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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 1 941 |
EAN13 | 9782824710495 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
GOBSECK
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
GOBSECK
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1049-5
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.GOBSECK
A MONSI EU R LE BARON BARCHOU DE P EN HOEN.
Par mi tous les élè v es de V endôme , nous sommes je cr ois, les
seuls qui se sont r etr ouvés au milieu de la car rièr e des ler es,
nous qui cultivions déjà la philosophie à l’âg e où nous ne
de vions cultiv er que le D e viris ! V oici l’ ouv rag e que je faisais
quand nous nous sommes r e v us, et p endant que tu travaillais
à tes b e aux ouv rag es sur la philosophie allemande . Ainsi nous
n’av ons manqué ni l’un ni l’autr e à nos v o cations. T u
épr ouv eras donc sans doute à v oir ici ton nom autant de
plaisir qu’ en a eu à l’y inscrir e .
T on vieux camarade de collég e ,
DE BALZA C.
1840.
du matin, p endant l’hiv er de 1829 à 1830, il se tr
ouvait encor e dans le salon de la vicomtesse de Grandlieu deuxA p er sonnes étrangèr es à sa famille . Un jeune et joli homme
sortit en entendant sonner la p endule . and le br uit de la v oitur e r etentit
dans la cour , la vicomtesse ne v o yant plus que son frèr e et un ami de la
famille qui ache vaient leur piquet, s’avança v er s sa fille qui, deb out de vant
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la cheminé e du salon, semblait e x aminer un g arde-v ue en lithophanie , et
qui é coutait le br uit du cabriolet de manièr e à justifier les craintes de sa
mèr e .
― Camille , si v ous continuez à tenir av e c le jeune comte de Restaud la
conduite que v ous av ez eue ce soir , v ous m’ oblig er ez à ne plus le r e ce v oir .
Écoutez, mon enfant, si v ous av ez confiance en ma tendr esse , laissez-moi
v ous guider dans la vie . A dix-sept ans l’ on ne sait jug er ni de l’av enir , ni
du p assé , ni de certaines considérations so ciales. Je ne v ous ferai qu’une
seule obser vation. Monsieur de Restaud a une mèr e qui mang erait des
millions, une femme mal né e , une demoiselle Goriot qui jadis a fait b e
aucoup p arler d’ elle . Elle s’ est si mal comp orté e av e c son pèr e qu’ elle ne
mérite certes p as d’av oir un si b on fils. Le jeune comte l’ador e et la
soutient av e c une piété filiale digne des plus grands élog es ; il a surtout de
son frèr e et de sa sœur un soin e xtrême . ― elque admirable que soit
cee conduite , ajouta la comtesse d’un air fin, tant que sa mèr e e xistera,
toutes les familles tr embler ont de confier à ce p etit Restaud l’av enir et la
fortune d’une jeune fille .
― J’ai entendu quelques mots qui me donnent envie d’inter v enir entr e
v ous et mademoiselle de Grandlieu, s’é cria l’ami de la famille . ― J’ai g
agné , monsieur le comte , dit-il en s’adr essant à s on adv er sair e . Je v ous
laisse p our courir au se cour s de v otr e niè ce .
― V oilà ce qui s’app elle av oir des or eilles d’av oué , s’é cria la
vicomtesse . Mon cher D er ville , comment av ez-v ous pu entendr e ce que je disais
tout bas à Camille ?
― J’ai compris v os r eg ards, rép ondit D er ville en s’asse yant dans une
b er gèr e au coin de la cheminé e .
L’ oncle se mit à côté de sa niè ce , et madame de Grandlieu prit place
sur une chauffeuse , entr e sa fille et D er ville .
― Il est temps, madame la vicomtesse , que je v ous conte une
histoir e qui v ous fera mo difier le jug ement que v ous p ortez sur la fortune
du comte Er nest de Restaud.
― Une histoir e ! s’é cria Camille . Commencez donc vite , monsieur .
