Avec environ 19 000 morts par an en France, les accidents domestiques et de la vie courante provoquent quatre fois plus de décès que les accidents de la circulation et trente fois plus que les accidents du travail. Or ces accidents paraissent invisibles en tant que problème public. Comment analyser ce paradoxe ? Comment expliquer que ces risques récurrents de la vie privée, identifiés comme problème majeur de santé, soient peu craints de la population, peu connus des professionnels et peu mis sur l'agenda politique ? Ce que l'on sait de ces accidents et des accidentés dépend essentiellement des dispositifs statistiques et médicaux qui définissent et décrivent le phénomène. Pourtant, les accidents domestiques et de la vie courante soulèvent de multiples enjeux sanitaires, politiques, économiques, sociaux et juridiques peu étudiés bien que de nombreuses actions de sensibilisation et de prévention soient menées. Sociologie des risques domestiques montre comment ce fait social complexe soumis aux variations sociales et territoriales constitue un problème public et politique. Il explore trois grandes pistes d'analyse pour appréhender ce phénomène social candidat à la labellisation Grande cause nationale pour 2011. Pourquoi et comment certains risques sont reconnus comme problème public et pas d'autres ? Les preuves statistiques de mortalité et de morbidité sont-elles suffisantes pour faire inscrire un risque sur l'agenda politique. L'émergence d'un risque de santé publique dépend-elle seulement de la mobilisation d'acteurs locaux et de soutiens politiques nationaux ou dépend-elle aussi d'acteurs internationaux ? Cet ouvrage s'adresse aux étudiants et aux chercheurs en sociologie, sciences politiques, épidémiologie et santé publique. Il s'adresse aussi à un public de professionnels et d'acteurs associatifs intéressés par la prévention et la gestion des risques d'accidents domestiques et de la vie courante.
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Extrait
Sociologie des risques domestiques
Des accidents invisibles ?
Michèle Lalanne Maître de conférences en sociologie, HDR, à l’université Toulouse 2 Le-Mirail
11, rue Lavoisier 75008 Paris
Dans la même collection série « Notes de synthèse et de recherche » Modélisation dynamique des systèmes industriels à risques Maîtrise des risques et sûreté de fonctionnement : repères historiques E. Garbolino, J.-P. Chéry, F. Guarnieri, 2010et méthodologiques A. Lannoy, 2008 Introduction à la sécurité économique La défense en profondeur – Contribution de la sûreté nucléaire G. Pardini, 2009 à la sécurité industrielle Retour d’expérience et maîtrise des risques – Pratiques et méthodes E. Garbonlino, 2008 de mise en œuvre Le cadre juridique de la gestion des risques naturels J.-L. Wybo, W. Van Wassenhove, 2009 V. Sansévérino-Godfrin, 2008 Cadre juridique de la prévention et de la réparation des risques Les plans de prévention des risques : la prévention des risques professionnels majeurs par la maîtrise de l’usage des sols P. Malingrey, 2009 G. Rasse, 2008 Pratiques de prévention des risques professionnels dans les PME Risques et enjeux de l’interaction sociale C. Martin, F. Guarnieri, 2008 J.-M. Stébé, 2008 Maîtriser les défaillances des organisations en santé et sécurité du Retour d’expérience et prévention des risques – Principes travail – La méthode TRIPOD et méthodes J. Cambon, F. Guarnieri, 2008 W. Van Wassenhove, E. Garbolino, 2008 série « Références » La psychologie du risque L’expertise : enjeux et pratiques J.-P. Assailly, 2010 K. Favro, coord., 2009
