Séparations
212 pages
Français

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Description

Treize nouvelles, écrites à Tours, et dont la plupart évoquent la ville en arrière-plan, déclinent, chaque fois différente, une situation de séparation, de rupture : couples en déliquescence, amants en mal de mots, mère et fils en souffrance ... Explorant ces situations a priori banales, mais qui basculent, peu à peu, dans l'inattendu, ces textes disent l'amertume du bonheur, les amours blessées, les sanglots sans larmes, la difficulté d'être qui fait tout l'être...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 177
EAN13 9782336264981
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Théâtre
Le Verbe et l’hameçon, Editions Pierre-Jean Oswald, Paris, 1977. Le Dépôt des locomotives, Editions Jean-Michel Place, Paris, 1989. L’Insurrection, Cahiers de Radio France, Paris, 1986.
Poésie
Mise en demeure, Editions Pierre-Jean Oswald, Paris, 1975. Atelier des silences, photos de Thierry Cardon, préface d’Yves Bonnefoy, Editions Hesse, Blois, 1997.
Séparations

Michel Diaz
© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo .fr
9782296090484
EAN : 9782296090484
Nous ne vivons que de séparations...
Comme autant de mutilations successives. Même salutaires. D’amputations.
De quelqu’un, de quelque être, ou de quelque chose, qui a fait partie de nous-mêmes, s’est détaché de nous... de quelque chose qui, peut-être bien, n’a jamais été là...
Et chaque fois, plus rien ne sera jamais comme avant. Il nous faut tout recommencer — ou presque. Réapprendre à durer dans un temps où l’absence et ses cicatrices impulsent dans nos souvenirs leur lancinement de membres fantômes.
D’ailleurs, quelque chose manque, toujours, à tout ce que nous essayons de vivre, de dire, d’écrire...
Quelque chose qui nous maintient, perpétuellement, aux limites du désespoir, tandis que tout s’en va, que la vie glisse, indifférente, et s’éloigne de nous.
Quelque chose qui est de la nuit dans la nuit de la blessure d’être. Une absence dont rien, jamais, ne peut nous consoler. Mais un espace en creux d’où convergent tous les chemins qui s’offrent à notre salut pour nous permettre d’avancer, un peu plus loin, vers ce que nous avons à vivre, à dire, ou à écrire... Un peu plus loin, toujours, vers le plus secret de nous-mêmes...
Et que nous n’atteignons que quand nous sommes séparés de tout.
M.D
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright I - N’en parle plus jamais ! II - Mal de mère III - Direct au cœur IV - Lettre de loin V - Haute Loire I VI - Haute Loire II VII - Les eaux épaisses VIII - Ce numéro n’est plus attribué IX - Balade au Mont Mézenc X - A t’entendre, mon cœur se serre XI - La photo de Louise XII - Haute Loire III XIII - Séparation Écritures L’HARMATTAN, ITALIA Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino
I
N’en parle plus jamais !
O n rencontre beaucoup de gens dès que l’on se mêle d’avoir un chien. Des gens auxquels on n’adresserait pas la parole dans les autres situations de la vie. Mais le chien crée des liens. Deux maîtres qui promènent quotidiennement leur animal aux mêmes heures, dans les mêmes lieux, se voient servir sur un plateau un inépuisable sujet de conversation, voire l’occasion de parler bien plus librement qu’avec ceux de leur entourage. De se risquer ainsi à lâcher quelques confidences (l’anonymat en même temps préserve) qui peuvent être les prémices d’une relation d’amitié. Car les premiers mots échangés avec l’Autre, ce total étranger, c’est souvent à nos chiens que nous les devons. Des mots banals, souvent prudents, par lesquels tout commence. Qui permettent parfois que les barrières entre les êtres tombent, que notre cœur s’ouvre à des inconnus, et qu’on s’abandonne à dire des choses qu’en d’autres circonstances on n’aurait jamais formulées. Presque tous les maîtres de chiens vous confirmeraient cette réflexion que j’approuve sans retenue pour en avoir moi-même éprouvé l’absolue pertinence pendant de nombreuses années. Il y a pourtant des rencontres dont on peut accuser le hasard de les avoir jetées en travers de nos routes pour nous empoisonner le sang et nous rendre la vie plus difficile encore... En écrivant cela, je sens monter en moi l’irrépressible tentation d’aller flanquer mon poing sur le nez de ce salopard, de lui tordre les bras dans le dos, de l’empoigner par la tignasse pour lui coller le front contre le sol en lui demandant des excuses ! ... Mais ce serait céder à la colère et à la violence. Après le soulagement relatif que cela me procurerait, je sais que je regretterais de m’être laissé emporter par ces basses pulsions vengeresses. D’autant plus que je suis incurablement pacifique. Ma dernière bagarre doit dater de l’époque où j’étais pensionnaire au lycée de Rouen, en classe de seconde... souvenir convulsif de mon adolescence, qui resurgit à cet instant dans ma mémoire, précis comme un éclair, avec ce vague goût de fer que l’âpreté du corps à corps avait durablement déposé dans ma bouche...