D er ville jeta sur madame de Grandlieu un r eg ard qui lui fit
compr endr e que ce ré cit de vait l’intér esser . La vicomtesse de Grandlieu était
p ar sa fortune et p ar l’antiquité de son nom, une des femmes les plus
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r emar quables du faub our g Saint-Ger main ; et, s’il ne semble p as
natur el qu’un av oué de Paris pût lui p arler si familièr ement et se comp ortât
chez elle d’une manièr e si cavalièr e , il est né anmoins facile d’ e xpliquer
ce phénomène . Madame de Grandlieu, r entré e en France av e c la famille
r o yale , était v enue habiter Paris, où elle n’avait d’ab ord vé cu que de
secour s accordés p ar Louis X V I I I sur les fonds de la Liste Civile , situation
insupp ortable . L’av oué eut l’ o ccasion de dé couv rir quelques vices de for me
dans la v ente que la république avait jadis faite de l’hôtel de Grandlieu,
et prétendit qu’il de vait êtr e r estitué à la vicomtesse . Il entr eprit ce pr
ocès mo y ennant un forfait, et le g agna. Encourag é p ar ce succès, il chicana
si bien je ne sais quel hospice , qu’il en obtint la r estitution de la forêt
de Grandlieu. Puis, il fit encor e r e couv r er quelques actions sur le canal
d’Orlé ans, et certains immeubles assez imp ortants que l’ emp er eur avait
donnés en dot à des établissements publics. Ainsi rétablie p ar l’habileté
du jeune av oué , la fortune de madame de Grandlieu s’était éle vé e à un r
ev enu de soix ante mille francs envir on, lor s de la loi sur l’indemnité qui lui
avait r endu des sommes énor mes. Homme de haute pr obité , savant,
modeste et de b onne comp agnie , cet av oué de vint alor s l’ami de la famille .
oique sa conduite env er s madame de Grandlieu lui eût mérité l’ estime
et la clientèle des meilleur es maisons du faub our g Saint-Ger main, il ne
pr ofitait p as de cee fav eur comme en aurait pu pr ofiter un homme
ambitieux. Il résistait aux offr es de la vicomtesse qui v oulait lui fair e v endr e
sa char g e et le jeter dans la magistratur e , car rièr e où, p ar ses pr ote ctions,
il aurait obtenu le plus rapide avancement. A l’ e x ception de l’hôtel de
Grandlieu, où il p assait quelquefois la soiré e , il n’allait dans le monde
que p our y entr etenir ses r elations. Il était fort heur eux que ses talents
eussent été mis en lumièr e p ar son dé v ouement à madame de Grandlieu,
car il aurait cour u le risque de laisser dép érir son étude . D er ville n’avait
p as une âme d’av oué .
D epuis que le comte Er nest de Restaud s’était intr o duit chez la
vicomtesse , et que D er ville avait dé couv ert la sy mp athie de Camille p our
ce jeune homme , il était de v enu aussi assidu chez madame de Grandlieu
que l’aurait été un dandy de la Chaussé e-d’ Antin nouv ellement admis
dans les cer cles du noble faub our g. elques jour s aup aravant, il s’était
tr ouvé dans un bal auprès de Camille , et lui avait dit en montrant le jeune
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comte : ― Il est dommag e que ce g ar çon-là n’ait p as deux ou tr ois
millions, n’ est-ce p as ?
― Est-ce un malheur ? Je ne le cr ois p as, avait-elle rép ondu. Monsieur
de Restaud a b e aucoup de talent, il est instr uit, et bien v u du ministr e
auprès duquel il a été placé . Je ne doute p as qu’il ne de vienne un homme
très-r emar quable . Ce garçon-là tr ouv era tout autant de fortune qu’il en
v oudra, le jour où il sera p ar v enu au p ouv oir .
― Oui, mais s’il était déjà riche ?
― S’il était riche , dit Camille en r ougissant. Mais toutes les jeunes
p er sonnes qui sont ici se le disputeraient, ajouta-t-elle en montrant les
quadrilles.
― Et alor s, avait rép ondu l’av oué , mademoiselle de