième sens au
mot «liberté». Il peut désigner le libre-arbitre. On ne voit pas très
bien comment la liberté conçue comme une Idée transcendante ou
comme la présence en nous de la raison pourrait se fausser et se
perdre. C'est la liberté du libre-arbitre qui est menacée. Examinons-en
la nature.
Le libre-arbitre (Willkùr) ne se définit pas isolément de la présence
en nous de la Raison, de l'Autonomie. On peut l'expliquer comme une
possibilité. Il «peut être déterminé par la Raison pure ...»2. Par
conséquent, il n'est que promis à l'autonomie, à F« indépendance par
rapport aux mobiles sensibles». C'est par le concept de Willkùr que
Kant désigne au fond la fmitude humaine. L'homme n'est pas établi
d'emblée dans l'indépendance absolue de la raison. Il y est simplement
appelé. Et puisqu'il est appelé il est «libre» de ne pas répondre à cet
appel, de choisir comme règle de ses actions des maximes contradict
oires avec la raison. C'est cela la «fmitude d'une volonté qui ne
parvient pas à se rendre ce que pourtant elle est selon sa nature et
sa destination, libre, raisonnable, infinie»3. Il y a dans l'homme un
pouvoir de se rendre absolument libre mais il n'est pas directement
exercé. C'est ce qui fait l'ambiguïté de la condition humaine : puissance
mêlée d'impuissance, force mêlée de faiblesse. L'homme n'est pas
directement défini. Il est ambigu. Le mensonge va proliférer sur cette
ambiguïté normale, structurelle, et faire que le manque de netteté de
la condition humaine se transforme en une véritable équivoque.
On pourrait dire autrement que l'homme est comme déchiré entre
deux appartenances : par sa raison (et la promesse de liberté qu'elle
contient), il participe du monde intelligible; par sa sensibilité, du
monde sensible. Ainsi déchiré et écartelé il risque plus facilement de
se laisser prendre à la tentation d'une sorte de double jeu.
1 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure. Trad. fr. par Tremesaygues et
Pacaud. Nouvelle édition avec une préface de Serrus, Paris, P.U.F., 1971, p. 394.
2Kant, Métaphysique des mœurs. 1er partie. Trad. fr. par A. Philo-
nenko, Paris, Vrin, 1970, p. 87.
3 Éric Weil, Problèmes kantiens. 2e éd. Paris, Vrin, 1970, p. 160. 614 José Fontaine
Le pécheur, celui qui se démet de la liberté, veut se faire passer
pour libre et comme accédant pleinement à la liberté, voire à la liberté
absolue. Mais en réalité, ce mensonge l'abaisse encore plus bas que les
choses : «Le mensonge est abandon et pour ainsi dire négation de la
dignité humaine. Un homme qui ne croit pas à ce qu'il dit à un autre
(...) a encore moins de valeur que s'il n'était qu'une simple chose
(...) renoncement à la personnalité et au lieu de l'homme l'apparence
illusoire de l'homme»4.
L'homme pécheur tend à masquer et à nier la distance qui le
sépare de la liberté pleine en se considérant comme justifié par rapport
à l'appel de la raison — la Loi morale — . Mais nier la distance sans
la combler, c'est l'agrandir d'autant, c'est même la fixer de manière
en apparence irrémédiable. Si l'homme a l'idée de combler cette distance
par un subterfuge, c'est qu'il est appelé à la combler, à la nier en vérité.
Et nous voyons ici le paradoxe du péché. Il n'est possible que parce que
l'homme est appelé à transcender sa condition. Il y a encore un autre
paradoxe : toute l'énergie mise à pécher contre la liberté et la raison,
vient justement de la liberté et de la raison. En effet, c'

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