... Aussi devrai-je me calmer si je veux remettre un peu d’ordre dans mon esprit. Reprendre les choses au départ. C’est déjà pour cela qu’hier après-midi, j’ai téléphoné à Jacinthe, une des meilleures amies de Betty, à laquelle j’ai demandé si je pouvais venir chez elle toute affaire cessante. J’aime beaucoup Jacinthe, moi aussi. Elle habite un joli village des bords de Loire, entre Tours et Saumur, à une heure de route environ. C’est une sexagénaire gracile, sensible et cultivée, au visage fin et inquiet, au regard débordant de douceur et de bienveillance. Je savais que je trouverais en elle une oreille attentive et n’attendais d’abord rien d’autre de sa part. Jacinthe est trop respectueuse de la vie d’autrui pour que je songe, un seul instant, à l’impliquer plus que cela dans ce qui nous arrive, à Betty et à moi. J’avais juste besoin de parler à quelqu’un qui la connaît bien et l’estime suffisamment pour pouvoir éventuellement la défendre. Quelqu’un qui soit aussi capable de me dire que je ne suis pas en train de me fabriquer, de toutes pièces, une histoire abracadabrante. Que je ne suis pas tout à fait la victime des farces de mon imagination, ni celle de mon jugement qui, enfumé par les événements, ne me permet plus d’apprécier leur exact degré de malignité... Peut-être était-il temps encore de reprendre les choses en main, de rectifier le tir, de repartir sur de nouvelles bases. Il n’y avait plus un instant à perdre... Oui, essayer en tous les cas d’avoir les idées claires, et m’y atteler tout de suite...
J’ai filé le long de la Loire, sur la route de la levée, en tournant tout cela dans ma tête à m’en faire péter les méninges. Au point qu’au bout d’un certain temps, j’ai coincé ma pipe entre mes mâchoires pour passer la main sur mon front. Il était chaud et moite, comme devait l’être ma paume. Rien que de plus normal en ce jour de juin quasi caniculaire. J’aurais pourtant juré que j’avais de la fièvre, les tempes bouillonnantes, gluantes de sueur, le front carbonisé, mais il n’en était rien, et j’en ai presque été déçu. Lorsque j’étais enfant, mon père s’invitait quelquefois dans ma chambre : il venait vérifier si je faisais bien mes devoirs. En posant la main sur mon crâne, il était capable de deviner, en fonction de son dégagement calorique, si je faisais suffisamment chauffer ma machine à neurones.
— Tu peines sur un texte de Virgile ?... Tu ne dois pas te concentrer beaucoup, ta masse encéphalique est désespérément tiède... D’ailleurs, d’après ce que je lis sur ton brouillon, tu dois être en plein contresens...
D’autres fois, il la retirait brusquement, la secouait en l’air en soufflant sur ses doigts. Puis il tapotait mon épaule :
— Matière grise en pleine ébullition ! ... Tu es bien parti pour écrire la suite de L’Enéide.. .
J’ai chassé ces images de mon esprit pour penser que Betty avait fait un faux pas, et qu’il y avait sûrement de ma faute, mais il me semblait impossible que tout s’arrête comme ça, aussi absurdement. La preuve que je n’ai rien vu venir : il y avait déjà pas mal de temps que j’hésitais à lui parler de mariage. De cérémonie civile, bien sûr. Elle m’avait pourtant maintes fois prévenu :
— Ne me parle jamais de ça ! N’en parle jamais plus ! Rien que de le dire, ce mot me fiche des boutons ! ... L’avoir juste pensé me provoque déjà des démangeaisons ! ...
Ce n’était pas que je tenais spécialement à nous passer la bague au doigt ! Moi, j’ai déjà donné. A deux reprises. D’ailleurs j’y ai laissé pas mal de plumes, et me suis chaque fois très amèrement repenti de m’être laissé ligoté dans les liens incommodes de la conjugalité. Cette fois c’était différent. Il y a presque deux décennies que Betty et moi nous vivons ensemble. J’aurais juré que nous étions comme les cinq doigts de la main. Qu’elle et moi nous nous entendions à la perfection — ou du moins aussi bien que deux individus parviennent à s’entendre. Il y avait bien, quelquefois, un petit accrochage entre nous, une fâcherie de deux ou trois heures, d’un ou deux jours au plus, une imbécile bouderie. Rien de jamais bien grave en tous les cas. Et pour autant qu’il m’en souvienne, jusque à ces derniers temps, pas grand chose n’avait sérieusement cloché dans nos relat

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