Le Lieu du paysage de Triste Campagne, ou la rose malade de Satô Haruo - article ; n°1 ; vol.28, pg 9-23
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Description

Ebisu - Année 2002 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 9-23
Cette étude de cas est d'abord située dans le cadre du phénomène historique l'étalement des banlieues. Elle porte sur un texte de Satô Haruo racontant l'expérience d'un personnage qui quitte la ville pour s'installer à la campagne. Satô renvoie cette expérience de manière allusive à la poésie de Tao Yuanming. Ce renvoi est analysé à la lumière de la logique du lieu nishidienne. Il apparaît que la réalité d'un lieu combine un sujet (la terre) et un prédicat (la manière de percevoir ce sujet). Autrement dit, un lieu combine nécessairement un ici et un ailleurs.
This case study is first set within the historical phenomenon of suburban sprawl. Its object is a text by Satô Haruo which narrates the experience of a character who leaves the city for livingin the countryside. Satô refers allusively this experience to Tao Yuanming's poetry. This allusion is analysed in the terms of Nishida s logic of place. It appears that the reality of a place combines a subject (the earth) and a predicate (the way of perceiving this subject). In other words, a place necessarily combines a « here » ana an « elsewhere ».
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Augustin Berque
Le Lieu du paysage de Triste Campagne, ou la rose malade de
Satô Haruo
In: Ebisu, N. 28, 2002. pp. 9-23.
Résumé
Cette étude de cas est d'abord située dans le cadre du phénomène historique l'étalement des banlieues. Elle porte sur un texte
de Satô Haruo racontant l'expérience d'un personnage qui quitte la ville pour s'installer à la campagne. Satô renvoie cette
expérience de manière allusive à la poésie de Tao Yuanming. Ce renvoi est analysé à la lumière de la logique du lieu
nishidienne. Il apparaît que la réalité d'un lieu combine un sujet (la terre) et un prédicat (la manière de percevoir ce sujet).
Autrement dit, un lieu combine nécessairement un ici et un ailleurs.
Abstract
This case study is first set within the historical phenomenon of suburban sprawl. Its object is a text by Satô Haruo which narrates
the experience of a character who leaves the city for livingin the countryside. Satô refers allusively this experience to Tao
Yuanming's poetry. This allusion is analysed in the terms of Nishida s logic of place. It appears that the reality of a place
combines a subject (the earth) and a predicate (the way of perceiving this subject). In other words, a place necessarily combines
a « here » ana an « elsewhere ».
Citer ce document / Cite this document :
Berque Augustin. Le Lieu du paysage de Triste Campagne, ou la rose malade de Satô Haruo. In: Ebisu, N. 28, 2002. pp. 9-23.
doi : 10.3406/ebisu.2002.1263
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2002_num_28_1_126328, Printemps-été 2002, Maison Franco-Japonaise, Tokyo, p. 9-23. Ebisu
LE LIEU DU PAYSAGE1
de Triste Campagne, ou la rose malade, de Satô Haruo
Augustin BERQUE
École des Hautes Études en Sciences Sociales
Lorsqu 'on lance un symbolisant
- ne serait-ce qu 'un de type lexical -
on est contraint de poser un « ailleurs » qui le
fonde.
Gilbert Durand, Introduction à la
mythodologie, Albin Michel, 1996, p. 70.
Les paysages de la ville-campagne
Le trait le plus remarquable de l'évolution contemporaine du peuplement
dans les pays riches est l'extension toujours plus poussée de l'habitat non agricole
dans les campagnes. Ce phénomène porte des noms variés : exurbanisation,
métropolisation, périurbain, edge city, città diffusa, campagnes urbaines, ville-pays,
ville émergente, etc., selon que les auteurs insistent sur tel ou tel de ses aspects. Lié à
l'usage massif de l'automobile, il s'est d'abord manifesté aux États-Unis, et c'est
l'urbaniste américain Melvin Webber qui, en 1964, a été le premier à le signaler,
dans une étude qui pose explicitement la question du \iz\\place : « The Urban Place
and the Non-Place Urban Realm »3 ; sa thèse étant que les villes bien circonscrites
de naguère sont en train de laisser place à des « communautés sans base territoriale » ,
qu'il baptise urban realms (domaines urbains) .
1 Ce texte est issu d'une communication au colloque « Le Moment du paysage » à la Maison
Franco-Japonaise, Tokyo, les 29 et 30 janvier 2002. Sur l'ensemble de cette manifestation voir le
compte rendu de Sophie Houdart, dans la rubrique « Séminaires » en fin du présent numéro.
Bien décrit, notamment, dans Geneviève Dubois-Taine et Yves Chalas (dir.) La Ville
émergente, La Tour d'Aiguës, Éditions de l'Aube, 1997.
3 Texte qui est la contribution de Webber à un ouvrage collectif publié sous sa direction,
Explorations into Urban Structure, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1964.
