« Strange grandit avec moi ». Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs de bandes dessinées de super-héros - article ; n°70 ; vol.13, pg 79-103
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Description

Réseaux - Année 1995 - Volume 13 - Numéro 70 - Pages 79-103
Cette étude porte sur la réception des bandes dessinées américaines de super-héros aux Etats-Unis et en France. Elle utilise le courrier publié dans les revues depuis plus d'une trentaine d'années, ainsi qu'une série d'entretiens, pour démontrer que ce média, pour une fraction importante du lectorat, ne constitue pas seulement une instance de reproduction d'une identité masculine traditionnelle, mais également un lieu d'apprentissage d'une identité problématique. L'apprentissage des identités sexuelles ne peut ainsi être décrit comme un processus univoque ď inculcation de rôles prédisponibles.
This study considers the reception of American super-hero comics in the USA and France. It uses mail published in magazines over the past three decades as well as a series of interviews to show that this medium, for a considerable part of its readership, constitutes more than a reproduction of a traditional masculine identity. It is also a place in which a problematic identity is learned. Thus, the learning of gender identities cannot be described as an unequivocal process of inculcation of predetermined roles.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 84
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Eric Maigret
Marvel Entertainment Groupe
Sémic France
« Strange grandit avec moi ». Sentimentalité et masculinité chez
les lecteurs de bandes dessinées de super-héros
In: Réseaux, 1995, volume 13 n°70. pp. 79-103.
Résumé
Cette étude porte sur la réception des bandes dessinées américaines de super-héros aux Etats-Unis et en France. Elle utilise le
courrier publié dans les revues depuis plus d'une trentaine d'années, ainsi qu'une série d'entretiens, pour démontrer que ce
média, pour une fraction importante du lectorat, ne constitue pas seulement une instance de reproduction d'une identité
masculine traditionnelle, mais également un lieu d'apprentissage d'une identité problématique. L'apprentissage des identités
sexuelles ne peut ainsi être décrit comme un processus univoque ď inculcation de rôles prédisponibles.
Abstract
This study considers the reception of American super-hero comics in the USA and France. It uses mail published in magazines
over the past three decades as well as a series of interviews to show that this medium, for a considerable part of its readership,
constitutes more than a reproduction of a traditional masculine identity. It is also a place in which a problematic identity is learned.
Thus, the learning of gender identities cannot be described as an unequivocal process of inculcation of predetermined roles.
Citer ce document / Cite this document :
Maigret Eric, Marvel Entertainment Groupe, Sémic France. « Strange grandit avec moi ». Sentimentalité et masculinité chez les
lecteurs de bandes dessinées de super-héros. In: Réseaux, 1995, volume 13 n°70. pp. 79-103.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1995_num_13_70_2667« Strange grandit avec moi »
Sentimentalité et masculinité chez les lecteurs
de bandes dessinées de super-héros
Eric MAIGRET
Illustrations : Marvel Entertainment Groupe (USA), Sémic France.
79 — — 80 le discrédit déjà présent (2). Elle n'est pas
indépendante également de la prégnance,
jusque dans les années 70, d'une sociolo
gie des rôles pour laquelle les identités
sexuelles paraissaient aller de soi, être
clairement définies, tout particulièrement
celle des hommes (3). Enfin l'influence de
courants de pensée tels que la sémiologie,
conçue comme une activité de dépistage
des lieux communs et de leur fonction
conservatrice, a souvent scellé le sort de
produits de grande diffusion. Dans ce
contexte, des exemples extrêmes de
bandes dessinées aux contenus outranciè-
rement masculins pouvaient être exhibés.
Ainsi peut-on évoquer les bandes dessi
nées américaines de super-héros qui ont
régulièrement servi à éclairer d'une part la
production de stéréotypes sexuels, de
l'autre le processus d'inculcation des rôles
L'apprentissage des identités masculins chez leurs lecteurs.
sexuelles au cours de l'existence Ces bandes dessinées sont apparues
passe notamment par la fréquenta dans les années 1930-1940 aux Etats-Unis.
