La mémoire de la traite négrière dans le débat politique au Bénin dans les années 1990 - article ; n°1 ; vol.70, pg 221-231
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La mémoire de la traite négrière dans le débat politique au Bénin dans les années 1990 - article ; n°1 ; vol.70, pg 221-231

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Description

Journal des africanistes - Année 2000 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 221-231
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait

Nassirou Bako Arifari
La mémoire de la traite négrière dans le débat politique au
Bénin dans les années 1990
In: Journal des africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 221-231.
Citer ce document / Cite this document :
Bako Arifari Nassirou. La mémoire de la traite négrière dans le débat politique au Bénin dans les années 1990. In: Journal des
africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 221-231.
doi : 10.3406/jafr.2000.1227
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_2000_num_70_1_1227Nassirou BAKO-ARIFARI
La mémoire de la traite négrière
dans le débat politique au Bénin les années 1990
Je me propose de jeter un bref regard sur les enjeux, les acteurs, les
perceptions et les termes du débat autour de l'esclavage et plus particulièr
ement de la mémoire de la traite transatlantique dans l'arène politique
nationale au Bénin au cours de la décennie 1990. Le Bénin ou ce qui devrait
en constituer le territoire actuel (à travers les royaumes de Porto-Novo et du
Danhomè, le plus négrier des États côtiers), a été l'un des hauts lieux
africains du trafic esclavagiste transatlantique en particulier entre le xvnie et
le xixe siècle. Le port de Ouidah en fut le principal centre. Trois événements
importants servent de matériau à ces propos : (1) le Premier festival mondial
des arts et cultures vodun : Retrouvailles Amériques- Afriques appelé « Oui
dah 92 » du 8 au 18 février 1993 ; (2) la conférence de lancement du projet
UNESCO de La Route de l'esclave du 1er au 5 septembre 1994 et, enfin, (3)
le Sommet du pardon tenu à Cotonou du 2 au 3 décembre 1999 dans le cadre
du lancement du projet Réconciliation et développement l. Mais, qui sont les
esclaves dans la société globale béninoise et qui sont les acteurs au centre du
débat national autour de l'esclavage ?
LA BOURGEOISIE DE SOUCHE ESCLAVAGISTE
COMME PRODUCTRICE D'UNE IDENTITÉ VALORISANTE
Dans la société danhoméenne du xixe siècle et de la période coloniale^
la première classe bourgeoise ayant fondé son statut social par l'avoir et
1 II faut entendre : « réconciliation » avec les descendants des esclaves à travers le pardon et,
établissement de relations de coopération économiques pour le développement entre l'Afrique
d'une part, les pays européens acteurs du trafic négrier transatlantique et les pays de résidence
des anciens esclaves d'autre part.
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 221-231 222 Nassirou Bako Arifari
l'appartenance à un courant religieux triomphant est essentiellement cons
tituée par deux catégories d'acteurs tous liés au trafic négrier. Il s'agit, d'une
part, des négriers blancs et de leurs descendants et, d'autre part, des esclaves
affranchis de retour du Brésil sur la Côte des Esclaves. Ceux-ci se sont
investis soit dans la traite dont ils furent auparavant des victimes soit dans
des activités commerciales ordinaires (ou « légitimes ») et dans l'exercice de
divers petits métiers appris lors de leur séjour outre-Atlantique 2. À cette
classe bourgeoise étaient attachés des serviteurs locaux, en général des
esclaves employés sur place et soumis au même principe de la « dépatrony-
misation » et de la « repatronymisation » 3. Ainsi, tous portent des noms de
famille d'origine portugaise ou brésilienne. La conversion au christianisme
permet de compléter les aspects patronymiques de cette nouvelle identité.
Les villes côtières ouvertes sur l'Atlantique ont été les principaux foyers de
cette nouvelle catégorie sociale comme à Ouidah, Agoué ou Porto-Novo,
pour ne citer que les plus importantes.
Premiers collaborateurs de l'administration coloniale française dès les
années 1880, ils avaient exercé des fonctions d'interprètes, de commis admin