La ville au risque du ghetto Introduction à l’analyse probabiliste des risques industriels H. Marchal, J.-M. Stébé, 2010H. Procaccia, 2009 Aide à la décision et expertise en gestion des risques Le syndrome de vulnérabilité M. Merad, 2010 J. Bouisson, 2008 Traité du risque chimique Les fondements des approches fréquentielle et bayésienne. N. Margossian, 2010 Applications à la maîtrise du risque industriel Risque environnemental et action collective. Application H. Procaccia, 2008 aux risques industriels et d’érosion côtière dans le Pas-de-Calais La politique de sécurité routière – Derrière les chiffres, des vies O. Petit, V. Herbert, coord., 2010 J. Chapelon, 2008 Risques et territoires — Interroger et comprendre la dimension locale de quelques risques contemporains La catastrophe AZF – L’apport des sciences humaines et sociales T. Coanus, J. Comby, F. Duchêne, E. Martinais, coord., 2010 G. de Terssac, I. Gaillard, coord., 2008 série « Innovations » Anticipation, innovation, perception : des défits pour la maîtrise des Réduire la vulnérabilité des infrastructures essentielles – Guide méthodologique risques à l’horizon 2020 B. Robert, L. Morabito, 2009 P. Kahn, A. Lannoy, D. Person-Silhol, D. Vasseur, coord., 2010 Climat et risques : changements d’approches Le risque inondation. Diagnostic et gestion D. Lamarre, 2008 F. Vinet, 2010 Sociologie d’une crise alimentaire : les consommateurs à l’épreuve La santé au travail à l’épreuve des nouveaux risques de la maladie de la vache folle N. Dedessus-Le-Moustier, F. Douguet, coord., 2010 J. Raude, 2008 Les paradigmes de la perception du risque La réduction de la vulnérabilité des PME-PMI aux inondations C. Kermisch, 2010 P.-G. Mengual, 2008 série « Débats » Le débat public, un risque démocratique ? L’exemple Violences routières – Des mensonges qui tuent de la mobilisation autour d’une ligne à très haute tensionC. Got, 2008 D. Boy, M. Brugidou, coord., 2009
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gence ou/et de la non ou difficile construction de ces problèmes. C’est le cas des accidents domestiques qui obligent à développer de nouvelles interrogations, à recourir à d’autres types d’analyses.
Ainsi, une importante partie de cet ouvrage est-elle consacrée à une question sur laquelle on passe habituellement vite, qui est celle de la qualification du problème qui, selon les terminologies profanes, savantes voire administratives, apparaît aussi bien à travers les notions « d’accidents domestiques », « d’acci-dents de la vie courante » qu’à travers celle de « traumatismes non intention-nels ». Le simple fait de désigner ce qui est en jeu s’avère problématique et on prend conscience des enjeux qui sont liés aux catégorisations, notamment via l’élaboration de statistiques, lorsque l’on constate que les accidents domestiques apparaissent non pas « en plein », mais de manière « résiduelle » après que l’on ait soustrait d’ensembles plus vastes des problèmes, des accidents ne pouvant leur être assimilés. Ce n’est donc qu’après des détours qu’il ressort que les acci-dents domestiques sont des événements relevant de la « sphère privée » et qui, de fait, concernent plus particulièrement les jeunes enfants et les personnes âgées. Et, malgré cela, les contours de ces accidents domestiques restent imprécis car il demeure assez difficile de déterminer ce qui relève de la sphère privée, de la vie courante. Par ailleurs, même si l’on dispose d’un certain nombre de données, le travail de « mise en risque », pour reprendre la formule de François Ewald, reste embryonnaire. Concernant les risques domestiques, on est encore loin de la capacité à établir de manière systématique quelles sont les causes des risques d’accidents, à déterminer des probabilités d’occurrence via des séries statistiques, à évaluer les dommages envisageables et à déterminer quels sont les modes de « réparation » et leurs limites éventuelles. Cela tient certes à un manque d’inves-tissement mais également à certaines confusions entretenues par l’imposition de certaines catégories comme, par exemple, la catégorie de « traumatisme » promue au plan international et qui désigne tout à la fois la cause et l’effet des accidents.
L’ouvrage montre donc que malgré une apparente évidence – 19 000 morts, 4 500 000 blessés par an –, les accidents domestiques n’ont pas (encore) acquis les traits d’un risque pour la collectivité, notamment en raiso n de la façon dont ils sont appréhendés, traités. Mais il montre également que ce « mauvais traitement » tient à une forme d’exclusion des accidents collectifs en tant que risques qui est le fait aussi bien des personnes concernées, des institutions en charge des questions sanitaires que d’organismes privés comme les assurances.