tion des médias, avec lesquels des rela Elles décrivent généralement les aventures
tions complexes sont entretenues. Dans ce de justiciers contemporains, de redresseurs
domaine pourtant, force est de reconnaître de torts, dotés de super-pouvoirs très va
que l'accent a été mis en sociologie essen riés (scientifiques, magiques, etc.), souvent
tiellement sur la formation et la perpétua opposés à des « super- vilains ». Superman,
tion de caractéristiques prédisponibles. A la figure originelle, la plus connue, ren
l'instar de la télévision ou de la « paralitté- contre un succès important auprès de la
rature » romanesque, la bande dessinée jeunesse dès 1938 et suscite la création de
dans ses formes populaires a surtout été Batman, Flash, Wonder Woman, au total
décrite, lorsqu'elle a fait l'objet de re des dizaines de personnages et de publicat
cherches, comme un réservoir d'idéologies ions, et même, à partir des années 60, des
consacrant et reproduisant d'un côté la su centaines de personnages. Ces séries ont
périorité masculine, de l'autre la subordi connu une histoire mouvementée
nation féminine, dans l'esprit et le com puisqu'elles ont quasiment disparu au mi
portement de lecteurs enclins à adhérer à lieu des années 50, sous les pressions
des schémas préétablis (1). Une telle att conjuguées de campagnes morales et de la
itude scientifique doit bien sûr beaucoup au concurrence que la télévision commençait
discrédit touchant un média populaire que à exercer dans le domaine des divertiss
l'on peut avoir tendance à caractériser par ements populaires. A partir des années 60,
la simplicité et l'univocité, renforçant ainsi elles ont bénéficié à l'inverse de mou
il) La littérature sur le sujet est énorme : en atteste la bibliographie générale proposée par FRIEDMAN en 1977
sur la bande dessinée et les autres mass media. On peut trouver les références d'articles plus récents dans les
banques de données Francis et Sociological Abstracts (respectivement aux entrées « bande dessinée » et
« comics »). M. BARKER a fourni un bilan critique des diverses études de « stéréotypes » dans un ouvrage de
1989 dans lequel il s'est intéressé tout particulièrement aux bandes dessinées féminines ainsi qu'aux bandes des
sinées pour enfants.
(2) Ce cercle vicieux a fonctionné jusque dans les travaux les plus favorables à un média populaire (pour un bilan
des recherches sur la bande dessinée, MAIGRET, 1994).
(3) Voir l'introduction d'H. BROD à un collectif qui a contribué au changement de perspective dans ce domaine
(BROD, 1987) et l'article de PLECK, consacré à l'histoire de la théorie du rôle masculin, dans ce même volume.
Voir aussi HEARN, MORGAN, 1990, et, pour un bilan français, WELZER-LANG, FILIOD, 1992.
81 Dès leur apparition, ces séries ont donc ments de mode suscités par cette même t
élévision, qui rendait à nouveau attractifs servi de preuves indiscutables du caractère
les super-héros en diffusant une série fondamentalement conservateur des mass
comme « Batman ». Très prisées par les media, notamment dans le domaine des
nouvelles générations d'enfants et d'ado idéologies sexuelles. D'innombrables au
lescents, massivement scolarisés, intéres teurs ont mis en évidence dans cette série
sés par de nouveaux personnages (Spider- prototype qu'est « Superman » une réparti
man, The Fantastic Four), elles ont dès tion des traits entre, d'un côté, le héros,
lors envahi le marché américain de la puissant, rationnel et protecteur, et, de
bande dessinée, aujourd'hui fortement l'autre, la femme, vulnérable, émotive et
structuré par les grandes compagnies qui douce ou, inversement, dangereuse car i
éditent les super-héros : DC Comics et ndépendante, destructrice, castratrice. Les
Marvel Comics Group détiennent depuis contenus des séries de super-héros ont
évolué dans le temps, puisque ces dercette époque plus de 70 % des parts du
marché global de la bande dessinée, mar nières se sont ouvertes à des phénomènes
ché dont le chiffre d'affaires est le double passés sous silence avant les années 60,
du chiffre d'affaires de l'ensemble du mar par exemple la guerre, la drogue ou le r
ché européen (4). On estime à un million acisme. Mais preuve a été faite que leur
le nombre de lecteurs réguliers de comic « libéralisme » n'a pas impliqué de trait
ement toujours très novateur de la question books aux Etats-Unis, à environ cinq mil
lions le nombre de lecteurs occasionnels, féminine (7), ni d'ailleurs des phénomènes
10 % des écoliers américains sont des lec évoqués. Pour le sémiologue, l'a reproduc
teurs réguliers (5). La réussite aux Etats- tion des stéréotypes sexuels traditionnels
n'est qu'une facette du caractère structu- Unis a fait tâche d'huile dans la plupart
des pays occidentaux. En France, Super rellement conservateur de la plupart des
man paraît dès 1939 jusqu'en 1941, date produits populaires, produits qui peuvent
de son interdiction par l'occupant. Apr

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