Des rois et des masques. Essai d analyse comparative (Moundang du Tchad, Bushong de l ex-Zaïre) - article ; n°145 ; vol.38, pg 169-203
38 pages
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Des rois et des masques. Essai d'analyse comparative (Moundang du Tchad, Bushong de l'ex-Zaïre) - article ; n°145 ; vol.38, pg 169-203

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Description

L'Homme - Année 1998 - Volume 38 - Numéro 145 - Pages 169-203
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Alfred Adler
Des rois et des masques. Essai d'analyse comparative
(Moundang du Tchad, Bushong de l'ex-Zaïre)
In: L'Homme, 1998, tome 38 n°145. pp. 169-203.
Citer ce document / Cite this document :
Adler Alfred. Des rois et des masques. Essai d'analyse comparative (Moundang du Tchad, Bushong de l'ex-Zaïre). In:
L'Homme, 1998, tome 38 n°145. pp. 169-203.
doi : 10.3406/hom.1998.370423
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1998_num_38_145_370423Des rois et des masques
Essai d'analyse comparative
(Moundang du Tchad, Bushong de l'ex-Zaïre)
Alfred Adler
D eux choses, disent les anciens de Léré, inspirent une crainte révéren
cieuse à tout Moundang qui a été élevé dans la tradition : d'une part, le
visage du roi, le go-Lere, dont habituellement seuls les femmes de son
gynécée et les esclaves du palais s'approchent en gardant la tête baissée et,
d'autre part, les apparitions des masques, en brousse avant tout, lors des
sessions d'initiation, mais aussi au village, lors des cérémonies funéraires
ou à l'occasion de la fête des prémices. Du premier, il se détourne au plus
vite pour éviter un insupportable face à face avec cette figure singulière du
sacré qui lui brûlerait la peau1, mais de cette autre figure du sacré qu'est le
masque, il s'approche de très près, notamment lorsque celui-ci danse,
accompagné de son « guide » qui lui marque le rythme en frappant une
demi-calebasse, ainsi que de son chanteur-flûtiste qui vante sa force et sa
beauté ; s'il s'agit, en outre, d'un masque de son clan, il se verra parfois
emporté par un véritable enthousiasme qui le fera danser à son tour pen
dant quelques instants où, frôlant l'interdit, il se serrera contre lui de façon
quasiment amoureuse. Ce contraste entre les sentiments et les attitudes
que suscitent ces deux figures de la sacralité renvoie à l'opposition foncière
qui existe entre elles : ce sont des forces qui se repoussent l'une l'autre et
dont l'antagonisme ne peut être compris que si on le rapporte au dualisme s
fondamental qui caractérise le système social et politique des Moundang, JO
celui des clans (bane) et du roi (go). Ul
roi 1 . Chez en train les Moundang, de manger et comme de boire presque ; il s'agit partout d'un interdit en Afrique formel. noire, L'évitement il est interdit dont à nous quiconque parlons de est voir pré- le (/) UJ
senté comme une convenance, mais il est intéressant de le rapprocher du fait que, dans certains royaumes O
du Soudan central tchadien comme le Bornou et le Wadday, il était tout simplement interdit de voir le ^J
visage du roi qui recevait, assis derrière un épais rideau ou un voile de mousseline, ses courtisans et même ^*
ses visiteurs de marque. *^*
L'HOMME 145/ 1998, pp. 169 à 203 Dans une toute autre aire géographique et culturelle, chez les Bushong
de l'ex-Zaïre qui ont édifié une royauté qui s'est imposée à l'ensemble des
populations kuba de la province du Kasaï, on a affaire à une situation
complètement différente : la relation entre la personne du roi (nyim) et le
masque (plus précisément, un certain type de masque) est si étroite que
l'on peut parler, comme on le verra plus loin, d'une identification de l'un
à l'autre. On peut même aller plus loin et dire qu'il s'agit d'une identité
substantielle du fait qu'ils participent tous deux de cette entité ngesh que
l'on traduit généralement par « esprit de la nature » et qui est une puis
sance du monde de la brousse résidant au plus profond de la forêt, dans
les eaux des rivières ou au fond des lacs.
Le but de ce travail est de montrer que la relation roi-masque est per
tinente comme telle, qu'elle est intéressante du point de vue de l'anthro
pologie politique (et particulièrement de l'étude de cette institution