Les accidents domestiques sont en effet largement considérés comme des « accidents » individuels avec la part de fatalité, de hasard, de mauvaises circons-tances, etc. habituellement associés à cette notion. Malgré leur répétition, malgré une certaine compréhension des principales causes, des enchaînements, ils ne sont pas spontanément intégrés dans des séquences, des scénarios qui les feraient sortir du hasard ou des circonstances malheureuses. Y compris aux yeux des personnes directement concernées. Par ailleurs, et c’est un point sur lequel il est insisté dans cet ouvrage, les événements indésirables survenant dans la sphère privée ou dans ce qui, par extension, semble en relever (par exemple les activités sportives), appa-raissent par essence contraires à l’idée que l’on se fait spo ntanément de la sphère
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la mise en risques de divers problèmes touchant parfois à « l’intime » semblant faciliter les intrusions. Or, l’exemple des accidents domestiques tend à montrer que ce n’est pas si sûr et que, bien que la sphère soit traversée par de nombreux objets, produits, dispositifs et pratiques, elle peut continuer à apparaître comme étant « hors jeu ». Il y a là source d’interrogations : est-ce le fait que, comme le suggère Michèle Lalanne, la sphère domestique soit considérée comme devanta priori être ? Est- consensuelle, hors risques, hors conflits donc ce le fait que de multiples acteurs, tant publics que privés, s’accordent sur l’idée que leur respon-sabilité s’arrête là où commence la sphère domestique ? Est -ce encore le fait que compte tenu de cette configuration et cette délimitation de responsabilité, il ne peut plus y avoir de responsables « extérieurs » et que peu d’imputations peuvent être envisagées à l’égard des responsables se situant à « l’intérieur » de la sphère domestique ?On touche là à un aspect, qui, jusqu’à présent n’avait pas été mis en évidence. Une des questions qui se pose maintenant est de savoir quel va être le destin des accidents domestiques comme problème public. Michèle Lalanne semble croire que leur inscription, sous une forme ou une autre, dans les normes interna-tionales ne peut que favoriser, à terme, leur prise en compte. C’est possible, mais on peut s’interroger sur l’efficacité d’un « portage » qui, aussi bien au plan local, européen qu’international, n’est assuré que par un système d’acteurs restreints dont l’intérêt pour les accidents domestiques n’est pas nécessairement permanent et qui, par ailleurs, peuvent contribuer à les diluer dans d’autres problèmes ayant trait à la santé, l’éducation, l’alimentation. La spécificité du problème « acci-dent domestique » n’est pas acquise et il n’est pas certain que celui-ci apparaisse comme un objet véritablement « porteur » pour des acteurs, tant associatifs, médiatiques qu’institutionnels, mettant actuellement en avant les problèmes d’at-teinte à la santé, à l’intégrité physique, etc. Par ailleurs, et c’est un des résultats de la recherche conduite par Michèle Lalanne, le traitement de la question des accidents domestiques oblige à réinterroger certains fondements, par nature non discutés, de notre réalité ou, en tout cas, de ce qui la rend évidente, comme l’exis-tence d’une « sphère domestique », d’une « sphère privée », considérée comme un espace préservé et devant être préservé. Dès lors, introduire dans cet espace, la question des risques revient, ni plus, ni moins, à s’attaquer à ce qui constitue notre ordre symbolique. Et, là encore, rien n’est moins simple. Quoi qu’il en soit, Michèle Lalanne a déjà réussi le tour de force de sortir les accidents domestiques de l’isolement dans lequel ils se trouvaient au sein de la sphère académique. Il faut espérer que cet ouvrage contribuera également à mettre cette question en débat de manière plus large, aussi difficile cela puisse l’être. Claude Gilbert Directeur au CNRS (PACTE/MSH-Alpes)
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