Cuvée de sang

Kodjo Bassowou

Description

Des cinq qui partirent à la chasse, seuls quatre revinrent et sonnèrent l’alarme: au cœur de la forêt, Zieng s’était volatilisé. Les battues restèrent vaines, l’homme pieux était introuvable. Lorsque son neveu Mouss qui l’accompagnait au moment des faits exhibe et dispense crânement une soudaine fortune, nul ne s’interroge encore sur sa provenance. Il faudra attendre que le cadavre du disparu, charrié par les eaux, remonte à la surface pour que les autorités policières décident de s’intéresser à lui et de l’arrêter, lui ses acolytes. Dans la salle de tribunal, face aux juges et au peuple réuni, le jeune homme acculé se lancera alors dans une macabre confession qui modifiera à jamais le visage de la communauté… En son sein, Juset. Un style florissant pour un récit âpre et sanguinaire, une écriture généreuse et imagée pour dire l’atroce et le barbare… "Cuvée de sang" embrasse totalement ces contrastes et paradoxes saisissants. Cyniques et acerbes, ils déstabilisent littéralement un lecteur qui découvre, derrière ce roman vénéneux et oppressant, une critique des fléaux qui ravagent le continent africain et ses habitants.

Informations

• Publié par: publibook
• Nombre de lectures: 25
• EAN13: 9782748344578
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Cuvée de sang

Kodjo Bassowou Cuvée de sang

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0111447.000.R.P.2008.030.40000 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2008

À Yannick-Émérite et Horatio-Bright.

Prologue Cette nuit-là, le ciel avait un visage de bohème. Les fleurs odorantes des étoiles, ces éternelles vigiles qui, à l’accoutumée, le débarbouillaient de sa noirceur, sem- blaient jeter l’éponge. Même la lune, un sommeil manqué dans les yeux, peinait à lui faire un clin d’oeil. Une pesan- teur inhabituelle, une opacité onctueuse que le ronflement des dormeurs gonflés de libidos n’arrivait guère à dissiper. L’allure monotone des arbres, les contours irréels des mai- sons, tout ce qu’il y avait de sombre se condensait dans les termitières de cette nuit dangereusement exubérante. Le grillon, grand coryphée, lui aussi se rencognait dans un mutisme coupable. Juset pressentait la nuit se pavoiser de vertiges. Il la percevait comme un bourreau tentant de dis- simuler dans le fourreau de son sabre un complot de décapitation. Il la voyait très heureuse d’ouvrir à nouveau son obituaire. Juset entendait la chorale des hyènes autour des cimetières, le réveil des fossoyeurs si heureux de limer leurs outils. Juset avançait à pas pressés afin d’escamoter les monticules de peur qui pointaient dans la nuit que le ciel a voulue totalement noire. Il postulait passer indemne à travers les barrières de l’insécurité dont la gueule béait d’avidité. Étrange coïncidence entre l’heure de son départ de chez ses amis et celle des racontars de ce mal cravaté de journaliste que l’argent du pays payait inutilement. Ce- la fait déjà deux heures que sa tête résonne des mots de cet artisan de la télévision, présentant un homme en quête de voix. C’était la station nationale dans son édition de vingt- deux heures. Depuis toujours, cette station rayonne plus par le tapage que par l’information. Son grand leitmotiv

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était le tarabiscotage. Elle comprimait le mensonge, l’inculture, le sous-développement, le terrorisme intellec- tuel. Elle était l’œil du cyclope qui percevait les moindres complots, devinait les moindres outrages, même l’odeur de l’amour dans les cases des citoyens, elle la sentait. Les supposés spectateurs, éperdument, aimaient la laisser à ses radotages vraiment inféconds. Elle a fait avaler dans une douceur fantasmatique la couleuvre de la dictature et a aidé une clique de chics à fricoter gracieusement dans la chair molle de la démocratie. Juset devinait les images de la circonstance, juste entendant au loin les commentaires du journaliste faisant le reportage : Un homme démesuré- ment chair, dompteur de toute la flagornerie du monde et qui ne se sentait plus regardé parce que le lac de la honte a gelé en lui. Cet homme en campagne, certainement, con- fabulait quelques vieilles femmes qui n’aspirent qu’au repos éternel. Des vieilles femmes décaties, corrodées par la misère, mais tenant debout dans le leurre de l’aspirant aux choses publiques. Tous les jours, les mêmes scénarios d’hommes en quête de quelques laxatifs pour mieux in- gurgiter le bonheur du pays. Jamais satisfaits de ce qu’ils avaient extorqué au peuple, ils voulaient encore et encore racler le réel jusqu’à la dernière miette. Même, discuter le moindre morceau aux oiseaux. Juset a toujours souhaité vivre marginalisé par ces mises en scène farfelues tout à fait insipides. Il ne voulait plus écouter ces laudes, ces airs suffoquant les cœurs, émoussant les esprits, mutilant tout arc-en-ciel. Si le pays venait à sombrer, ces hommes au- raient leurs bouées de sauvetage. Les alliances avec les forces corruptrices, venues d’au-delà des ailes des mers, les mettraient à l’abri de tous changements. Juset priait de tout son cœur. Il avait un seul vœu : franchir le pays, se réfugier dans ses rêves. Malheureusement, ses rêves étaient piégés, galvaudés. Ce pays-là…

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