typiquement africaine qu'est la royauté sacrée) autant que de celui de l'a
nthropologie religieuse qui trouve dans le masque l'un de ses objets essent
iels. Le recours à la comparaison entre deux manières diamétralement
opposées de concevoir et de traiter cette relation de pouvoir entre deux
puissances à la fois mondaines et extra-mondaines nous semble ouvrir une
voie appropriée pour y parvenir.
Les Moundang
Chez les Moundang donc, nous sommes en présence d'une relation
négative entre masque et roi qui agissent comme des forces qui se repous
sent et sont, en tout état de cause, des entités de nature foncièrement hété
rogène dans la mesure où le premier relève de l'ordre clanique tandis que
le second se définit comme hors clan. Précisons que le roi l'est aussi bien
comme personne (il est marqué à jamais par le statut d'étranger qu'avait
son aïeul Damba, le fondateur de la dynastie, trouvé errant dans la brousse
où il chassait solitairement) que comme détenteur d'un pouvoir dont la
source et la légitimité sont également extérieures à l'ordre clanique (car
Damba était le fils du roi de Libé alors capitale des Guidar2 et avait été
banni du pays de son père par des frères jaloux de ses aptitudes excep
tionnelles). Cette constatation n'implique évidemment pas que le masque
moundang soit réduit à la seule fonction de prédicat du clan, prédicat qui
serait équivalent à tel autre (comme, par exemple, le nom à caractère toté-
mique ou telle prérogative rituelle), pas plus que la royauté soit seulement
2. Les Guidar sont les voisins occidentaux des Moundang. Non seulement Damba est d'origine guidar, mais
plusieurs clans spécialisés dans la chasse proviennent de ce groupe ethnique qui, notons-le, est de langue
tchadique alors que les Moundang sont linguistiquement rattachés au groupe dit Adamawa oriental.
Alfred Adler à partir du prédicat négatif exprimé par l'expression « hors clan ». conçue
Masques et royauté sont des puissances en elles-mêmes et si ces puissances
sont liées positivement ou négativement à cette forme sociale qu'est le
clan, c'est sans doute que dans la culture moundang, la nature de l'ordre
social est essentiellement pensée sous les espèces du clan. Nous allons donc
nous demander quelle sorte de puissance est le masque en tant qu'il se rat
tache au clan dont il est un marqueur et quelle sorte de puissance est le roi
en tant qu'il est extérieur et, à bien des égards, opposé au clan.
L'une des caractéristiques formelles du système clanique moundang
est assurément le totémisme auquel nous devons nous référer pour situer
le lieu originaire du masque. Les clans moundang, pas tous mais les prin
cipaux d'entre eux, portent des noms de type totémique (Buffle, Chien,
Serpent, Oiseau, Pirogue, etc.) ou sinon des noms assimilables à des
sobriquets plus ou moins moqueurs comme ceux que se donnent des par
tenaires liés par des relations à plaisanterie (« abandonnés sur le sable »,
« pourrissant dans l'eau » ou encore « jambes grêles », par exemple) et qui
entraînent pour leurs membres l'observance d'une certaine forme d'in
terdit. Ainsi, si l'on appartient au clan du Buffle, on peut consommer de
la chair de cet animal mais les hommes n'ont pas le droit de s'asseoir sur
un siège fait avec sa peau. Les gens de la Pirogue ont des interdits spéci
fiques liés aux exigences des rites qu'ils ont à exécuter avant d'abattre
l'arbre dans lequel ils tailleront une embarcation. De façon positive ou
négative, le nom totémique désigne un élément essentiel de l'identité du
clan et l'on pourrait en faire une démonstration plus complète en analy
sant le contenu des devises claniques. Celles-ci nous apprennent, entre
autres, qu'au même titre que son nom totémique, le masque est un él
ément de son identité : il porte un nom propre de caractère prestigieux
(« Soleil brûlant », « Nuage », « Bois touffu », « Étoile du matin », etc.) et
des ornements distinctifs nombreux et variés qui le font immédiatement
reconnaître comme on reconnaît une personne. Mais vu comme chose
clanique, le masque est né, a été engendré par un clan particulier, venu
de terres lointaines et qui porte précisément le nom de mundere par
lequel on désigne le type de masque le plus important (tête d'oiseau de

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