P. 69 dans la traduction française, L 'Urbain sans lieu ni bornes, La Tour d'Aiguës, Éditions
de l'Aube, 1996, p. 69.
5 Op. cit., p. 72. 10 Le ueu dupa ysage
Je m'attacherai ici à la motivation paysagère de ces gens qui choisissent de ne
plus vivre en ville mais à la campagne, alors que leur mode de vie ne se fonde pas sur
l'agriculture mais sur des activités supposant, d'une manière ou d'une autre, la ville.
Je parlerai donc de « ville-campagne », au sens où il s'agit de gens de la ville qui se
donnent la campagne comme décor de la vie — une vie urbaine vécue sous les espèces de
La campagne.
En ce sens, la ville-campagne est un phénomène paysager. C'est bien, du
reste, le paysage qui semble être la raison première d'un pareil habitat . Ce phénomène
relève de ce que j'ai appelé « l'ère du paysagement »8 (zôkei no jidai ?êfl^C9ff#ft)9 :
nous n'en sommes plus seulement à percevoir notre pays comme paysage, nous en
sommes à le modeler comme tel. Autrement dit, l'évolution combinée de nos systèmes
symboliques et de nos systèmes techniques nous amène à permuter ludiquement
« l'environnement comme représentation » avec « la représentation comme
10 environnement » .
Cela implique un rôle toujours plus prononcé de l'esthétique dans
l'aménagement de notre habitat. Nous jouons ainsi, à l'échelle de la société tout
entière et de l'ensemble du territoire, des résonances mutuelles entre l'artialisation in
situ et l'artialisation in visu dans notre rapport à la nature ; alors qu'auparavant, ce
jeu cosmogénétique était l'apanage des monarques, ou des puissants, et qu'il se
limitait à des aménagements localisés, tels en particulier les jardins.
6 Notion que je définis comme « Médiation du paysage dans la vie sociale ». « Motivation »
table ici sur le triple sens de « motif», notion qui est d'ordre à la fois temporel (« motif d'une
mélodie ») et spatial (« motif d'un tissu imprimé »), tout en gardant son sens principal de « raison
d'agir ». En tant (\\x empreinte-matrice, le paysage a ces trois sens : non seulement il manifeste l'action
humaine, mais encore il l'engage à se manifester dans un certain sens ». Augustin Berque (dir.),
« Motivation paysagère », in La Mouvance. Du Jardin au territoire, Cinquante mots pour le paysage,
Éditions de la Villette, 1999, p. 76.
7 L'hygiénisme de naguère a été supplanté par l'hédonisme, comme il appert entre autres des
analyses sociologiques de Bertrand Hervieu et Jean Viard, Au Bonheur des campagnes, La Tour d'Aiguës,
Éditions de l'Aube, 2001 (1996). Dans la préface de la seconde édition de cet ouvrage, les auteurs
parlent en effet de « [...] campagne inventée, une campagne du spectacle du village et du paysage, une
campagne du patrimoine, du jardin, du jardinage » (p. 1), de « mise en scène de notre patrimoine
rural » (p. 2) et de « souplesse de choix de nos lieux de vie qui donne une grande force d'aménagement
à nos rêves et à nos désirs » (p. 3).
8 Augustin Berque, « La Transition paysagère, ou sociétés à pays, à paysage, à shanshui, à
paysagement», m L'Espace géographique, XVIII (1989), 1, p. 18-20.
9 Augustin Berque, Nihon no fûkei, Seiyô no keikan, soshite zôkei no jidai U'fcW&î.Éh
ffiîf-coj^îCL -?• LT}SJi^coil$f^(Du Paysage, au Japon et en Occident, à l'ère du paysagement), Kôdansha
Gendai Shinsho M<$.ftM\KWux\, 1990, en particulier le chapitre 7, « Fûkei no kanata e : Zôkei no jidai »
Ws3.<7)'Û.)j^ '■ jSJ^WIK"^ (« Au-delà du Paysage : L'Ère du paysagement »).
10 Augustin Berque, Les Raisons du paysage. De la Chine antique aux environnements de synthèse,
Paris, Hazan, 1995, en particulier le chapitre 5, « La Mise en scène paysagère ».
11 Je reprends ici les catégories d'Alain Roger, Nus et Paysages. Essai sur la fonction de l'art,
Aubier, 1978. Plus récemment, Roger a donné de l'artialisation la définition suivante : « Processus
artistique qui transforme et embellit la nature, soit directement {in situ), soit indirectement {in visu), au
moyen de modèles », article « Artialisation » in La Mouvance, op. cit., p. 45. A UGUSTIN BERQUE 1 1
Si toutefois ce « moment contemporain de la fabrique du paysage » semble
bien marquer une nouvelle étape dans l'histoire du rapport écouménal des sociétés
humaines à l'étendue terrestre, je ne pense pas qu'il en ait changé les mécanismes
fondamentaux. Je crois au contraire qu'il peut permettre de mieux saisir ce rapport,
dans la mesure où il rend plus manifeste que naguère le problème de la relation

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