istratifs ainsi que celles de négociants et de prestataires de services artis
anaux de type occidental (architectes, maçons, couturiers, etc.). Ils n'étaient
pas considérés comme des « indigènes » et des sujets coloniaux ordinaires
au début de la colonisation ; mais celle-ci ne pouvait atteindre ses objectifs
qu'en « indigénisant » tout ce qui n'était pas français ou européen de race
blanche, d'où l'entreprise d'exclusion économique menée contre ce groupe
par les colonisateurs. Malgré leur éviction progressive des principaux cir
cuits commerciaux dans l'entre-deux-guerres au profit de négociants euro
péens et français surtout, les membres de la bourgeoisie de souche esclava
giste ont continué à jouer des rôles de tout premier plan parmi les
« indigènes », dont ils refusent de se réclamer : commerce de détail, traite
des produits agricoles, exercice de nouveaux emplois dans les maisons de
commerce européennes et auxiliaires dans l'administration coloniale, du fait
de leur instruction scolaire. La première élite intellectuelle et politique du
Dahomey colonial sortit de cette bourgeoisie de souche esclavagiste. Elle
connut son apogée dans les années 1950, juste au moment des luttes devant
conduire à l'indépendance du pays. Les « indigènes » autochtones ont alors
également acquis une formation scolaire tandis que, dans le jeu politique
21er Verger mars 1882, rapporte que à 7 la des suite 25 négociants du Journal établis Officiel dans des Établissements l'ensemble du pays français étaient du Golfe des « du Brésiliens Bénin du »
et que 78 des 154 commerçants l'étaient également (Verger 1968 : 61 1).
3 Les esclaves affranchis de retour du Brésil portaient des noms à consonance portugaise.
L'esclave une fois acheté perd son patronyme d'origine (dépatronymisation) au profit de celui
de son maître (repatronymisation).
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 221-231 La mémoire de la traite 223
pré-indépendance, le succès politique était plutôt une affaire d'apparte
nance à un vaste ensemble ethnico-régional et pas seulement le fait de se
présenter simplement en champion des idéaux républicains. Malgré son
appartenance à l'élite politique post-indépendance, cette bourgeoisie a
perdu nombre de ses privilèges et les symboles valorisants de son identité
n'étaient plus son seul apanage : le négoce était désormais ouvert à toute
personne entreprenante, la fonction publique était également ouverte à tout
diplômé, le christianisme conquit plus d'âmes « indigènes », le mode de vie
de type occidental progressa chez les différents cadres serviteurs de l'État et
dans la vie quotidienne en général et, enfin, le discours discriminant par
rapport aux anciens esclaves et leurs descendants a été un des moyens de
résorption du complexe que créait leur succès chez les anciens sujets colo
niaux « indigènes ». Déjà minoritaires sur le plan démographique, ils le sont
devenus davantage encore avec la perte de leur hégémonie sur les principaux
symboles de la modernité occidentale triomphante. Les anciennes villes
côtières qui furent les sièges de leur opulence passée sont en général délais
sées par les nouvelles dynamiques économiques et socio-politiques détermi
nantes. Agoué et Ouidah ne sont plus que des villes musées souvent déla
brées où des descendants de cette bourgeoisie esclavagiste s'accrochent
encore à quelques îlots de symboles identitaires architecturaux où sont
conservés objets d'époque 4. Même Porto-Novo, la capitale admin
istrative du pays a perdu tous ses attributs réels au profit de Cotonou. D'où
un recentrement identitaire progressif sur des aspects plutôt symboliques
comme les noms de famille à consonance portugaise, les œuvres architectu
rales de leur période de prospérité et de noblesse d'argent, les albums photos
des ascendants, les fêtes d'inspiration afro-brésilienne, certaines manières
d'organiser leur salon et la volonté de se donner une unité, même de façade,
par la tentative d'abrogation symbolique des distinctions internes à ce
groupe entre descendants de négriers de souche blanche, descendants
d'anciens esclaves ayant fait le détour par le Brésil par exemple,
de captifs attachés aux différentes familles de ces deux premi

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